Merci, monsieur Piché.
Je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de nous adresser au Comité pour discuter du projet de loi C-10 et de la façon dont il modernise la Loi sur la radiodiffusion.
Avant d'aborder les détails du projet de loi proposé, je voudrais vous parler brièvement de la Loi sur la radiodiffusion et du cadre réglementaire actuel. Il est important de comprendre le système actuel, puisqu'il constitue la pierre d'assise du projet de loi C-10.
Le projet de loi vise à moderniser notre loi à l'ère numérique, mais également à préserver et à renforcer les composantes essentielles de notre système qui nous ont bien servis durant les dernières décennies, notamment l'organisme indépendant de réglementation des communications, nos radiodiffuseurs canadiens, le soutien à la musique et aux histoires canadiennes, ainsi que notre objectif de veiller à ce que les voix diversifiées, y compris celles des Autochtones, soient entendues partout au Canada.
La Loi sur la radiodiffusion est un texte législatif important dans le secteur. Elle définit la radiodiffusion, décrit les objectifs stratégiques qui servent de principes directeurs dans l'élaboration des règlements et établit le mandat et les pouvoirs du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, soit le CRTC. Il est important que le CRTC soit indépendant du gouvernement.
En effet, le CRTC établit les règlements qui gouvernent le secteur médiatique, un secteur qui constitue sans contredit un élément essentiel à l'appui de la liberté d'expression et de l'expression culturelle. Dans une démocratie telle que le Canada, il est important d'établir une distance raisonnable entre le gouvernement et le secteur médiatique. Des pays comme l'Australie, le Royaume-Uni et la France se fient aussi à un organisme de réglementation indépendant pour surveiller le secteur médiatique.
Le CRTC détient également l'expertise et l'expérience pour prendre des décisions réglementaires pointues tout en conciliant de nombreux facteurs dans l'élaboration des politiques. Ce niveau d'indépendance et d'expertise a bien servi les Canadiens.
En définitive, le projet de loi C-10 vise à préserver les rôles du CRTC et du gouvernement: le CRTC aura le mandat de surveiller et de réglementer le système de radiodiffusion, alors que le gouvernement veillera au bon fonctionnement du CRTC.
Le CRTC a appuyé la culture canadienne notamment en s’assurant que les radiodiffuseurs soutiennent la création et la présentation de contenu canadien. Actuellement, l’une des conditions de licence des chaînes télévisées est de dépenser un certain pourcentage de leur revenu annuel en contenu canadien. De plus, les câblodistributeurs et distributeurs par satellite doivent débourser un certain pourcentage de leur revenu en contribution aux fonds de production et à la programmation locale pour appuyer le développement et la production de contenu canadien. Les chaînes de radios privées et la radio par satellite déboursent une partie de leurs revenus annuels pour contribuer aux initiatives de développement de contenu canadien, notamment le contenu musical. Ces contributions totalisaient 3,34 milliards de dollars en 2019.
Cependant, la perturbation due à la concurrence des radiodiffuseurs en ligne menace ce soutien. La concurrence croissante des radiodiffuseurs en ligne entraîne d’ailleurs la diminution des revenus des services traditionnels, qui ont vu leurs recettes chuter de 1,4 % entre 2018 et 2019. Au bout du compte, cette concurrence mènera à un financement réduit pour la musique et la programmation canadiennes.
Les données sur les rendements globaux récemment publiées par le CRTC montrent qu'en 2020, les revenus de radiodiffusion des grands groupes de propriété ont reculé de 7 % par rapport à 2019. Les rendements globaux sont ceux des plus grands radiodiffuseurs et des entreprises intégrées verticalement, mais ils n'incluent pas ceux de diffuseurs plus modestes. Or, comme ils comptent pour la majorité des revenus de l’industrie, on s’attend à ce qu’ils reflètent les tendances générales de l’industrie pour 2020.
Les services de diffusion en ligne ne sont évidemment pas nouveaux au Canada et fonctionnent en parallèle avec les systèmes de radiodiffusion traditionnels depuis de nombreuses années. Leur exploitation au Canada a été rendue possible grâce à un instrument réglementaire appelé l’Ordonnance d’exemption relative aux médias numériques, qui soustrait les radiodiffuseurs en ligne à l'obligation d'avoir une licence pour opérer au Canada et les dispense des obligations imposées aux radiodiffuseurs traditionnels, comme le soutien au contenu canadien.
L’Ordonnance d’exemption relative aux médias numériques a essentiellement permis aux radiodiffuseurs étrangers en ligne de mener leurs activités au Canada à l’extérieur du système de radiodiffusion traditionnel « fermé ». L’ordonnance a été décrétée en 1999 afin de promouvoir la croissance du secteur émergent de la radiodiffusion en ligne. Or, la taille et la viabilité commerciale de ce secteur ont considérablement augmenté depuis cette époque.
Par exemple, en 2011, seulement 10 % des Canadiens étaient abonnés à Netflix; en 2020, cette proportion était passée à 67 %. Les radiodiffuseurs en ligne prospèrent et n’ont plus besoin d’être soustraits à la réglementation. Ils sont bien placés pour soutenir de façon significative la production de musique et d'histoires canadiennes. Le projet de loi C-10 vise donc à regrouper ces acteurs sous un même cadre réglementaire afin d'assurer que tous les radiodiffuseurs fonctionnent selon les mêmes règles.
Il est indéniable que l’ère numérique a apporté de nombreux avantages. Une plus grande quantité de services signifie plus de choix pour les Canadiens et plus de débouchés pour les créateurs et les producteurs. Le projet de loi C-10 ne vise pas à nier ces avantages, mais plutôt à créer une tribune pour les voix canadiennes.
Pour favoriser l'inclusion de la radiodiffusion en ligne dans le cadre réglementaire, le projet de loi C-10 ajoute à la Loi une nouvelle catégorie d'entreprises de radiodiffusion: les entreprises en ligne. Ce changement permettra au CRTC d'exiger que des services tels que Crave, Netflix, Amazon Prime, QUB musique et Spotify contribuent financièrement à la musique et aux histoires canadiennes.
Le ministère du Patrimoine canadien estime que, d'ici 2023, l'inclusion des radiodiffuseurs en ligne pourrait mener à des contributions de 830 millions de dollars au contenu canadien, et ce, chaque année. Or, il ne s'agit pas là d'un objectif. Ultimement, le chiffre final dépendra de la façon dont le CRTC décidera de mettre en œuvre le nouveau cadre réglementaire. Toutefois, cette estimation illustre l'importance du projet de loi C-10 et les résultats concrets qu'il cherche à obtenir pour appuyer les créateurs canadiens.
Certaines discussions concernant le projet de loi C-10 portaient sur le traitement des médias sociaux. Ces plateformes seront assujetties à la réglementation, mais seulement dans la mesure où elles diffusent du contenu commandé ou produit par la plateforme elle-même ou par des entreprises affiliées.
Cependant, les utilisateurs des médias sociaux et le contenu qu'ils publient ne seront pas réglementés. Les médias sociaux constituent une forme d'expression importante pour bien des Canadiens, et, comme M. Piché l'a souligné précédemment, une proposition distincte est en cours d'élaboration pour s'attaquer aux répercussions du contenu préjudiciable publié sur les médias sociaux.
Pour tenir compte de l’inclusion de la radiodiffusion en ligne, nous avons besoin d’une approche renouvelée de la réglementation. Le projet de loi C-10 s’éloigne du système rigide d'octroi de licences et adopte un modèle plus souple fondé sur les « conditions de service ». Ce modèle permettra au CRTC d’exiger des contributions financières de tous les acteurs et de leur imposer d’autres conditions, comme des exigences en matière de découvrabilité et de déclaration de l'information, ainsi que des normes de programmation.
Le CRTC organisera des consultations publiques pour recueillir les commentaires des intervenants et des Canadiens afin d’éclairer ses choix réglementaires. Une fois qu’il aura rassemblé cette information, le CRTC sera en mesure de mettre en place des conditions de service adaptées à chaque radiodiffuseur. Nous voulons éviter une approche trop rigide qui imposerait un fardeau réglementaire indu aux services de diffusion et entraînerait une augmentation des coûts pour les Canadiens.
Enfin, les objectifs de la politique de radiodiffusion sont mis à jour pour faire en sorte que le système de radiodiffusion réponde aux besoins et aux intérêts de tous les Canadiens et reflète leur diversité. Cela signifie qu’il faut s’assurer que les voix canadiennes, y compris celles des créateurs autochtones, des communautés de langue officielle en situation minoritaire, des communautés racisées et ethnoculturelles, des communautés LGBTQ2+ et des personnes handicapées, sont présentes dans nos médias. C’est pourquoi le projet de loi C-10 prévoit un soutien accru à la diversité du contenu canadien et de ses créateurs.
Cependant, le projet de loi C-10 ne prévoit pas de quotas ou de cibles pour soutenir certaines variétés de contenu, comme le contenu de langue française. Les quotas et les cibles risquent de devenir des maximums de facto. Le CRTC est mieux placé en tant qu’organisme de réglementation indépendant et expert pour prendre des décisions sur la meilleure façon de soutenir tous les types de contenu et de les faire évoluer au fil du temps.
Une fois que le projet de loi C-10 aura reçu la sanction royale, le ministre a l’intention de proposer au gouverneur en conseil d’émettre une orientation stratégique à l’intention du CRTC sur la façon dont les nouveaux outils de réglementation accordés par le projet de loi devraient être utilisés. L'exposé technique comprend la description de sept priorités dont il faudra tenir compte à ce chapitre.
Nous savons que le Comité a demandé une ébauche de cette orientation stratégique afin de mieux comprendre concrètement comment ces priorités seront communiquées au CRTC, et nous pouvons lui assurer que nous travaillons à satisfaire cette demande.
Bien qu’il s’agisse d’une étape importante, nous savons que le projet de loi C-10 n'aborde pas toutes les questions relatives au secteur de la radiodiffusion, comme le rôle futur de CBC/Radio-Canada et la structure de gouvernance du CRTC.
Le projet de loi C-10 n'est qu'une première étape pour répondre aux questions les plus criantes en matière de politiques. Il apporte des changements cruciaux qui permettront de veiller à ce que le système de radiodiffusion canadien soit juste et soutienne la musique et les histoires canadiennes pour des années à venir. Nous avons également l'occasion de rendre le système plus accessible et plus inclusif en appuyant les créateurs et les producteurs qui, par le passé, ont été marginalisés. Le projet de loi constitue une révision nécessaire et essentielle de la Loi sur la radiodiffusion du Canada.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions sur le projet de loi.
Thank you, Mr. Piché.
Thank you for the opportunity today to address the committee and discuss Bill C-10 and how it modernizes the Broadcasting Act.
Before diving into the details of the proposed legislation, I would like to briefly tell you about the Broadcasting Act and the current regulatory framework. It is important to understand the current system, because it is the foundation on which Bill C-10 is built.
The bill aims to modernize our legislation for the digital age; but it also aims to preserve and strengthen key elements of our system that have served us well for many decades. These include our independent communications regulator, our Canadian broadcasters, support for Canadian music and storytelling, and the objective of ensuring that diverse voices, including those of Indigenous peoples, are heard across Canada.
The Broadcasting Act is a key piece of legislation for the sector. It defines broadcasting, outlines policy objectives that serve as guiding principles for developing specific regulations, and sets out the mandate and powers of the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission, the CRTC. The CRTC’s independence from government is important.
The CRTC makes rules and regulations that govern the media sector. The sector is obviously central in supporting freedom of expression and fostering cultural expression. In a democracy like Canada, it’s important that there be a healthy distance between the government of the day and the media sector. Countries such as Australia, the United Kingdom and France all rely on an independent regulator to oversee the media sector.
The CRTC also has the expertise and experience to make technical regulatory decisions, while balancing many policy considerations. This independence and expertise have served Canadians well.
Ultimately, Bill C-10 preserves an oversight role for the CRTC and for the government. The CRTC has the mandate to oversee the system on a day-to-day basis, while the government's mandate is to ensure that the CRTC operates as it should.
One way that the CRTC has supported Canadian culture is by ensuring that broadcasters support the creation and presentation of Canadian content. Currently, as a condition of licence, TV programming services are required to spend a percentage of their revenues on Canadian content each year. Cable and satellite companies are required to contribute a percentage of their revenues to production funds and local programming to support the development and production of Canadian content. Commercial radio broadcasters and satellite radio carriers contribute a portion of their annual revenues to support Canadian content development initiatives. These contributions totalled $3.34 billion in 2019.
However, digital disruption and competition from online broadcasters threatens this support. Increasing competition is leading to diminishing revenues, with traditional broadcasting revenues declining by 1.4% from 2018 to 2019. Ultimately, this will lead to less funding for Canadian music and programming.
Compared to 2019, recently released aggregate returns data from the CRTC show a 7% decline in broadcasting revenues for large ownership groups in 2020. Aggregate returns include the largest broadcasters and vertically integrated companies but exclude the smaller companies, and as they represent the majority of industry revenues, they are expected to reflect overall industry trends for 2020.
Streaming services obviously aren't new to Canada and have operated in parallel to the traditional broadcasting system for many years now. Their operation in Canada has been facilitated by a regulatory instrument, the digital media exemption order, which exempts online broadcasters from having to seek a licence to operate in Canada, as well as the obligations placed on traditional broadcasters, such as supporting Canadian content.
The DMEO has essentially allowed foreign online broadcasters to operate in Canada outside of the traditional closed system. The DMEO was originally issued in 1999 to promote the growth of the nascent online broadcasting sector. Since then, the sector has greatly increased in size and commercial viability.
For example, in 2011, only 10% of Canadians subscribed to Netflix. By 2020, this had increased to 67% of Canadians. Online broadcasters are now thriving and no longer need to be shielded from regulation. They are well positioned to make an important and meaningful contribution to supporting Canadian music and storytelling. Bill C-10 aims to bring them into the regulatory framework, so that all broadcasters operate on a level playing field.
There's no denying that the digital age has brought many benefits. More services provide more choice for Canadians and more opportunities for creators and producers. Bill C-10 isn't about denying these benefits, but rather about carving out a space for Canadian voices.
To facilitate the inclusion of online broadcasting in the regulatory framework, Bill C-10 adds a new category of broadcasting undertaking to the Act: online broadcasters. This change will ensure that the CRTC can require services such as Crave, Netflix, Amazon Prime, QUB Musique and Spotify to contribute to Canadian stories and music.
Canadian Heritage estimates that, by 2023, the inclusion of online broadcasters could lead to contributions of $830 million annually to Canadian content. This is not a target, and ultimately the final figure will depend on how the CRTC decides to implement the new regulatory framework. Nevertheless, this estimate illustrates the significant and tangible results that Bill C-10 seeks to achieve for Canadian creators.
Some of the discussion regarding Bill C-10 has focused on the Bill’s treatment of social media platforms. These platforms will be subject to regulation, but only in so far as they display content commissioned by the platform itself, or its affiliates.
However, the users of social media platforms and content posted by these users will not be regulated. Social media is an important form of expression for many Canadians, and, as Mr. Piché noted, a separate proposal is being developed to address the impacts of harmful content posted to social media.
To account for the inclusion of online broadcasters, we need a renewed approach to regulation. Bill C-10 shifts away from relying on the rigid system of licensing to a more flexible conditions of service model. This model will allow the CRTC to seek financial contributions from all players and to impose other conditions, such as discoverability requirements, programming standards and information reporting requirements.
The CRTC will hold public processes seeking input from stakeholders and Canadians in order to inform its regulatory choices. Once it has gathered this information, the CRTC will be able to tailor conditions of service to specific broadcasters. We want to avoid an overly rigid approach that results in an undue regulatory burden on broadcasting services and increased costs for Canadians.
Lastly, the broadcasting policy objectives are being updated to ensure that the broadcasting system serves the needs and interests of all Canadians in their diversity. This means ensuring that Canadian voices, including indigenous creators, official language minority communities, racialized and ethnocultural communities, LGBTQ2+ communities and persons with disabilities, are present in the media we consume. That's why Bill C-10 includes stronger support for diverse Canadian content and its creators.
However, Bill C-10 does not include quotas or targets for supporting certain varieties of content such as French-language content. Quotas and targets risk becoming de facto maximums. The CRTC is better placed as the independent and expert regulator to make decisions on how to best support all types of content and to have it evolve over time.
After Bill C-10 receives royal assent, the minister intends to propose to the Governor in Council to issue a policy direction to the CRTC on how the new regulatory tools granted in the bill should be used. Seven priorities are sketched out in the technical briefing presentation.
We know that the committee has requested a draft copy of the policy direction to better understand concretely how these priorities would be communicated to the CRTC and we are working to fulfill this request.
While an important step, we know that Bill C-10 doesn't address all of the issues in the broadcasting sector, such as the future role of CBC/Radio-Canada and the governance structure of the CRTC.
Bill C-10 is intended as a first step on the most pressing policy issues. It makes critical changes that will ensure that Canada's broadcasting system is fair and that it will sustain Canadian music and storytelling into the future. We also have an opportunity to make the system more accessible as well as more inclusive by supporting creators and producers who historically have been marginalized. This bill provides a much-needed update to Canada's Broadcasting Act.
We would now welcome your questions on the bill.