Premièrement, permettez-moi de vous remercier de nous offrir l'occasion de comparaître ici pour vous informer au sujet de la formation que nous offrons aux juges canadiens.
L'Institut national de la magistrature, soit l'INM, est une organisation indépendante sans but lucratif dont le mandat consiste à mettre au point et à offrir du perfectionnement professionnel de grande qualité à tous les juges canadiens des systèmes fédéral, provinciaux et territoriaux. L'INM est bijuridique et reconnaît l'importance d'intégrer les principes du droit autochtone à ses formations.
L'un de ses principes fondamentaux consiste à ce que la formation des juges soit dirigée par les juges eux-mêmes. C'est d'ailleurs ce que prescrit la déclaration de l'Organisation internationale pour la formation judiciaire, c'est-à-dire que « la forme, le contenu et le mode de transmission de la formation doivent être déterminés par le pouvoir judiciaire et les institutions de formation judiciaire eux-mêmes ».
Nous vous avons apporté la liste des 20 principes sous-jacents de la formation des juges de l'INM. L'un de ses premiers principes et des plus fondamentaux, c'est justement que la formation des juges soit dirigée par les juges eux-mêmes.
Il est important que toute personne impliquée dans un procès soit traitée avec respect, le rôle fondamental du juge étant d'être juste et impartial. Cela garantit le respect des droits de tous les participants, qu'il s'agisse du plaignant, de l'accusé ou des témoins.
Dès 1990, le Conseil canadien de la magistrature a exigé que tous ces programmes essentiels prévoient une formation sur le contexte social afin de veiller à ce que les juges, en particulier les juges nouvellement nommés, soient conscients des défis auxquels sont confrontés les groupes vulnérables de la société.
De janvier 2014 à janvier 2020, l'INM a proposé 42 séances qui traitent du droit relatif aux agressions sexuelles, des compétences requises dans les procès pour agressions sexuelles et du contexte des témoins dans ces affaires. Certaines séances étaient composées de programmes de plusieurs jours, tandis que d'autres faisaient partie d'un programme plus vaste. Certaines de ces séances étaient constituées de programmes nationaux et d'autres étaient offertes à des cours supérieures provinciales spécifiques.
En outre, 15 autres séances se sont concentrées sur des questions connexes telles que la violence familiale, la traite des personnes, les droits des victimes et les approches tenant compte des traumatismes.
Dès la date de leur nomination, tous les juges ont immédiatement accès au site Internet de l'INM, qui contient toute une série de formations en vidéodiffusion sur des questions liées aux agressions sexuelles. Cette série de vidéos continue de croître. Il y a des vidéos non seulement sur les lois et les compétences dont les juges ont besoin pour traiter les affaires qui leur sont soumises, mais aussi sur la réalité des témoins vulnérables dans les affaires d'agressions sexuelles.
J'aimerais maintenant vous parler quelques minutes de la formation des juges nommés par le gouvernement fédéral et de ceux nommés par les gouvernements provinciaux. Je vous expliquerai pourquoi je fais une distinction entre les deux.
Conformément à la politique sur le perfectionnement professionnel du Conseil canadien de la magistrature, chaque juge nommé par le gouvernement fédéral doit consacrer 10 jours à sa formation. Il y a deux types de programmes à leur disposition: les programmes nationaux conçus et offerts par l'INM et les programmes offerts par les divers tribunaux, auxquels nous participons aussi.
Dans l'année suivant leur nomination, les nouveaux juges doivent suivre deux semaines de formation, l'une au printemps, l'autre à l'automne. Pendant ces 10 jours de formation, deux sont consacrées au droit pénal. Il y a donc, évidemment, un volet agression sexuelle. Ils suivent aussi un cours sur le contexte social, dont une partie porte sur les mythes et les stéréotypes dans les affaires d'agressions sexuelles.
Ensuite, de leur deuxième à leur cinquième année d'exercice, tous les juges nommés par le gouvernement fédéral doivent suivre un cours intitulé « Juger au cours de vos cinq premières années: droit pénal ». Il s'agit d'un cours de cinq jours, en tout, sur la façon de gérer et de tenir un procès criminel. Comme les procès pour agression sexuelle sont techniquement très difficiles, les exemples présentés pendant cette semaine, que les juges utilisent pour exercer leurs compétences, sont deux situations hypothétiques d'agression sexuelle.
Nous avons déjà offert ce cours deux fois maintenant, en 2019 et en janvier 2020, et chaque fois, 60 nouveaux juges nommés par le gouvernement fédéral y ont participé.
Pendant cette formation, les juges exercent leurs compétences. Il y a notamment tout un volet sur le contre-interrogatoire. Ils regardent une vidéo sur le contre-interrogatoire d'une plaignante et d'un intimé. Ils sont assis avec des juges d'expérience et des criminalistes, puis déterminent quand le contre-interrogatoire va trop loin, quand les avocats posent des questions inappropriées, notamment sur les antécédents sexuels de la plaignante, et discutent de la façon de gérer ce type d'affaires.
De même, pendant la semaine, pour nous assurer que les juges comprennent bien les besoins des témoins vulnérables, nous leur offrons des séances sur des groupes particuliers. En janvier dernier, nous avons eu la chance d'entendre la commissaire Marion Buller, l'avocate Christa Big Canoe et l'aînée Kathy Louis, qui ont toutes travaillé à l'Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Elles sont venues nous parler des défis particuliers auxquels sont confrontées les femmes autochtones, qui sont surreprésentées parmi les victimes de violence, sexuelle comme familiale, en raison du contexte historique que nous connaissons tous si bien.
L'atelier était dirigé par deux juges autochtones de la Colombie-Britannique, soit le juge Len Marchand, qui siège à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et le juge Alex Wolf, qui siège à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.
Il y a également eu une séance sur les enfants, particulièrement ceux qui comparaissent à titre de témoins, parce qu'ils ont bien sûr des vulnérabilités particulières. Dans les prochaines années, nous offrirons d'autres ateliers aux juges sur d'autres types de témoins vulnérables, comme les personnes handicapées, les immigrants récemment arrivés au Canada, etc.
Il s'agit d'un programme obligatoire que les juges doivent suivre. En plus de ce programme, pendant tout le reste de leur carrière à la magistrature, ils ont accès à tout l'éventail des cours offerts par l'INM, qui contient des ateliers et des cours sur le droit en matière d'agressions sexuelles.
Le cours annuel sur le droit pénal porte non seulement sur les affaires d'agressions sexuelles, mais sur divers enjeux liés. Par exemple, en 2019, une partie du cours portait sur la traite de personnes. Bien sûr, on peut faire de la traite de personnes pour toutes sortes de choses, mais l'une d'elles est le sexe.
Encore une fois, il s'agit là d'un cours intensif pendant lequel les juges examinent une preuve hypothétique. Le procès criminel présenté ici en est un d'agression sexuelle entre un moniteur de camp et l'une des personnes à sa charge.
Nous offrons aussi des programmes en collaboration avec le chapitre canadien de l'Association internationale des femmes juges, qui traite souvent de ce genre de chose.
Les différents tribunaux offrent aussi leurs propres programmes deux fois par année. Bien souvent, ils offriront des cours sur les procès pour agression sexuelle.
Beaucoup de tribunaux ont mis au point un cours d'introduction pour les nouveaux juges. L'un de ces cours auxquels nous participons porte justement sur les affaires d'agression sexuelle.
Il y a toute une liste de cours offerts aux juges nommés par le gouvernement fédéral, mais permettez-moi de vous parler un peu aussi des juges nommés par les gouvernements provinciaux, parce que c'est important.
Nous n'avons pas de chiffres exacts, mais nous estimons qu'environ 95 % des affaires d'agression sexuelle sont entendues par des juges des cours provinciales. L'INM travaille avec la Cour de justice de l'Ontario, qui offre une formation sur les procès pour agression sexuelle, entre autres. Cependant, je pense qu'on peut dire que de manière générale, les juges nommés par les gouvernements des provinces et des territoires n'ont pas accès à autant de formation, faute de ressources de leur gouvernement.
Ainsi, ces juges peuvent participer à des programmes de l'INM, mais ils se heurtent à des restrictions importantes. Par exemple, le programme intensif que je viens de vous présenter, qui est obligatoire pour les juges nommés par le gouvernement fédéral et dans lequel on explore les affaires d'agression sexuelle en détail, n'est pas offert aux juges des cours provinciales en raison du mécanisme de financement sur lequel reposent la conception et l'offre du cours, ainsi qu'en raison de la demande que nous avons parmi nos juges fédéraux. Les juges des cours provinciales peuvent donc participer à d'autres programmes, mais là encore, en raison du modèle de financement, leur participation y est restreinte.
J'aimerais dire trois choses pour conclure.
Premièrement, à la lumière de mes interactions et de mon travail avec les juges de partout au Canada tous les jours, je peux vous garantir que les juges reconnaissent l'importance de la formation sur les affaires d'agression sexuelle. Ils sont particulièrement conscients du fait qu'ils doivent comprendre le contexte applicable à toutes les personnes qui entrent dans leur salle d'audience.
Deuxièmement, il est important que notre institut, de même que le Conseil canadien de la magistrature, reconnaisse que les juges provinciaux et territoriaux ont eux aussi besoin de cette formation. Ce sont eux qui entendent la plupart des affaires d'agression sexuelle au Canada.
Troisièmement, l'INM, de même que le CCM, est déterminé à travailler avec le gouvernement fédéral pour renforcer autant que possible le système de justice du Canada.
Merci beaucoup. Sur ce, je redonne la parole à M. MacDonald.