Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country.
Je souhaite Ramadan Mubarak à tous ceux qui célèbrent le premier jour du ramadan.
Je suis ravi d'intervenir au sujet du projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les réformes proposées représentent une étape importante dans les efforts soutenus du gouvernement pour rendre le système de justice pénale plus juste pour tous en tentant de remédier à la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et de membres de communautés marginalisées et racialisées.
Le projet de loi C-22 se concentre sur les lois existantes, qui ont exacerbé les désavantages sociaux, économiques, institutionnels et historiques sous-jacents qui ont contribué à des inégalités systémiques à tous les stades du système de justice pénale, depuis les premiers contacts avec les forces de l'ordre jusqu'à la détermination de la peine.
Les problèmes de racisme et de discrimination systémiques dans le système de justice pénale canadien sont bien documentés, notamment par des commissions d’enquête: la Commission de vérité et réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario.
Je vous dirai bien franchement qu’à l’origine, si je me suis porté candidat aux élections à cette Chambre, c’était pour m’attaquer à ces inégalités et à ce racisme. Mes électeurs progressistes de Parkdale-High Park ont souscrit à cet objectif, ceux qui participent en grand nombre aux manifestations du mouvement Black Lives Matter, qui attachent de l’importance à la réconciliation et à la nécessité de lutter contre la discrimination systémique à l’égard des Autochtones et qui ont assisté à une série de discussions régulières que j’ai tenues en tant que député sur la lutte contre le racisme systémique dans le sillage des décès de George Floyd et de Regis Korchinski-Paquet, ce dernier étant survenu dans ma circonscription.
Comme nation et comme continent, je crois fermement que nous sommes à un point tournant et devant une vague de fond: les Canadiens ne sont plus disposés à tolérer le racisme et la discrimination systémiques. C’est dans cette veine que notre gouvernement agit en conséquence. Le projet de loi C-22 est un élément clé de cette réponse pour aider à aplanir les obstacles systémiques auxquels les Noirs, les Autochtones et les gens de couleur sont confrontés dans ce pays.
Nous savons que le Caucus des parlementaires noirs, représenté par des députés de tous les partis dans cette enceinte, a réclamé en juin 2020 que soient réformés « les systèmes de justice et de sécurité publique afin d’éliminer le racisme anti-Noir et les préjugés systémiques, et de rendre l’administration de la justice et de la sécurité publique plus représentative et plus sensible à la diversité du Canada ». En tant qu’allié, j’ai été heureux de signer cette déclaration, tout comme de nombreux ministres du Cabinet de notre gouvernement, y compris le ministre de la Justice lui-même.
Tous ces appels à l’action ont reconnu que les lois en matière de détermination de la peine, en particulier l’imposition généralisée et sans discernement de peines minimales obligatoires et les restrictions visant l’imposition de peines avec sursis, ont rendu notre système de justice pénale moins équitable et ont nui de façon disproportionnée à certaines communautés au Canada. Pour établir une distinction aussi claire que possible, il y a une différence entre se montrer ferme contre la criminalité, comme le gouvernement conservateur précédent prétendait le faire, et se montrer intelligent contre la criminalité, ce qui est exactement ce que nous, libéraux, faisons avec le projet de loi dont nous sommes saisis et d’autres initiatives. C’est précisément la raison pour laquelle le projet de loi C-22 propose l’abrogation d’un certain nombre de peines minimales obligatoires, les PMO, notamment pour toutes les infractions liées aux drogues et pour certaines infractions liées aux armes à feu. Même si certaines PMO seraient maintenues pour des infractions graves, comme le meurtre et les infractions graves mettant en cause les armes à feu, et liées au crime organisé, les données montrent, de façon écrasante, que les PMO qui seraient abrogées ont particulièrement contribué à l’incarcération excessive d’Autochtones, de Canadiens noirs et d’autres personnes racisées et marginalisées. Les députés m’ont entendu soulever cette question au député de Stormont-Dundas-South Glengarry lors de la période de questions qui a précédé cette intervention.
Le projet de loi propose également un recours accru aux ordonnances de sursis. C’est un outil important, qu’on n’utilise pas assez, dans le cas des délinquants qui ne présentent pas de risques pour la sécurité publique. Ces ordonnances permettent aux délinquants de purger des peines de moins de deux ans dans leur communauté, dans des conditions strictes, comme l’assignation à résidence ou l’imposition d’un couvre-feu, tout en pouvant travailler, suivre une formation, et avoir accès aux réseaux de soutien familiaux, communautaires et sanitaires.
Pour bien comprendre l’urgente nécessité de ces réformes, il faut remonter aux principes fondateurs de la détermination des peines au Canada, qui sont eux-mêmes le fruit des réformes audacieuses qui ont été accomplies en 1996 et qui ont permis de reconnaître, dans la loi, que la détermination des peines doit être un processus personnalisé qui confie au juge le pouvoir d’imposer des sanctions justes. Ces sanctions doivent être proportionnelles au degré de responsabilité du délinquant et à la gravité de l’infraction. Le député de Cowichan-Malahat-Langford a justement parlé de ce processus personnalisé dans sa dernière intervention.
Pour que les sanctions soient justes, les réformes de 1996 ont imposé aux juges de tenir compte d’un certain nombre de principes en matière de détermination des peines, y compris la réhabilitation et la dissuasion. Certains de ces principes reconnaissent que, lorsqu’il s’agit d’infractions mineures, l’emprisonnement est souvent inefficace et indûment punitif, et qu’il doit être évité. Ils reconnaissent également la nécessité de prendre en compte la surreprésentation des Autochtones dans le milieu carcéral, qui était déjà une réalité à cette époque, en 1996. Ce qui s’est passé depuis, y compris les 10 années du gouvernement Harper, est illustré par les statistiques dont je vous ai fait part au cours de ce débat.
Les amendements au Code criminel ordonnaient aux juges d’envisager, mis à part l’emprisonnement, toutes les sanctions raisonnables dans les circonstances, avant de décider d’envoyer un délinquant en prison. Ce principe s’applique à tous les délinquants et demande aux juges d’accorder une attention toute spéciale à la situation personnelle des délinquants autochtones.
Afin de faciliter la mise en œuvre de ces nouveaux principes, les auteurs des réformes de 1996 ont créé les ordonnances de sursis pour permettre aux tribunaux de décider que les peines d’emprisonnement de moins de deux ans peuvent être purgées dans la communauté, dans certaines conditions. Un délinquant pourrait ainsi purger sa peine dans la communauté, à condition qu’il ne présente pas de risque pour la sécurité publique, que l’infraction dont il est coupable ne soit pas assujettie à une peine minimale et que la peine à purger dans la communauté soit conforme aux objectifs fondamentaux de la détermination de la peine.
Toutefois, le recours accru aux peines minimales pour toutes sortes d’infractions et l’imposition, par l’ancien gouvernement conservateur, de restrictions supplémentaires au recours aux ordonnances de sursis ont contribué à limiter la discrétion des juges et, de ce fait, à entraver l’application efficace de ces principes. En conséquence, les mesures répressives adoptées par le gouvernement Harper ont rendu notre système judiciaire moins efficace en décourageant le règlement précoce des dossiers. Ces mesures ont miné la confiance du public dans l’administration de la justice, laquelle est chargée d’assurer la primauté du droit, conformément à l’article 24 de la Charte.
La conséquence de loin la plus problématique de ces mesures législatives sur la détermination de la peine est l’effet disproportionné qu’elles ont sur les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur. En fait, la jurisprudence démontre que ces processus et ces politiques, les politiques du gouvernement conservateur précédent, ont échoué.
Dans sa décision rendue en 2020 dans l’affaire Sharma, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que certaines des limites aux ordonnances de sursis promulguées en 2012 minaient l’objectif du principe Gladue en limitant la capacité du tribunal d’imposer une peine appropriée qui tienne compte de la situation du délinquant. La Cour d’appel a conclu que ces limites perpétuent un effet discriminatoire contre les délinquants autochtones dans le processus de détermination de la peine.
De manière plus générale, je dirais même qu’au sein de notre gouvernement, de ce côté-ci de la Chambre, nous ne croyons pas qu’il faille menotter les juges. Nous croyons qu’il faut leur donner les moyens de tenir compte de la situation globale de l’accusé. C’est ce qu’illustre le projet de loi C-22, mais aussi d’autres éléments que nous avons abordés dans l’énoncé économique de l’automne, comme notre approche à l’égard des principes de l’arrêt Gladue, à l’égard des centres de justice communautaire ainsi que du financement des évaluations de l'incidence de la race et de la culture afin que les juges puissent, lorsqu'ils jugent un accusé noir, autochtone ou de couleur, examiner la situation de cette personne dans son ensemble afin de trouver une solution adaptée à cette situation. C’est ainsi que nous remédierons au problème de la surreprésentation.
En ciblant les politiques de détermination de la peine, le projet de loi C-22 vise à rétablir la capacité des tribunaux à appliquer efficacement l'objectif et les principes fondamentaux de la détermination de la peine, ainsi qu'à faire en sorte que les peines soient individualisées et adaptées aux circonstances de la cause.
Bien qu’il soit important d’imposer des peines justes et humaines, il est tout aussi important de veiller à ce que des mesures soient en place pour éviter, au départ, que la personne se retrouve dans le système de justice criminelle. C’est pourquoi le projet de loi C-22 obligerait la police et les procureurs à envisager d’autres solutions que le dépôt d’accusations pour possession simple de drogues, comme de donner un avertissement, d'éviter de prendre des mesures ou d'aiguiller les personnes vers des programmes de traitement de la toxicomanie. Encore une fois, cela a été soulevé dans les questions que j’ai posées au député de Stormont—Dundas—South Glengarry au sujet de l'appui de la police et des organismes chargés de faire respecter la loi en ce qui a trait à cette disposition du projet de loi.
Nous voulons d'abord que les gens obtiennent l'aide dont ils ont besoin, qu’il s’agisse de programmes de traitement, de logement ou de soutien en santé mentale, au lieu de les judiciariser. Ces mesures sont conformes à notre approche centrée sur la santé publique à l’égard de la consommation de substances et de l’épidémie d’opioïdes au pays. Toutes ces mesures encourageraient des interventions qui tiennent compte du racisme systémique et des problèmes de santé que la personne a vécus ainsi que de l'aide dont elle pourrait bénéficier. Ces réformes permettraient à la police, aux procureurs et aux tribunaux d’appliquer pleinement l’important principe de retenue dans la détermination de la peine, en particulier pour les délinquants autochtones, et d’explorer des approches qui misent sur la justice réparatrice, la réadaptation de la personne et la réinsertion sociale.
Il est essentiel que les Canadiens aient confiance dans le système et qu’il soit là pour les protéger et non pour leur nuire. Ces réformes reflètent ce que nous ont dit les Canadiens, surtout depuis qu’un mouvement nous a sensibilisés au problème du racisme et de la discrimination systémiques dans le système de justice criminelle. Je m’en tiendrai là et je répondrai avec plaisir aux questions de mes collègues des deux côtés de la Chambre.