Madame la Présidente, c'est un plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-19, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, qui vise à assurer la tenue d'élections en toute sécurité dans le contexte d'une pandémie.
D'entrée de jeu, je dirais que les Canadiens ne veulent pas d'élections en temps de pandémie. Les seules personnes qui veulent des élections pendant une pandémie sont les libéraux, qui font passer leurs intérêts partisans avant la santé et la sécurité des Canadiens.
Les sondages confirment mes propos. Lorsqu'on a demandé aux Canadiens s'ils veulent des élections et à quel moment, 47 % des répondants ont dit vouloir qu'elles soient organisées en 2023, comme c'est déjà prévu, et 10 %, en 2022. En tout, 70 % des partisans libéraux veulent que ce soit en 2023.
Le premier ministre doit écouter les Canadiens. Nous avons vu les conséquences désastreuses lorsque la Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont organisé leurs élections: le nombre de cas de COVID-19 est monté en flèche. Je sais que certains croient que c'est seulement à cause de la fin de semaine de l'Action de grâces, mais on s'est très sérieusement interrogé sur l'incidence du moment choisi pour les élections. Nous savons ce qui est arrivé à Terre-Neuve et que la situation de la COVID-19 peut changer. Nous l'avons constaté d'un bout à l'autre du pays. Certaines régions peuvent avoir une flambée du nombre de cas et, tout d'un coup, elles se retrouvent dans une situation différente.
En tant que leaders, nous avons tous la responsabilité d'être à l'écoute des Canadiens et de donner priorité à leur santé et à leur bien-être. Je dirais que nous devons, d'abord et avant tout, faire tout notre possible pour éviter la tenue d'élections en pleine pandémie. Il est ridicule de penser qu'on pourrait avoir une élection générale alors que les gens ne peuvent pas voyager, qu'il serait raisonnable de tenir des élections alors que des régions sont confinées. Je ne pourrai jamais trop insister sur le fait qu'en tant que leaders du pays, nous devons absolument éviter de mettre les gens en danger.
Pour ce qui est des changements proposés, j'ai l'intention de les aborder à tour de rôle. Je parlerai tout d'abord de l'idée d'augmenter le nombre de jours de vote et de faire en sorte que le vote ait lieu le samedi, le dimanche et le lundi. Ce projet de loi vise avant tout à protéger du mieux possible les personnes qui travaillent aux élections ainsi que les électeurs. Toute mesure qui permettra d'espacer les gens et de leur donner plus de temps pour voter sera donc très utile.
Certains se sont demandé s'il y a des autobus pendant la fin de semaine dans certains secteurs. Si cela est un problème, les gens qui le désirent pourront encore voter le lundi, conformément à la tradition.
Certains ont aussi exprimé des inquiétudes parce que certaines églises sont ouvertes le samedi et d'autres le dimanche et que cela pourrait avoir une incidence sur l'emplacement des bureaux de scrutin. Je pense que le gouvernement devrait envisager de changer les heures d'ouverture des bureaux de scrutin le samedi et le dimanche pour éviter qu'on élimine des endroits qui offrent beaucoup d'espace et qui se prêtent bien aux protocoles et aux mesures de distanciation à observer en raison de la COVID-19.
Le changement suivant consisterait à accorder des pouvoirs supplémentaires au directeur général des élections pour qu'il puisse notamment prolonger les heures de scrutin jusqu'à minuit, accroître le nombre de fonctionnaires électoraux affectés à un bureau de scrutin, déterminer ce qui constitue une preuve d'identité et de résidence acceptable, ajuster l'échéancier des tâches électorales autres que celles accomplies les journées de scrutin et prendre toutes les mesures de santé et de sécurité nécessaires.
Je suis consciente que nous devons avoir une certaine marge de manœuvre pour pouvoir répondre à l'évolution de la pandémie de COVID-19, mais il faut qu'il y ait des mesures de surveillance pour protéger un processus démocratique déjà éprouvé. Les Canadiens ont confiance dans notre processus, et je pense que le fait de pouvoir compter sur la surveillance d'un représentant de chaque parti, par exemple, pourrait être une bonne façon d'assurer un certain équilibre de manière à ce qu'on puisse à la fois permettre au fonctionnaire électoral de s'adapter en fonction de la pandémie et veiller à ce que tout changement mis en place soit jugé équitable par tous.
Pour ce qui est de la prolongation des heures de scrutin jusqu'à minuit, ma seule préoccupation vient du fait que, dans certaines circonscriptions, dont la mienne, nombre des personnes qui travaillent aux bureaux de scrutin sont des aînés. Le fait de devoir rester éveillé plusieurs soirs jusqu'à minuit pourrait être pénible pour eux, surtout en cette période difficile. Il faudrait y réfléchir.
Les changements entreraient en vigueur 90 jours après la sanction royale, mais le directeur général des élections pourrait raccourcir cette période. À la lumière des discussions que j'ai eues avec certains directeurs de scrutin à l'échelle du pays, j'ai constaté qu'ils ont déjà reçu de la formation sur ces changements avant même que l'on en discute au Parlement, ce que je trouve inacceptable. Bien entendu, des discussions devraient avoir lieu avec le directeur général des élections pour déterminer combien de temps il faudrait pour se préparer. Le comité pourrait prendre cet élément en considération dans le cadre de son examen du projet de loi.
Que la période préélectorale soit légèrement plus longue en raison du nombre additionnel de jours ne constitue pas nécessairement une mauvaise chose en soi, parce qu'avec tous les bulletins de vote postal qu'on s'attend à recevoir — 5 millions, voire 10 millions, au lieu des 50 000 que l'on reçoit à l'heure actuelle — nous devons nous assurer de disposer d'assez de temps pour faire parvenir les bulletins de vote à ceux qui les demandent et pour que ces personnes puissent nous les retourner par la poste.
Nous savons que, lorsque le volume du courrier est grand, par exemple, dans le temps des Fêtes, Postes Canada accuse parfois des retards. Il faut donc y penser. Je nous recommanderais fortement d'opter pour la période préélectorale la plus longue. Je crois que c'était l'essentiel des témoignages du directeur général des élections et de nombreux intervenants entendus au comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Parmi les modifications proposées, l'emplacement des bureaux de scrutin pourrait être changé si l'information est publiée sur la page Web du directeur général des élections. Il faut faire preuve d'une grande prudence à ce sujet: il ne doit y avoir aucune confusion quant à l'endroit où les gens doivent aller voter.
L'installation de boîtes de réception à tous les bureaux de scrutin pour les bulletins de vote postal est une très bonne idée. Ainsi, pour les gens qui ont attendu à la dernière minute ou qui craignent que leur bulletin de vote ne soit pas reçu à temps en raison du volume de courrier traité par Postes Canada, il sera possible de se rendre au bureau de scrutin pour y laisser leur bulletin de vote postal. Cette formule a été mise à l'essai dans le cadre des élections en Colombie-Britannique, et les résultats ont été très concluants. Je suis convaincue qu'il s'agit d'une excellente idée.
En ce qui concerne le décompte des bulletins de vote postal après les élections si le dernier jour du scrutin, le lundi, est un jour férié, je dirais que nous avons un processus électoral qui a fait ses preuves. Les Canadiens lui font confiance. Nous n'avons pas les mêmes problèmes que dans d'autres régions du monde. Néanmoins, nous devons prendre garde de ne pas apporter des changements qui ne sont pas nécessaires pour protéger la population contre la COVID-19. Grâce aux mesures comme l'installation de boîtes de réception aux bureaux de scrutin pour les bulletins de vote postal de dernière minute, ce changement n'est vraiment pas nécessaire.
Les gens seront favorables à l'inscription en ligne pour le vote postal. Le seul facteur qu'il faut prendre en considération est que de nombreuses personnes, y compris des aînés, n'auront pas forcément d'imprimante pour photocopier leur pièce d'identité quand elles devront renvoyer par la poste leur trousse. Ce serait aussi une bonne idée de déterminer comment nous pourrons régler ce problème.
Quant aux établissements de soins de longue durée, des témoins ont dit au comité de la procédure et des affaires de la Chambre qu'ils cherchaient à réduire au minimum la durée du vote et les interactions afin de minimiser le risque de contracter la COVID. D'après le projet de loi, la période du scrutin sera de 13 jours dans les établissements de soins de longue durée, mais le bureau ne pourra pas être ouvert pendant plus de 28 heures durant cette période. C'est vraiment bien plus long que ce que souhaitaient les résidants de ces établissements. Ils croyaient que les gens d'Élections Canada viendraient administrer le vote de chambre en chambre pour ceux qui n'ont pas choisi de voter par la poste.
En outre, certains des gens auxquels j'ai parlé ont dit que, si des élections ont lieu durant la pandémie, ils voudraient s'assurer que les travailleurs électoraux reçoivent le vaccin en priorité, si tel est leur choix, avant la période du scrutin. C'est un autre facteur à prendre en considération.
Nous avons également discuté des tests de dépistage rapide. Il faudrait également envisager l'utilisation de ces tests pour veiller à ce que les gens entrant dans les établissements de soins de longue durée ne mettent pas davantage à risque les résidants.
Il y a des lacunes qui devraient être corrigées et des mesures qui devraient être prises qui ne sont pas incluses dans le projet de loi. Par exemple, la disposition de caducité est mentionnée dans le résumé, mais pas dans le projet de loi. Il devrait y avoir un énoncé ou une disposition qui précise si nous souhaitons que ces modifications soient permanentes, ou qu'elles disparaissent après la fin de la pandémie.
Je comprends le point soulevé par la députée de Saanich—Gulf Islands à propos de l'obtention des signatures, étant donné que les candidats doivent obtenir ces 100 signatures et, pendant une pandémie, ce n'est peut-être pas une bonne idée. Cela va être plus difficile.
Nous devrions examiner toutes les procédures qui concernent les candidats et aussi la surveillance électorale. La mesure législative n'indique pas clairement comment nous allons procéder, mais l'une des choses qui donnent confiance aux gens dans le processus, c'est la présence de scrutateurs. Si les scrutateurs doivent se tenir à six pieds des gens, d'un point de vue logistique, seront-ils en mesure de voir les bulletins de vote? Comment allons-nous résoudre ce problème?
En ce qui concerne les bulletins de vote postal, je crois comprendre qu'il y a eu une erreur dans le projet de loi et que la version anglaise dit quelque chose de différent de la version française. Cependant, le Président a indiqué que la version française était correcte. C'est au bureau de scrutin local que les bulletins de vote postal seront envoyés. Selon le nombre de bulletins envoyés, combien de personnes faudra-t-il pour surveiller le scrutin? Ces détails ne figurent pas dans le projet de loi. Il faut certainement garder cela à l'esprit si nous voulons maintenir la grande confiance que les Canadiens ont dans le processus électoral.
Nous voulons nous assurer que le mécanisme de prévention des votes multiples soit en place. Puisque l'on fait intervenir les bureaux de scrutin locaux, ceux-ci auront un moyen facile de surveiller la liste des électeurs pour empêcher toute personne ayant demandé un bulletin de vote postal de voter aux urnes à moins qu'elle ne retourne son bulletin de vote postal vierge. Ce genre de chose est très important.
En ce qui concerne ce projet de loi, nous voulons surtout protéger les travailleurs et les électeurs et maintenir la confiance des Canadiens dans le processus électoral du Canada.
Je suis légèrement déçue que les libéraux aient présenté ce projet de loi sans attendre la publication du rapport du comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Ce comité a entendu le témoignage de beaucoup de gens de divers horizons, notamment de personnes handicapées et de membres de Premières Nations, concernant de nombreux facteurs précis dont il faut tenir compte pour parfaire le processus et le rendre convenable afin que l'ensemble des Canadiens jouisse de la même possibilité d'exercer son droit de vote. Pour que le processus soit bien compris, tout changement doit être bien compris, sans quoi cela crée de la confusion, ce qui risque de décourager certaines personnes de voter.
Je veux simplement dire une fois de plus en bref que les Canadiens ne veulent pas d'une élection pendant la pandémie. Ils ont été très clairs à ce sujet. Nous devons tout faire pour l'éviter. Je vois l'obstruction qui est pratiquée dans les comités et toutes sortes de manigances destinées à ralentir les travaux que les comités tentent de mener. Ce n'est pas utile. Nous devons, en tant qu'assemblée législative, collaborer et traverser la pandémie. Ce doit être notre priorité et il incombe à chacun de travailler en ce sens.
L'autre point que je voulais soulever concerne les changements relatifs à la santé et au bien-être. Je ne crois pas que nous ayons adéquatement défini cette question ni les pouvoirs supplémentaires accordés au directeur général des élections. Il faudra étudier ce point lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.
Il vaudrait la peine d'entendre de nouveau certains des intervenants afin de mieux définir des éléments comme les établissements de soins de longue durée et la façon de procéder, en particulier dans le cas des établissements en confinement. Que ferons-nous si une telle situation survient? Il faut en discuter davantage, mais je vois que mon temps est écoulé.