propose que le projet de loi C-228, Loi établissant un cadre fédéral visant à réduire la récidive, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole ce soir au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-228, Loi établissant un cadre fédéral visant à réduire la récidive.
Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, la récidive se définit comme « la tendance d’un criminel condamné à commettre de nouveau la même infraction ». Nous savons que près d'une personne libérée d'une prison fédérale sur quatre, soit 25 %, retourne dans une prison fédérale dans les deux ans, et, dans les communautés autochtones, le taux est de près de 40 %. De plus, la triste réalité, c'est que les enfants des personnes incarcérées sont sept fois plus susceptibles de se retrouver eux-mêmes en prison. Nous devons briser ce cycle.
Le projet de loi ne vise pas à alléger les peines ou à réduire la portion qui est purgée, mais plutôt à résoudre le phénomène persistent de la porte tournante dans notre système carcéral et à mettre fin à ce cycle dangereux dans lequel des gens récidivent constamment. On ne pourra apporter un changement sociétal durable qu'en amenant différents intervenants à trouver de véritables solutions. Nous devons trouver des partenaires qui ont un objectif en commun et qui pourront unir leurs efforts pour résoudre un problème, qu'il s'agisse du gouvernement, du secteur privé, d'organismes à but non lucratif et non gouvernementaux, d'organisations confessionnelles, de communautés autochtones ou de tout autre intervenant qui souhaite remédier au phénomène de la porte tournante et briser le cycle.
Je crois que le cadre proposé dans ce projet de loi permettrait véritablement d'amorcer une discussion et un dialogue, mais aussi de mener des projets pilotes partout au pays en se fondant sur les pratiques exemplaires et les modèles qui ont été mis de l'avant ailleurs.
Je n'oublierai jamais la première fois que j'ai visité une prison fédérale. J'aime penser que je suis encore relativement jeune, mais dans mon plus jeune temps, j'ai voyagé avec un homme du nom de Monty Lewis. Monty dirigeait dans ma région un organisme sans but lucratif local qui œuvrait auprès de personnes incarcérées et leur famille.
Un jour, tandis que nous étions en route pour la prison, il m'a dit quelque chose que je n'oublierai jamais. Il m'a dit que jamais dans ma vie je ne me retrouverais dans un endroit où il y a une proportion plus élevée des pires types de dysfonctionnements, des pires symptômes de l'éclatement de la société et de la famille et des pires types de violence. Jamais je ne me retrouverais dans un endroit où il y a plus de victimes et d'agresseurs, de problèmes de toxicomanie, de troubles de santé mentale et émotionnelle, et bien plus encore. Il a ensuite ajouté que jamais je ne visiterais un endroit où j'aurais une meilleure occasion d'être témoin de l'effet puissant et salvateur de l'espoir, de la compassion, du pardon, de l'encouragement et d'une deuxième chance.
J'ai personnellement vu de formidables modèles, à différentes étapes de conception, qui donnent de bons résultats. Des projets pilotes — j'ai pu visiter certains d'entre eux — et des politiques ont été mis à l'essai partout dans le monde. J'aimerais qu'une partie d'entre eux deviennent plus communs et que nous en entendions tous parler davantage. Nous pourrions les étudier et peut-être nous en inspirer ou adopter certaines des bonnes pratiques pour établir un cadre national réunissant les meilleures pratiques de partout dans le monde.
Je pense notamment au modèle de Peterborough, au Royaume-Uni. Il a inclus 14 fournisseurs de service différents. Il a établi les premiers contacts avec des travailleurs sociaux, des employeurs, des acteurs du secteur privé et des spécialistes du développement des compétences. Les intervenants ont travaillé avec les personnes alors qu'elles étaient encore en prison et au moment de leur libération, une fois leur peine purgée. Ils ont aussi mis à l'essai un programme et des initiatives uniques de finance sociale, comme des obligations à impact social. Ils ont mis en œuvre avec succès ce programme en faisant appel à des investisseurs privés et, bien évidemment, aux autorités et à l'organisme d'application de la loi de la région. Les intervenants de tous ces secteurs ont travaillé ensemble pour obtenir de bons résultats. Ils ont constaté une réduction de 9 % des taux de récidive. C'est vraiment une bonne nouvelle, et je pense que nous pourrions étudier certains aspects de ce modèle.
Je vais parler d'un autre modèle, un modèle qui a été employé dans l'État qui « serre la vis aux criminels », le Texas. Il y avait une initiative de type « justice éclairée » dans le cadre de laquelle un organisme sans but lucratif aidait les personnes qui avaient été libérées de prison ou qui allaient l'être. L'organisme encadrait ces personnes, parfois avant même leur libération, pendant des périodes pouvant atteindre 18 mois, et les soutenait pendant 12 mois après leur libération.
Les efforts de cet organisme favorisaient la réinsertion des ex-détenus dans la collectivité, les aidaient à acquérir des compétences, à se trouver un emploi et à trouver des groupes de soutien. Un suivi régulier était exercé. Après deux ans, un examen a été mené, et on a observé que les risques que ces personnes soient incarcérées à nouveau étaient 60 % inférieurs. C'était une véritable réussite.
D'ailleurs, la personne qui parrainait cette initiative est Tina Naidoo. Il se trouve que je la connais personnellement. Je l'ai rencontrée dans le cadre de mon emploi précédent dans le secteur sans but lucratif. En 2016, le président Obama lui a remis un prix pour la promotion du changement décerné par la Maison-Blanche pour l'excellent travail que son organisation et elle avaient accompli. Autant le secteur privé que le secteur gouvernemental et le secteur sans but lucratif avaient collaboré efficacement pour faire de cette initiative un franc succès.
Ce ne sont que quelques-uns des exemples de modèles que nous pourrions examiner et possiblement mettre en œuvre en tant que projets pilotes ou initiatives similaires, mais à la sauce canadienne, et auxquels participeraient des fournisseurs de services du secteur sans but lucratif et des employeurs du secteur privé, en collaboration avec les gouvernements provinciaux en vue d'un déploiement pancanadien dans le but de vérifier si les taux de récidive au pays connaîtraient une diminution rapide.
Je fonde tout cela sur le principe des trois, un principe qui existe depuis un certain temps déjà et qui est bien connu. Si les députés ne le connaissent pas, cela aide à obtenir de bons résultats.
Dans les trois premières minutes suivant la libération d'une personne de prison, il est très important qu'une personne de confiance les accueille à la barrière pour amorcer le processus de réinsertion dans la collectivité. Dans les trois premières heures, il est important de s'assurer que l'ex-détenu a un endroit où se loger et un bon réseau de soutien à sa disposition pour l'aider à faire la transition. Dans les trois premiers jours, il convient d'amorcer les démarches d'acquisition des compétences nécessaires à la vie courante, de recherche d'emploi, d'inscription à un programme de traitement des dépendances ou toute autre démarche du genre qui s'avère nécessaire.
Dans les trois premières semaines, idéalement, l'ex-détenu a commencé à suivre un programme de formation ou d'apprentissage ou a décroché un bon emploi et a commencé à travailler. Comme nous le savons, beaucoup d'ex-détenus possèdent un casier judiciaire, ce qui rend difficile la tâche de trouver un emploi valorisant. Ensuite, dans les trois premiers mois, on devrait observer des progrès marqués, et la transition devrait se faire peu à peu. Après trois ans, on espère constater un immense changement chez l'ex-détenu, que sa vie est en voie d'être épanouie et qu'il aide maintenant d'autres ex-détenus à réussir leur transition.
Mon projet de loi a reçu l'appui des représentants de toutes les parties intéressées, dont un ancien lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, un ancien juge d'un tribunal provincial et un ancien recteur des études autochtones à l'Université St. Thomas, l'honorable Graydon Nicholas. M. Nicholas a même déclaré qu'il s'agissait d'une grande avancée qui devrait aider les plus démunis de la société.
Un ancien ministre de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick et policier à la retraite, l'honorable Carl Urquhart, a déclaré ceci: « [En] misant sur la collaboration et la consultation, le projet de loi [du député] permettra aux intervenants concernés de contribuer directement à la création et à la mise en œuvre d'un cadre fédéral susceptible de réduire les récidives de manière tangible et mesurable. »
La directrice générale de la Société John Howard, Catherine Latimer, estime qu'en plus de créer un cadre de réduction de la récidive, le projet de loi rassurera les nombreux Canadiens qui s'inquiètent des vies qui sont perdues et des ressources qui sont gaspillées parce que les personnes qui réintègrent la société ne reçoivent pas de soutien adéquat.
Mitch MacMillan, qui, pendant ses 35 ans de carrière, a dirigé un service de police de la région, a travaillé à la GRC et a été membre de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, a donné son plein appui au projet de loi: « Je vous encourage à poursuivre dans cette voie, car j'estime que c'est sur ce genre d'initiative qu'on doit continuer d'insister. »
J'ai aussi reçu l'appui d'un homme d'affaires, agriculteur et producteur d'œufs de ma localité, David Coburn. En fait, il produit des pommes et des œufs. En collaboration avec un organisme à but non lucratif du coin, Village of Hope, il a souvent offert des emplois valorisants à des hommes qui participaient à ce programme. Il les a aidés à trouver un emploi qui leur convenait et à acquérir des compétences essentielles. Ce genre d'initiative lui plaît beaucoup.
On sent une volonté de la part des groupes intéressés d'unir leurs forces pour trouver une solution et s'inspirer de ce qui se fait de mieux de par le monde pour créer un cadre pancanadien. La clé du succès consistera à bien étudier les résultats des futurs projets pilotes afin que nous sachions ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas et que, tous ensemble, nous puissions créer un cadre national, en collaboration avec les groupes concernés, les provinces et les territoires.
Avant de passer à la conclusion, je tiens à dire que Monty Lewis, l'homme dont j'ai parlé tout à l'heure, est mort maintenant. Son histoire est remarquable et elle a eu une grande incidence sur ma vie. Il a grandi au Cap-Breton dans des circonstances très difficiles. Son père était mineur de charbon. Pendant sa jeunesse, des personnes peu recommandables l'ont influencé et il s'est engagé sur la voie de la toxicomanie et de la dépendance. Ses choix l'ont entraîné vers des activités criminelles, et il a fini par passer quelque temps en prison. En fait, après quelques séjours en prison, il a fini au Pénitencier de Kingston. Il a relaté son histoire dans le livre qu'il a écrit il y a plusieurs années, intitulé The Caper.
Monty a connu des jours très sombres. En réalité, il était suicidaire et, à un moment donné, quand il était dans sa cellule de prison, il a raconté l'histoire suivante. Un aumônier qui faisait ses visites est venu le voir dans sa cellule. Bien sûr, Monty, qui traversait une mauvaise passe, a commencé à l'insulter et à jurer, et il n'était pas très gentil envers lui. Il voulait que l'aumônier s'en aille, mais ce dernier a continué à lui rendre visite. Il revenait sans cesse. Monty a dit de lui qu'il était un messager d'espoir qui est arrivé juste au bon moment.
Après un certain temps, la vie de Monty a commencé à changer, et il s’est mis à la voir sous un autre jour. Il a été libéré et est allé travailler. Il a fini par rencontrer l’amour de sa vie, Lynda. Il était passionné. Il disait qu’il voulait créer une organisation ou un groupe de soutien pour les gens qui, comme lui, avaient été incarcérés et sortaient de prison, afin de leur offrir le soutien dont ils avaient besoin. Avec sa femme, il a fondé une organisation pour aider les anciens détenus à faire leur transition entre la prison et la collectivité. Ils ont démarré avec un minuscule budget et ont fait ce qu’ils pouvaient pour aider.
Je dois dire que je ne peux penser à une meilleure façon de rendre hommage à la mémoire de mon ami Monty que celle de mettre en œuvre un cadre national pour la réduction globale du récidivisme. Ce faisant, je crois que nous, parlementaires, contribuons à favoriser une atmosphère où bien d’autres Monty et Lynda se verront offrir une deuxième chance de réaliser leur potentiel et leurs rêves. L’influence que Monty et Lynda ont eue dans leur vie a transcendé leurs débuts modestes et les décisions regrettables qu’ils ont prises.
Je ne peux m’empêcher de me demander combien d’autres personnes ont besoin du pouvoir d’une seconde chance. Combien ont simplement besoin que quelqu’un d’autre croie en eux et pense que leur existence est bien plus importante que les décisions regrettables qu’elles ont pu prendre en cours de route. Combien espèrent que leur vie ne soit plus inlassablement définie par ce qui a été, par ce qui s’est passé autrefois ou par les torts qu’ils ont commis, mais qu’elle soit au contraire transformée par le pouvoir que de nouvelles perspectives et un nouveau départ peuvent offrir.
Nous avons l’occasion, avec ce projet de loi, d’offrir un pont d’espoir à ceux qui en ont le plus besoin, une main tendue à ceux qui se sentent laissés pour compte et un cheminement vers l’avenir pour certains des plus marginalisés et des plus vulnérables d’entre nous. Ensemble, nous pouvons mettre fin au cycle de récidive en spirale en offrant le vecteur de changement le plus puissant qui soit, c'est-à-dire l’espoir.