Monsieur le Président, matna. La découverte des restes de 215 enfants sur le site du pensionnat de Kamloops a étonné de nombreux Canadiens, mais pas les Autochtones. Pour nous, cette découverte confirme ce que nous savions depuis le début: un génocide a été commis.
Je suis contente d'entendre que des députés réalisent enfin ce que les Autochtones savaient déjà. Toutefois, il est évident que beaucoup en cet endroit en ont encore long à apprendre sur la réalité de la colonisation des Autochtones qui se poursuit toujours au Canada. Je le constate tous les jours dans ma circonscription, et j'ai besoin que mes collègues, les Canadiens et le monde écoutent.
Récemment, je me suis entretenue avec une de mes amies, Nikki Komaksiutiksak. Nikki est originaire du Nunavut, mais elle a déménagé à Winnipeg à un très jeune âge avec sa mère pour y vivre avec sa tante. Sa mère et sa tante sont toutes deux des survivantes des pensionnats.
Après son arrivée dans sa nouvelle ville, Nikki a subi une multitude de mauvais traitements. Elle a fini par fuir sa maison pour échapper à la violence, mais la police l'a trouvée et l'a ramenée chez elle. Les policiers attribuaient son refus de rentrer à son caractère rebelle. Ils l'ont donc forcée à rentrer. Nikki était si terrifiée de ce qui l'attendait de l'autre côté qu'elle a arraché ses vêtements pour montrer ses blessures aux policiers. Ils ont fixé Nikki du regard, une enfant de 13 ans, portant des centaines de marques de fouet et de poignard partout sur son corps.
Les policiers l'ont emmenée à l'hôpital, où elle est restée pendant 24 heures, après quoi on l'a conduite à son premier foyer de groupe. Elle s'y est sentie incroyablement seule. On n'a jamais demandé à Nikki ce qu'elle voulait, comment elle se sentait ou de quel genre d'aide elle avait besoin. C'est pourquoi elle s'est dit qu'il valait mieux s'enfuir pour aller rejoindre ses amis, mais les policiers l'ont encore une fois rattrapée pour la ramener dans le système.
En deux ans à peine, Nikki avait séjourné dans 15 foyers de groupe. Elle s'enfuyait sans cesse, à la recherche de normalité, se sentant de plus en plus seule. Elle est allée dans une famille d'accueil avec sa cousine, dont elle était si proche qu'elles se considéraient mutuellement comme des sœurs. Sa cousine a été assassinée à Winnipeg à l'âge de 17 ans, et personne n'a encore assumé la responsabilité de sa mort.
Avant même d'avoir terminé l'école secondaire, imaginez d'être trimballé de foyer en foyer, de ne recevoir que très peu d'amour — celui qu'on accorde normalement à un enfant — et de ne pas avoir de stabilité ni de régularité dans sa vie quotidienne.
Nikki a tenté de se suicider de nombreuses fois, et on a fini par l'envoyer dans un centre de traitement. C'est là qu'elle a bénéficié de counseling et de thérapie pour la première fois de sa vie. Elle a commencé à apprendre de nouveaux moyens de gérer les situations, et on lui a donné des outils pour rompre les cycles de traumatismes. Après la thérapie, on lui a trouvé une famille d'accueil avec des parents aimants.
Durant les années où elle était en foyer d'accueil, Nikki a eu trois enfants et elle s'est battue pour qu'on ne les lui enlève jamais. Cela n'a pas été facile, mais elle s'est battue et elle a gagné. Elle a éventuellement terminé ses études secondaires, est allée à l'université et a déniché un emploi extraordinaire où elle se bat pour soutenir les Inuits tous les jours au centre Tunngasugit. C'est maintenant elle qui héberge de jeunes adolescentes à risque.
L'histoire de Nikki est celle de milliers de jeunes inuits et autochtones partout au Canada. La force et la résilience dont elle a fait preuve assureront un avenir radieux à ses enfants. Cette force, elle l'a trouvée en elle et dans sa volonté de s'améliorer.
La colonisation n'est pas terminée: elle a changé de nom. On sépare encore les enfants de leur communauté. Le système des familles d'accueil a remplacé les pensionnats. L'épidémie de suicides a remplacé le génocide des Autochtones.
Je viens d'une communauté qui présente l'un des taux de suicide les plus élevés. Toute ma vie, j'ai vu des personnes sombrer dans un profond désespoir à Baker Lake, où l'on compte parfois trois ou quatre suicides en moins de deux mois. Ceux qui se sont enlevé la vie étaient mes amis, mes coéquipiers, mes camarades de classe.
En grandissant, je me suis souvent demandé si les choses s'amélioraient ou si elles empiraient, mais le traumatisme intergénérationnel du passé récent a créé un cycle terrible où les décès sont devenus normaux. Les Inuits sont aux prises avec une véritable épidémie de suicides. Au Nunavut, nous savons que souvent, les cas ne sont pas recensés et les enquêtes ne sont pas menées de manière rigoureuse. De nombreuses familles demeurent sans réponse. Des informations controversées ne sont pas divulguées. Les questions restent sans réponse et sont ignorées. Les familles ne reçoivent aucun soutien. Souvent, elles doivent elles-mêmes nettoyer les restes de leurs proches.
J'ai entendu toutes sortes d'histoires au sujet de corps découverts sans tête, de la couleur que prend le corps lorsqu'une personne se pend ou de l'odeur qui se dégage lorsqu'une personne décède. Il arrive souvent que les enfants et les jeunes soient témoins de tout cela. Malheureusement, malgré toutes ces expériences traumatisantes, il y a très peu de ressources en santé mentale, et encore moins de ressources en santé mentale adaptées à la culture, à la disposition des enfants et des familles.
Tout comme le suicide et la mort, le départ d'un enfant confié à une famille d'accueil devient la norme pour les familles inuites. C'est un résultat direct...