Bon, alors après tous ces soucis, me voici. Je représente une organisation qui existe depuis plus de 30 ans. Nous avons présentement trois points de service au Québec, soit un refuge d'urgence et deux centres externes. Nous avons aussi un service d'approche communautaire qui nous permet de sensibiliser activement les gens à la violence familiale.
Nous sommes également en train de mettre sur pied une ressource de deuxième étape qui deviendra notre quatrième point de service. Nous faisons partie de l'alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape du Québec.
Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de certaines situations que nous avons observées dans les tranchées. Nous croyons qu'en parlant aujourd'hui de ce que nous avons observé, nous pourrons peut-être aider les victimes de violence, influencer les politiques publiques, encourager l'adoption de lois et, espérons‑le, changer les perceptions de la société sur ce type de violence.
Je ne vais pas trop m'attarder là‑dessus, mais nous connaissons tous les effets de la pandémie mondiale sur les femmes victimes de violence et sur les femmes en général. Ce groupe de la population a été le groupe le plus affecté par la pandémie. Cela dit, certains enjeux, dont l'accès inégal aux services, le manque de place dans les refuges, les lois inefficaces, le manque de programmes de prévention ou de sensibilisation sur la violence conjugale, tout comme la minimisation ou la normalisation de la violence conjugale, existaient avant la pandémie mondiale de la COVID‑19.
La situation est devenue encore plus difficile pour les immigrantes, les femmes provenant des communautés culturelles ethniques — qui font face à des obstacles linguistiques — et celles ayant beaucoup d'enfants. Il est difficile pour ces femmes d'avoir accès aux informations de base, alors ne parlons même pas des services. Leur isolement s'est renforcé.
L'augmentation de la violence sexospécifique à l'échelle mondiale n'est pas seulement attribuable à la pandémie, mais aussi aux facteurs sous-jacents qui existaient déjà et qui n'ont pas été réglés. Nous aimerions donc proposer une approche plus générale pour que l'on puisse s'attaquer à l'enjeu de la violence conjugale.
Que voulons-nous dire? Nous voulons dire que nous désirons une loi pertinente qui comprendra une définition élargie de la violence conjugale et qui soulignera l'illégalité de cette violence. Nous ne voulons pas extrapoler certains articles du Code criminel du Canada qui font référence à la violence physique et sexuelle, car la violence conjugale est un sujet beaucoup plus profond. Ce type de violence crée des traumatismes chez les femmes et les enfants, et c'est pourquoi nous voulons une loi à cet égard.
De plus, nous estimons qu'il faudrait davantage analyser les programmes de prévention. Les statistiques démontrent que des femmes de plus en plus jeunes fréquentent les refuges. Cela signifie que les agresseurs qui commettent cette violence sont eux aussi de plus en plus jeunes, ce qui démontre que les perceptions de la société sur la normalisation de la violence n'ont pas du tout changé.
Enfin, nous voulons des services intégrés assurant une plus grande continuité pour les victimes, les enfants exposés à la violence et les agresseurs.
Nous souhaitons également un meilleur accès aux services d'hébergement tout au long des démarches de la victime. Il existe une chronologie en termes d'hébergement pour les victimes de violence. Les choses ne se concluent pas avec l'appel initial au 911. D'abord, il y a l'entrée au refuge. Il existe un gros problème à ce niveau. Je me souviens avoir témoigné devant ce comité il y a quelques années. À l'époque, nous avions parlé de l'enjeu de l'hébergement de deuxième étape. Il s'agit d'un enjeu majeur. Des milliers de femmes et enfants quittent les refuges d'urgence au Québec. Or, nous disposons de 500 places en hébergement de deuxième étape. Si nous comparons la situation actuelle avec la situation d'avant, nous voyons qu'il nous aura fallu 12 ans pour notre ressource de deuxième étape qui est en train d'être mise sur pied.
Il nous faut améliorer l'accès aux maisons d'hébergement d'urgence et de deuxième étape, mais aussi aux logements sociaux par la suite. Une de nos clientes est venue nous voir il y a deux semaines et elle était très heureuse. Elle était heureuse parce qu'elle avait enfin obtenu son logement social après quatre ans d'attente avec trois enfants à sa charge. Il est évident qu'il existe des lacunes.
Nous aimerions aussi proposer l'octroi d'un statut spécial aux femmes victimes de violence conjugale. Que voulons-nous dire par statut spécial? La dépendance financière est un enjeu majeur dans les cas de violence conjugale. Nous sommes censés guider les femmes vers l'autonomie et la non-dépendance. Il s'agit d'un enjeu majeur. L'idée de donner une allocation et un statut de femme vulnérable à ces femmes victimes de violence conjugale... Ai‑je besoin de dire à quel point cela serait nécessaire pour les immigrantes qui ne peuvent pas parler la langue du pays, qui n'ont pas de réseau social et qui n'ont pas non plus de moyens de subvenir à leurs besoins?
Nous proposons d'accorder cette allocation financière aux femmes victimes de violence conjugale. Cela pourrait les aider à surmonter les pires moments de leur traumatisme violent et à devenir un jour autonomes. Ce type d'aide financière devrait être offerte à toute victime de violence conjugale, que ce soit des femmes célibataires ou des mères monoparentales qui ont des enfants à charge.
Pour conclure, j'aimerais que les membres du Comité me croient — je vous prie de me croire, parce que nous travaillons avec les victimes — lorsque je dis que les possibilités qu'une victime retourne vers son conjoint violent ou qu'elle se retrouve dans la rue sont élevées si elle n'a aucun recours, pas beaucoup d'argent et pas d'endroit pour se réfugier.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir écoutée. Merci beaucoup.
Je tiens à préciser que je peux répondre aux questions en français.
Si je n'ai parlé qu'en anglais, c'est que j'étais nerveuse et que mon temps de parole était limité.