Madame la Présidente, Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne‑Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik‑Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne‑Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St‑Arneault et Annie Turcotte. Année après année, nous répétons ces noms obstinément. Nous répétons que nous ne les oublions pas, mais c'est faux. Nous oublions ces femmes.
Ô comme le bruit des sirènes de ce jour de décembre s'estompe, comme le temps qui passe rend les visages des femmes de Polytechnique indistincts. Nous nous levons à la Chambre le 6 décembre et, chacun notre tour, émus, nous prononçons nos discours; une liturgie. Le 6 décembre ne devrait pas être un passage obligé, des discours, une veillée à la chandelle, et puis, plus rien, à l'année prochaine. Le temps est un voleur et nous ne pouvons garder en nous éternellement le deuil, la tristesse et la colère. Le temps les efface. Il nous les arrache, et nous passons à autre chose.
Est-ce que ces femmes, assassinées parce qu'elles étaient des femmes, seraient plus en sécurité aujourd'hui? Est-ce que ces discours que nous prononçons, là tout de suite, contribuent à empêcher que cela se reproduise, ou bien est-ce que cela nous aide, nous, à avoir l'esprit tranquille?
Qu'avons-nous fait et que faisons-nous, comme élus, pour que Polytechnique ne se reproduise jamais? Un registre des armes à feu qu'on a brûlé à la première occasion? Un programme de rachat obligatoire des armes d'assaut qu'on reportera en 2025 en sachant ou, en tout cas, en se doutant bien qu'on laissera entre les mains des conservateurs son application? Nous savons ce qu'ils feront de ce programme.
Nous aurons beau faire les plus beaux discours du monde, nos gestes, nos actions parleront bien davantage. Nous voulons bien commémorer Polytechnique et nous imposer un devoir de mémoire pour ces femmes que nous avons perdues si cruellement le 6 décembre 1989, mais que faisons-nous? Que fais-je, moi, pour honorer leur mémoire? Est-ce que nous avons utilisé adéquatement les outils que nous donne la démocratie pour mieux protéger les femmes?
Je suis loin d'en être sûre. Les féminicides sont en forte hausse. En 2022, c'était une hausse de 20 % par rapport à l'année précédente. Une femme était tuée tous les deux jours; 184 féminicides. Il n'y a pas de ralentissement. La tragédie de Polytechnique continue à se produire. Ce n'est pas un tueur, mais plusieurs. Les victimes ne sont pas regroupées, elles sont isolées, encore et encore. Qu'est-ce qu'on fait pour que le cycle de la violence cesse? En fait-on assez pour qu'une femme ne soit pas tuée parce qu'elle est une femme?
Le rachat obligatoire des armes de type d'assaut n'est pas une panacée, et ce Parlement ne peut pas tout faire. Nous devons compter sur tous. Nous devons compter sur le gouvernement fédéral. Nous devons compter sur les gouvernements du Québec, des provinces et des territoires. Nous devons compter sur les municipalités, sur les organismes communautaires, sur les forces policières, sur l'éducation dans nos familles. Nous devons compter sur les femmes et nous devons compter sur les hommes. Là où un geste peut être posé, nous devons le poser. Il faut la volonté et le courage.
Nous sommes le 6 décembre 2023. Il y a 34 ans, un homme entrait dans une école, puis dans une salle de cours, alignait des femmes contre un mur et les tirait à bout portant parce qu'elles étaient des femmes, avec des ambitions, des rêves et des talents, avec des vies. Tout a été arraché. Elles nous ont été arrachées. Nous nous rappelons.
Nous déclamons leurs noms pour qu'elles ne meurent pas complètement, pour les retenir un peu: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne‑Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik‑Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne‑Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St‑Arneault, Annie Turcotte.
Il ne faut jamais que cela devienne une routine. Il faut refuser l'habitude. Ces femmes ne méritent pas de mourir une deuxième fois. Gardons leur mémoire dans nos cœurs, et dès que notre peine se relâche, soufflons sur ses braises. Que ces femmes, que leurs noms et que leur mort soit un moteur pour nous pousser à agir, à en faire plus contre la violence à l'égard des femmes. Si nous réussissons à gagner du terrain sur la violence, si la misogynie faiblit et si les féminicides diminuent, c'est à elles aussi que nous le devrons.
Madam Speaker, Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne‑Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik‑Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne‑Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St‑Arneault and Annie Turcotte. Year after year, we insist on repeating those names. We keep saying that we have not forgotten them, but that is not true. We have forgotten those women.
The sound of the sirens on that December day has faded away, and with the passing of time, so have the faces of the Polytechnique women. We rise in the House on December 6, and we are moved as we take turns delivering our liturgy of speeches. December 6 should not be a necessary step, speeches, a candlelight vigil and then nothing until next year comes. Time is a thief and we cannot mourn forever, keeping the sadness and anger inside. Time erases them. It rips them away from us, and we move on to something else.
Would these women, who were murdered because they were women, be any safer today? Are the speeches we are giving right now helping to stop this from happening again, and is this helping give us peace of mind?
What have we done and what are we doing, as elected officials, to ensure that Polytechnique never happens again? A gun registry that was torn up at the first opportunity? A mandatory buyback program for assault weapons that is being postponed until 2025, when we know, or at least suspect, that the Conservatives will be the ones in charge of implementing it? We know what they will do with that program.
The most beautiful speeches in the world will not have as much impact as real action. We want to commemorate Polytechnique and push ourselves to remember the women we lost so cruelly on December 6, 1989, but what are we actually doing? What am I doing to honour their memory? Have we made the best use of the tools democracy has given us to better protect women?
I am far from certain of it. There has been a sharp increase in femicide. In 2022, it was up 20% from the year before. A woman was killed every two days: 184 femicides. It is not slowing down. The Polytechnique tragedy continues. There is not just one killer, but many. The victims are not grouped together, they are isolated, over and over again. What are we doing to stop the cycle of violence? Are we doing enough to ensure that a woman is not killed simply because she is a woman?
The mandatory buyback of assault-style weapons is not a panacea and this Parliament cannot do everything. We must count on everyone. We must count on the federal government. We must count on the governments of Quebec, the provinces and the territories. We must count on the municipalities, community organizations, police, education in our families. We must count on women and we must count on men. Whenever something can be done, we must do it. It takes a will and courage.
Today is December 6, 2023. Thirty-four years ago, a man walked into a school and entered a classroom. He lined women up against a wall and then shot them at point-blank range. He did this because they were women, women with ambitions, dreams and talents, women with lives. All of that was ripped away from them. They were ripped away from us. We will remember them.
We say their names so that they will never truly die, so that we can keep them with us in our hearts. They are Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne‑Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik‑Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne‑Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St‑Arneault and Annie Turcotte.
This must never become a routine or a habit. These women do not deserve to die a second time. Let us keep their memory alive in our hearts. Let us keep the fires of their memory burning bright so that these women, their names and their deaths act as a catalyst, driving us to take action and to do more to combat violence against women. If we succeed in making progress in the fight against violence, if misogyny subsides and if femicides go down, then we will also owe that to these women.