Madame la Présidente, c'est un grand honneur de prendre la parole après mon collègue le président de notre comité et député d'Edmonton‑Ouest et du centre commercial d'Edmonton, qui a fait valoir de nombreux points excellents et importants.
Je remercie le député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes d'avoir initialement soulevé la question de privilège hier. Il était évidemment essentiel que la question de privilège soit soulevée dès que possible après le dépôt du rapport, même s'il se trouve que les membres du comité des opérations gouvernementales se réunissaient à ce moment-là pour entendre des ministres. Par conséquent, je lui suis très reconnaissant pour son intervention et je remercie beaucoup la présidence d'avoir tenu compte de la situation de façon à permettre aux membres permanents du comité des opérations gouvernementales de nous faire part de quelques observations supplémentaires importantes sur les très sérieuses questions de privilège soulevées dans le 17e rapport du comité des opérations gouvernementales.
Cette question de privilège trouve son origine dans les audiences en cours au sein du comité des opérations gouvernementales sur le scandale d'ArnaqueCan, qui fait tache d'huile. À bien des égards, il ne s'agit pas d'un seul scandale, mais d'une famille de scandales. Je ne vais pas en détailler tous les aspects. Je pense que les députés sont bien au courant des dizaines de millions de dollars dépensés pour une application et ses 177 versions, dont beaucoup n'ont pas été testées. Elle a envoyé plus de 10 000 personnes en quarantaine, à tort et sans que cela soit intentionnel, parce qu'elle n'avait pas été testée. Des entreprises n'ayant aucune expérience dans le domaine des technologies de l'information se sont vu confier des contrats et se sont contentées de sous-traiter tout le travail, de ne rien faire et de percevoir une généreuse commission au passage. Dans de nombreux cas, il n'y a eu aucune trace de documents, et il y a des allégations selon lesquelles des documents auraient été supprimés ou n'auraient jamais été créés.
En outre, la vérificatrice générale a révélé qu'à certains moments au cours des événements, les entrepreneurs se sont entretenus avec des fonctionnaires du gouvernement pour discuter des conditions du contrat. L'entreprise impliquée dans la définition de ces conditions a ensuite pu soumissionner pour le contrat, ce qui a effectivement truqué le processus.
Il y a un processus où les dés étaient pipés, des documents manquants, une application qui n'a pas fonctionné et qui a envoyé des personnes en quarantaine de manière erronée et involontaire, ainsi qu'un énorme gaspillage au sein du gouvernement. À cela s'ajoute la preuve d'une activité criminelle sous la forme d'une modification frauduleuse de curriculum vitae par l'un des entrepreneurs concernés.
Dans l'opposition, nous parlons souvent des problèmes liés aux coûts, à la corruption et à la criminalité. Dans le cas du scandale ArnaqueCAN, ce sont les trois qui sont en cause.
En ce qui concerne les privilèges du Parlement, dans ce scandale, nous avons vu que l’interrogation de divers témoins a tenu le comité très occupé. Ces témoignages ont aggravé les préoccupations des membres du comité à l'égard du scandale. Il y a eu de nombreux cas où des fonctionnaires et des gens de l'extérieur du gouvernement ont menti au comité, ont accusé d'autres personnes de mentir ou se sont contredits. Par exemple, des hauts fonctionnaires ont accusé d'autres hauts fonctionnaires de mentir au comité. De toute évidence, nous avons un énorme problème ici: beaucoup de gens ne disent pas la vérité à un comité parlementaire et ne semblent pas comprendre à quel point le rôle des comités parlementaires est censé être sérieux.
Pas plus tard que la semaine dernière, le comité des opérations gouvernementales a entendu séparément Kristian Firth et Darren Anthony, deux acteurs principaux de GC Strategies.
Lors de mon interrogatoire de Darren Anthony, nous avons pu voir à un moment donné, quand il répondait à l'une de mes questions, qu'il lisait une déclaration hors écran. Lorsque je lui ai demandé s'il lisait une déclaration ou s'il parlait avec son coeur, il a répondu, sans aucun trouble de la conscience évident, qu'il parlait avec son coeur.
Dans un témoignage précédent, Kristian Firth lui-même a fait des déclarations clairement contradictoires sur une période de deux heures.
Cameron MacDonald et Minh Doan se sont également accusés de mentir sur l'identité de la personne responsable de la création de cette application.
Bien qu'il y ait des questions sans réponse, nous savons qu'il y a une campagne visant à cacher des renseignements à divers groupes et au comité des opérations gouvernementales. Nous savons qu'on nous ment et que des témoins choisissent de ne pas comparaître, qu'ils font tout leur possible pour éviter de comparaître ou qu'ils se présentent et donnent intentionnellement des réponses évasives au comité.
Cela soulève d'autres questions sur la nature du scandale et sur ce qui pourrait motiver ces tentatives de dissimuler des renseignements, mais aussi des questions de privilège et des questions sur le droit des députés de poser des questions importantes et d'obtenir des réponses.
Ce que notre comité dit clairement depuis le début, c'est que nous souhaitons découvrir la vérité. Nous cherchons à savoir pourquoi ces personnages douteux ont été choisis par le gouvernement du Canada pour créer cette application, pourquoi tant d'argent a été dépensé, ce qu'il est advenu des dossiers, qui a pris la décision, qui dit la vérité et qui ne la dit pas. Ce sont des questions auxquelles nous voulons des réponses.
J’ai toujours pensé qu’il était dans l’intérêt des témoins de simplement se présenter devant le comité, de répondre honnêtement aux questions et de dire la vérité. Je pense que le comité a beaucoup mieux réagi aux témoins qui ont essayé d’être francs, quitte à expliquer pourquoi ils ont fait ce qu’ils ont fait. Il vaut mieux que les témoins justifient leurs actions plutôt que de tergiverser, de refuser de répondre, de refuser de comparaître ou de cacher de l’information.
Néanmoins, la grande majorité des personnages, tant au sein du gouvernement qu’à l’extérieur du gouvernement, ont choisi la voie de l’esquive, de la tergiversation et de l’évitement. Cela nous amène à nous demander quels autres renseignements ils essaient de cacher. Qu’essaient-ils de cacher pour que le comité se heurte à des obstacles constants de la part des témoins du gouvernement et de l’extérieur?
En ce qui concerne les questions de privilège, je tiens à souligner les principes clés en jeu. Depuis que je suis député, je ne compte plus les fois où des témoins, tant au sein du gouvernement qu’à l’extérieur du gouvernement, mais qui semblent avoir des relations étroites avec le gouvernement, n'ont pas semblé comprendre le caractère fondamental du principe de la suprématie du Parlement.
Dans une société démocratique adéquate et fonctionnelle, l’assemblée législative élue doit être suprême. Bien sûr, au quotidien, l'exécutif, la fonction publique et les autres institutions exercent énormément de pouvoir. Le Parlement doit toutefois être l'autorité suprême. Il doit être suprême. Cela signifie que, lorsque le Parlement adopte des lois, l'exécutif, le premier ministre et les gens de l'extérieur du gouvernement doivent s'y conformer.
Cela signifie aussi que les pouvoirs de réglementation des gouvernements viennent du pouvoir législatif et sont limités par le pouvoir législatif. Cela signifie également que le Parlement a la capacité de mener des enquêtes et que les comités du Parlement ont la capacité de mener des enquêtes. Ils ont le pouvoir, protégé par la Constitution, de convoquer des témoins, d'ordonner la production de documents et d'insister pour obtenir des réponses à leurs questions. La suprématie du Parlement veut que les parlementaires puissent faire leur travail en ayant accès à des documents, en convoquant des témoins et en obtenant des réponses à leurs questions.
C'est vraiment un fondement de notre système de gouvernement. Pourtant, lorsque je travaillais sur la question des documents du laboratoire de Winnipeg au cours de la dernière législature, nous nous sommes butés au fait que le président de l’Agence de la santé publique, un très haut fonctionnaire du gouvernement, ne semblait tout simplement pas croire au principe de la suprématie du Parlement. L'enjeu était important. De toute évidence, maintenant que nous en savons plus, nous savons que l'enjeu concernant les documents du laboratoire de Winnipeg était très important.
Derrière cela, et de manière peut-être plus importante encore, il y avait la suprématie du Parlement, qui était contestée par ce fonctionnaire, qui a dit ne pas avoir, en fait, à répondre à nos questions et à fournir de documents. En réponse à cela, à la dernière législature, le Parlement a pris des mesures importantes et a exigé des réponses. Ces réponses n'ont pas été fournies, et le fonctionnaire en question a fini par être convoqué à la barre de la Chambre, où il a été réprimandé. Malheureusement, à la fin de cet épisode, l'un des partis politiques a changé sa position à ce sujet, avec pour conséquence que la majorité du Parlement n'ordonnait plus la production de ces documents.
Cependant, pendant un certain temps, le Parlement a pris très au sérieux, à juste titre, l'affirmation de ses prérogatives quant à la suprématie du Parlement, car il s'agit du fondement de la démocratie canadienne. Si nous décidions un jour de renoncer à la suprématie du Parlement, peut-être de donner préséance à la Loi sur la protection des renseignements personnels et que le pouvoir exécutif peut faire fi du Parlement, il s'agirait d'une grave érosion de la démocratie. En faisant valoir le principe de la suprématie parlementaire, non seulement nous défendons notre rôle de législateurs, mais nous défendons également les fondements démocratiques du pays.
Dans le cas des injonctions visant Kristian Firth et Darren Anthony, le comité a ordonné à plusieurs reprises à ces témoins de comparaître. Ils ont refusé à maintes reprises de le faire. Lorsqu'on discutait avec eux, sans oublier qu'un avocat les accompagnait, je pense qu'il était évident qu'ils ne semblaient pas comprendre le sérieux d'un ordre donné par un comité parlementaire. Je ne peux qu'en conclure, comme mon collègue d'Edmonton-Ouest y a fait allusion, qu'ils n'ont pas tiré les bonnes leçons des mesures prises par le gouvernement. J'en déduis qu'ils n'avaient pas vu d'exemples d'incidents précédents où les comités avaient exigé qu'on respecte leurs droits.
Quoi qu'il en soit, le comité a insisté et nous avons présenté à la Chambre une motion qui a été approuvée à l'unanimité. Elle ordonnait à MM. Firth et Anthony de comparaître, ce qui signifiait que s'ils ne l'avaient pas fait, ils auraient été placés en détention par le sergent d'armes. Ainsi, ils ont comparu à la dernière minute, mais une fois devant le comité, ils n'ont fait que redoubler de mépris envers le principe de la suprématie du Parlement. Ils ont défié de manière flagrante le principe démocratique fondamental selon lequel c'est le peuple qui décide et selon lequel le peuple, par l'intermédiaire de ses représentants démocratiques, détient le pouvoir suprême dans notre régime gouvernemental.
Sans doute sur les conseils de leurs avocats, ils ont décidé qu'ils pouvaient simplement défier nos normes démocratiques fondamentales, ignorer la règle de droit démocratique et ne pas respecter le principe de la suprématie du Parlement.
Nous savons que les comités ont le pouvoir d'agir au nom de la Chambre, d'ordonner la production de documents, de convoquer des témoins et d'insister pour obtenir des réponses aux questions, et nous avons été témoins à maintes reprises d'efforts visant à éroder ce principe par un refus de se conformer à ces pouvoirs. Toutefois, je félicite le comité des opérations gouvernementales d'avoir fait preuve de fermeté, en affirmant que c'était assez. Il a fait valoir qu'il fallait non seulement aller au fond des choses dans le scandale de l'application ArnaqueCAN, mais aussi défendre les institutions démocratiques et le principe de la suprématie parlementaire. En outre, il lui fallait insister sur le fait qu'il ne s'agit pas simplement d'un lieu d'apparat, mais de l'assemblée délibérante d'un pays, où nous travaillons sur nos différences et répondons aux grandes questions. Pour ce faire, il devait pouvoir exercer ses pouvoirs d'accès à l'information.
Je félicite le comité d'avoir fermement affirmé et défendu ce principe et de s'être opposé aux efforts des fonctionnaires, des entrepreneurs et des avocats d'autres parties pour tenter de le défier. Nous défendrons fermement la démocratie et nous nous opposerons au déclin démocratique. Nous défendrons le rôle et la suprématie du Parlement malgré tous les défis. C'est ce que nous faisons aujourd'hui avec la question de privilège qui nous occupe.
Lorsque le président a dit aux témoins qu'ils devaient répondre aux questions, et que les questions leur ont été posées non pas par des membres du comité, mais par le comité lui-même, M. Firth, en particulier, a déclaré qu'il ne répondrait pas. Il n'a pas dit clairement pourquoi. Il a dit qu'il pourrait hypothétiquement y avoir une enquête de la GRC sur cette question à un moment donné dans l'avenir. Il a dit que, selon des conjectures qu'il avait lues sur Twitter, il pensait qu'il pourrait y avoir une enquête; c'est pourquoi il a refusé de répondre à la question.
Devant un tel mépris, le comité a convenu à l'unanimité, en deux minutes, d'habiliter la présidence à présenter un rapport à la Chambre sur les faits essentiels de cette atteinte au privilège. Le comité a manifesté une grande unité, et j'espère que la Chambre fera de même. Le comité a immédiatement accepté à l'unanimité ma motion visant à renvoyer l'affaire à la Chambre, sans qu'il y ait débat.
En ce qui a trait au processus, je pense qu'il est important que les Canadiens comprennent que les comités parlementaires ont d'énormes pouvoirs, qui sont nécessaires à la démocratie et à la suprématie du Parlement, mais que le processus pour les appliquer est plutôt sinueux. Lorsqu'un comité parlementaire est d'avis qu'il y a une atteinte au privilège, il doit présenter un rapport à la Chambre pour expliquer les détails de l'affaire. La Chambre se penche ensuite sur la question, mais le comité doit d'abord y consentir. Comme j'ai travaillé sur certains cas du genre, je sais qu'il peut être très difficile, comme on l'a vu dans l'affaire des documents du laboratoire de Winnipeg, de convaincre le comité de présenter un rapport approprié et exhaustif à la Chambre, et ce, en temps opportun pour permettre au processus d'aller de l'avant.
Dans le cas présent, le comité a établi de façon claire et unanime sa volonté d'accélérer le dossier, et je l'en félicite. Je continue d'espérer que la Chambre réagira de façon aussi unanime. J'encourage tous les députés à défendre leur rôle de parlementaires. Nous venons ici d'abord en tant que représentants de nos circonscriptions respectives, mais nous venons aussi à la Chambre en tant que membres d'une assemblée délibérante d'un pays pour parler au nom des gens qui nous envoient ici pour essayer d'aller au fond des graves problèmes auxquels notre pays est confronté. Nous le faisons principalement en tant qu'individus, et non en tant que créatures des partis politiques. Les droits des députés doivent persister, et la protection des droits des députés et de cette institution est nécessaire pour renforcer la démocratie canadienne.
Par conséquent, repoussons tous les tentatives d'amoindrir cette institution ou de la réduire à un simple spectacle. Défendons les pouvoirs et les prérogatives du Parlement et léguons aux générations futures un Parlement plus fort, et non plus faible, en faisant avancer cette question de privilège, en défendant les droits des comités à faire leur travail et en résistant aux pressions visant à éroder la démocratie.
J'espère que vous conclurez qu'il y a, de prime abord, matière à question de privilège et que nous pourrons prendre les mesures nécessaires pour insister pour que M. Firth et tous les témoins se présentent lorsqu'il leur est demandé de se présenter, pour qu'ils répondent aux questions avec franchise et pour qu'ils fournissent les documents demandés. Ce sera un test crucial pour la Chambre, pour le Parlement et pour nous en tant que leaders, qui établira si nous défendons ce principe fondamental de la démocratie ou si nous le laissons s'éroder. J'espère que cette demande sera accueillie favorablement. Je sais que, à ce moment-là, les députés seront prêts à présenter la motion appropriée.
Je tiens à dire brièvement qu’hier, en réponse à cela, le député de Winnipeg‑Nord a laissé entendre que l’information demandée avait finalement été fournie. Ce n'est absolument pas le cas. Je sais que le député d'Edmonton‑Ouest a souligné que ce n'était pas le cas. Le rapport qui a été déposé avec l'appui unanime du comité soulignait que l'information n'avait pas été fournie. La raison pour laquelle le comité a pris rapidement et unanimement la position qu'il a prise, c'est que l'information n'a pas été fournie. Elle ne l'a pas été depuis. Le président l'a confirmé, et je peux le confirmer à titre de membre du comité. Cette question n'a toujours pas été réglée.
Je le répète, nous devons insister sur le respect de notre démocratie et nous devons, dans le cadre de ce processus, sensibiliser au principe de la suprématie du Parlement les fonctionnaires, le milieu juridique et quiconque représente des personnes qui viennent au Parlement.