Madame la Présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de poursuivre mon intervention au sujet de ce projet de loi. C'est justement vous qui occupiez le fauteuil lors des deux premières minutes et 21 secondes de mon discours à ce sujet. Je suis heureux de voir que nous nous retrouvons dans les mêmes circonstances pour boucler la boucle.
Il importe de souligner, comme l'ont fait de nombreuses personnes, non seulement à la Chambre, mais également à l'extérieur de celle-ci, que, contrairement à la manière dont les conservateurs tentent malheureusement de le dépeindre, ce projet de loi ne constitue pas une attaque contre les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois. En fait, le projet de loi ne touchera qu'environ 3 à 5 % des propriétaires d'armes à feu, puisqu'il vise uniquement à interdire les fusils d'assaut de type militaire, c'est-à-dire les armes à feu conçues pour tuer le plus de gens possible.
Ma famille tout comme ma belle-famille comptent de fiers chasseurs qui chassent depuis de nombreuses générations, que ce soit au Canada ou dans leur pays d'origine. Un de mes oncles du côté de ma mère, avec qui j'entretiens des liens étroits, possède un chalet près de Westport, en Ontario. Il chasse régulièrement sur son terrain de plusieurs acres avec ses armes à feu. Ce projet de loi ne l'inquiète pas parce qu'il n'a pas de fusils d'assaut de type militaire. Il ne voit pas l'utilité des armes automatiques ou semi-automatiques pour la chasse. Après tout, elles ont été conçues pour tuer des gens en situation de combat.
Mon regretté beau-père a grandi dans un camp de chasse et pêche à Plevna, en Ontario. Son père, son grand-père et lui avaient l'habitude d'y accueillir des visiteurs, dont beaucoup d'Américains, pour chasser, pêcher et découvrir les grands espaces du Canada.
Si les gens dans des contextes similaires prêtaient l'oreille au discours du Parti conservateur, ils seraient très préoccupés. C'est parce que les conservateurs aiment bien omettre certains éléments très importants de l'objectif du projet de loi. Je reviendrai sur ce qui explique une telle attitude selon moi un peu plus tard.
Il est important de reconnaître que le projet de loi répond aux préoccupations qu'ont non seulement les parlementaires, mais aussi de nombreux citoyens et parties prenantes partout au pays.
Commençons par les chefs de police. Au fil des ans, des chefs de police ont mis en garde contre les risques associés aux armes de ce type. Ainsi, le chef de police de Saskatoon, Troy Cooper, a déclaré dans une interview ce qui suit: « Les personnes qui commettent des crimes à main armée en Saskatchewan le font généralement avec des armes volées. » De son côté, le chef de police de Regina, Evan Bray, a déclaré que les armes à feu utilisées pour commettre des crimes « n'arrivent pas par les États-Unis [...] [mais proviennent] d'introductions par effraction. »
Par conséquent, les Canadiens doivent se demander s'ils devraient croire les conservateurs quand ils disent que toutes ces armes à feu utilisées dans ce but sont des armes de contrebande, car c'est ce que le Parti conservateur claironne depuis des années à la Chambre, comme j'en ai été moi-même témoin. Ou doit-on croire le chef de police de Regina? Avec tout le respect que je dois à mes collègues conservateurs, j'ai tendance à me ranger du côté de ceux qui semblent connaître les faits et avoir des preuves et l'expérience de la vie réelle, même si, bien sûr, certains députés ont eux aussi une expérience de la vie réelle dans le domaine de l'application de la loi.
Récemment, le chef de police d'Edmonton, Dale McFee, « a affirmé qu'environ 5 à 10 % des armes à feu utilisées pour commettre des crimes à Edmonton viennent des États-Unis ». Je répète, 5 à 10 %. Et il ajoute: « Le reste sont des armes légitimes, achetées par des “hommes de paille” ou “volées”. »
Chris Renwick, un inspecteur de l'Ontario, a récemment affirmé lors d'une réunion du conseil d'administration de Prévention du crime Ottawa que la moitié des armes à feu ayant servi à commettre un crime récupérées au Canada sont habituellement des armes à feu enregistrées légalement, mais qui ont été volées. Toutefois, ce que nous entendons des députés d'en face, c'est que les armes à feu utilisées pour commettre des crimes proviennent de l'autre côté de la frontière, et que nous devons resserrer les mesures de sécurité aux frontières et sévir contre la criminalité. Je suis persuadé qu'ils ont raison dans une certaine mesure, mais ils passent à côté de la vaste majorité des préoccupations exprimées par les chefs de police.
Puisque je parle de la nécessité de veiller à ce que les outils appropriés soient en place pour la prévention du crime, je devrais rappeler à la Chambre que lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, ils ont effectué des compressions à hauteur de milliards de dollars, ce qui a nui à la capacité de l'Agence des services frontaliers du Canada de faire ce travail. Cependant, au cours des dernières années, des fonds ont été dégagés pour accroître davantage les efforts dans ce dossier: au cours de la dernière législature, le gouvernement a investi 327 millions de dollars pour lutter contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs et a consacré 86 millions de dollars à la prévention de la contrebande transfrontalière d'armes à feu illégales. Le Parti conservateur s'est opposé à cette mesure. Les conservateurs devront m'expliquer leur raisonnement, car selon eux, il faut de meilleurs contrôles aux frontières pour lutter contre le problème d'armes à feu au Canada. Cette année seulement, le gouvernement allouera 30,8 millions de dollars à l'Agence des services frontaliers pour l'appuyer dans ses efforts visant à réduire la criminalité à la frontière et empêcher que des armes à feu entrent clandestinement au pays.
Par conséquent, voulons-nous nous attaquer à ce problème de contrebande? Voulons-nous lutter contre la criminalité qui y est liée? Oui, absolument. C'est ce que nous faisons, et nous travaillons en ce sens, mais ce n'est pas la seule solution. On ne s'attaque pas à un grave problème de ce genre en pensant que la seule solution est de travailler sur un seul élément, auquel, comme je l'ai déjà dit, les conservateurs ont imposé des compressions.
Je tiens à parler brièvement d'une question qui a été soulevée au Comité permanent de la sécurité publique et nationale parce qu'elle est extrêmement pertinente au débat ainsi qu'à la position adoptée par les conservateurs.
Auparavant, je parlerai d'abord d'autre chose. L'Association canadienne pour les armes à feu a déclaré que le chef de l’opposition avait rencontré à maintes reprises ses représentants au Canada pendant la course à la direction de son parti. On pourrait se demander en quoi cela est pertinent par rapport à la position du Parti conservateur sur le projet de loi. C'est très pertinent parce que, quand on examine les principaux objectifs de politique en matière d'armes à feu de la Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu et qu'on les compare à ceux du programme du chef du Parti conservateur, on constate qu'ils sont presque identiques. Ils auraient pu être rédigés par la Coalition elle-même.
La Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu demande que l'on simplifie le système de classification. Dans le document publié par le chef de l'opposition, il est précisément question d'instaurer un système de classification simplifié.
La Coalition demande que les propriétaires d'armes à feu puissent décharger celles-ci sur leur propriété. C'est ce que promet le chef de l'opposition dans sa plateforme.
On réclame que le projet de loi comprenne une description détaillée des armes converties en armes à feu entièrement automatiques et des variantes. Sans surprise, le chef du Parti conservateur s'engage dans sa plateforme à supprimer la classification arbitraire des armes à feu.
La Coalition demande que l'on rétablisse les normes de service pour l'émission d'un numéro du Tableau de référence des armes à feu, ou TRAF. Vous savez quoi? Le chef du Parti conservateur s'y engage dans sa plateforme.
La Coalition demande que l'on change les restrictions concernant le nombre de cartouches, lequel est limité à 10 pour tous les chargeurs. Sans surprise, le chef a déclaré dans une assemblée publique: « Je n'aime pas les restrictions » inhérentes au nombre de cartouches dans tous les chargeurs. Cette assemblée a eu lieu le 15 mai 2020, il n'y a même pas un an.
Lorsque l'on compare les documents, il est difficile de ne pas conclure que le Parti conservateur ne se sent pas redevable à l'Association canadienne pour les armes à feu, puisque les documents sur sa propre plateforme électorale reprennent presque textuellement les demandes de l'Association.
Cela m'amène au sujet que j'ai soulevé il y a quelques instants, c'est-à-dire un problème qui est survenu au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. J'aimerais vraiment pouvoir utiliser un accessoire, mais je ne le ferai pas, puisque cela va à l'encontre du Règlement; toutefois, j'attire l'attention des députés sur deux caricatures particulières. Étant donné que je les ai devant moi, je vais essayer de les décrire du mieux que je peux. L'Association canadienne pour les armes à feu a publié deux caricatures assez dégradantes qui représentent la députée d'Oakville et la vice-première ministre. Il y en a une autre où figure le premier ministre et ce qui semble être son épouse. Ces caricatures sont dégradantes parce qu'elles tentent d'associer les femmes craintives aux armes à feu, et on peut voir d'autres individus qui tiennent des armes à feu et qui disent: « Je pense que tout ira bien. » Peu importe le point de vue que l'on adopte, aucun député ne devrait considérer ces caricatures comme un moyen approprié de promouvoir un dialogue dans notre société démocratique.
Quoi qu'il en soit, pendant sa rencontre de février, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a présenté une motion que je souhaite lire à la Chambre. La voici:
Que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes condamne l’Association canadienne pour les armes à feu ainsi que les propos tenus par son président, Sheldon Clare, le 16 février 2021 dans une vidéo diffusée en ligne concernant la présentation du projet de loi C-21, dans laquelle il dit: « [...] nous remettre au travail du bois et des métaux et recommencer à construire des guillotines (rire). Ce serait vraiment la meilleure forme de comité de sécurité publique, de rétablir ça. S’ils veulent en faire une question de sécurité publique, c’est la voie à adopter. Le ton de voix de cette personne indiquait clairement qu’elle était sérieuse. Ce n’était pas une blague. Je ne crois pas qu’ils comprennent qu’ici, ce n’est pas la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou l’Australie. Le Canada est un pays composé de gens qui sont ici depuis des milliers d’années, les Autochtones, les immigrants qui ont fui l’Europe pour échapper à la tyrannie, qui ont combattu la tyrannie et [...] qui savent reconnaître la tyrannie. Et cela, mes amis, c’est de la tyrannie. »
Cette motion a été présentée pour demander au comité permanent de la Chambre des communes de condamner les propos tenus par le président de l'Association canadienne pour les armes à feu, qui a affirmé que les membres du comité devraient se consacrer à l'étude de la menuiserie et du travail des métaux pour construire des guillotines. C'est ce qu'a dit le président de l'Association canadienne pour les armes à feu, et tout ce qu'a demandé le comité, c'est que ces propos soient condamnés.
Je passe rapidement au vote portant sur cette motion. Les députés s'en souviennent-ils? Tout le monde a voté pour, sauf quatre députés, qui représentent les circonscriptions de Lakeland, Battle River—Crowfoot, Medicine Hat—Cardston—Warner et Langley—Aldergrove. Ces députés n'ont pas voté contre la motion, mais ils se sont abstenus. J'ai visionné la vidéo de ce débat. J'ai porté attention au raisonnement de la députée de Lakeland, qui a tenté de poursuivre les délibérations à huis clos. Ce qu'elle a dit en gros, c'est que si une personne se sent menacée, elle doit appeler la police, et que, par conséquent, il ne faudrait pas en discuter publiquement, parce que ce faisant, tout cela devient une enquête en cours. En tout respect, c'est de la pure foutaise. Il s'agit d'une déclaration publique qui a été faite non pas pour attaquer une seule personne, mais pour indiquer au comité ce qu'il devrait faire.
« Le comité devrait peut-être se remettre au travail du bois et des métaux et recommencer à construire des guillotines. » Les députés de Lakeland, Battle River—Crowfoot, Medicine Hat—Cardston—Warner et Langley—Aldergrove n'ont même pas pu se résoudre à voter en faveur de la motion qui condamne ces mots. Il faut se demander pourquoi. À quel point faut-il être étroitement lié à l'Association canadienne pour les armes à feu pour ne pas voter en faveur de cette motion? Je crois avoir déjà répondu à cette question en montrant aux députés à quel point les engagements politiques et électoraux du chef de l'opposition en matière d'armes à feu sont liés aux demandes de l'Association canadienne pour les armes à feu.
Je vais conclure avec une réflexion. Il semble que l'opposition à ce projet de loi ne vienne pas de députés qui veulent vraiment trouver des solutions, mais plutôt de gens qui répondent aux diktats d'une association qui a la mainmise sur un parti. J'entends des gens se récrier de l'autre côté, mais peut-être pourraient-ils m'expliquer ce qui peut pousser les quatre députés dont j'ai parlé à ne pas appuyer le projet de loi. Le pire, c'est qu'ils semblent croire qu'ils peuvent esquiver la question en s'abstenant de voter. S'ils sont vraiment contre cette mesure et qu'ils croient sincèrement ce que la députée de Lakeland a affirmé, pourquoi ne veulent-ils pas voter contre le projet de loi? C'est parce que, s'ils votaient pour le projet de loi, ils enverraient à l'association en question, qui est fortement liée à leur parti, un message qui leur nuirait lors des prochaines élections. C'est la seule conclusion à laquelle j'arrive.
Ce projet de loi est nécessaire. Nous devons l'adopter et protéger la vie des Canadiens. Il faut écouter les chefs de police que j'ai cités plus tôt pour sauver des vies. Il faut cesser les petits jeux qui servent certaines personnes au pays qui veulent faire prévaloir leur point de vue, ce qui est tout à fait légitime, mais, malheureusement, ces personnes sont intimement liées au Parti conservateur.