Madame la Présidente, je suis la fille d'une infirmière, d'un père qui a été pompier volontaire, et j'ai un fils qui aspire à être policier. Cette violence dont on parle, j'en ai eu connaissance tout au long de ma vie, et encore aujourd'hui. Je suis sensible au projet de loi que mon collègue de Cariboo—Prince George a déposé.
Le projet de loi C‑321 vise à modifier le Code criminel pour considérer comme circonstance aggravante le fait qu'une victime de voies de fait ou d'un acte violent soit un professionnel de la santé ou un premier répondant.
Le soutien du Bloc québécois à ce sujet n'est plus à prouver. Pour nous, il est évident que le personnel de la santé et tous ceux qui œuvrent à veiller sur nous au quotidien doivent être protégés à leur tour dans l'exercice de leurs fonctions. Si leur emploi peut être considéré comme une circonstance aggravante lors d'un délit et peut empêcher les contrevenants de s'attaquer à eux ou peut permettre de les punir plus sévèrement pour leurs gestes, dans l'objectif avoué de les dissuader de commettre ces actes de violence, nous sommes en faveur de la solution. Bien qu'elle soit partielle, c'est néanmoins une idée de solution qu'apporte le projet de loi C‑321.
J'aimerais aussi parler du principe de la prévention qui, je crois, devrait également être examiné comme une mesure première, une mesure essentielle de protection du personnel de la santé et des premiers répondants, et ce, avant même de considérer la hausse de violence que l'on voit à leur égard — en espérant que cette hausse ne soit que circonstancielle et que cela n'ira pas plus loin — ou avant même de discuter des circonstances aggravantes, comme on le fait présentement avec l'étude du projet de loi C‑321. La prévention a également sa place.
Je pense, à l'instar de tous mes collègues qui ont pris la parole à la Chambre, que tous les travailleurs ont le droit de travailler en sécurité. Je parle de la sécurité qui protège bien sûr leur intégrité physique, mais également leur intégrité psychologique, parce que la violence a plusieurs formes et que ce n'est pas simplement physique. C'est peut-être un vœu pieux de ma part, tout comme de la part de mes collègues, mais je pense qu'il est nécessaire de tendre vers ce but, vers des milieux de travail exempts de toute forme de violence. À mon sens et selon le Bloc québécois, il est là le cœur du problème: il faut s'attaquer à éliminer toutes les violences plutôt que de seulement punir ceux qui les font ou les perpétuent.
Il est vrai qu'éliminer les violences est une entreprise de titan si on considère, comme je viens de le mentionner, qu'elles tendent à augmenter avec les années. Les études disent que depuis la pandémie, cela n'a fait qu'augmenter. Il y a eu une exacerbation du phénomène.
Je vais citer quelques chiffres du domaine de la santé. Je m'en tiendrai au domaine de la santé. Par exemple, des données provenant de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, ou CNESST, et de l'Institut national de santé publique du Québec, sont sans équivoque. On mentionne que 933 voies de fait ou actes violents ont été commis envers le personnel de la santé en 2012 et que 1 994 ont été comptés pour l'année 2021 dans les milieux de soins au Québec.
J'aimerais ajouter, comme plusieurs l'ont fait, notamment mon collègue de Cariboo—Prince George, que c'est la pointe de l'iceberg. Ce sont les cas qui ont été déclarés. Comme dans plusieurs situations de violence, notamment la violence entre partenaires, on a les chiffres qui correspondent à ce que les gens ont bien voulu dire, mais on ne les a pas tous.
On a parlé de la prévention. Mon collègue a également parlé de l'idée de discuter, de rendre ce sujet public. Le mettre sur la place publique permettrait peut-être de sensibiliser les gens au fait qu'ils ont vécu des formes de violence. Ils arriveraient également peut-être à déclarer les incidents violents. Bref, on constate une augmentation constante. Dans les chiffres que je viens de mentionner, on voit que c'est passé à plus du double en 10 ans. C'est énorme.
J'aimerais également citer le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, qui a étudié le sujet et publié un rapport en 2019, si je ne me trompe pas, sur la question de la violence dans le milieu de la santé.
Pendant l'étude, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers a mentionné que 61 % de ses membres ayant participé à un sondage ont affirmé avoir été victimes de violence. On ne parle que de ceux qui ont participé au sondage. Cela pourrait donc être plus important. Il s'agit tout de même de 61 % des membres qui ont subi du harcèlement, une agression ou de la violence.
En 2014, 1 676 ambulanciers répondaient à un sondage semblable et 75 % d'entre eux affirmaient avoir été victimes d'actes de violence. En 2010, selon le Collège des médecins de famille du Canada, c'est un tiers des participants au sondage qui se sont dits victimes de cette violence.
Que ce soit un tiers, les trois quarts ou les deux tiers, c'est toujours trop. D'ailleurs, mon collègue a aussi parlé d'un cas de violence. J'aimerais faire part d'un cas qui s'est produit quand j'étais plus jeune et qui m'a marquée. Comme je l'ai dit, ma mère était infirmière. Même quand on est jeune, on s'en rend compte lorsque quelque chose coche. Cela fait réfléchir sur cette violence dans les milieux de travail et sur le fait que certains emplois peuvent être plus à risque. Une infirmière était aux prises avec un patient qui était agité et agressif et qui est devenu violent. Il a décidé de la frapper de ses pieds. Il lui a donné des coups de pied dans le ventre. C'était de la violence injustifiée. L'infirmière en question était enceinte. Elle n'a pas perdu son bébé, mais elle a dû être hospitalisée. Je le donne en mille: elle a décidé de ne plus travailler comme infirmière à la suite de cet incident.
Je tenais à le dire. Tous les incidents qu'on pourrait décrire ici sont choquants. C'est de la violence gratuite. Ils se ressembleraient peut-être tous. Or, cela démontre les conséquences que cela a sur la personne, sur son intégrité, sur sa santé physique et sa santé mentale. On en a parlé plus tôt. Ensuite, il y a les conséquences sur l'ensemble de la profession et l'ensemble de la société. C'est vraiment un effet domino. Personne n'est à l'abri des conséquences de cette violence. Moi-même, en tant qu'enfant, je l'ai subie dans une certaine mesure. C'est le cas lorsqu'on sait que son parent est à risque lorsqu'il va au travail.
Cela ne devrait pas être le seul argument, mais il y a aussi la pénurie de personnel qui frappe le milieu de la santé. Les professionnels de la santé et les premiers répondants ont mieux à faire que d'être inquiets pour leur sécurité lorsqu'ils vont au travail. Ils ne devraient pas sentir qu'ils doivent se défendre et qu'ils peuvent se retrouver dans une situation comme cela. Il est difficile de valoriser la profession si on laisse ces situations de violence se poursuivre. Comment peut-on dire qu'on valorise une profession si on laisse les gens qui la pratiquent être à risque?
Les statistiques que j'ai citées sont bien réelles. Ce sont des gens qui travaillent dans nos hôpitaux qui subissent cette violence et qui en vivent toutes les conséquences. Bien sûr, la qualité du milieu a une incidence sur la qualité des soins. Je parlais de prévention. Le gouvernement a la responsabilité de transférer de l'argent au Québec. Ce n'est pas la seule solution, mais, quand il s'agit de prévention, il faut un milieu bien financé et bien subventionné pour être en mesure de donner du répit à tous ces intervenants qui travaillent dans le domaine de la santé. Je me suis encore confinée au domaine de la santé. Ce n'est pas un justificatif, mais il faut s'assurer qu'il y a moins de frustration de la part des patients dans le système de la santé.
Je vois que mon temps de parole file. Je pense que je pourrais encore parler de ce sujet pendant 10 minutes. Je devais m'être préparée pour un discours de 20 minutes. Je suis vraiment intéressée par cette question. Pour tout dire, nous sommes favorables au projet de loi C‑321.
J'aimerais profiter des dernières secondes de mon discours pour adresser ma profonde reconnaissance à tous les travailleurs de la santé, aux travailleurs de l'ombre, aux pompiers et aux ambulanciers. Je veux remercier ceux qu'on appelle chez nous les premiers répondants et qui font à peu près tout, et je remercie également les agents correctionnels, qui sont nombreux chez nous sur la Côte‑Nord. J'aimerais les remercier de ce qu'ils font. Au-delà de la reconnaissance, ils doivent être valorisés, protégés et soutenus, et j'y veillerai.