Madame la Présidente, aujourd'hui, je prends la parole sur le projet de loi C‑238, Loi concernant la langue française. Ce projet de loi a été déposé par la députée de Salaberry—Suroît. Je la remercie de son travail sur cette mesure législative importante.
Le projet de loi C‑238 a plusieurs composantes. Il modifie le Code canadien du travail, il amende certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la citoyenneté. Il apporte également un changement à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
Comme je l’ai dit dans un discours que j’ai livré ici récemment, les experts nous avertissent que la langue de Molière est de plus en plus fragilisée, et ce, même dans l'appareil gouvernemental, y compris dans les cabinets de ce gouvernement. Il est urgent d’agir et il faut le faire avec discernement pour que les effets soient efficaces. Pour se guider sur les mesures législatives à adopter afin de protéger le français, il faut entre autres se baser sur les droits actuels, sur les lois de modernisation des langues officielles en cours, ainsi que sur ce que nous disent les leaders des communautés linguistiques en milieu minoritaire.
Nous savons que la reconnaissance des langues officielles trône au sommet des droits les plus fondamentaux de notre pays. Le paragraphe 16(1) de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne stipule que « [l]e français et l’anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. » La Charte garantit que les membres du public peuvent communiquer avec le gouvernement fédéral et recevoir des services de celui-ci dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, selon leur choix. La Charte n'oblige aucun membre du public à devenir bilingue.
Nous devons aussi tenir du compte du fait que le Québec a décidé de moderniser sa propre législation afin de mieux protéger la langue française. Il faut saluer l’immense travail des députés de l’Assemblée nationale du Québec qui s’apprêtent bientôt à voter et à adopter le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Le projet de loi C‑238 s’inscrit dans ce contexte jamais vécu depuis des décennies au Canada, alors que des lois provinciales et fédérales sur les langues sont revues de fond en comble, incluant la seule province bilingue au Canada, le Nouveau-Brunswick.
Comme je le disais tout à l’heure, le projet de loi C‑238 modifie la Loi sur la citoyenneté afin d’ajouter, entre autres, à l’obtention de la citoyenneté par les résidents permanents qui résident habituellement au Québec, l’exigence de la connaissance suffisante de la langue française. Je tiens à rappeler que ces changements à la Loi sur la citoyenneté sont les mêmes que ceux qui ont déjà été proposés dans un autre projet de loi, le projet de loi C‑223, que les conservateurs avaient appuyé en deuxième lecture avant les dernières élections.
À cette composante sur la citoyenneté, le projet de loi C‑238 propose aussi d’ajouter une modification à la Loi canadienne sur les sociétés par actions afin que « la dénomination sociale d’une société qui exerce ses activités au Québec doi[ve] satisfaire aux exigences de la Charte de la langue française. » C’est une proposition qui doit être analysée dans le cadre de ce que fait déjà la Charte de la langue française au Québec et, surtout, dans le contexte de la portée qu’elle aura une fois que le projet de loi 96 sera adopté.
Le projet de loi C‑238 propose aussi de modifier le Code canadien du travail en ajoutant une nouvelle disposition, juste après l’article 4, qui stipulerait que « [l]es entreprises fédérales qui sont exploitées au Québec sont assujetties aux exigences prévues dans la Charte de la langue française. »
Est-ce que cet amendement, s’il est appliqué, sera en harmonie avec le reste du corpus législatif fédéral, incluant la nouvelle Charte de la langue française au Québec? C’est une question qu’il faut se poser. Il est clair pour moi que les entreprises fédérales qui sont au Québec ne doivent pas viser le plus petit dénominateur commun. On ne veut pas d’autres Air Canada, CN et j'en passe.
Enfin, au chapitre de la Loi sur les langues officielles, des amendements sont proposés dans le projet de loi C‑238 en ce qui concerne l'engagement selon lequel la Loi sur les langues officielles ne va pas entraver la Charte de la langue française. Est-ce que le mot « entraver » est suffisamment clair et précis? Chose certaine, il faut se demander comment la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles, qui pourrait être adoptée dans quelques semaines, va opérer avec la Charte de la langue française au Québec.
Je note aussi que la mise en œuvre des mesures contenues à l'article 43 ne doit pas être contraire aux objectifs de la Charte de la langue française. Comment vont arbitrer les tribunaux si cette disposition est adoptée?
Je partage donc plusieurs des principes sous-jacents à ce projet de loi, en particulier l'importance primordiale de préserver le français et de mettre fin à son déclin. Je crois que nous partageons tous des préoccupations légitimes et communes afin que la Loi sur les langues officielles soit une loi moderne, efficace et capable d'atteindre son objectif, c'est-à-dire d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles au Canada.
Comme législateurs, je crois important de souligner que, au-delà des objectifs, il faut nous assurer de la meilleure façon de mettre en œuvre ces objectifs de protéger le français et d'assurer le respect des langues officielles. Je crois qu'il est important de garder en tête l'état des travaux de la Chambre. Le projet de loi C‑238 est déposé dans un contexte où le projet de loi C‑13, qui vise à modifier de nombreuses dispositions de la Loi sur les langues officielles, est en cours d'adoption.
Avant de voter sur ce projet de loi qui a été déposé il y a peu de temps, je compte bien analyser tous les détails sous-jacents aux mesures proposées. II y a plusieurs angles à considérer. J'invite tous mes collègues à faire de même. Un dicton de Nicolas Poussin, un peintre français du XVIIe siècle, dit ceci: tout ce qui vaut la peine d'être fait mérite d'être bien fait. En tant que législateur, il est important pour nous de considérer quel est le meilleur moyen d'atteindre nos objectifs. Pour renforcer la protection de la langue française, on doit proposer les meilleurs textes de loi et donc les meilleurs amendements possible, qui puissent ensemble fonctionner comme un tout, comme un corpus législatif efficace et qui répond aux problèmes.
Je crois qu'après avoir examiné le projet de loi C‑238, il faut se demander si ce projet de loi offre tous les outils nécessaires pour atteindre les objectifs que j'ai décrits. Je laisse le temps à mes collègues de bien analyser cette mesure législative. Je m'époumone à dire que si l'on veut que notre pays demeure unique et attrayant avec son bilinguisme, avec ces deux langues officielles que sont l'anglais et le français, on se doit d'agir maintenant pour arrêter le déclin du français, pour évidemment le protéger et pour permettre son développement et sa promotion.