propose que le projet de loi C-271, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, le projet de loi que j'ai l'honneur de déposer à la Chambre n'est pas très compliqué et s'inscrit dans une logique très simple: si le Canada veut conserver ses symboles monarchiques, il doit les payer symboliquement.
Un dollar par année pour habiter dans un château, manger comme un roi, s'asseoir sur un trône et voyager aux frais de la princesse, il me semble que c'est suffisant pour boucler ses fins de mois, surtout quand on n'a rien d'autre à payer.
L'idéal serait qu'il n'y ait pas du tout de monarchie. Si nous sommes tous égaux, je pense que le concept des « humbles sujets de Sa Majesté » n'a plus sa place aujourd'hui. Pour en arriver là, cependant, il faudrait rouvrir la Constitution, qui a été cadenassée et re-cadenassée par les libéraux. Comme cela n'arrivera pas de sitôt et comme le Québec sera sans doute indépendant avant que le Canada se sépare de la monarchie britannique, nous pourrions au moins rendre le côté strictement symbolique plus évident.
La Loi sur le gouverneur général attribue à la fonction un salaire annuel de 270 602 $, lequel est indexable depuis 2014. Ce salaire peut donc s'élever à environ 300 000 $, avec une pension à vie par la suite, et ce, peu importe la durée du mandat. C'est bien de l'argent pour la plupart du monde. Ainsi, Mme Payette, qui n'a occupé ce poste que pendant un certain temps, recevra une pension à vie et le remboursement de toutes ses dépenses. C'est comme remporter la loterie « Gagnant à vie ».
Nommée en 2017, Mme Payette, qui n'était pas une bonne patronne, a instauré un véritable régime de terreur à Rideau Hall. Selon un récent rapport d'enquête sur le climat de travail pourri, les témoignages faisaient état de cris, de hurlements, de comportements agressifs, de commentaires dégradants et d'humiliations publiques. On s'entend qu'un tel comportement ne mérite certainement pas une pension à vie.
Gouverneure générale de 1999 à 2005, Adrienne Clarkson a réclamé plus de 1 million de dollars en dépenses depuis son départ, en plus de sa pleine pension. La raison invoquée, selon l'article de La Presse du 31 octobre 2018, mérite qu'on s'y attarde une petite minute. Voici ce qu'on peut y lire:
Partant du principe que les gouverneurs généraux ne prennent jamais vraiment leur retraite, ils reçoivent, en plus de leur pension, un financement public à vie pour leurs dépenses de bureau et frais de déplacement, par le biais d'un programme existant depuis 1979.
Bien sûr que les gouverneurs généraux ne prennent jamais leur retraite! Leur horaire est sans doute surchargé quand ils sont à la retraite puisque, comme on le sait, tout le monde veut voir ces grandes vedettes que sont les anciens gouverneurs généraux du Canada. Mais voyons! On ne sait même pas à quoi ils servent pendant leur mandat; va-t-on nous faire croire qu'ils servent encore plus à quelque chose après leur mandat?
Michaëlle Jean s'est trouvé un autre job; c'est au moins cela. Son travail ne consiste pas à faire des discours en étant complètement saoule à propos d'un manque d'eau chaude dans un hôtel.
À part jouer au monarque et faire semblant qu'ils ont une importance réelle dans la vie politique, le rôle des gouverneurs généraux est vraiment purement symbolique. Le Bloc québécois suggère donc qu'on les paie symboliquement en leur offrant 1 $ par année. Ils n'ont pas besoin de plus que cela, de toute façon. En plus, notre proposition est modérée, parce que les Québécois ne veulent plus de la monarchie.
Même les Canadiens commencent à se rendre compte que la monarchie ne sert à rien. Selon un sondage Léger, 74 % des Québécois souhaitent l'abolition de la monarchie et à peine 12 % souhaitent son maintien. Cela veut dire que 88 % des gens au Québec n’éprouvent aucun attachement à ce symbole de soumission. Selon un autre sondage publié dans La Presse, trois Canadiens sur cinq souhaitent l'abolition du poste de gouverneur général ou à tout le moins une réduction de ses responsabilités.
De quelles responsabilités parle-t-on, cependant? La seule chose qu'un gouverneur général a à faire, c'est de s'asseoir, écouter des discours, recevoir la visite du premier ministre qui annonce la tenue des élections, ou sanctionner des lois qui ne concernent même pas la Couronne. Tout ce protocole ridicule et complètement déconnecté de la vraie vie pourrait même être drôle, si ce n'était que nous payons pour toutes ces histoires de chevaliers, de carrosses et de clichés de princesses et de fées.
Ce poste est donc loin d'être un symbole puisqu'il y a de l'argent rattaché à cela, beaucoup d'argent pour quelqu'un qui n'est pas élu et dont la principale fonction est de nous rappeler que nous sommes les humbles sujets de la Couronne britannique: 67 millions de dollars par année. Voilà ce que notre lien avec la Couronne nous coûte. C'est à peu près 2 $ par personne au Canada. Nous payons 2 $ pour nous agenouiller devant la monarchie. Si nous pouvions diminuer un peu cette dépense absurde, ce serait toujours cela de pris. Nous pourrions au moins faire œuvre utile.
Dans le dernier budget du gouvernement, 50 millions de dollars ont été attribués à la bioéconomie forestière sur une période de deux ans. Cette somme de 25 millions de dollars pour la forêt, c’est un peu plus du tiers de ce qui est donné pour la monarchie. C'est assez ridicule.
Le gouvernement investit 25 millions de dollars par année dans le secteur de la forêt, et donne 67 millions de dollars pour la gouverneure générale. Il me semble pourtant que la forêt est un symbole fort. Le secteur est pas mal d'actualité et représente davantage l'avenir. La forêt, avec son bois, permet de faire de belles choses, plus que la monarchie.
En parlant de symbole et en parlant de forêt, il y a aussi le symbole de la feuille d’érable. Il s'agit d'un symbole que le Canada a volé au Québec, car les érables à sucre ne sont presque pas présents dans le reste du Canada. C'est comme si le drapeau du Québec arborait un symbole représentant le pétrole, cela n'aurait aucun sens. Mais bon, ce n'est pas le premier vol que le Canada a fait.
Une somme de 67 millions de dollars par année est attribuée pour la Couronne. Combien d'argent a été attribué à nos cabanes à sucre, qui ont perdu deux saisons à cause de la pandémie? Pas un sou n'est attribué pour sauver le symbole de l’érable. C'est de l'argent qui ne va pas à nos cabanes à sucre, mais à la Couronne britannique, parce que l'argent ne manquera jamais pour cela.
On a une belle et vraie occasion de faire un peu de ménage dans ce genre de dépenses complètement ridicules liées à un poste dépassé et inégalitaire. C'est complètement arbitraire. La gouverneure générale a démissionné, et il n'y a plus personne de nommé. Le juge en chef de la Cour suprême a hérité de la Couronne.
Si l'on voulait faire un test pour savoir si l'on avait besoin d'un gouverneur général, on a la réponse. Rien n’a changé. Personne ne s’en ennuie. Il n'y a pas de révolution ni de manifestations dans les rues pour exiger rapidement la nomination d’un gouverneur général, puisque personne n'en veut. Comme il faut un amendement constitutionnel pour se débarrasser du poste de gouverneur général, on peut au moins calmer le jeu sur le plan des avantages, c'est-à-dire accorder un salaire symbolique et aucune pension. C’est ce que propose mon projet de loi. Je proposerais bien de faire disparaître la fonction, de supprimer toute référence à la monarchie, de sabrer les dépenses frivoles, comme le petit prince et la petite princesse l'on fait en allant vivre en Californie. Ils ont été capables de couper les ponts, et je ne vois pas pourquoi on n'en serait pas capable. La Constitution ne nous permet pas de le faire, et c'est un problème.
Je me suis lancé en politique parce que je crois au Québec. Je crois en son indépendance, je milite pour son indépendance et je serai là le jour de son indépendance. Je crois en un Québec libre, sans roi, sans reine, et en français. La monarchie anglaise et l’attachement que le Canada a à son égard, c’est aussi le rappel de la conquête. C'est le symbole que le Canada aime tant, à savoir que les Britanniques ont vaincu les Français. Les symboles que sont le God Save the Queen et la licorne enchaînée sur les armoiries, c'est très peu pour moi. C’est peut-être un symbole agréable pour le Canada et pour bien des députés de la Chambre, mais, pour moi et pour plusieurs de mes collègues, c’est un symbole de colonisation et de terres pillées.
Sans monarchie, il n’y a qu’un véritable maître: le peuple. Nous ne serons jamais une véritable, complète et totale démocratie tant que le peuple devra demander au représentant royal s’il peut voter, lui demander s’il reconnaît la validité du résultat, lui demander de sanctionner nos lois. On me répondra que c’est strictement symbolique; si c’est le cas, mes collègues n'ont qu'à voter en faveur de mon projet de loi.
La Barbade a coupé ses liens avec la Couronne britannique, mais elle reste toujours le royaume des paradis fiscaux. Quant à l’Australie, elle y songe encore. Le Canada semble ne pas pouvoir le faire, mais nous avons présentement l'occasion d’envoyer un signal clair. Si nous ne le faisons pas, nous allons passer à côté d'une belle occasion. Une vacance du poste de gouverneur général, cela n'arrive pas tous les jours. Profitons-en et faisons des compressions dans les dépenses somptueuses.
Avant de terminer mon discours, je tiens à dire que ce discours est probablement le dernier que je vais prononcer à la Chambre des communes. J'ai été élu en 2015, contre toute attente, grâce à des citoyens qui ont le Québec à cœur. Ce fut un honneur de servir mon pays, le Québec, en tant que député d'une circonscription patriote. C'est un honneur que je garderai en mémoire toute ma vie.
Je remercie mon épouse Johanie, qui a fait plusieurs sacrifices puisqu'elle connaissait la justesse de notre cause. Je la remercie de son indéfectible soutien et je lui dis que je l'aime. Je remercie aussi mes enfants, et je leur dis que c'était la dernière fois et que je rentre à la maison pour de bon.