Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer au débat sur le projet de loi C-10, le projet de loi du gouvernement dont l’objet est de moderniser la Loi canadienne sur la radiodiffusion. Il soulève de nombreuses questions.
J’ai trouvé agréable d’écouter le débat et de voir la passion que des collègues de tous les partis, de part et d’autre de la Chambre, ont pour la culture canadienne et pour l’identité linguistique ou régionale dont ils se réclament et qui fait partie de la culture canadienne. Je vais commencer par citer les objectifs du projet de loi C-10, puis je mettrai en relief les difficultés et les préoccupations qui en découlent selon nous, les députés conservateurs.
Comme je le disais, le projet de loi C-10 propose de moderniser la Loi canadienne sur la radiodiffusion, et les conservateurs sont assurément d'accord pour dire qu'il est temps de modifier cette loi, de la moderniser, de la mettre à jour. Cependant, nous sommes très inquiets de voir que les dispositions du projet de loi ne permettront pas d'atteindre les objectifs qui y sont énoncés. Cette inadéquation me saute constamment aux yeux.
Ce qui m’interpelle particulièrement, lorsque le gouvernement et les députés ministériels parlent de leurs propositions, c’est leur façon d'insister fréquemment sur leurs objectifs plutôt que sur la substance des dispositions qu'ils veulent faire adopter. Les députés du parti au pouvoir sont régulièrement en train de parler de tel ou tel objectif, et nous qui formons l'opposition sommes obligés de leur rappeler que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Ce n'est pas l'intention, mais bien le texte du projet de loi qui sera adopté, et si ce texte n'est pas à la hauteur des objectifs énoncés, il en résultera de gros problèmes pour ceux qui seront touchés par les mesures adoptées.
Pour entrer dans le vif du sujet, disons qu'en ce qui concerne la portée de la modernisation, le projet de loi confirme que la radiodiffusion dont il est question dans la loi englobe la diffusion audiovisuelle en ligne. Il comprend des dispositions visant à favoriser un contenu radiodiffusé plus diversifié au Canada, de manière à ce que ce contenu soit le reflet de la vie des Canadiens, notamment en ce qui a trait à l'égalité des sexes, à la communauté LGBTQ2+, aux communautés racialisées, aux personnes handicapées et aux peuples autochtones. C’est l’un des objectifs énoncés.
Le projet de loi vise à créer une approche de réglementation plus souple qui permettrait au CRTC d’établir des règles pour tous les services de radiodiffusion au Canada. J’en dirai davantage dans quelques minutes, mais nous devrions nous inquiéter lorsque nous voyons que le gouvernement parle d’une approche réglementaire plus souple tandis qu’il accorde des pouvoirs à un organisme externe.
Si des dispositions sont rédigées en des termes plus vagues, cela revient à dire implicitement que le CRTC aura plus de pouvoirs et que ces pouvoirs ne seront pas définis aussi clairement que les Canadiens le souhaiteraient. Nous devons tous être très attentifs à la formulation que le gouvernement utilise relativement à la souplesse réglementaire et nous efforcer de déchiffrer ce qu’elle signifie en réalité.
La Loi vise aussi à « moderniser les pouvoirs d'exécution du CRTC [et] mettre à jour les dispositions relatives à la surveillance et au partage d'informations afin de renforcer le rôle du CRTC en tant qu'organisme de réglementation moderne et indépendant ». Dans quel contexte cette Loi s’inscrit-elle et que pensons-nous de ces prétendus objectifs?
Nous devrions tous réfléchir en tant que députés à la définition que nous donnons à la radiodiffusion dans un monde d’évolution technologique. Dans un sens, comme député, je suis un radiodiffuseur. Bien que je ne pense pas que ce discours soit diffusé en continu sur ma page Facebook, même s’il nous arrive évidemment de le faire, il est probable que des extraits de ce que je dis finiront par être diffusés à mes quelque 30 000 abonnés sur Facebook et peut-être même sur Twitter et Instagram. Par conséquent, je suis un petit diffuseur. Beaucoup de gens produisent des balados ou ont des chaînes YouTube. Ils utilisent le pouvoir exceptionnel qui leur est offert par l’entremise des médias sociaux et d’autres canaux pour diffuser leurs opinions. C’est vraiment un pouvoir révolutionnaire mis à la portée des simples citoyens.
Dans le passé, lorsqu'il était question de réglementer la radiodiffusion, c’était parce que la largeur de bande était limitée en termes d’ondes pour la radio et la télévision. Il fallait prendre collectivement des décisions sur l'accès à cette bande passante. On avait l’espoir que certains contenus seraient diffusés de cette manière.
Cependant, nous vivons aujourd’hui dans un monde où la capacité de diffusion sur Internet est illimitée et où les gens peuvent accéder à divers types de contenus plus nombreux qu’ils le souhaitent. Ce monde de capacité de diffusion illimitée aplanit les obstacles à l’entrée pour devenir un diffuseur et une personne qui diffuse ses opinions à un public de plus en plus vaste. C’est le nouveau monde dans lequel nous vivons.
Dans bien des cas, une personne qui travaille de son sous-sol sur sa propre chaîne YouTube peut exprimer beaucoup plus de points de vue et avoir une voix plus importante que certains réseaux et canaux conventionnels. Alors, comment définir ce qui constitue un radiodiffuseur? Si une personne dirige une chaîne YouTube très populaire sur laquelle elle exprime ses propres opinions, allons-nous attendre d’elle, par l’entremise du CRTC, qu’elle offre une certaine proportion d’un certain type de contenu? Est-ce l’orientation que nous voulons prendre en modernisant cette loi?
Je pense que la plupart des députés admettraient qu’il ne serait pas particulièrement raisonnable d’agir ainsi et que l’idée de prescrire des paramètres en matière de radiodiffusion ne vise que les très grands producteurs et fournisseurs de contenu, mais c’est un terrain glissant. À mon avis, cela soulève des questions sur la réglementation des paramètres du contenu dans un monde où les obstacles à l’entrée sont très faibles. L'offre de bande passante pour la télévision ou la radio n'est plus limitée comme auparavant.
Sous l’étiquette de la modernisation, ce projet de loi fait entrer le monde numérique dans le cadre législatif en vigueur, mais je ne crois pas qu’il cherche suffisamment à savoir si les cadres actuels s’harmonisent ou non avec le type de monde dans lequel nous nous trouvons. Je serais préoccupé par la possibilité que des Canadiens qui ne dirigent pas des exploitations à gros budget, qui ne font que diffuser leurs opinions et produire différents types de contenus, soient assujettis à l’intervention du CRTC si le niveau d’attention du public devait dépasser un certain seuil.
Je tiens aussi à souligner un problème persistant à propos de la réglementation de la radiodiffusion, à savoir la demande du marché et la façon dont nous définissons le contenu canadien. Je constate et j’affirme qu’il existe en fait une forte demande du marché pour un contenu de plus en plus diversifié. Les gens avec qui je m’entretiens ont soif d'apprendre sur la culture et les collectivités autochtones. Je pense qu’il y a une demande réelle pour ce contenu, et c’est agréable à voir.
Je pense qu’il y a un intérêt grandissant au sein de la population de ma circonscription en Alberta pour l’apprentissage du français et la consommation de contenu en français. Cette demande du marché est vraiment nécessaire pour l’élargissement de la connaissance sur ces choses, car faute de demande du marché pour la production de ces émissions et de ces messages, les gens n’ont consommeront pas.
C’est une chose de dire que quelqu’un peut vouloir un contenu plus diversifié sur une grande plateforme vidéo en ligne. C’en est une autre de savoir si les gens consommeront ce contenu. Le fait que les gens soient avides de ce contenu constituerait probablement un incitatif à en augmenter la production. Comme parlementaires, je crois que nous voulons tous voir une diversité grandissante et que cela se reflète dans les médias.
Je pense aussi que nous devrions reconnaître qu’il existe une demande pour ce contenu et que la diversité augmente en partie. Cela continuera à se produire, naturellement, mais je pense que nous devons en être conscients et examiner la question. Il nous faudrait instaurer des politiques qui favorisent raisonnablement cette évolution, sans confier au CRTC des pouvoirs d'intervention excessifs.
Il s'agit de savoir ensuite comment nous définissons le contenu canadien, ou comment nous définissons le contenu en fonction de sa capacité à refléter les différentes communautés. La définition précise de ce qui constitue un contenu canadien faisait partie de mes sujets d’études à l’université. J’ai toujours trouvé un peu étrange que nous puissions avoir une histoire qui se déroule en Californie, et c’est ce que raconte le film, mais que nous ayons un acteur né au Canada qui joue un rôle de premier plan, ou un réalisateur canadien, ou encore que le film ait été tourné quelque part au Canada, même si l’histoire est censée se dérouler en Californie. Cependant, selon certaines définitions, ce film est défini comme du contenu canadien en raison des origines nationales de certaines personnes impliquées, même si l’histoire racontée ne concerne pas vraiment le Canada.
Lorsque nous parlons de contenu autochtone, je pense que le Comité devrait peut-être examiner la signification de certains enjeux. Par exemple, peut-on parler de contenu autochtone si un acteur autochtone joue un personnage qui ne l'est pas? Ou si une histoire censée se rapporter à la culture autochtone ne reflète pas vraiment cette dernière et que l'émission n’a pas été créée en consultation avec des collectivités autochtones?
Le défi tient au fait qu’à un niveau individuel, nous pourrions être en mesure d’examiner si une représentation donnée se qualifie ou non et en tirer nos propres conclusions. Lorsque nous disposons de définitions réglementaires de ces concepts, des problèmes importants peuvent se poser, par exemple sur la question de savoir si les règlements, dans leur application, réalisent vraiment leurs objectifs. Je pense que les députés doivent aussi y réfléchir à l'occasion de l'examen approfondi du projet de loi.
Je trouve qu'il y a beaucoup de problèmes en ce qui concerne ce projet de loi vague, qui semble typique par rapport aux autres projets de loi des libéraux.
Ce projet de loi est vague relativement aux pouvoirs du CRTC. Tout d'abord, il ne garantit pas que les géants technologiques étrangers comme Google et Facebook suivent les mêmes règles que les entreprises technologiques canadiennes. Il y a des gens qui ont accusé ces géants étrangers de la technologie d'avoir utilisé les données personnelles des Canadiens de façon inappropriée et d'avoir censuré les opinions de certains Canadiens. Malheureusement, avec ce projet de loi, ces entreprises peuvent continuer à régner sans contrôle sur les Canadiens.
Je suis également préoccupé par le manque de directives précises concernant le contenu canadien et la répartition des fonds destinés aux médias canadiens. Nous savons que la langue française est menacée au Canada, comme l'ont souligné mes collègues ces derniers jours. Le Canada est un pays fièrement bilingue, et notre culture française, si présente au Québec, est la clé de l'avenir bilingue du Canada.
Les médias français au Canada sont riches de contenus culturels uniques. C'est pourquoi nous, les conservateurs, travaillerons à préserver et maintenir le financement de la programmation culturelle française une fois que nous serons élus.
Je suis fier de pouvoir m'exprimer en français aujourd'hui, bien que ce ne soit pas ma langue maternelle. De nombreuses personnes dans ma province, l'Alberta, inscrivent leurs enfants aux programmes d'immersion française parce qu'elles veulent que leurs enfants ressentent cette fierté de pouvoir s'exprimer dans nos deux langues officielles.
Le fait que ce projet de loi ne modernise pas le droit d'auteur me préoccupe également. À une époque où l'Internet domine nos vies, il est crucial que le contenu produit par les Canadiens soit protégé contre une utilisation déloyale comme le plagiat.
Les artistes canadiens travaillent fort pour produire des œuvres de qualité, et nous veillons à ce que leurs droits soient fortement protégés. Contrairement aux libéraux, nous, les conservateurs, croyons en une loi modernisée sur le droit d'auteur, en de nouvelles mesures pour préserver la langue française et en la protection des Canadiens contre les géants technologiques étrangers qui doivent assumer leurs responsabilités.
Une fois que notre chef sera élu premier ministre après la prochaine élection, notre gouvernement conservateur supprimerait la TPS sur les plateformes numériques canadiennes afin de soutenir et de promouvoir le contenu médiatique canadien qui met en valeur la beauté de la culture canadienne. Nous comprenons qu'une législation adéquate sur le CRTC est importante dans l'intérêt de notre nation et de son peuple, et nous aurions souhaité que les libéraux le comprennent aussi.
Le Parti conservateur est un parti national qui est là pour tous les Canadiens. Nous sommes le seul parti ayant des députés dans chaque région du pays. Nous sommes fiers d'avoir des députés albertains qui, comme moi, défendent la langue française et des députés québécois qui défendent les travailleurs du domaine pétrolier. Nous sommes le parti qui unit tous les Canadiens et respecte les caractéristiques particulières de chaque région.
La langue française n'est pas seulement importante au Québec. Il y a une forte communauté francophone dans ma circonscription en Alberta, et j'adore travailler avec cette communauté. Il y a des francophones, ainsi que des francophiles. Il y a des communautés francophones qui sont là depuis longtemps et il y a des communautés francophones pleines de nouveaux arrivants.
J'invite mes collègues francophones, surtout ceux du Bloc québécois, à venir en Alberta pour découvrir notre communauté francophone vibrante, ainsi qu'à visiter Fort McMurray.
J'aimerais revenir sur quelques-uns des points que je viens de mentionner.
Je suis très fier d'être membre d'un parti, le Parti conservateur, qui prend ces questions au sérieux, qui les étudie avec attention, qui propose des amendements, qui n'hésite pas à faire ressortir les problèmes et qui s'intéresse autant à la lettre qu'à l'esprit des mesures législatives. Je suis fier d'être membre d'un parti qui croit sincèrement qu'il peut unir les Canadiens d'un océan à l'autre. Partout au pays, qu'ils soient francophones ou anglophones, les députés conservateurs sont conscients qu'il faut défendre le français et l'anglais dans toutes les régions du pays, et c'est ce qu'ils font. Le Parti conservateur est aussi celui qui défend le mieux l'emploi et l'économie, toutes régions confondues.
En terminant, je tiens à dire une chose: j'ai remarqué qu'il est question de la représentation des personnes handicapées dans le projet de loi. C'est très bien, mais je rappelle que la Colline du Parlement est prise d'assaut par les personnes handicapées et leurs représentants, qui n'en reviennent pas de voir à quel point le projet de loi C-7 est mal ficelé et exacerbe la discrimination dont les personnes handicapées sont victimes.
De très nombreux organismes de défense des personnes handicapées sont venus dénoncer ces problèmes au comité de la justice et réclamer des changements concrets. Tout ce que le gouvernement a trouvé de mieux à faire pour les personnes handicapées, c'est d'inclure une disposition dans la Loi sur la radiodiffusion précisant les attentes de l'État relativement à la représentation des personnes handicapées.
Je ne dis pas que c'est inutile, c'est juste que, si le gouvernement écoutait vraiment ce que les gens qui doivent surmonter des obstacles particuliers, dont les personnes handicapées, ont à dire, il ne se contenterait pas d'une simple ligne dans la Loi sur la radiodiffusion. Il donnerait suite aux demandes de ces gens et ferait le nécessaire pour que les personnes handicapées puissent vivre dans la dignité. Il ferait siens les amendements tout à fait raisonnables qui ont été proposés par les organismes de défense des personnes handicapées. Il organiserait des consultations dignes de ce nom au lieu de se fermer comme une huître.
J'attendrai la suite du débat avec impatience.