Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑58, qui porte sur les relations de travail au Canada. Dans mes anciennes fonctions d'enseignant et mon rôle bénévole de membre du conseil d'administration d'un hôpital, j'ai connu divers conflits de travail au fil des ans.
La question des travailleurs de remplacement a toujours été la plus grande préoccupation de mes collègues du milieu de l'enseignement et des travailleurs de la santé communautaire. Tony Silbernagel faisait aussi partie du conseil d'administration de l'hôpital. Il est malheureusement décédé il y a quelques mois, mais en tant qu'homme d'affaires astucieux et bénévole, M. Silbernagel m'a beaucoup appris sur la compassion au sein de notre collectivité.
J'ai aussi quelques amis proches qui sont décédés au cours des derniers mois. Erhard Poggemiller a été maire de Kerrobert, en Saskatchewan. Après avoir déménagé en Alberta, il est devenu conseiller à Didsbury, jusqu'à la dernière élection. Son décès soudain a été un choc pour nous tous. Je sais à quel point la question des soins de santé en Saskatchewan lui tenait à cœur.
Deux autres amis proches qui ont servi au conseil municipal de Red Deer sont décédés durant les Fêtes. Mon ami d'enfance, Michael Dawe, était un résident fort apprécié de la ville de Red Deer. Personne n'égalait ses talents d'historien et d'archiviste. Son ancien collègue, Frank Wong, est aussi décédé au cours de la même période. Un autre pilier de notre collectivité, Jack Donald, a servi comme conseiller municipal à Red Deer. Ses entreprises philanthropiques et sa bienveillance à l'égard de la communauté resteront à jamais gravées dans notre mémoire.
Les collectivités comptent de nombreux leaders. Des amis comme Dave Brown, Winnie MacFayden et Jean Klepper ont fait beaucoup pour les collectivités du centre de l'Alberta. Que ce soit dans le domaine des sports ou de l'agriculture, ils étaient aussi des leaders. Malheureusement, dans ma famille, nous venons de vivre le décès de Charles Moore, le frère de mon épouse. Charles était l'un des fondateurs du rêve de l'ancien premier ministre Lougheed de faire de la gazéification rurale un peu partout en Alberta. Il a reçu, de la part de la Federation of Alberta Gas Co-ops et de l'Alberta Association of Agricultural Societies, des prix d'excellence pour son engagement indéfectible envers la communauté tout au long de sa vie. Il a également reçu au moins cinq médailles et mentions locales, provinciales ou nationales. Pour chacun de ces bons amis qui sont récemment décédés, la communauté passait avant tout.
Mon expérience avec les conflits de travail a commencé à la fin des années 1960, lorsque j'ai décidé de rester à la maison, pendant que ma famille profitait d'un voyage en Californie, pour m'occuper de la ferme et suivre un cours par correspondance pendant l'été. Je venais de recevoir toutes mes leçons lorsqu'une grève des postes a commencé. Plus de trois semaines plus tard, j'ai enfin pu envoyer des leçons à Edmonton pour qu'elles soient évaluées. J'ai reçu les commentaires des instructeurs seulement quelques jours avant de passer les examens finaux. Les grèves postales peuvent être lourdes de conséquences.
Étant donné que je viens d'une collectivité agricole et que j'ai vu les effets des mesures prises en milieu de travail, qu'il s'agisse des services portuaires ou ferroviaires, je suis bien conscient des coûts associés aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement du Canada. Ce projet de loi tient compte de certains de ses aspects, mais il doit y avoir une véritable certitude, surtout dans les circonstances actuelles, alors que nous cherchons des solutions pour remettre l'économie de notre pays sur les rails. C'est dans cet esprit que j'aimerais aborder certains points clés du projet de loi. Je dirais cependant que tout cela repose sur la responsabilité du gouvernement fédéral de veiller à ce que tout se passe bien au pays.
C'est le Cabinet qui est l'ultime responsable. On peut considérer que le ministre du Travail a la responsabilité de prendre ces décisions difficiles, mais, si les ministres responsables d'autres infrastructures essentielles, comme l'agriculture et les ressources naturelles, ainsi que d'autres ministres régionaux ne participent pas activement au processus, le gouvernement ne reçoit jamais toutes les informations nécessaires pour vraiment comprendre les difficultés que ces conflits de travail causent au pays. Voilà aussi pourquoi il est important pour nous, les législateurs, d'avoir la capacité de traiter de ces questions. Je me demande si nous ne devrions pas tous avoir comme objectif commun de faire en sorte que le Cabinet puisse régler rapidement ces questions, surtout compte tenu du fait que l'adoption d'une loi de retour au travail peut être repoussée par quelque chose d'aussi simple que le fait que la Chambre ne siège pas.
En ce qui concerne les négociations, j'ai été des deux côtés de la table. Ce n'est jamais facile, mais, pour l'avoir fait, je connais bien les stratégies utilisées en matière de relations de travail. En réalité, que ce soit en tant qu'enseignant et membre de l'association des enseignants de l'Alberta à l'époque, ou en tant que représentant du conseil d'administration d'un hôpital, les véritables décideurs étaient hors de ma portée. Les négociateurs font ce qu'ils estiment être dans l'intérêt des négociations, ce qui n'est pas nécessairement dans l'intérêt des membres. C'est une dure réalité, mais c'est ainsi que cela se passe.
Cela dit, il ne faut pas en conclure que les travailleurs et les entreprises ne peuvent pas trouver de terrain d'entente. Comme le montrent les résultats de nombreuses négociations, il est étonnant de voir à quel point les deux parties s'empressent de reprendre le dialogue dès que la menace d'une loi de retour au travail devient imminente. Les syndicats feraient valoir, peut-être avec raison — c'est à nous de le déterminer —, que ce type de mesure législative aide l'autre partie également.
Bien sûr, lorsqu'une entente est conclue sans l'intervention de l'État, les parties en tirent un sentiment de fierté et d'accomplissement. C'est ainsi que le processus devrait se dérouler. L'État devrait trouver comment faire en sorte que ce soit la règle et non l'exception. Pour ce qui est du recours aux travailleurs de remplacement, une approche équitable et logique rendrait, espérons-le, les négociations plus productives.
Le projet de loi a été déposé en novembre 2021, et nous en débattons maintenant, en février 2024. La coalition néo-démocrate—libérale aime bien prendre son temps avec les mesures législatives qu'elle présente. Néanmoins, le projet de loi C‑58 aurait deux grands objectifs. D'abord, il interdirait le recours aux travailleurs de remplacement dans les industries sous réglementation fédérale, comme les banques, les aéroports et les télécommunications, à l'exclusion toutefois de la fonction publique fédérale.
Ensuite, le projet de loi C‑58 modifierait le processus de maintien des activités afin non seulement d'inciter l'employeur et le syndicat à conclure rapidement une entente relative aux activités à maintenir en cas de grève ou de lockout, mais aussi d'accélérer la prise de décision du Conseil canadien des relations industrielles à cet égard. Le projet de loi C‑58 s'appliquerait seulement aux travailleurs des milieux de travail sous réglementation fédérale et, s'il est adopté, ses dispositions entreront en vigueur 18 mois après la sanction royale.
Dans le secteur de l'agriculture, les perturbations qui touchent les services ferroviaires et portuaires posent problème notamment parce que tout retard dans l'acheminement des produits jusqu'aux marchés a une incidence importante sur les liquidités des producteurs. Les blocages peuvent durer des jours ou des semaines et avoir ensuite des répercussions pendant toute la saison. Quand il s'agit du transport des marchandises, ce ne sont pas seulement les jours d'absence des travailleurs qui posent problème: toutes les entreprises touchées dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement doivent rajuster les calendriers prévus. Il faut parfois des semaines avant que le système retrouve un fonctionnement efficace.
Tout le monde mérite un lieu de travail sécuritaire ainsi qu'une relation avec son employeur qui soit bénéfique et fondée sur la confiance et la bonne volonté. De la même manière, les entreprises doivent être en mesure de poursuivre leurs activités pour répondre à la demande de leur clientèle.
Mes préoccupations concernant le projet de loi C‑58 n'ont rien à voir avec le droit des travailleurs de se syndiquer ou de recourir à la négociation collective, car il ne fait aucun doute que les travailleurs canadiens possèdent ces droits. Cependant, les lois du travail sont toujours controversées au Canada. Je tiens à être clair. Il y a une grande différence entre la main-d'œuvre sur le terrain et les costards-cravates dans les bureaux syndicaux. Leurs objectifs ne coïncident pas nécessairement. Les conservateurs croient que l'État devrait collaborer avec les syndicats et les employeurs dans les domaines de compétence fédérale pour élaborer des mécanismes de règlement des différends et encourager leur utilisation afin d’éviter ou de réduire au minimum les perturbations dans les services au Canada.
Bien sûr, paradoxalement, le gouvernement libéral a investi beaucoup d'argent dans les employés contractuels et les travailleurs de remplacement. C'est essentiellement du pareil au même. GC Strategies, une entreprise de TI de deux personnes qui ne fait aucun travail informatique, a reçu près de 20 millions de dollars pour ArriveCAN. Cet argent aurait pu être dépensé de façon beaucoup plus judicieuse.
En conclusion, je suis préoccupé par les répercussions et la portée de ce projet de loi. Je me demande si le projet de loi établit un juste équilibre entre les employeurs et les employés. Le gouvernement libéral envoie des signaux contradictoires. D'un côté, il parle en termes élogieux de l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement mais, de l'autre, il investit massivement dans les consultants.
Alors que le Canada se remet de la pandémie, des exigences vaccinales imposées et des conséquences économiques de dépenses effrénées, il est essentiel de reconstruire notre économie et notre main-d’œuvre en appliquant des politiques du travail judicieuses.