Monsieur le Président, je suis très fier d'être ici comme porte-parole des gens de Timmins—Baie James.
Nous vivons actuellement une crise économique et médicale sans pareil. La pandémie a bouleversé notre économie. Ce matin, le gouvernement libéral a déclaré son intention de plonger le Canada en campagne électorale, pour éviter les questions sur le scandale UNIS et la famille du premier ministre. Ce n'est pas acceptable. Le gouvernement doit mettre fin au blocage des comités et collaborer avec les autres partis pour expliquer aux Canadiens le scandale UNIS. C'est pour cette raison que je suis ici.
J'aimerais lire une citation:
Monsieur le Président, voilà où nous en sommes. Pour faire leur travail et prendre des décisions éclairées […], les députés doivent se battre contre les conservateurs en comité afin que ceux-ci livrent, à leur corps défendant, les renseignements pertinents. Je leur rappelle qu'ils ont une échéance à respecter aujourd'hui.
Qui a fait cette affirmation? C'est le premier ministre, en 2011. Les députés se souviennent-ils de cet homme? Il était ouvert par défaut. C'est lui qui a dit aux Canadiens que son gouvernement serait celui de la transparence. C'était à l'époque où le premier ministre était le porte-parole du Parti libéral en matière de jeunesse. Il a avoué que lorsqu'il remplissait ce rôle, il avait un emploi secondaire où il se faisait payer des sommes énormes pour parler à des jeunes dans le cadre de ses activités privées.
C’était fascinant quand le premier ministre a dû expliquer combien d’argent il avait gagné avec son petit boulot parallèle, alors qu’il était député. Il a dit qu’il avait prononcé environ 28 discours. J'avais trouvé quand même extraordinaire qu’il se fasse payer 10 000 $ pour s’adresser à des jeunes alors que tous les députés le font gratuitement parce qu'ils estiment que cela fait partie du travail. Or, nous avons appris hier, en lisant les documents qui ont été divulgués, que le premier ministre n’a pas prononcé 28 discours pour lesquels il a été payé, mais qu’il en a plutôt prononcé 128. Nous l’avons découvert hier parce que le gouvernement a été obligé de nous communiquer ces documents.
Nous sommes ici parce que toute une série de décisions prises au Cabinet par des politiciens libéraux de premier plan ont fait oublier l’excellent travail et la bonne volonté qui avaient caractérisé les mesures prises lors de la première vague de la pandémie. Je me souviens de ces terribles journées de mars, quand nous ne savions pas ce qui se passait et que nos bureaux recevaient des appels de Canadiens qui étaient bloqués à l’étranger et qui voulaient rentrer chez eux. Nous tentions de répondre aux questions sur la COVID, et chaque matin, le premier ministre se tenait devant sa maison pour rassurer les Canadiens. Chez moi, tous les matins, nous interrompions nos activités pour écouter le premier ministre. J’étais très fier que nous fassions preuve d'une telle unité dans l’adversité.
Je me souviens de la conférence de presse du 8 avril, lorsque le premier ministre a réagi aux pressions des néo-démocrates pour qu’il s’attaque aux problèmes des étudiants d’universités. Les étudiants postsecondaires font face à un endettement considérable, après toutes ces années d’indifférence des gouvernements libéral et conservateur. Ils ont fait des emprunts importants pour payer leurs frais universitaires. Ils savaient qu’ils ne trouveraient pas d’emploi cet été et ils craignaient de ne pas pouvoir poursuivre leurs études.
N’oublions pas ce que certains médias conservateurs ont dit à ce sujet. Ils se sont demandé si on allait payer des étudiants pour qu’ils puissent se prélasser dans un hamac et fumer du pot pendant tout l’été. Quel manque de respect pour les étudiants qui finissent l’université avec une dette de 50 000 à 100 000 $!
Nous avons donc poussé le premier ministre à prendre des mesures, et le 8 avril, il a annoncé très clairement qu’il allait présenter un plan d’aide pour les étudiants. C’était une promesse, mais quelque chose s’est passé entre le 8 et le 22 avril, et le premier ministre et ses collaborateurs ont décidé qu’au lieu d’aider tous les étudiants universitaires du pays, ils allaient plutôt aider leurs petits copains, les frères Kielburger. Je dis cela parce que, lorsque le scandale a éclaté et qu’il est devenu évident que l’argent qui devait aller aux étudiants était détourné vers des gens qui avaient des liens financiers étroits avec la famille du premier ministre, les Canadiens de partout au pays ont regimbé.
Qu’a fait le premier ministre? Il a repris cet argent. Cet argent n’a jamais été débloqué. Il ne l’a jamais distribué aux étudiants, qui en ont pourtant grand besoin.
On nous dit aujourd’hui qu’après avoir prorogé le Parlement, mis fin aux travaux de nos comités et entravé le travail des comités de l’éthique et des finances pendant deux semaines, les libéraux sont maintenant prêts à déclencher des élections. Nous traversons la pire crise sanitaire et économique que nous ayons jamais connue depuis un siècle. La seconde vague de la pandémie s’avère beaucoup plus grave que la première. Notre insécurité économique est bien plus grande aujourd’hui, et malgré cela, le premier ministre est prêt à plonger le pays dans l’incertitude d’une élection générale. Nous savons pourtant que la propagation de la pandémie risque de s’accélérer considérablement avec le porte-à-porte, les isoloirs, et toutes les autres activités associées à des élections démocratiques, sans compter que le Canada se retrouverait alors sans gouvernement pendant trois mois.
Pourquoi tout cela? Pour éviter de devoir répondre aux questions sur le scandale UNIS.
Nous sommes ici ce matin parce que les conservateurs ont présenté leur offre. Nous avions dit au gouvernement que nous avions besoin de nous pencher sur le dossier, que le gouvernement ne pouvait pas continuer d’éluder les questions sur le scandale UNIS et sur les dépenses injustifiées, que nous avions besoin d’explications et qu’il ne fallait pas que nos comités soient prorogés ou entravés dans leur travail. Nous lui avons demandé en toute bonne foi de mettre sur pied un comité qui serait chargé de cette affaire, ce qui permettrait au comité des finances, au comité de la procédure et au comité de l’éthique de faire leur travail. Les députés peuvent me croire, j’aimerais bien siéger au comité de l’éthique pour parler de l'importance de prendre des mesures législatives pour encadrer les technologies de reconnaissance faciale.
Nous avons donc proposé aux libéraux de mettre sur pied un nouveau comité. Ils nous ont répondu qu’ils allaient en créer un, mais qui serait présidé par un libéral et dominé par les libéraux. Autrement dit, les libéraux pourraient faire ce qu’ils font dans tous les autres comités qui ne leur plaisent pas: entraver leur travail avant de mettre fin à leurs activités. Pas question que cela se produise.
Aujourd’hui les conservateurs ont présenté leur motion contre la corruption. Comme d’habitude, les conservateurs ne sont pas fichus de présenter une motion qui soit acceptable pour les Canadiens. Non seulement ils l’ont baptisée motion anticorruption — et ils vont maintenant faire marche arrière —, mais ils y mentionnent les noms de personnes qui n’ont jamais été reconnues coupables de corruption. Frank Baylis, un ancien député, a siégé avec moi au comité de l’éthique. Je connais bien Frank. J’ignore tout de son entreprise et j’ignore s’il a fait quoi que ce soit de répréhensible. Ce n’est pas à moi de le dire. Il n’empêche que je suis très mal à l’aise lorsque je vois qu’on a mentionné des noms simplement parce que ce sont des libéraux. On devrait s'élever au-dessus de cela. Les conservateurs ont présenté une motion, une motion très importante. Il faut que ce travail-là se fasse.
Évidemment, il y a en fait une troisième option, proposée par les néo-démocrates. Il s’agit de ramener, entre ces deux vieux partis, un sens des responsabilités en pleine pandémie, autrement dit, que nous ayons un comité en mesure de demander des documents. C’est tout le contraire de ce que soutient le leader à la Chambre, qui a déclaré que demander des documents en pleine pandémie ferait courir des risques à des milliers de fonctionnaires. Incroyable. J’ai entendu bien des énormités au fil des années à la Chambre des communes, mais celle-ci entre au palmarès de mes 10 préférées: le droit des parlementaires d’obtenir des documents mettrait en péril non pas des centaines, mais des milliers de personnes. Nous disons non. Un autre comité, s’il est créé, doit avoir le droit d’obtenir des documents.
Nous convenons qu’il est quelque peu ridicule de la part des conservateurs d’exiger que tous les documents soient produits dans un délai de 12, 15 ou 20 heures. Un comité peut décider de ce qui est raisonnable. Nous avons également dit qu’étant donné le fait que nous avons vu, dans l’affaire SNC-Lavalin, comment le président libéral a réussi à boucler le comité, nous ne pouvons pas faire confiance à un président de comité libéral.
Je vois bien que les conservateurs se méfient du député de Carleton qui préside souvent son propre comité. Ils ne veulent probablement pas de cela non plus. Confions donc la présidence à l’opposition et votons à ce sujet. Désignons quelqu’un en qui tous les partis voient un bon président de l’opposition, solide, pour le comité. Nous saurions ainsi qu’il nous sera possible de faire ce qu’il faut. Il s’agit de travailler ensemble. Voilà l’offre qui est sur la table.
En ce qui concerne les documents, nous avons plusieurs propositions. Par exemple, au comité de l’éthique, j’ai présenté une motion d’amendement au député de Leeds-Grenville-Thousand Islands et Rideau Lakes. Nous avons dit que nous comprenons que le premier ministre a fixé une limite à ne pas franchir au sujet de sa famille, et du fait que le groupe UNIS payait Margaret et Sacha Trudeau.
Nous savons qu’ils ont été payés. Faut-il s’en étonner? On nous a dit qu’ils ne l’avaient pas été. C’était faux. Le groupe UNIS a demandé aux Kielburger si la famille Trudeau était payée et ils lui ont répondu que non. Nous devons nous demander ce qui se passait dans l’organisme UNIS pour que le conseil d’administration essaie de savoir si Margaret et Sacha Trudeau étaient payés et qu’on lui réponde faussement qu’ils ne l’étaient pas. Après nous avoir dit qu’ils n’avaient rien reçu, on nous a appris qu’ils avaient touché des sommes extraordinaires. C’est un élément fondamental par rapport à la question générale du conflit d’intérêts dans lequel se trouverait le premier ministre, parce que les députés libéraux ont tout fait pour arriver à faire dire à la Loi sur les conflits d’intérêts que les membres de la famille, comme une mère ou un frère, ne sont en aucune manière considérés comme des parents en droit canadien. Il fallait l’oser, parce qu’il est très clair à l’article 3, et dans les définitions de la famille et des parents, qu’il s’agit de parents.
Pourquoi est-ce important? Parce qu’aux termes de l’article 5 de la Loi sur les conflits d’intérêts, il incombe au premier ministre de gérer sa vie privée de manière à ne pas se trouver en situation de conflit d’intérêts.
J’invite mes collègues à lire le premier rapport Trudeau. Ce sont les relations des membres de la famille avec l’Aga Khan, pas celles du premier ministre, qui ont mené à la déclaration de culpabilité du premier ministre. Les relations familiales du premier ministre avec UNIS sont très importantes.
Est-ce que cela veut dire que le premier ministre était au courant des honoraires versés aux membres de sa famille? Je ne le pense pas. Je ne crois pas que nous puissions franchir ce pas, mais nous pouvons dire que nous avons de très fortes présomptions qu’une fois que le premier ministre a pris ses fonctions à la tête de ce pays, l'organisme UNIS a très bien su se frayer un chemin dans les rangs libéraux en embauchant sa mère et son frère. Les Kielburger nous ont dit qu’ils n’étaient pas payés pour prendre la parole en public, mais pour des événements qu’ils qualifient d’accessoires. La question est sérieuse, tout comme la façon dont le groupe Kielburger a su manœuvrer en invitant toutes sortes de ministres libéraux à participer à ses activités et, une fois que les problèmes arrivent, faire appel à ces mêmes personnes qui avaient parlé lors d'événements d’UNIS pour obtenir un traitement de faveur.
Cela dit, nous savons que Margaret Trudeau et Sacha Trudeau ont été payés. Selon moi, là n’est pas le nœud du problème. Le gouvernement a déjà remis tout un tas de documents sur les paiements. Nous les avons. Qu’ils aient été payés 27 ou 28 fois, peu m’importe. Ce qui est important, c’est la question du lobbying. Laissons donc cela de côté. C’est ce que nous avons dit au comité de l’éthique. Nous étions parfaitement prêts à dire de laisser la famille tranquille et de se concentrer sur le premier ministre. C’est alors que les libéraux ont parlé pendant des heures. Je ne sais vraiment pas quelle est leur stratégie la moitié du temps parce que nous aurions pu faire adopter cette motion.
La question des documents est réellement importante. Les députés conservateurs exigent des documents et disent qu’ils n’en ont pas assez. Nous avons 5 000 pages de documents. Le député de Carleton est entré, les a balancés dans toute la salle et est ressorti. C’est tellement de pages de documents que les conservateurs ont créé un site Web et demandé au public d’en faire une lecture participative pour eux.
Les conservateurs sont-ils vraiment sérieux? Soit nous lisons ces documents et nous les prenons au sérieux, soit nous ne le faisons pas.
Alors que les conservateurs ont balancé les documents dans toute la salle avant de sortir bruyamment et de demander l’aide du public pour les lire, nous avons pris le temps de les lire. Ces documents soulèvent de graves questions parce qu’ils contredisent manifestement la position du gouvernement, qui rejette sans cesse la faute sur la fonction publique. Il le fait encore. Il essaie de faire croire que c’était l’idée de la fonction publique, de la fonction publique professionnelle et impartiale. La ministre de la Jeunesse a déclaré 23 fois en une heure que la fonction publique professionnelle et impartiale avait proposé UNIS. Les libéraux ont déclaré que c’est la fonction publique professionnelle et impartiale qui a censuré ces documents. Ce n’est pas vrai. La censure s’est faite au Cabinet du premier ministre.
Que nous montrent les documents? Ils nous montrent que ce n’est pas la fonction publique qui a eu cette idée. Cette idée a été formulée lors d'une réunion le 17 avril avec la ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, les Kielburger et la directrice des relations gouvernementales d’UNIS, Mme Sofia Marquez.
UNIS ne s’est pas inscrit au registre des lobbyistes, mais il a une directrice des relations avec le gouvernement. En fait, l’organisme a eu plus de rencontres avec des représentants du gouvernement que General Motors. C’est quand même un exploit pour deux jeunes idéalistes de Thornhill, puisque c’est ainsi qu’ils se présentent. Les relations avec le gouvernement leur prenaient tellement de temps qu’ils envisageaient de recruter, en plus de la directrice, un gestionnaire des relations avec le gouvernement, et rien de tout cela n’était inscrit au registre des lobbyistes.
Pourquoi est-ce important? Parce que la Loi sur le lobbying nous permet de savoir quelles rencontres il y a eu. Elle nous permet de savoir qui connaît les rouages du gouvernement. Et les Kielburger connaissaient tellement bien ces rouages qu’ils n’ont même pas pris la peine de s’inscrire dans le registre des lobbyistes, ils avaient une ligne directe avec les principaux ministres!
Ils avaient l’oreille de la ministre de la Diversité et de la Jeunesse, qu’ils ont invitée à l’une de leurs Journées UNIS où elle a prononcé un discours et a été reçue comme une reine. Quand ils se sont retrouvés en pleine débâcle financière, ils l’ont appelée et ont eu avec elle une réunion spéciale le 17 avril. Lors de la première réunion du comité des finances, mon collègue conservateur a demandé à la ministre si elle avait discuté avec des représentants d’UNIS avant la décision du gouvernement. Elle a répondu qu’elle n’avait discuté du programme d’engagement des jeunes avec aucun représentant d’UNIS. Très naïvement, nous pensions que c’était la vérité. Nous avons découvert quatre jours plus tard qu’elle avait eu avec eux cette réunion du 17 avril, et nous l’avons donc convoquée devant le comité de l’éthique pour en avoir le cœur net. Elle nous a répété qu’elle n’avait jamais discuté du programme d’engagement des jeunes. Pourquoi? Parce que le programme n’existait pas encore. Il a été annoncé le 22 avril.
Elle nous a dit qu’elle n’avait jamais parlé du contenu de ce programme à quiconque, mais ce n’est pas ce que nous avons appris des documents concernant Craig Kielburger. Ce n’est pas ce que nous avons appris de Sofia Marquez. Craig Kielburger a écrit au premier ministre pour lui dire que « Nous vous remercions de nous avoir mis en contact avec les ministres pertinents de votre Cabinet […] Pendant la fin de semaine, notre équipe a travaillé d’arrache-pied pour adapter vos suggestions en vue d’une deuxième proposition de bénévolat pendant l’été ». Cette ministre est toujours au Cabinet malgré ses fausses déclarations.
Le matin du 19 avril, deux jours après la rencontre, Rachel Wernick, la fonctionnaire qui est à l’origine de l’idée que les libéraux ne cesseront de lui reprocher par la suite, a envoyé un courriel à Craig Kielburger pour lui proposer une réunion d’urgence, car c’est ce qu’on lui avait dit de faire.
Le 20 avril, des proches collaborateurs de Bill Morneau interviennent. Voilà un homme qui occupait l’un des postes les plus importants au Canada, mais qui n’a jamais pris la peine de lire la Loi sur les conflits d’intérêts. Et il se demande pourquoi il a perdu son emploi! Je lui ai demandé s’il avait lu la Loi sur les conflits d’intérêts, puisqu’il avait été reconnu coupable, et il m’a répondu, en haussant les épaules, qu’on lui avait donné beaucoup de documents. C’est parce que les libéraux n’ont pas pris cette question au sérieux qu’ils se trouvent aujourd’hui dans de beaux draps.
Nous en sommes là aujourd'hui parce que les libéraux ont franchi une autre étape afin d'éviter d'avoir à rendre des comptes. Nous leur avons offert notre collaboration, et nous avons proposé de mettre sur pied un comité, et ce travail-là va se poursuivre. Nous ferons tout le nécessaire. Si les libéraux décident de nous mettre des bâtons dans les roues, nous continuerons à travailler au sein des comités où nous exerçons un certain contrôle, car les Canadiens ont besoin d'une explication. La population canadienne mérite mieux que la menace du gouvernement de déclencher des élections visant à aider le premier ministre à se soustraire à ses responsabilités.