Bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis Evan Light, professeur agrégé au Collège universitaire Glendon de l'Université York.
Je suis professeur agrégé en communications.
Je vais faire ma déclaration liminaire en anglais, mais je serai également heureux de répondre aux observations ou aux questions en français.
Comme l'un de vous l'a mentionné mardi, je suis la source des documents à partir desquels Radio-Canada fait ses reportages depuis novembre 2023 sur l'utilisation d'outils capables d'extraire des données personnelles des appareils mobiles et des ordinateurs.
Je suis très impressionné par la vitesse à laquelle vous avez relevé le défi d'enquêter sur l'utilisation répandue d'appareils d'analyse de dispositifs mobiles dans l'ensemble du gouvernement fédéral. Cela montre un profond respect pour le droit fondamental à la vie privée. La protection des renseignements personnels n'est pas une chose abstraite. C'est un droit fondamental qui est lié à d'autres droits de la personne. Au Canada, c'est un droit de la personne depuis 1977. Nous parlons de quelque chose qui est très fondamental.
Pour moi, cela signifie que c'est un droit qui ne devrait pas être violé à moins d'avoir une raison très bonne et bien documentée. Je pense que le témoignage des représentants des organismes que vous avez entendus jusqu'à maintenant ne nous permet pas nécessairement de qualifier l'utilisation qu'ils en font de « nécessaire et proportionnée », une expression utilisée à diverses reprises pendant vos dernières réunions.
Depuis 1977, les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas protégé notre droit fondamental à la vie privée. Ce comité, en ce moment, a vraiment une excellente occasion — pas juste une occasion, mais aussi une obligation — d'agir et d'examiner comment le gouvernement protège le droit fondamental à la vie privée.
J'ai transféré de nombreux documents au Comité. Certains ont été traduits, d'autres pas, ce qui signifie que vous n'avez pas toute la documentation sur les sujets que je vais aborder aujourd'hui. Je veux parler de ces questions et de certains témoignages des représentants des organismes avec qui vous avez discuté jusqu'à maintenant.
J'ai vu ces appareils pour la première fois en 2020 en faisant de la recherche pour un cours. Un groupe aux États-Unis a documenté leur utilisation dans plus de 2 000 corps policiers du pays. De la documentation supplémentaire sur l'utilisation de ces outils par différents régimes partout dans le monde et sur leur intégration étroite avec des logiciels espions nous vient du Carnegie Endowment aux États-Unis.
Rapidement à propos de la terminologie, je ne considère pas les appareils d'analyse de dispositifs mobiles comme des logiciels espions. Il en a été question à maintes reprises à votre comité. Ils ont toutefois essentiellement les mêmes capacités. Ils sont vendus par les mêmes fournisseurs et sont utilisés par les mêmes entités. Je ne pense pas que nous devons prêter trop d'importance à la terminologie. Je pense que ce qui compte, c'est que leur utilisation est tout autant intrusive et non réglementée.
Ce qui me préoccupe, ce n'est pas l'existence de ces appareils, mais le fait que leur utilisation n'est pas réglementée. Divers organismes qui ont témoigné devant vous ont dit qu'ils ne savent pas vraiment comment ils s'en servent. Ils n'ont pas de chiffres. Le représentant de l'Agence des services frontaliers du Canada a dit qu'ils s'en servent tout le temps, mais ils ne peuvent pas nous dire le nombre de fois. Quant aux représentants de Services partagés Canada qui ont témoigné mardi, ils ont dit qu'il n'ont pas de politiques ou de procédures sur leur utilisation. Scott Jones décide lui-même à quel moment leur utilisation est justifiée.
Comme des témoins l'ont fait remarquer devant le Comité, l'utilisation des appareils est pertinente. Je crois que M. Mainville, du Bureau de la concurrence, a mentionné mardi qu'ils s'en servent depuis 1996, ce qui a été une révélation étonnante pour moi. Cela montre que le gouvernement se sert régulièrement de ces choses depuis des dizaines d'années. Cela n'a jamais été réglementé ni jamais fait l'objet d'une surveillance.
Tout au long des réunions que le Comité a consacrées à cette étude, des membres du Comité et des témoins ont utilisé l'expression « nécessaire et proportionnée », ou un des deux adjectifs. Je pense que cette expression est vraiment essentielle pour comprendre l'utilisation des appareils d'analyse de dispositifs mobiles ou toute autre technologie de surveillance par le gouvernement. En fait, c'est lié à un document publié en 2014 et préparé par 16 organisations de la société civile de partout dans le monde. C'est appuyé par environ 600 organisations et 300 000 particuliers. Le document s'intitule: « Nécessaire et proportionnée: Principes internationaux sur l'application des droits de l'homme à la surveillance des communications ».
Il faut se pencher sur des cadres juridiques. Il y a des normes pour comprendre comment faire la surveillance tout en respectant les droits de la personne, et je pense que le Canada peut en apprendre quelque chose et qu'il devrait peut-être le faire.
Je serai bref. Mes cinq minutes sont presque écoulées. Je vais terminer par un bref commentaire sur certains des témoignages entendus récemment.
Services partagés Canada et d'autres organisations ont dit qu'ils utilisent seulement les appareils d'analyse de dispositifs mobiles dans des laboratoires isolés, ce qui donne l'impression qu'ils sont vraiment coupés du monde. D'après les moyens et les appareils à leur disposition, c'est manifestement faux. Dans les contrats que j'ai transmis à votre comité, on voit que diverses entités, y compris l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, la GRC et le Bureau de la sécurité des transports ont tous, ce qui s'appelle, UFED Cloud, un progiciel de Cellebrite qui permet essentiellement d'avoir accès à toutes les applications infonuagiques d'un téléphone. C'est présenté comme un moyen de contourner les mandats.
De plus, pour terminer, je mentionne que différents organismes ont des versions renforcées de ces appareils, ce qui signifie qu'on peut se rendre sur le terrain et les échapper, les utiliser çà et là. Ils n'achèteraient pas ces appareils renforcés s'ils s'en servaient uniquement dans des laboratoires cliniques isolés.
C'est avec plaisir que je vais répondre aux questions.