Madame la Présidente, avant de commencer mon allocution sur le projet de loi C-19, je tiens à saluer, en ce 8 mars, mes collègues de tous les partis et à les remercier de leur engagement relatif à l'avancement de l'égalité, de l'équité et de la parité.
Le Bloc québécois est en faveur du principe du projet de loi. On ne peut pas être contre la tarte aux pommes et contre le fait d'ajuster les dispositions de la loi afin de respecter les consignes sanitaires du Québec et des différentes provinces advenant que l'on tienne une élection en temps de pandémie. À notre avis, les dispositions contenues dans le projet de loi devraient donc être modifiées, notamment en ce qui concerne le vote en résidence pour aînés, la date limite de réception des bulletins de vote par voie postale et les dispositions du jour J qui se déroulent sur trois jours.
Je vais faire une mise en contexte, à l'intention des gens qui nous écoutent. Le projet de loi se limite notamment à l'exercice du droit de vote et au dépouillement des votes. On aurait pu aller beaucoup plus loin que cela pour ajuster la Loi électorale du Canada en temps de pandémie. Entre autres, on aurait pu parler du financement des partis politiques. Je rappelle que la tentative du gouvernement de réformer le mode de scrutin a échoué.
M. Jean-Pierre Kingsley a témoigné devant un comité. Selon lui, par souci d'équité, il faut rétablir le plus rapidement possible le financement par vote reçu dans les boîtes de scrutin. Si l'on ne revoyait pas le mode scrutin, il faudrait au moins que le vote ne soit pas totalement perdu.
Dans notre système électoral, il arrive que des citoyens votent pour un parti plus marginal qui n'a peut-être aucune chance de faire élire un député. Il faudrait au moins qu'ils soient capables d'y contribuer par leur vote. Au moyen de leur vote, ils contribuent au fait qu'un montant d'argent est associé au vote qu'ils mettent dans la boîte de scrutin. Des élections, c'est d'abord et avant tout un débat d'idées, un débat démocratique.
Or encore faut-il s'assurer que, pendant la période électorale et sur la ligne de départ, il y a des dispositions équitables qui permettent l'échange d'idées. Chaque parti doit être en mesure de faire valoir ses idées. On se serait attendu, notamment en temps de pandémie, à ce que le financement soit un peu plus difficile à obtenir, vu qu'il faut éviter les contacts. On a vu des partis politiques piger dans le pot de bonbons. En effet, pendant la pandémie, des partis politiques ont décidé de s'octroyer la subvention salariale prévue pour les compagnies. Pendant ce temps, il y a des cabanes à sucre du Québec qui n'ont pas droit à la subvention salariale et qui essaient tant bien que mal de s'en sortir.
C'est particulier de vouloir changer un peu les choses et de poser des gestes indécents. Au moment où nous nous parlons, je ne crois pas que les partis politiques qui avaient promis de rembourser l'argent l'ont fait. Il faut changer la Loi électorale du Canada. Il me semble que le rétablissement du financement par vote reçu dans la boîte aurait été une belle occasion pour que chacun des électeurs ne perde pas complètement son vote dans certaines circonstances.
Cela dit, nous sommes en faveur du principe du projet de loi qui prévoit certaines modifications. Le projet de loi suggère une période de scrutin de trois jours, soit huit heures de vote le samedi et le dimanche et 12 heures de vote le lundi. Je le dis parce que si le projet de loi était adopté tel quel, il faudrait transmettre beaucoup d'information aux électeurs.
Le projet de loi prévoit aussi une période de 13 jours avant le début du scrutin pour faciliter l'administration du vote dans les CHSLD et les résidences pour personnes âgées hébergeant des personnes handicapées. Ces 13 jours, se rajoutant aux trois jours de scrutin, font donc 16 jours.
Une autre des modifications prévues par le projet de loi est l'octroi au directeur général des élections de pouvoirs accrus lui permettant d'adapter les mesures afin d'assurer la santé et la sécurité des électeurs et du personnel électoral pour des raisons liées à la pandémie.
Le projet de loi prévoit enfin la mise en place de plusieurs mesures visant à faciliter le vote postal, dont l'installation de boîtes de réception du courrier dans chaque bureau de scrutin et la possibilité de demander les bulletins de vote postal en ligne.
Voilà donc dans les grandes lignes ce qui est proposé. Le gouvernement trépigne d'impatience de déclencher des élections, et il était tellement pressé qu'il a déposé son projet de loi avant même que le comité qui travaillait justement sur ces modifications puisse proposer ses mesures. Dans le rapport du comité, le Bloc avait émis une opinion complémentaire, que je vais rappeler ici au bénéfice des collègues et des gens qui ne l'auraient pas lue. En effet, en faisant un petit sondage sur le terrain et en jasant avec différentes personnes, nous avons constaté qu'il y aurait peut-être des problèmes à administrer le scrutin si le projet de loi restait tel quel.
La Loi électorale du Canada est l'outil qui encadre le moment solennel de la signature de ce que j'appelle le contrat social, c'est-à-dire le vote. Si l'on décide d'apporter des modifications à cette loi, il faut maintenir l'équilibre — fragile — entre ce droit fondamental de voter et l'intégrité du vote. Le droit de vote est assorti de l'obligation de démontrer sa qualité d'électeur. Le moment de voter est un moment solennel qui doit être totalement libre de toute contrainte ou de toute influence indue. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a un jour J, une journée ponctuelle durant laquelle on encadre l'exercice du droit de vote.
Or, depuis quelques années, cet exercice du droit de vote s'étire sur quasiment toute la période de la campagne électorale. Dans le projet de loi, il y aura quatre jours de vote par anticipation, trois jours J de vote, 13 jours durant lesquels il sera possible de voter dans certaines résidences pour personnes âgées, sans oublier la possibilité de voter tous les jours jusqu'à 34 jours avant le jour J si l'on part d'un calendrier de 36 jours. Cela donne beaucoup de possibilités de voter. Or, il ne faudrait pas que toutes ces possibilités conduisent à des irrégularités. Je ne parle pas nécessairement d'une volonté de frauder, mais il peut y avoir un certain nombre de problèmes.
En effet, à l'heure actuelle, le vote par la poste est offert aux gens qui sont à l'extérieur de leur zone électorale. Le libellé actuel de la Loi prévoit que ces gens peuvent voter jusqu'à 18 h la journée du scrutin. Or le projet de loi permettrait un vote par la poste jusqu'au lendemain du jour J. À mon avis, cela peut poser un certain nombre de problèmes. Il faudra revoir les choses correctement. Notamment, en temps de pandémie, il faut se demander pourquoi on parle de trois jours de vote, alors qu'on peut voter tout au long de la campagne, qu'on peut voter quatre jours par anticipation.
On parle aussi de jours de semaine. Pourquoi choisir le lundi, alors qu'en temps de pandémie, il nous faudra absolument des salles et une logistique qui permet une distanciation sociale, lors du vote, parce que beaucoup de gens vont se déplacer pour aller voter?
Le choix du samedi et du dimanche avait été grandement salué et demandé par le directeur général des élections qui, soit dit en passant, a l'expertise et comprend ces problèmes logistiques. À chaque élection, c'est lui qui doit aller chercher des travailleurs d'élection, mais aussi des lieux de votation sécuritaires et propices à l'exercice du droit de vote.
Si je parle de ce que je connais, au Québec, le fait de tenir le vote le lundi en plus du samedi et du dimanche fait qu'il faut changer de lieu de votation le lundi, à moins qu'il soit possible de maintenir le lieu de votation pendant les trois jours. Habituellement, on se sert des gymnases d'école, ce serait très simple de pouvoir en bénéficier. Or, en temps de pandémie et en temps normal, les commissions scolaires du Québec ne louent pas leurs installations le lundi. On se retrouverait donc dans une situation où on n'aurait pas le nombre de lieux de votation nécessaire pour tenir un vote sécuritaire. À ce que je sache, le projet de loi C-19 a d'abord et avant pour but de pouvoir tenir un vote sécuritaire.
Ensuite, il va falloir préciser ce qu'on fait des 13 jours qui précèdent les trois jours de scrutin dans certaines résidences. Il faut absolument que nos personnes âgées aient le temps de voter, absolument.
Si on se réfère à 2019, dans certaines résidences pour personnes âgées — je ne parle pas nécessairement de CHSLD —, un vote par anticipation était tenu, et il y avait un seul jour de scrutin. Tous ces gens avaient eu amplement le temps d'aller voter sans problème. Il n'y a pas de problème à ce qu'on ajoute deux jours, mais comment peut-on assurer une présence sécuritaire pendant 13 jours de vote et trois jours de scrutin? Dans des résidences pour personnes aînées, pourquoi doit-on favoriser la présence d'autres personnes à l'intérieur des murs?
Pour en avoir parlé avec certains, je peux dire qu'actuellement, ils ne sont pas très chauds à cette idée. Je crois que le directeur de scrutin pourrait avoir de très grands problèmes logistiques à appliquer cela. Évidemment, c'est lui qui décide parce qu'on lui donne les pouvoirs de décisions à cet effet.
L'autre problème, c'est le nombre de votes par la poste qu'il va y avoir. Le vote par la poste pourrait être demandé, parce qu'une personne qui veut voter peut le faire n'importe quel jour. Actuellement, on peut voter n'importe quel jour, si on se déplace au bureau du directeur de scrutin. Si je ne veux pas me déplacer, mais que je veux voter au cinquième jour de campagne, j'imagine que j'aurai un bulletin par la poste. Cela ne pose pas trop de problèmes de congestion. J'imagine qu'il fera partie d'un décompte, qu'une liste sera tenue à jour et que la personne ne pourra pas aller voter par anticipation.
Il y a aussi les gens qui voudront voter pendant le scrutin et ceux qui seront à l'extérieur. Où se fera le décompte? Il est évident que le décompte devrait se faire à l'intérieur des circonscriptions.
Cependant, que fait-on d'une personne qui a demandé un vote par la poste, mais qui, pour une raison ou pour une autre, l'aurait oublié? Aussitôt qu'une personne demande un vote par la poste, elle est rayée de la liste. Elle ne peut pas se rendre dans un bureau de vote par anticipation ni voter pendant les trois jours qui sont actuellement prévus. Si, pour une raison ou pour une autre, la personne se présente en disant qu'elle n'a pas envoyé son bulletin, l'empêchera-t-on de voter?
Si on l'assermente et qu'on lui permet de voter alors qu'elle a déjà voté, on se retrouve avec un problème. De plus, on ne peut pas soustraire ce vote. On ne sait pas pour qui elle a voté puisque le vote est secret. En ce qui concerne le vote par la poste, il faut au moins pouvoir s'assurer de la confidentialité du vote.
Nous pourrions avoir des discussions à ce sujet. J'espère que nous pourrons dégager un consensus, mais, déjà, il ne me semble pas nécessaire de faire dépasser la réception des votes par la poste au mardi, afin de faire le décompte après coup.
Il y a une meilleure façon de prévenir le problème dont je parle. Puisque les gens vont déjà avoir eu l'occasion de voter par anticipation une semaine auparavant, on pourrait donner la possibilité aux personnes votant par correspondance de transmettre leur bulletin de vote par la poste jusqu'au vendredi précédant le déroulement du vote. Ainsi, on pourrait facilement dire à une personne que son bulletin a été reçu par la poste et qu'elle ne peut plus voter. Les différents partis pourraient faire ces vérifications. Il serait donc impossible de voter à la fois en personne et par la poste. D'ailleurs, même si la personne était sanctionnée, que ferait-on de ce vote? Il se trouverait déjà quelque part dans la machine. Pourquoi donc ouvrir la porte à ce genre d'anomalie? Même si le risque est minime, un vote frauduleux est déjà un vote de trop alors qu'on peut prévenir les choses.
De façon générale, soyons prudents. Allons en comité, révisons un peu les choses et, surtout, respectons les conseils du directeur général des élections, parce que nous allons avoir besoin de travailleurs d'élection. Actuellement, les travailleurs d'élection sont souvent des personnes de 60 ans et plus. En temps de pandémie, il pourrait y avoir de la résistance.
On peut toujours dire que la vaccination va faire son chemin, mais cela dépendra du moment auquel les élections seront déclenchées. Nous devons donc prévoir dans l'absolu, non pas en fonction d'une opération de vaccination. Il faut que cela devienne optimal en ce qui a trait aux travailleurs d'élection.
D'ailleurs, en faisant se dérouler le scrutin un samedi ou un dimanche, c'est ce que visait le directeur général des élections: avoir accès à des travailleurs d'élection qui travaillent le lundi. Nous devons tenir compte de ces considérations techniques et logistiques si nous voulons réussir.