Monsieur le Président, je suis heureux d’avoir l’occasion aujourd’hui de débattre de cette motion de l’opposition présentée par le député de La Prairie. C’est un débat très important et j’ai écouté attentivement ce que les députés de tous les partis avaient à dire à ce sujet.
Je dois admettre que je suis perplexe, comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises aujourd’hui. Bien que je sois tout à fait dans le camp de ceux qui ne veulent pas d’élections pendant une pandémie, je m’inquiète de la manière dont cette motion est présentée par le Bloc québécois. En effet, il y a seulement deux jours, pendant la période des questions, le député de Beloeil—Chambly, chef du Bloc québécois, a répondu à une question du premier ministre en disant qu’il n’avait pas peur des élections et qu’il pouvait bien en déclencher.
Les conservateurs et les bloquistes semblent être surpris qu'on puisse vouloir se préparer à d'éventuelles élections, qui pourraient pourtant facilement être déclenchées par l’opposition. Cela semble les déconcerter, mais le chef du Bloc québécois dit que les élections peuvent venir. C’est ce qu’il a dit pendant la période des questions. Lorsque le chef du Bloc québécois, un parti qui est souvent mis en position d’être le parti qui décide s’il faut ou non avoir des élections, fait de tels commentaires, on a grand besoin d’être bien préparé et d’adopter une mesure législative comme celle qui est présentée dans le projet de loi C-19.
Je trouve également très intéressant que le Bloc québécois ait parlé de consensus au sujet du projet de loi C-19. Au Canada, pour modifier les lois, il doit y avoir consensus. Les bloquistes l’ont mentionné à maintes reprises aujourd’hui, mais c’est extrêmement hypocrite.
Une autre chose qui repose énormément sur le consensus à la Chambre est la modification du Règlement. Pour ceux qui l’ignorent, lorsque nous modifions le Règlement, c’est-à-dire les règles qui régissent la façon dont nous menons le débat à la Chambre, la façon dont nous nous conduisons et la façon dont nous suivons les procédures, il faut habituellement parvenir à un consensus. Or, il y a un an à peine, le Bloc québécois a fait équipe avec les conservateurs, le NPD, les députés verts et probablement les indépendants de l’époque pour modifier le Règlement et changer le nombre de journées accordées à l’opposition.
Les bloquistes viennent ici dire que le projet de loi C-19 exige absolument l'atteinte d'un consensus, et ce, de tous les partis. Cependant, leurs actions il y a un an, lorsqu’il s’agissait de modifier le Règlement, indiquaient que le consensus n’était pas nécessaire, puisqu’ils avaient la majorité. Les règles pouvaient simplement être modifiées avec la majorité. Je trouve extrêmement hypocrite que le Bloc vienne maintenant prêcher pour le consensus.
Bien sûr, en réponse à cette critique, on avance, comme je l’ai déjà entendu, que les règles n’étaient modifiées que temporairement pour ajouter trois jours. Elles n’étaient pas modifiées indéfiniment. Devinez quoi? Le projet de loi C-19 n’est qu’un projet de loi temporaire. Il mettrait temporairement en place des règles temporaires au cas où des élections seraient déclenchées.
Le Bloc québécois doit vraiment s'expliquer. Quelqu’un doit se lever et m’expliquer la différence entre un consensus sur le projet de loi C-19 et un consensus sur le Règlement. De mon point de vue, la seule différence est l’opinion du Bloc québécois sur la question et le résultat qu’il souhaite obtenir. Nous avons besoin que des mesures très importantes soient en place en situation de gouvernement minoritaire, au cas où des élections seraient déclenchées, puisque les gens changent d’avis tout le temps.
Les conservateurs disent maintenant qu’ils ne veulent pas d’élections, mais j’ai siégé cinq ans à la Chambre alors que les conservateurs disaient qu’ils ne voulaient pas de tarification du carbone. Devinez quoi? Ils ont changé d’avis sur le sujet. Qui peut affirmer qu’ils ne changeront pas d’avis à propos des élections? Au cas où les conservateurs diraient soudainement qu’ils ont changé d’avis, comme ils l’ont fait sur la tarification du carbone, et qu’ils veulent maintenant la tenue d'élections, peut-être devrions-nous adopter des mesures qui indiqueraient au directeur général des élections comment organiser ces élections. C'est uniquement ce que ferait le projet de loi C-19.
Des députés disent qu’il s’agit d’un changement permanent de notre processus électoral. J’ai entendu des conservateurs dire les uns après les autres que nous changeons la façon dont les Canadiens votent. Ils avancent aussi d’autres affirmations trompeuses, par exemple que nous pourrions compter les bulletins de vote jusqu’au lendemain des élections, ce qui est totalement faux. Une exception mineure insérée dans la loi stipule que si une élection a lieu un lundi férié où le courrier n’est pas livré, il faudra envisager de compter ces bulletins le mardi matin, car ils n’auraient pas été livrés le lundi. Or, les conservateurs parlent d’un changement radical dans la façon dont nous organisons les élections et comptons les bulletins de vote, et disent que nous allons compter les bulletins de vote le lendemain de l’élection.
Pensons aux possibilités que la situation se présente. Il n’y a qu’un nombre limité de lundis fériés dans l’année, et si cela se produisait, ce serait uniquement parce que le courrier n’a pas été livré. Cependant, un problème plus profond se pose ici. Lorsque les gens commencent à faire des commentaires de ce genre, lorsqu’ils commencent à parler de compter les bulletins de vote après coup, le doute commence alors à s'insinuer dans l’esprit des Canadiens quant à l’intégrité des élections. Avons-nous vu cela ailleurs récemment? Je pense que oui. Il n’y a pas si longtemps, nos voisins du Sud ont eu un chef qui a semé le doute pendant des mois. Je pense que les députés feraient bien d’être très prudents lorsqu’il s’agit de semer le doute sur le processus électoral.
Il faut être clair et précis. Si les députés ont un problème avec le fait que, dans certaines circonstances, par exemple si le lundi est férié, les bulletins devront être dépouillés le mardi, ils devraient le préciser. Il ne faut pas se contenter de dire que tous les bulletins seront comptés plus tard. C’est une chose qui peut être discutée en comité pour voir comment il est possible de préciser les choses, mais les députés ne devraient pas semer délibérément des doutes dans la population canadienne. Je dois dire que je suis un peu sceptique là-dessus, car lorsque le comité de la procédure a étudié la question, le printemps dernier, j’en faisais partie et je me souviens qu’à l’époque, les députés conservateurs qui étaient membres du comité s’employaient justement à semer délibérément des doutes. J’invite les députés à relire l’article de David Akin, qui a suivi les réunions du comité, où il disait précisément que les conservateurs s’employaient à semer des doutes sur la validité des bulletins de vote par correspondance.
Le projet de loi C-19 propose essentiellement des mesures temporaires, juste au cas où. J’ai aussi entendu de nombreux députés, notamment la députée de Calgary Nose Hill, dire que les libéraux étaient les seuls qui pensaient à des élections. J’invite les députés à consulter les comptes Twitter et Facebook du Parti libéral et du Parti conservateur pour voir lequel des deux parle le plus d’élections. Justement, les conservateurs ont envoyé un gazouillis pas plus tard qu’hier. Comme s’ils n’avaient pas d’autre filon à exploiter, ils ont publié un gazouillis d’un mème sur lequel figuraient deux images. Celle du dessus représentait des gens qui dansaient au soleil avec, en surplomb, le message « un été avec une dose ».
Celle du dessous représentait un homme d’âge mûr, alité et portant un masque à oxygène, avec pour légende: « l’été de Trudeau ». C’est la citation exacte. Ou peut-être pas, qu'on me corrige si je me trompe.
Quoi qu’il en soit, c’est ce que disait le mème. Dans ces conditions, qui est-ce qui parle d’élections? Qui est-ce qui essaie de se faire du capital politique? Pour le savoir, il suffit d’aller sur les comptes de médias sociaux des deux partis politiques.
D’un côté, nous avons le Parti conservateur qui balance des gazouillis motivés par des considérations politiques, et de l’autre, nous avons le Bloc Québécois, dont le chef a dit dans cette Chambre, il y a deux jours, pendant la période des questions, « qu’ils y viennent », en parlant des libéraux et de la possibilité d'élections. Ensuite, les députés de l’opposition font semblant de ne pas comprendre pourquoi nous voulons nous préparer avec le projet de loi C-19. Ce ne devrait être un mystère pour personne.
Et si cela ne suffit pas à convaincre les Canadiens, j’ajoute qu’à 14 reprises, les conservateurs et les bloquistes ont refusé leur confiance au gouvernement. Ça s’est passé le 8 mars, avec le projet de loi C-14; le 25 mars, avec une motion d’adoption du budget supplémentaire des dépenses; le 25 mars, avec le projet de loi C-26, aux étapes de la deuxième lecture, du rapport et de la troisième lecture; le 25 mars, avec une motion d’adoption des crédits provisoires; le 25 mars, avec le projet de loi C-27, d’autres crédits provisoires. Dans tous les cas, il s’agissait de votes de confiance. Le 15 avril, c’était l’énoncé économique de l’automne, le projet de loi C-14; le 21 avril, la motion sur le budget; le 22 avril, l’amendement de la motion sur le budget; le 26 avril, une autre motion sur le budget; le 30 avril, la motion demandant l'autorisation de présenter la loi d’exécution du budget. Bref, les députés de l’opposition votent contre le gouvernement, montrant qu'ils ne lui font pas confiance.
Je salue le député d’Elmwood—Transcona, qui a dit tout à l’heure qu’il était nécessaire que quelqu’un collabore avec le gouvernement. Je salue le NPD, qui est capable de travailler avec le gouvernement, de temps à autre. Au début, cela arrivait de temps en temps, avec le Bloc aussi, mais aujourd’hui, cela n’arrive plus du tout, quoique le NPD le fait encore dans une certaine mesure.
Je sais que mon temps de parole est presque écoulé, mais j’aimerais dire encore une chose au sujet de cette motion. Le deuxième « objet » de cette motion est le suivant:
[d]e l’avis de la Chambre, tenir des élections en temps de pandémie serait irresponsable, et qu’il est de la responsabilité du gouvernement de tout mettre en œuvre pour éviter que les électeurs soient appelés aux urnes tant et aussi longtemps que durera cette pandémie.
Je suis d'accord. En fait, je suis d'accord avec ce que dit la motion, dans l'ensemble. Je ne crois toutefois pas que la responsabilité d'éviter une élection revienne seulement au gouvernement. Elle revient à l'ensemble du Parlement, selon moi. Le gouvernement doit évidemment faire tout ce qui est humainement possible pour éviter une élection, mais l'opposition doit en faire autant. L'opposition joue un rôle clé dans un contexte de gouvernement minoritaire. Elle pourrait très facilement défaire le gouvernement, comme je l'ai répété dans mon discours. Il m'apparaît important que le texte de la motion tienne compte du fait que l'opposition a un rôle à jouer.
C'est pourquoi je souhaite proposer un amendement à la motion de l'opposition présentée par le député de La Prairie. J'espère qu'il aura l'appui de la Chambre. Je le propose avec l'appui de la députée de Kanata—Carleton.
Je propose que la motion soit modifiée par l'ajout, après les mots « responsabilité du gouvernement », des mots « et des partis de l'opposition ».