Madame la Présidente, il est rare dans notre démocratie que ce Parlement doive débattre aussi sérieusement des fautes de l'un de ses députés. On ne doit sous aucun prétexte prendre cette situation à la légère.
Des événements récents et moins récents nous forcent à remettre en question la qualité de la fonction ministérielle occupée par l'un des nôtres. Force est d'admettre que beaucoup de choses sont reprochées au ministre de la Défense nationale, qui doit rendre des comptes aux citoyens et aux citoyennes que nous représentons à Ottawa.
Avant de formuler ce que j'en pense, je veux préciser une chose: il n'y a pas que le ministre qui doit rendre des comptes, il y a aussi, et surtout, le premier ministre. C'est lui qui a nommé le ministre de la Défense nationale et qui a signé sa lettre de mandat.
Selon moi, le débat de ce soir est intrinsèquement lié au jugement du premier ministre et à sa capacité d'agir quand le devoir l'appelle. Malheureusement, si nous en sommes à en débattre à la Chambre, c'est qu'il y a un problème, un abus de notre confiance envers le gouvernement sur un sujet bien précis.
Le premier ministre a eu à de nombreuses reprises l'occasion d'exercer le leadership que sa fonction lui accorde, mais il ne l'a pas fait. La motion du député de Durham est dure, mais il faut bien se rendre à l'évidence: nous sommes effectivement déçus du ministre de la Défense nationale. Le Bloc québécois demandait la démission du ministre pas plus tard que le mois dernier. Nous sommes encore plus sûrs que c'est la seule avenue possible depuis le dernier épisode indignant de son mandat.
En tant que députés de l'opposition, nous avons le devoir de confronter le gouvernement et ses ministres à leurs actions. C'est l'essence de la responsabilité ministérielle. C'est l'essence de notre démocratie.
Les libéraux attribuent toujours leurs échecs à des problèmes systémiques alors qu'ils tiennent les rênes de ce même système. Il est encore temps de démontrer qu'il y a au moins un système qui fonctionne au Canada sur lequel le gouvernement peut exercer son plein contrôle. La seule avenue possible est le départ du ministre.
Commençons par les faits les moins graves qu'on reproche au ministre. Tout d'abord, le ministre a induit les Québécois et les Canadiens en erreur relativement au retrait des avions de combat dans la lutte contre Daech. Le ministre avait affirmé que les alliés du Canada avaient accepté sans problème le retrait des CF‑18 de l'opération Impact, peu après la prise de pouvoir des libéraux en 2015.
Selon lui et les libéraux, les alliés du Canada comprenaient et respectaient la décision du Canada de retirer ses CF‑18. C'était faux. On s'attend à ce qu'une déclaration d'un ministre soit vraie. Jamais on ne se serait attendu à ce qu'une affirmation aussi facilement réfutable soit faite, puisqu’un ministre peut normalement compter sur du personnel compétent pour l'empêcher de se mettre dans l'embarras. La situation était l'inverse de ce qu'avançait le ministre: les Irakiens et nos alliés s'opposaient farouchement au retrait de nos avions, ce que révélaient des documents dont les médias ont obtenu copie.
Confronté à cette révélation, le ministre a allégué en entrevue qu'il voulait en fait que le Canada garde ses CF‑18 là-bas, ce qui en dit long sur les libertés que le ministre prend avec les faits quand cela implique nos alliés. Tristement, les bévues du ministre ne s'arrêtent pas là.
On sait tout comme moi que de nombreux Québécois et Canadiens s'enorgueillissent de nos capacités militaires et des artisans de nos succès. De nombreux Québécois et Canadiens respectent et reconnaissent le travail des gens qui risquent leur vie pour nous et nos libertés. C'est donc avec humilité que nos concitoyens regardent les accomplissements de nos soldats et de nos soldates.
Pourtant, lors d'un discours en Inde, le ministre a affirmé qu'il était l'architecte de l'opération Méduse en 2006, en Afghanistan. Je devrais plutôt dire qu'il s'est approprié le travail de ses collègues. Pour la petite histoire, cette opération avait réussi à encercler et éliminer jusqu'à 700 combattants talibans qui s'étaient regroupés pour tenter des offensives contre les bases alliées. Le Canada, l'armée afghane et d'autres nations alliées avaient réussi à infliger une défaite aux talibans. L'offensive était pilotée par le Canada grâce à plusieurs officiers de nos Forces.
Une des grandes fiertés des femmes et des hommes qui servent le Québec et le Canada est le travail d'équipe dont ils font preuve. Ce travail ne consiste pas à jouer aux grands héros devant le public ni à frimer dans une réception en affichant son importance.
Une opération ne se fait pas tout seule, surtout une opération comme celle-là. Même de Gaulle, Churchill ou MacArthur n'auraient jamais prétendu être les architectes de quoi que ce soit. Une planification dans n'importe quel contexte, c'est étroitement lié aux renseignements qui proviennent des troupes sur le terrain et aux compétences tactiques d'un paquet de personnes.
À l'époque, le ministre participait au développement du plan de l'opération Medusa, mais il n'était pas seul. Revenir là-dessus en 2021 a l'air niaiseux, mais cela fait partie d'un continuum d'actions mensongères et trompeuses qui révèlent que le ministre a ses propres intérêts en tête. Or, il y a plus. Le ministre a présidé à la mise en accusation et au congédiement du vice-amiral Norman. Cette histoire, plus de Québécois et de Canadiens devraient la connaître. C'est une histoire gênante et indigne des fonctions qu'on occupe.
Peu avant les élections fédérales de 2015, les conservateurs ont annoncé qu'ils octroyaient — enfin, devrais-je dire — un contrat de conversion d'un porte-conteneur en pétrolier ravitailleur pour la Marine royale. Ce navire, le fameux Astérix, devait être construit au chantier de la Davie au Québec; pour les fois que cela arrive. Or, le premier réflexe des libéraux, nouvellement élus en 2015, a été d'essayer de rompre le contrat afin de satisfaire la famille Irving.
Scott Brison qui était le grand ami du ministre, et l'ancien président du Conseil du Trésor était très proche de la famille Irving. Il les connaissait. C'est bien simple, il a tenté de faire échouer le contrat. Donnons toutefois à M. Brison ce qui lui revient: il a finalement reculé, une fois que l'affaire était dans les médias. C'est très libéral comme façon de procéder. Cela a l'air d'être toujours la ligne directrice d'une décision libérale. Le Toronto Star, Global News, CBC et Radio-Canada sont-ils au courant? Non, alors on le fait. Sont-ils au courant? Oui, alors on ne le fait pas. Voilà comment les libéraux fonctionnent. Cela ne s'est pas arrêté là, malheureusement.
Les libéraux ont choisi de faire ce que toute bonne clique belliqueuse ferait: trouver le sonneur d'alerte et le passer à tabac. Quoi de mieux que la bonne vieille GRC pour faire la police politique et enquêter sur la fuite? C'est ce qui a mené au dépôt d'accusations contre le vice-amiral Mark Norman qui était, autrefois, le numéro deux des Forces armées canadiennes, sous le général Vance. Au lieu de mettre ses culottes et d'arrêter la chasse aux sorcières, le ministre a fait ce qu'il fait de mieux, c'est-à-dire protéger ses intérêts et ceux des libéraux.
Le ministre de la Défense, comme le premier ministre actuel, n'a pas défendu Norman lorsque Vance l'a publiquement accusé. Le ministre a même appuyé la décision de Vance de suspendre Norman en 2017. Comme je l'ai dit, c'est gênant. Cela s'est passé un an avant qu'il soit formellement accusé d'avoir fait couler des documents confidentiels. « Quand la décision a été prise, je l'ai appuyée », avait-il dit. D'ailleurs, le premier ministre lui en doit encore une pour cela, parce qu'il a encore eu l'air fou.
Les nombreux documents obtenus par la défense de Norman ont prouvé que les libéraux tentaient de déchirer le contrat. Le gouvernement a été mis dans l'embarras au point où Brison a démissionné de toutes ses fonctions. Encore plus gênant, Norman a finalement été complètement blanchi, mais il n'a jamais réintégré son poste.
Le ministre n'est pas un joueur d'équipe. Combien de personnes sont-elles parties sous son leadership? Il y a eu cinq, six, sept ou huit personnes; cela ne peut pas durer. Des fois, la vie envoie des messages plus ou moins subtils. Le ministre peut-il voir ces messages? Le premier ministre peut-il les voir? Nous, les partis de l'opposition, voyons ces signes.
Il est également difficile de passer sous silence ce qui s'est passé avec l'ancien ombudsman Gary Walbourne. Plusieurs de mes collègues, autrement plus éloquents que moi, ont eu l'occasion de parler plus précisément du problème de l'inconduite sexuelle dans l'armée, un sujet sur lequel le ministre s'est démarqué par ses échecs.
Néanmoins, je veux y revenir parce que c'est dans la même ligne que ce que je racontais plus tôt dans ce discours. L'ombudsman, un fonctionnaire extrêmement important dans l'appareil militaire canadien, ne plaisait pas à la clique libérale. On l'a traîné dans la boue, on l'a accusé de terribles choses et on a coupé son financement. Le ministre était au cœur de la mésentente avec Gary Walbourne qui tentait de faire son travail. Quand il a approché le ministre pour mettre leurs différends de côté et aborder un sujet qui dépassait leurs querelles, plus particulièrement une allégation d'inconduite sexuelle envers une militaire par le général Vance, le ministre n'a rien fait, ou presque.
Il ne voulait pas en entendre parler. Il a alors passé la rondelle au Cabinet du premier ministre. On se rappelle que c'est le ministre de la Défense nationale qui est le patron du ministère. Outre le fond de l'affaire, qui est terrible, je m'intéresse au comportement du ministre. La seule fois dans sa carrière où il aurait pu réellement être architecte de quelque chose, il a détourné le regard.
Il aurait pu diriger une réforme en profondeur de la culture des Forces armées canadiennes. Au lieu de cela, on a perdu trois ans. Les survivantes ont perdu trois ans. Encore une fois, le ministre de la Défense nationale ne démontre pas que c'est un travailleur d'équipe. Pire, quand l'histoire est sortie, il a nié, puis il a admis, puis il a blâmé l'incompétence de Gary Walbourne.
La prochaine étape, directement inspirée du guide libéral de la gestion de crise, est de blâmer quelque chose de systémique.
Personnellement, j'ai une théorie. Une culture problématique, un problème systémique, ce n'est pas une incantation. Il faut agir. Attendre d'être peinturé dans un coin pour décider de faire quelque chose n'est pas digne de la fonction de ministre. C'est exactement ce dont on parle aujourd'hui, c'est‑à‑dire être digne de sa fonction, être responsable et imputable. Le ministre n'est plus digne de sa fonction.
Si le premier ministre ne voit pas cela, j'espère que mes honorables collègues le verront.
Madam Speaker, in our democracy, Parliament seldom has to have such a serious debate on the failures of one of its members. We must not, under any circumstances, take this situation lightly.
Recent and not-so-recent events are forcing us to question how well one of our own is performing his ministerial duties. There is no denying that we are finding many faults with the Minister of National Defence, who must answer to the citizens we represent in Ottawa.
Before formulating my opinion, I want to make one thing clear: The minister is not the only one accountable. There is also the Prime Minister. He is the one who appointed the Minister of National Defence and signed his mandate letter.
In my opinion, tonight's debate is inextricably tied to the Prime Minister's judgment and his ability to spring into action when duty calls. Unfortunately, the fact that we are debating this in the House means there is a problem, a breach of our trust in the government on a specific subject.
The Prime Minister had plenty of opportunities to show the leadership that his role calls for, but he did not. The member for Durham's motion is harsh, but the reality is that we are indeed disappointed with the Minister of National Defence. The Bloc Québécois called for the minister's resignation just last month. We are even more sure that that is the only possible course since the most recent shameful episode of his term.
As opposition members, we have a duty to confront the government and its ministers about their actions. That is the essence of ministerial responsibility. It is the essence of our democracy.
The Liberals blame all their failings on systemic problems, yet they are the ones in charge of the system. There is still time to show that there is at least one working system in Canada that the government has full control over. The only possible course is for the minister to step down.
Let us start with some of the less serious criticisms of the minister. First, the minister misled Quebeckers and Canadians over the withdrawal of fighter jets in the fight against ISIS. The minister said that Canada's allies had no problem with the CF‑18s being withdrawn from Operation Impact, shortly after the Liberals came to power in 2015.
According to him and the Liberals, Canada's allies understood and respected Canada's decision to withdraw its CF-18s. That is not true. We expect the things a minister says to be true. We would never have expected him to say something so easily refutable, since a minister can usually count on competent staff to help him avoid embarrassment. The situation was the opposite of what the minister was saying: The Iraqis and our allies were strongly opposed to the withdrawal of our aircraft. The media obtained copies of documents indicating that such was the case.
When confronted with that revelation, the minister alleged in an interview that he had actually wanted Canada to keep its CF-18s there, which says a lot about the liberties the minister takes with the facts when it involves our allies. Sadly, the minister's blunders do not end there.
The government knows as well as I do that many Quebeckers and Canadians are proud of our military capabilities and the people responsible for our success. Many Quebeckers and Canadians respect and recognize the work being done by those risking their lives for us and our freedom. Our fellow citizens are humbled by the accomplishments of our soldiers.
Meanwhile, during a speech in India, the minister said that he was the architect of Operation Medusa in 2006 in Afghanistan. Actually, I should say that he took credit for the work of his colleagues. To give a little bit of background, this operation managed to surround and eliminate up to 700 Taliban fighters who had gathered to launch attacks on allied bases. Canada, the Afghan army and other allied nations managed to defeat the Taliban soldiers. The offensive was led by Canada thanks to many of our military officers.
The men and women who serve Quebec and Canada are very proud of their teamwork. Teamwork is not about playing the hero for the public or showing off at a reception by making self-important boasts.
Operations are not carried out solo, especially not operations like that one. Even de Gaulle, Churchill and MacArthur would never have claimed to be the architects of anything whatsoever. No matter the context, planning an operation depends heavily on intel from troops on the ground and the tactical skills of all kinds of people.
At the time, the minister was involved in planning Operation Medusa, but he was not working alone. Bringing this up again in 2021 seems silly, but it is part of a continuum of untruths and deceit that point to the minister's priority being his own self-interest. But wait, there is more. The minister presided over the indictment and removal of Vice-Admiral Norman. More Quebeckers and Canadians should be familiar with that story. The whole thing is an embarrassment and unworthy of the offices held.
Shortly before the 2015 federal election, the Conservatives announced that they had at long last granted a contract to convert a container ship into an oiler replenishment ship for the Royal Navy. The plan was to build that ship, the Asterix, at the Davie shipyard in Quebec, for once. When the Liberals took office in 2015, the first thing they did was try to cancel the contract in favour of the Irving family.
Scott Brison, the minister's good friend and the former president of the Treasury Board, was very close to the Irving family. He knew them. It is perfectly simple. He tried to derail the contract. I will give Mr. Brison credit for finally backing down once the story hit the media. It is very typical Liberal behaviour. That always seems to be the Liberal approach to decision-making. Do the Toronto Star, Global News, CBC and Radio-Canada know about this? If not, then we will do it. Do they know about this? If so, then we will not do it. That is how the Liberals operate. Sadly, it did not stop there.
The Liberals chose to behave like an angry mob: find the whistle blower and take him out. Who better than the good old RCMP to act as the political police and investigate the leak? That is what led to the filing of charges against Vice‑Admiral Mark Norman, who at one time was the second-highest ranking officer in the Canadian Armed Forces under General Vance. Instead of standing up and ending the witch hunt, the minister did what he does best, in other words protect his interests and the interests of the Liberals.
The Minister of Defence, like the current Prime Minister, did not defend Norman when Vance accused him publicly. The minister even supported Vance's decision to suspend Norman in 2017. As I said, that is embarrassing. It happened one year before Norman was formally charged with leaking confidential documents. “When the decision was made, I supported it”, the minister said. The Prime Minister still owes him for that, because he again looked ridiculous.
The numerous documents obtained by Norman's defence team proved that the Liberals were trying to rip up the contract. The government was so embarrassed that Brison resigned from all his roles. Even more embarrassingly, Norman was eventually completely exonerated, but he never got his job back.
The minister is not a team player. How many people have left under his leadership? Five, six, seven or eight people have left, and that cannot continue. Sometimes life gives us subtle signs. Can the minister see these signs? Can the Prime Minister see them? We, the opposition parties, certainly can.
It is also difficult to ignore what happened to former ombudsman Gary Walbourne. Several of my colleagues, who are more eloquent than I am, had the opportunity to speak more specifically about the problem of sexual misconduct in the army. The minister has become known for his failures on this matter.
Nevertheless, I want to come back to it because it ties in with what I was saying earlier in my speech. The Liberals' little clique was not happy with the ombudsman, an extremely important official in the Canadian military. He was dragged through the mud, accused of terrible things and had his funding cut off. The minister was at the centre of the disagreement with Gary Walbourne, who was just trying to do his job. When he approached the minister about setting their differences aside to address an issue more important than their feud, specifically an allegation that General Vance had committed sexual misconduct towards a female soldier, the minister did little if anything.
He did not want to hear about it, so he passed the puck to the Prime Minister's Office. Remember, the Minister of National Defence is the boss of the department. Quite aside from the substance of the case, which is terrible, I am interested in the minister's behaviour. The one time in his career when he could have really been the architect of something, he looked the other way.
He could have spearheaded a complete overhaul of the culture at the Canadian Armed Forces, but instead, we lost three years. The survivors lost three years. Once again, the Minister of National Defence has not demonstrated that he is a team player. Worse still, when the story first broke, he denied it, then admitted it, then pointed the finger at Gary Walbourne's incompetence.
The next step, taken straight out of the Liberal crisis management playbook, is to blame something systemic.
I have my own theory. A problematic culture, a systemic problem, is not an incantation. Something must be done. Waiting to be painted into a corner before deciding to do something is not worthy of the office of minister. That is exactly what we are talking about today, being worthy of the office, being responsible and accountable. The minister is no longer worthy of his office.
The Prime Minister may not see that, but I hope my hon. colleagues do.