Merci, madame la présidente.
Je vais m'exprimer en français.
J'aurai besoin de sept minutes, si possible.
Kwe, bonjour.
[Le témoin s’exprime en wendat.]
[Français]
Mon nom est Denis Gros‑Louis. Dans ma langue, cela veut dire « l'homme qui travaille pour la liberté ».
[Le témoin s’exprime en wendat.]
[Français]
Je participe aujourd'hui à cette réunion à partir du territoire non cédé de ma nation, la terre wendat, près de Québec.
Je m'appelle Denis Gros‑Louis et je suis directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations. J'aimerais rassurer la députée Idlout du Nunavut et lui dire que je suis bilingue: je parle français et anglais. J'aimerais aussi remercier le député de La Prairie, M. Therrien, de m'avoir invité aujourd'hui, ainsi que vous tous. Nous sommes réunis pour discuter d'un sujet très important.
Le Conseil en éducation des Premières Nations est une association qui regroupe huit des onze nations au Québec en matière d'éducation, soit les Abénaquis, les Anishinabes, les Atikamekws, les Wendats, les Pekuakamiulnuatsh, la première Nation Wolastoqiyik, les Micmacs et les Kanien'keha:ka. .
L'Assemblée des Premières Nations Québec‑Labrador a délégué au CEPN, mon organisation, le mandat de témoigner devant vous aujourd'hui. J'ai eu également l'approbation du Comité des chefs sur l'éducation pour présenter les questions qui sont spécifiques au Québec. Notre organisation a aussi le mandat d'héberger et d'appuyer le coordonnateur au comité régional sur les langues ancestrales, ici, au Québec.
J'espère que les éléments et les recommandations que je vais apporter vous seront utiles dans votre étude visant à permettre la traduction en langues autochtones des bulletins de vote aux élections fédérales. Cette étude est un bon premier pas qui permettrait de respecter nos langues, et je la vois comme un geste qui favorise la réconciliation.
Au Québec, on retrouve 11 langues autochtones, dont quelques-unes ont leurs dialectes. Leur vitalité varie selon les communautés: certaines se retrouvent dans un état de dormance, alors que d'autres sont parlées couramment et sont la langue d'usage dans les écoles. Plusieurs aînés de nos communautés sont monolingues, ne parlant exclusivement que leur langue. Lorsqu'ils sortent de leur communauté, ils deviennent étrangers dans leur pays.
Nos langues sont le véhicule d'expression de notre vision du monde. Elles sont le fil conducteur entre le passé et l'avenir. Bref, elles sont la pierre angulaire de notre identité. Toutefois, le lien entre l'identité et la participation des Premières Nations aux élections fédérales est beaucoup plus complexe, comme l'expliquait ma collègue, Mme Tshernish.
Pour dresser un portrait rapide, mais réaliste et franc, je dois également souligner que les perspectives sont polarisées dans les nations et les communautés membres du CEPN sur la question du vote des Premières Nations. Certaines nations participent à cet exercice, mais d'autres refusent catégoriquement de le faire.
Des données récentes de Statistique Canada montrent que la raison la plus récurrente invoquée par les Autochtones pour s'abstenir de voter est de nature politique. Nous ne nous sentons absolument pas partie prenante aux dossiers fédéraux. C'est un refus fondé sur des raisons qui remontent parfois à l'existence même de la Confédération canadienne et, bien sûr, de sa Loi sur les Indiens, qui n'a pas toujours un effet positif sur nos nations.
Que ce soit parce que les Premières Nations affirment leur souveraineté ou parce qu'elles ne se sentent pas respectées ou interpellées par les dossiers, les raisons qui désengagent les électeurs de ces nations sont nombreuses.
Globalement, la question identitaire est au centre de la réflexion que vous avez afin d'agir positivement sur la participation des Premières Nations. Que devez-vous faire pour que nous allions voter? Une étude d'Élections Canada sur l'évolution du taux de participation des Premières Nations montre que les communautés au Québec enregistrent le plus faible taux de participation aux élections fédérales. Ce taux est d'environ 27,8 %, alors que le taux moyen au Canada semble être autour de 34 %.
Qui figure sur le bulletin de vote, quelles sont les questions présentées et comment le sont-elles? Tout cela a certainement une grande incidence sur l'intérêt et la participation de nos communautés au processus électoral. Autrement dit, les solutions et les initiatives devront aller au-delà de la simple traduction des bulletins de vote dans nos langues pour témoigner de votre respect envers nos langues et nos cultures. Tout doit être sincèrement et concrètement axé vers la réconciliation.
La traduction des bulletins de vote en langue autochtone est une bonne action de valorisation linguistique. On enseigne dans nos écoles nos langues, et de les voir reproduites sur un bulletin représente évidemment un bon moyen de voir le monde et de nous inciter à participer au processus électoral. Cependant, lorsqu'on marginalise la langue, on marginalise souvent nos cultures et les visions de nos communautés membres.
Vous pourriez aussi observer certaines positions colonialistes énoncées devant les tribunaux par les comportements de la machine gouvernementale et les positions prises devant ces tribunaux afin d'élaborer, souvent, des programmes qui ne suscitent pas l'intérêt envers la politique fédérale, parce que ces politiques sont encore néfastes en 2022.
Lors de leurs témoignages, la semaine dernière, des représentants d'Élections Canada ont indiqué que la traduction était un exercice dispendieux, que ce soit à cause du temps, du contrôle de la qualité, de la planification ou de toute autre raison. Eh bien, un simple discours disant que c'est dispendieux n'encourage pas nos communautés à participer au processus électoral. J'aimerais donc que le respect de nos langues et la réparation des préjudices causés à celles-ci et à nos cultures ne soient pas perçus comme ayant un prix. En tant qu'ancien fonctionnaire à la direction des élections d'Affaires autochtones et du Nord Canada, je peux vous dire que les politiques visant à accroître la participation sont une question d'honneur et de responsabilité. L'accès à un droit démocratique nous a été restitué il n'y a que quelques décennies. Il faut le prendre en considération, d'ailleurs.
J'ai parlé d'identité et du maintien des langues. Eh bien, au Québec, nous nous retrouvons devant une situation unique sur le plan linguistique. Nous sommes des témoins de l'approche colonialiste du gouvernement provincial dans sa manière de mettre à jour la Charte de la langue française. Les efforts de ce gouvernement briment et, à la limite, rétrogradent l'usage et le maintien de nos langues et font fi des traités modernes qui sont en vigueur. Plusieurs de nos membres ne comprennent pas ou ne voient pas l'action gouvernementale, que ce soit celle des provinces ou du fédéral.
Nous avons donc quatre recommandations. Tout d'abord, pour donner suite à l'appel à l'action no 57 de la Commission de vérité et réconciliation, il serait important d'offrir une formation de sensibilisation à la haute direction et au personnel d'Élections Canada axée sur notre histoire, mais aussi sur l'aptitude interculturelle que les fonctionnaires d'Élections Canada devraient avoir.
Notre deuxième recommandation consiste à établir des liens de consultation et de collaboration entre Élections Canada et le Bureau du commissaire aux langues autochtones, qui est le chien de garde des langues autochtones au Canada.
Troisièmement, comme cela a été proposé dans le rapport de l'Assemblée des Premières Nations sur la participation des électeurs des Premières Nations, et afin d'améliorer le taux de participation au Québec, vous devriez vous assurer que les informations à l'intention des électeurs ne sont pas que sur le bulletin de vote, mais aussi dans un document auquel nous avons travaillé avec la nation atikamekw. Celui-ci va au-delà du vote et vise à aider les locuteurs unilingues à bien comprendre le processus et le déroulement de la journée du vote. Cela devrait être offert aux 10 autres nations autochtones au Québec, bien sûr.
Quatrièmement et finalement, il serait aussi important de s'assurer que les images présentées dans les livrets reflètent l'identité de nos nations.
Je vous remercie.
Thank you, Madam Chair.
I'll express myself in French.
I will need seven minutes, if you'll allow me.
Kwe, hello.
[Witness spoke in Wendat.]
[Translation]
My name is Denis Gros-Louis. In my language, that means "men who works for freedom".
[Witness spoke in Wendat.]
[Translation]
I am taking part in the meeting today from the unceded territory of my nation, Wendat Land, near Quebec City.
My name is Denis Gros-Louis and I am the Director General of the First Nations Education Council. I would like to reassure Ms. Idlout, the member for Nunavut, and tell her I am bilingual: I speak French and English. I would also like to thank the member for La Prairie, Mr. Therrien, for inviting me today, and all of you. We are meeting to discuss a very important subject.
The First Nations Education Council is an association made up of eight of the 11 nations of Quebec for the purposes of education: Abenaki, Algonquin, Atikamekw, Wendat, Pekuakamiulnuatsh, the Wolastoqiyik First Nation, Micmac and Kanien'keha:ka.
The Assembly of First Nations Quebec-Labrador has delegated the task of testifying before you today to the FNEC, my organization. I also have the approval of the Chiefs Committee on Education to present issues that are specific to Quebec. Our organization also has the mandate of accommodating and supporting the coordinator of the regional committee on ancestral languages here in Quebec.
I hope the information and recommendations I will be providing you with will be useful in your study to allow the translation of ballots in federal elections into indigenous languages. This study is a good first step that would mean respecting our languages, and I see it as a gesture toward reconciliation.
In Quebec, we have 11 indigenous languages, some of which have their own dialects. Their vitality varies, depending on the community: some are in a state of dormancy, while others are spoken regularly and are the language used in schools. Some elders in our communities are unilingual: they speak only their own language. When they leave their community, they become foreigners in their own country.
Our languages are the vehicle for expressing our vision of the world. They are the thread that connects the past and the future. In other words, they are the cornerstone of our identity. But the link between identity and First Nations turnout in federal elections is much more complex, as my colleague, Ms. Tshernish, explained.
To give you a quick picture, but one that is realistic and honest, I also have to point out that views are polarized in the nations and communities that belong to the FNEC regarding the issue of First Nations voting. Some nations are participating in this exercise, but others categorically refuse to do so.
Recent Statistics Canada data show that the reason most often cited by indigenous people for not voting is political. We absolutely do not feel like stakeholders in federal matters. This refusal is based on reasons that sometimes go back to the very existence of the Canadian Confederation and, of course, its Indian Act, which has not always had a positive effect on our nations.
Whether because the First Nations are affirming their sovereignty or because they do not feel respected or involved in the issues, there are numerous reasons why voters from these nations are disengaged.
Overall, the identity question is central to the thinking you are doing to have a positive effect on First Nations turnout. What do you have to do for us to get out and vote? An Elections Canada study of changes in First Nations turnout shows that the communities in Quebec have the lowest turnout in federal elections: approximately 27.8 per cent, while the average turnout in Canada seems to be about 34 per cent.
Who is on the ballot, what are the issues presented, and how are they presented? All of that certainly has a big impact on our communities' interest and participation in the electoral process. In other words, solutions and initiatives will have to go beyond just translating ballots into our languages to show your respect for our languages and cultures. It will all have to be sincerely and concretely aimed toward reconciliation.
Translation of ballots into indigenous languages is a good way of promoting the languages. We teach our languages in our schools, and seeing them reproduced on a ballot obviously represents a good way of seeing the world and encourages us to participate in the electoral process. When language is marginalized, however, it often marginalizes our cultures and the visions of our member communities.
You could also observe certain colonialist positions stated before the courts through the conduct of the government machine and the positions taken before those courts, often to develop programs that do not generate interest in federal politics, because those policies are still harmful in 2022.
Last week, representatives of Elections Canada said in their testimony that translation was an expensive exercise, whether because of the time, the quality control, the planning or some other reason. Well, a simple speech saying it's expensive doesn't encourage our communities to participate in the electoral process. So I would like respect for our languages and reparation of the harm caused to them and to our cultures not to be seen as having a price. As a former public servant in the elections branch of Crown-Indigenous Relations and Northern Affairs Canada, I can tell you that policies intended to increase turnout are a matter of honour and responsibility. Access to a democratic right was restored to us only a few decades ago. That has to be taken into consideration, as well.
I spoke about identity and maintaining languages. Well, in Quebec, we find ourselves facing a unique situation in terms of language. We are witnesses to the colonialist approach of the provincial government in the way it updates the Charter of the French Language. This government's efforts hinder the use and maintenance of our languages, and at worst downgrade them, and flout the modern treaties in force. Some of our members don't understand or don't see government action, whether at the provincial or federal level.
So we have four recommendations. First, to act on the Truth and Reconciliation Commission's call to action No. 57, it is important to offer awareness training to senior management and staff at Elections Canada, focusing on our history, but also on the intercultural skills that officials at Elections Canada should have.
Our second recommendation consists of creating consultation and collaboration connections between Elections Canada and the Office of the Commissioner of Indigenous Languages, which is the guard dog for indigenous languages in Canada.
Third, as was proposed in the Assembly of First Nations report on First Nations voter turnout, and in order to improve turnout in Quebec, you should make sure that information for voters is not just on the ballot, but also in a document that we have worked on with the Atikamekw nation. It goes beyond the vote and is designed to help unilingual speakers to understand the process and how things proceed on voting day. It should be offered to the 10 other indigenous nations in Quebec, of course.
Fourth and finally, it is also important to make sure that the images presented in the booklets reflect our nations' identity.
Thank you.