Merci, monsieur le président, madame et messieurs les parlementaires. Je salue les femmes qui sont présentes.
Je suis très heureuse d'être ici ce matin. En premier lieu, je veux vous remercier de m'avoir aimablement invitée à participer à la réunion de ce comité permanent. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je m'appelle Louise Champoux-Paillé. Je suis économiste de formation, je détiens une maîtrise en administration des affaires et je suis une administratrice de sociétés certifiée.
Depuis près de 30 ans, je travaille dans le milieu des services financiers: banques, compagnies d'assurances et courtiers en valeurs mobilières. De 1998 à 2004, j'ai été présidente du Bureau des services financiers du Québec, un organisme de réglementation qui encadre les représentants en assurances de personnes, en assurances de dommages, en planification financière et en fonds communs de placement.
À titre d'administratrice, je siège à quelques conseils d'administration, notamment à celui du MÉDAC, où je suis responsable de la coordination des campagnes de propositions d'actionnaires et de la réalisation d'études portant sur l'éthique financière et fiduciaire, la rémunération des hauts dirigeants des institutions financières, la présence des femmes au sein des conseils d'administration et les tendances en gouvernance, tant au Canada qu'aux États-Unis et en Europe.
Permettez-moi maintenant de vous dire quelques mots sur le MÉDAC, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires. Fondé en 1995 par Yves Michaud, le MÉDAC est un organisme sans but lucratif. Il est présidé par Claude Béland, anciennement président du Mouvement Desjardins, et est administré par un conseil d'administration composé de huit autres personnes.
Concrètement, nous réalisons notre mission de défense des actionnaires en déposant annuellement des propositions auprès des entreprises canadiennes, propositions portant essentiellement sur la saine gouvernance. Depuis notre création, nous avons déposé plus de 60 propositions d’actionnaires auprès d’une douzaine de grandes entreprises canadiennes, ce qui fait du MÉDAC l’organisme québécois et canadien le plus actif dans le milieu. Près de 50 p. 100 de l’ensemble des propositions déposées au Canada au cours des 20 dernières années l’ont été par le MÉDAC.
Au début de l’an dernier, soit en janvier 2010, nous avons publié une étude portant sur l’efficience des propositions d’actionnaires, laquelle est intitulée Les propositions d’actionnaires: pilier de saine gouvernance. Nous avons pu constater qu'au sein des grandes institutions financières, il y avait eu une nette amélioration sur le plan de la gouvernance, comme en témoignent les Board Games. Aujourd'hui, les caractéristiques suivantes font partie des pratiques exemplaires de nos institutions financières: la séparation des pouvoirs entre le président du conseil et le président des opérations; la divulgation des honoraires et l’indépendance des vérificateurs externes; et, récemment acquis, le vote consultatif sur la rémunération des hauts dirigeants.
L’équité fiscale pour tous, un des emblèmes de notre intervention depuis 2002, a été abordée sous l’angle de la présence des banques dans les paradis fiscaux. Nous avons ainsi déposé à trois reprises des propositions sur ce thème, soit en 2002, 2005 et 2011. Nous osons croire que nos propositions ne sont pas étrangères au fait que, depuis 2007, la Banque Nationale a considérablement réduit sa présence dans les paradis fiscaux. Nous en espérons autant de la part des autres banques compte tenu que nous avons déposé des propositions.
Ma déclaration se divisera en deux parties. La première vous donnera un bref aperçu de la situation actuelle, tant au regard des particuliers que des entreprises, et la deuxième consistera à formuler quelques recommandations afin de tendre, dès le prochain budget, vers cette équité tant recherchée.
Permettez-moi de dresser un portrait de la situation actuelle.
Lord Dewar disait ou écrivait: « Il y a une chose pire que de payer l’impôt sur le revenu, c’est de ne pas en payer. »
Comme leur nom l'indique, les paradis fiscaux sont utilisés dans le but d'échapper à l'impôt, ou d'optimiser ses réductions d'impôt. Un peu partout dans le monde, les individus et les sociétés ont la possibilité de réaliser ce que l'on peut décrire comme de l'optimisation fiscale, mais pour l'écrasante majorité de la population, y compris la plupart des gens disposant de salaires raisonnables, le concept d'optimisation fiscale n'a guère de sens. En effet, l'impôt est généralement prélevé à la source sur leurs gains et leur relation avec le fisc s'arrête là.
Pour une minorité fortunée et pour la plupart des grandes sociétés, l'optimisation fiscale occupe, en revanche, une partie importante de leurs affaires et de leur vie privée.
La milliardaire américaine Leona Helmsley avait dit, pendant son procès pour évasion fiscale en 1989: « Il n'y a que les petites gens qui paient des impôts ». Du moins, il semble que les mieux nantis, eux, en payent le moins possible. Loin d'être perçu comme répréhensible ou moralement inacceptable dans le milieu des affaires, faire fructifier son argent au chaud sous les palmiers des Caraïbes semble être un comportement avisé de gens d’affaires sans scrupules.
Hillary Clinton elle-même disait, lors d’une intervention devant la Brookings Institution, un groupe de recherche de Washington, que les riches ne paient pas leur juste part dans une nation qui fait face à un taux de chômage très élevé, que ce soient les individus ou les corporations.
Pour bien camper le problème que pose ce comportement inacceptable de planification fiscale internationale abusive, tant chez les entreprises que les individus, je me permettrai brièvement de faire référence à quelques citations et données.
Selon le rapport 89 de la vérificatrice générale à Ottawa, l’évasion fiscale associée aux transactions internationales est appelée à croître au cours des prochaines années, car elle est favorisée par la complexité grandissante de ces transactions. Ainsi, en 2009, les placements directs effectués par des Canadiens à l’étranger représentaient plus de 593 milliards de dollars. De ce montant, 78,4 milliards de dollars, c’est-à-dire 13 p. 100, ont été investis à La Barbade, aux Bermudes et aux Îles Caïmans.
De plus, les règles de la fiscalité incitent à l'évasion. Ces règles permettent à des entités bénéficiant d'un régime fiscal privilégié dans les pays signataires d'une convention fiscale avec le Canada de ramener au Canada des revenus en franchise d'impôt.
Pour les cinq banques canadiennes ayant des filiales à l’étranger, l’exonération d’impôts est de l’ordre de 2,5 milliards de dollars, ce qui représente 37 p. 100 de l’impôt payé par les banques concernées. Compte tenu du fait qu’une famille canadienne a payé en 2009 31 714 $, cette exonération équivaut à la contribution fiscale de près de 80 000 foyers canadiens.
Selon le Conseil des Prélèvements obligatoires français, — ce sont des données pour la France —, les multinationales paient 2,3 fois moins d’impôt que les PME. Seules les entreprises de moins de 9 salariés paient réellement 30 p. 100 d’impôt, tandis que pour les très grandes entreprises françaises, le taux chute à 8 p. 100. À notre avis, cela constitue à la fois une injustice et une distorsion de la concurrence. Il serait peut-être utile de faire une pareille comparaison pour le Canada.
Un rapport a montré qu'aux États-Unis, un quart des plus grandes entreprises avaient totalement échappé à l'impôt entre 1998 et 2005. En ajoutant à cela l'évasion fiscale des particuliers, en l'occurrence 250 milliards de dollars de manque à gagner par année à l'échelle mondiale, on arrive à environ un trillion de dollars de flux illicites annuels, selon l’estimation du think tank américain Global Financial Integrity. Une telle situation pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les riches ont plus d’impact sur les politiques gouvernementales que les pauvres ou la classe moyenne, les mieux nantis pouvant influencer les gouvernements afin d'obtenir les privilèges fiscaux qu'ils souhaitent.
D'ailleurs, Dominique de Villepin disait ceci:
Le problème de l’existence et de la tolérance des paradis fiscaux est évidemment politique. Le monde de la finance est souvent intimement lié à celui de la politique. C’est d’autant plus vrai dans ce contexte et cette situation rend ce problème très compliqué à aborder par les gouvernements [...]
Thank you, Mr. Chairman, ladies and gentlemen members of the committee. Special greetings to the women who are with us today.
I am very pleased to be here this morning. To begin with, I'd like to thank the committee for its kind invitation to take part in this meeting of the standing committee. As you said, Mr. Chairman, my name is Louise Champoux-Paillé. I am an economist by training, I have an MBA and I am a certified corporate administrator.
For almost 30 years now, I have been working in the financial services community: banks, insurance companies and securities dealers. From 1998 to 2004, I was President of the Bureau des services financiers du Québec, a regulatory agency which monitors personal insurance, property and casual insurance, financial planning and pool investment fund representatives.
As an administrator, I sit on several boards of directors, including the MÉDAC board, where I am responsible for coordinating shareholder proposal campaigns and carrying out studies relating to financial and trust ethics, compensation for senior executives of financial institutions, the representation of women on boards of directors and governance-related trends, both in Canada and the United States and in Europe.
Let me say just a few words about MÉDAC, the Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires. Founded in 1995 by Yves Michaud, MÉDAC is a non-profit organization. It is chaired by Claude Béland, former Chairman of the Mouvement Desjardins, and is administered by an eight-member board of directors.
In practical terms, we carry out our mission of advocating for shareholders every year by submitting shareholder proposals to Canadian corporations, mainly dealing with sound governance. Since MÉDAC was formed, we have submitted more than 60 shareholder proposals to a dozen large corporations, making us the most active shareholder advocacy organization in Quebec and Canada. More than 50% of all the proposals submitted in Canada in the last 20 years were from MÉDAC.
Early last year, in January of 2010, we published a study on the effectiveness of shareholder proposals entitled Les propositions d’actionnaires: pilier de saine gouvernance. Our conclusion was that shareholder proposals contribute to better corporate governance, as evidenced by Board Games. Nowadays, the following features are among the best practices of large Canadian and Quebec financial institutions: a separation of powers between the chair of the board and the president and COO; disclosure of professional fees and independence of external auditors; and, something recently acquired, advisory voting on executive compensation.
Tax fairness for everyone has been one of our key lines of attack since 2002, with a particular focus on bank involvement in tax havens. We have prepared proposals on this theme on three occasions, in 2002, 2005 and 2011. We believe that our proposals are not unconnected to the fact that, since 2007, the National Bank has considerably reduced its involvement in tax havens. We are hoping the same action will be taken by the other banks, given that we have presented proposals in this area.
My opening comments will be in two parts. I will begin by presenting a brief overview of the current situation with respect to both individuals and businesses, and in the second part I will make some recommendations with a view to moving towards greater fairness with the next budget.
Let me begin, then, with an overview of the current situation.
Lord Dewar said or wrote that: “The only thing that hurts more than paying income tax is not having to pay an income tax.”
As their name suggests, tax havens are used to evade taxes or minimize them. In many places around the world, individuals and businesses can do what might be called tax minimization; however, for the vast majority of people, including most with decent incomes, the idea of tax minimization makes little sense: taxes are usually deducted from their pay, and their interaction with the tax authorities ends there.
For a lucky minority and most large corporations, however, tax minimization is a very important part of their business and personal activities.
American billionaire Leona Helmsley said during her tax evasion trial in 1989 that “Only the little people pay taxes.” At the very least, it seems that the most affluent pay the least in taxes. Far from being seen in the business world as reprehensible or morally unacceptable, growing your money under the shade of Caribbean palm trees, for example, seems to be the sensible choice of unethical business people.
Hillary Clinton herself said in a speech at the Brookings Institution, a Washington think tank, that “the rich are not paying their fair share in any nation that is facing the kind of employment issues the United States is, whether it's individual or corporate."
To really give you an idea of the problem posed by this unacceptable and aggressive international tax planning, by both corporations and individuals, here are some figures and quotations.
The 1989 report by the Auditor General in Ottawa showed that tax evasion involving international transactions was expected to grow in the following years, spurred by the growing complexity of those transactions. Thus, in 2009, Canadian foreign direct investment was more than $593 billion. Of this, $78.4 billion, or 13%, was invested in Barbados, Bermuda and the Cayman Islands.
Furthermore, the current tax rules encourage tax evasion. Those rules allow tax-privileged entities in those countries that have signed a tax treaty with Canada to bring income into Canada tax-free.
The five Canadian banks with foreign subsidiaries benefit from a tax exemption in the order of $2.5 billion, which amounts to 37% of the tax paid by these banks. Given that the average Canadian family paid $31,714 in taxes in 2009, this tax exemption is equivalent to the taxes paid by 80,000 Canadian families.
According to the Conseil des Prélèvements obligatoires français—this is data for France—multinationals pay 2.3 times less tax than small- and medium-sized businesses. Only businesses with fewer than nine employees truly pay the 30% tax rate; for the very large corporations in France, the rate drops to 8%. In our opinion, that is unfair and a distortion of competition. Perhaps it would be helpful to make a similar comparison for Canada.
A report showed that, between 1998 and 2005, a quarter of the largest companies in the United States paid no tax at all. Add to that individual tax evasion worth $250 billion in lost tax revenue worldwide every year, and the total is about $1 trillion of illegal money flows every year, according to the American think tank Global Financial Integrity. This situation could perhaps be a result of the rich having more influence over government policy than the poor or the middle class, the rich enjoying the opportunity to influence governments in order to secure certain tax privileges and benefits.
Indeed, Dominique de Villepin said this:
The problem with allowing and tolerating tax havens is obviously a political one. The world of finance is often closely connected to the world of politics. That is even more true in the current context, making this a very complicated issue for governments to tackle [...]