Madame la Présidente, je suis heureux d’avoir enfin l’occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-19, même si c'est sous le signe de l’attribution de temps. J’aborderai dans un instant certains aspects du projet de loi que je juge valables et un certain nombre de dispositions qui, à mon avis, devraient être modifiées par le comité, mais je vais commencer par un certain nombre de problèmes de fond qui expliquent les défauts de gestion de ce projet de loi depuis sa création, à l’instar de bien d’autres mesures législatives présentées au cours de la présente législature.
Le cœur du problème n’est pas la pandémie de COVID. Le cœur du problème, c’est l’arrogance du gouvernement actuel dans sa façon de recourir à quasiment toutes les pratiques et manœuvres possibles, comme s’il avait obtenu la majorité en 2019. Les libéraux refusent de reconnaître l’éventail des réalités, mais ils se refusent surtout à faire preuve de l’humilité pragmatique dont un gouvernement minoritaire doit faire preuve pour gouverner efficacement. Le gouvernement libéral actuel, comme au cours de la dernière législature, n’a pas tenu compte des études, des rapports et des recommandations des comités dans la préparation de mesures législatives portant sur des questions d’une importance cruciale, comme la protection de la vie privée, les affaires étrangères, la charte du numérique, la réglementation d’Internet, l’aide médicale à mourir, et maintenant, le projet de loi C-19, qui modifie provisoirement la Loi électorale du Canada en vue d’une éventuelle élection générale dans le cadre de cette pandémie, une pandémie qui durera beaucoup plus longtemps en raison de l’incapacité de ce gouvernement à se procurer suffisamment de vaccins et à écouter les conseils des conservateurs au début de la pandémie et à toutes les étapes depuis.
Les libéraux, égoïstement impatients, ont présenté le projet de loi C-19 en décembre dernier, n’attendant pas la fin d’une étude longue et approfondie sur les modifications essentielles à apporter à la Loi électorale du Canada pour protéger la santé publique et la démocratie en cas d’élections en période de pandémie. À ce moment-là, le comité n’était qu’à quelques jours de présenter un rapport provisoire au gouvernement. Ce rapport a été devancé par le projet de loi C-19, le gouvernement ayant décidé de faire fi des suggestions de l’étude exhaustive. Il a ainsi manqué de respect non seulement envers les députés de l’opposition qui siègent au comité et les nombreux témoins experts qui ont comparu dans le cadre de l’étude, mais aussi envers le président libéral et les députés libéraux du comité, qui avaient travaillé en collégialité avec l’opposition pour élaborer des recommandations exhaustives dans le cadre d’une étude aussi importante.
Les libéraux avaient manifestement l’intention de précipiter l’adoption du projet de loi au Parlement, comme ils l’ont fait pour tant d’autres mesures législatives imparfaites depuis le début de la pandémie, mais dans ce cas-ci, leur empressement ne visait pas à aider les Canadiens qui sont encore aux prises avec la pandémie, et il ne visait pas non plus à préparer un plan de relance économique pour remettre les Canadiens au travail. Il répondait plutôt à leur intérêt politique de se préparer aux élections surprises qu’ils pensaient pouvoir organiser impunément. Ce faisant, ils ont non seulement fait fi du travail des parlementaires, mais ils ont aussi fait perdre un temps précieux aux responsables de la santé et aux experts électoraux qui ont comparu lors de l’étude approfondie du comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Par conséquent, ils n’ont pas tenu compte du fait qu’une majorité écrasante de Canadiens ne voulaient pas alors et ne veulent pas plus aujourd’hui d’une élection générale dans le contexte d’une pandémie qui s’aggrave. Si les libéraux avaient des doutes, ils ont sûrement compris ce qui se passait lors de la flambée subséquente d’infections et de décès partout au pays et lors des élections provinciales qui ont eu lieu dans des conditions pandémiques, plus particulièrement celles de Terre-Neuve-et-Labrador, qui ont été profondément perturbées.
Le rapport provisoire du comité renfermait des conseils approfondis et réfléchis fondés sur les témoignages d’experts qui auraient amélioré le projet de loi C-19 avant son dépôt, mais le rapport final de notre comité, présenté au gouvernement en février de cette année, formulait des conseils encore plus précieux. Plus important encore, le comité a conseillé le gouvernement et a recommandé à l’unanimité, y compris tous les députés libéraux qui en sont membres, que le gouvernement fédéral s’engage à ne pas déclencher d’élections fédérales pendant la pandémie, à moins d’être défait par suite d’un vote de confiance.
De plus, les députés conservateurs du comité ont rédigé un rapport complémentaire, qui réitérait la recommandation de ne pas tenir d’élections en contexte de pandémie et précisait que le projet de loi C-19 aurait grandement été amélioré par le contenu exhaustif du rapport du comité et qui déclarait très clairement que le gouvernement a l’obligation morale de s’abstenir de déclencher des élections ou d’orchestrer sa propre chute, comme le premier ministre a déjà tenté de le faire à plusieurs reprises.
À cause de l’incapacité du gouvernement à gérer son propre programme législatif, le projet de loi dont nous sommes saisis a fait l’objet de très peu d’heures de débat.
Un élément clé du projet de loi C-19 consiste à remplacer la désignation habituelle du jour du scrutin par une période du scrutin comprenant le samedi, le dimanche et le lundi, plutôt que le simple lundi, afin de donner plus de temps pour voter, de permettre la distanciation physique et de prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité des lieux de scrutin. Le projet de loi prévoit également la prolongation des heures de scrutin, au besoin jusqu’à minuit, n’importe quel jour de scrutin, cette prolongation ne devant pas dépasser 28 heures au total pour la période de scrutin de trois jours.
Le projet de loi étend également la période du bref à 53 jours au maximum en raison des nombreux défis prévus pour le vote en personne ou par la poste. En ce qui concerne le vote par la poste, le projet de loi permet de présenter des demandes par voie électronique, en respectant les protocoles de sécurité appropriés évidemment, pour obtenir des bulletins de vote par la poste. Il s’agit de dispositions très détaillées qui, à mon avis, assureraient la sécurité de ces bulletins de vote. Il y a aussi des dispositions qui permettent de voter en toute sécurité dans les établissements où habitent des personnes âgées et des personnes handicapées.
J’appuierai toutes ces dispositions du projet de loi à condition qu’elles expirent automatiquement, complètement et absolument six mois après que la pandémie ait été considérée comme étant terminée.
Cependant, il y a certains éléments de ce projet de loi qui, à mon avis, devraient être modifiés. Je crois qu’ils doivent être amendés au comité, le comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui a été laissé pour compte et très peu respecté au moment du dépôt initial de ce projet de loi en décembre.
D’abord et avant tout, il y a une disposition qui permet de compter les bulletins de vote par la poste après la fin de la période de scrutin officielle de trois jours. Compte tenu des nouveaux pouvoirs accordés au directeur général des élections pour les bulletins de vote par la poste et les heures de scrutin prolongées, il n’y a absolument aucune raison ni aucune excuse pour que les bulletins de vote reçus après la fermeture des bureaux de scrutin le jour du scrutin soient comptés. Le jour du scrutin doit être un jour de décision.
De plus, bien que j’accepte l’élargissement des pouvoirs du directeur général des élections en raison de la pandémie, je m’oppose à la disposition qui lui permettrait de déterminer ce qui constitue une preuve suffisante de l’identité et de la résidence de l’électeur. Les protocoles adoptés en raison de la pandémie ne devraient pas favoriser davantage de fraudes électorales que celles auxquelles on assistait déjà avant la pandémie.
En conclusion, je tiens à rappeler à tous les députés que le comité de la procédure et des affaires de la Chambre — y compris tous ses membres libéraux — a recommandé à l’unanimité que le gouvernement fédéral s’engage à ne pas déclencher d’élections fédérales pendant cette pandémie, à moins qu’il ne soit défait à la suite d’un vote de confiance.