Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du rapport publié récemment par le commissaire à l'éthique. Je ne veux pas me pencher sur ses conclusions ni sur ses recommandations. Je cherche plutôt à mettre la situation en contexte.
Les derniers mois ont été éprouvants pour ma famille et moi, c'est le moins que je puisse dire. Cela a été très difficile, et je suis reconnaissante envers ma famille, mes amis, mes collègues et tous les Canadiens qui m'ont manifesté du soutien pendant cette épreuve.
Je tiens à remercier les milliers de personnes qui m'ont soutenue, qui ont cru en moi et qui m'ont encouragé à ne pas baisser les bras. Je remercie également les divers groupes multiconfessionnels et œcuméniques avec lesquels j'ai collaboré, les résidants de Don Valley-Est et les nombreux autres concitoyens qui m'ont appuyée. Je remercie aussi les sénateurs et les députés qui sont restés à mes côtés et qui m'ont offert leurs conseils.
Lorsque j'ai lu le rapport, quelque chose de très évident m'a sauté aux yeux et m'a fait réfléchir. Encouragée par de nombreux érudits musulmans et amis à vocation œcuménique, j'ai décidé de m'exprimer à la Chambre.
Dans son rapport, le commissaire à l'éthique affirme ceci: « Mme Khatri n'est pas considérée comme membre de la famille aux fins de l'application du Code ». Il ajoute que selon les éléments de preuve recueillis, « Mme Khatri est en fait sa sœur de famille d'accueil [...] [et elle] n'est ni sa sœur biologique ni sa sœur adoptive ».
Le commissaire à l'éthique poursuit:
Mme Ratansi ne semblait pas avoir favorisé ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille, car le Code n'inclut pas les frères et sœurs dans sa définition de « membres de la famille ».
Selon elle, la preuve documentaire présentée montre qu'il n'existe aucun lien juridique entre elle et Mme Khatri, notamment aux fins de l'application du Règlement [...] [et la] relation [...] échappe aux définitions applicables du Code et du Règlement administratif telles qu'elles sont formulées actuellement.
Plus loin, il déclare que le Code est ambigu et que « compte tenu du principe de justice naturelle, les dispositions applicables devraient être interprétées selon leur sens restreint ». Il affirme aussi:
[...] si les dispositions définissant « proche famille » sont imprécises et ambiguës, l'ambiguïté devrait être résolue en faveur de la personne visée par une enquête.
J'accepte [l']affirmation de Mme Ratansi, ainsi que son argument selon lequel Mme Khatri, en sa qualité de sœur de famille d'accueil, ne serait pas légalement considérée comme sa sœur et, par extension, comme membre de sa « proche famille » au sens du Règlement administratif.
Quoi qu'il en soit, étant donné que je présente Mme Khatri comme ma sœur, conformément aux pratiques culturelles islamiques et aux souhaits de mon père, il conclut que, malgré toutes les preuves du contraire, c'est une sœur.
De nombreux érudits musulmans, ma communauté interconfessionnelle et des membres de la communauté musulmane m'ont appelée et m'ont demandé de fournir des références en matière de pratiques islamiques.
Qu’est-ce que nous enseigne l’islam sur le traitement des orphelins?
Le fait d’appeler une personne un frère ou une sœur est une façon digne de désigner d’autres musulmans qui ne font pas partie de la famille, en particulier lorsqu’il s’agit d’orphelins. Ma conduite morale et éthique repose sur ces valeurs et pratiques islamiques; ainsi, je crois que lorsqu’on héberge un orphelin ou un invité quelle que soit sa confession, on doit accorder à cet être humain la même dignité et le même traitement que l’on aurait pour un frère ou une sœur, et qu’on s’adresse à lui en tant que tel. C’est particulièrement important dans le cas des orphelins. Cela leur permet de conserver leur dignité et d’éviter des tabous sociaux.
Toute personne ayant échangé avec des musulmans sait que désigner des personnes comme des frères ou des sœurs fait partie de la philosophie islamique. Par conséquent, ceux qui me soutiennent ont eu l’impression que dans le contexte actuel d’islamophobie et d’incompréhension de l’islam, il serait bon que j’explique certaines normes islamiques.
Les membres de la communauté ont aussi proposé que les décideurs à différents niveaux du Parlement soient sensibilisés à la culture, aux traditions et à la philosophie de l’islam, qui n’est pas bien comprise en tant que foi abrahamique. J’espère que les renseignements que je vais transmettre permettront de prendre des décisions éclairées à l’avenir.
Pour mieux faire comprendre combien il était important pour mon père de m’inculquer la philosophie islamique, je vais citer quelques hadiths, ou paroles, du saint prophète Mahomet, que la paix soit avec lui. Il a dit: « La meilleure des maisons musulmanes est celle où l’on héberge un orphelin et où on le traite avec bonté; en revanche, la pire des maisons musulmanes est celle où on héberge un orphelin et où on le maltraite. »
Le prophète continue ainsi: « Moi et celui qui parraine un orphelin sommes [proches] au Paradis comme le sont ces deux-là », en montrant son index et son majeur collés l'un contre l'autre.
J’ai trouvé des sentiments similaires dans l’Ancien et le Nouveau Testaments, qui disent que Dieu a déclaré que s’occuper d’un orphelin est un acte de charité important et un devoir sacré.
Dans l'islam, un enfant orphelin occupe une place très importante. Il existe de nombreux versets dans le noble Coran où Allah le Tout-Puissant parle du traitement des orphelins. Il suffit de regarder le chapitre 2 de la sourate Al-Baqarah, le chapitre 4 de la sourate An-Nisa et le chapitre 17 de la sourate Al-Isra, où Allah enjoint aux croyants d'être gentils avec les orphelins et de prendre soin d'eux comme s'ils étaient leurs propres enfants, d'être un père miséricordieux envers l'orphelin, d'être bons envers les orphelins et de ne jamais les traiter durement.
Dans les sociétés qui ne respectent pas les valeurs du Coran, il se peut que ce concept soit étranger. Il est donc important de reconnaître la façon dont les musulmans considèrent le traitement des orphelins. Les croyants prennent la question du traitement des orphelins très au sérieux, car Allah interdit aux êtres humains de soumettre les orphelins à un traitement sévère et condamne ceux qui les maltraitent.
Mon défunt père nous a inculqué ces valeurs islamiques très importantes, notamment le fait de traiter chaque être humain comme un frère ou une sœur dans la foi ou dans l'humanité, de faire preuve de compassion, de toujours préserver la dignité d'un autre être humain, et de s'efforcer d'améliorer la vie des orphelins et de les élever pour qu'ils deviennent des personnes honnêtes. Voilà qui je suis. Je n'abaisserai pas la dignité de qui que ce soit.
Pouvoir appeler Mme Khatri une sœur est un privilège que je chéris et que l'islam m'a enseigné. Je ne renoncerai jamais à ces principes islamiques, peu importe la désinformation, la calomnie et le cirque médiatique. Bien que Mme Khatri ait accepté de fournir au commissaire à l'éthique la preuve de sa relation avec moi, je tiens à lui présenter mes excuses pour l'indignité que cet incident lui a causée.
Quant à ceux qui calomnient, de nombreux versets du Coran et des traditions abrahamiques disent que Dieu châtiera ceux qui calomnient et se moquent des autres.
Une autre leçon de vie est celle de l'aigle et du corbeau. Le corbeau est le seul oiseau qui ose picorer le cou de l'aigle. Cependant, l'aigle ne réagit pas. Il ne se défend pas. Il ne perd pas de temps ni d'énergie à se défaire du corbeau. Au contraire, il ouvre ses ailes et commence à voler haut dans le ciel. Plus il s'élève, plus le corbeau a du mal à respirer et finit par tomber au sol par manque d'oxygène.
En tant que parlementaires, nous faisons face à de nombreux corbeaux, internes et externes. Alors que nous tentons d'assumer notre devoir d'améliorer la vie des gens de nos circonscriptions et de l'ensemble des Canadiens, soyons comme les aigles qui volent en hauteur et évitons les tentations des corbeaux aux propos diffamatoires. J'encourage les députés à cesser de perdre du temps avec les corbeaux. Prenons notre envol, et les corbeaux disparaîtront. Personnellement, j'ai pris ce conseil très au sérieux. Alors que je continue de servir les habitants de ma circonscription, je sais que les corbeaux manqueront d'oxygène et battront en retraite.
J'espère sincèrement que ce court exposé sur la culture et les pratiques islamiques nous permettra de devenir de meilleurs parlementaires et de mettre nos paroles en pratique. En tant que Canadiens, nous affirmons que la diversité est notre force. Or, en ce qui concerne la diversité, nous n'avons toujours pas appris à l'intégrer dans nos processus décisionnels. J'espère que mon intervention d'aujourd'hui contribuera, ne serait-ce que très modestement, à changer cette réalité et que, si quelqu'un se trouve un jour dans la même position que moi, il sera jugé différemment.