propose que le projet de loi C-219, Loi édictant la Charte canadienne des droits environnementaux et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Monsieur le Président, c'est avec une immense fierté que je prends la parole à la Chambre ce soir pour commencer le débat concernant le projet de loi C-219, dont je suis le parrain et qui vise à édicter la charte canadienne des droits environnementaux. Je tiens tout d'abord à remercier Linda Duncan, l'auteure du projet de loi, qui l'a présenté à quatre reprises sur une période de 11 ans, alors qu'elle était députée d'Edmonton Strathcona. À l'une de ces occasions, le projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture, mais il est malheureusement mort au feuilleton parce que des élections ont été déclenchées par la suite.
Il existe des chartes des droits environnementaux en Ontario, au Québec, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, mais jusqu'à hier soir, aucune loi fédérale ne reconnaissait explicitement le droit à un environnement sain au Canada. Avec l'adoption du projet de loi S-5, qui nous a permis de mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, nous disposons désormais d'une déclaration fédérale sur le droit à un environnement sain, mais en raison de la portée de cette loi, les droits environnementaux se limitent essentiellement à nous protéger contre des toxines présentes dans notre environnement, et ne sont assortis d'aucun pouvoir ni aucun processus de reddition de comptes. Le projet de loi C‑219 élargirait et renforcerait ces droits afin qu'ils englobent tout ce qui est visé par la législation fédérale sur l'environnement.
L’été dernier, le 28 juillet 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution unanime qui reconnaissait le droit à un environnement sain dans le monde entier. Comme le Canada a voté pour cette résolution et que 92 % des Canadiens sont d’accord avec celle-ci, il est grand temps que nous ayons une loi fédérale qui reconnaisse ce droit. Nous sommes en retard sur le reste du monde à cet égard. Plus de 80 % des États membres de l’ONU reconnaissent déjà légalement le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable.
Les efforts internationaux pour reconnaître ce droit remontent à la Déclaration de Stockholm de 1972, qui reconnaissait le droit à un environnement de qualité qui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Après cela est arrivée la convention d’Aarhus des Nations unies en 2001. Cet accord multilatéral, plus connu sous le nom de Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, protège le droit de chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être. La convention d’Aarhus établit un lien entre les droits environnementaux et les droits de la personne. Elle reconnaît que nous avons une obligation envers les générations futures. Elle établit que le développement durable ne peut être réalisé qu’avec la participation de toutes les parties prenantes. Elle établit un lien entre la responsabilité du gouvernement et la protection de l’environnement et met l’accent sur les interactions entre le public et les autorités publiques dans un contexte démocratique. Selon le site Web de la convention d’Aarhus, il s’agit, fondamentalement, de la responsabilité, de la transparence et de la réactivité des gouvernements. Elle accorde des droits publics et impose aux parties et aux autorités publiques des obligations en matière d’accès à l’information et de participation du public à la justice et à l’accès à celle-ci.
C’est ce que ferait aussi ce projet de loi. Le projet de loi C-219 étendrait le droit à un environnement sain et équilibré sur le plan écologique à tous les résidents canadiens. Pour ce faire, il modifierait la Déclaration canadienne des droits afin d’y ajouter le droit à un environnement sain; il fournirait un ensemble de droits et d’outils juridiques à tous les résidents du Canada, y compris l’accès à l’information sur les questions et les décisions environnementales, la comparution devant les tribunaux et les cours de justice, des processus transparents qui aideront à exiger des comptes du gouvernement sur l’application efficace de la loi en matière d'environnement et sur l’examen de la loi et des politiques par des enquêtes et, au besoin, des mesures de protection de l’environnement; et il élargirait la protection des lanceurs d’alerte qui divulguent des renseignements en rapport avec la santé et les répercussions environnementales.
Ce projet de loi ne s’appliquerait qu’aux compétences fédérales et ne modifierait pas les lois environnementales provinciales. Il n’enlèverait rien aux droits des peuples autochtones du Canada reconnus et confirmés à l’article 35 de la Constitution. Il exclurait expressément la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de sa portée, puisque cette loi, après l’adoption du projet de loi S-5 hier soir, confère le droit à un environnement sain, mais le limite à sa portée. Le projet de loi C-219 étendrait ces droits au reste de la législation fédérale.
Pourquoi en avons-nous besoin? D’abord, les Canadiens le veulent. Comme je l’ai mentionné, dans un récent sondage, 92 % des Canadiens ont affirmé que nous devrions avoir le droit de vivre dans un environnement sain. Cependant, le droit à un environnement propre et sain est une promesse creuse si elle ne s’accompagne pas de mesures de responsabilisation. Malheureusement, les gouvernements ne respectent souvent pas les lois qu’ils adoptent. Ils ne prennent pas de mesures pour faire appliquer ces lois, notamment celles qui visent à protéger notre environnement.
Je vais donner rapidement deux exemples, et je suis certain que tout le monde ici pourrait nous en citer d’autres. Il y a dix ans, en juillet 2013, un camion-citerne s’est écrasé dans le ruisseau Lemon, dans la magnifique vallée de Slocan, dans ma circonscription, et a déversé tout son chargement de 33 000 litres de carburant d’aviation dans cette source d’eau pure. Cet accident a très évidemment causé des dommages à l’environnement, non seulement au cours d’eau et à sa faune et à sa flore, mais aussi aux résidents de la vallée de Slocan qui avaient besoin de cette source d’eau. Cependant, le gouvernement de l’époque a refusé d’agir. Il a laissé à une courageuse résidente, Mme Marilyn Burgoon, le soin d’intenter une action en justice au titre de la Loi sur les pêches contre l’entreprise de camionnage fautive. En fin de compte, et peut-être sous l’effet de la honte produite par le courage de Mme Burgoon, le gouvernement fédéral a accepté d’intervenir pour aider à livrer cette bataille. Il a fallu sept ans, jusqu’en janvier 2020, pour enfin résoudre la situation. Malheureusement, Mme Burgoon est décédée quelques semaines avant la conclusion de cette affaire, mais dans la vallée de Slocan, sa réputation perdure, et personne ne l’a jamais oubliée.
Si nous déclarons que les Canadiens ont le droit de vivre dans un environnement propre et sain, nous devons veiller à ce que le gouvernement fédéral soit tenu d’assumer sa responsabilité dans cet important marché. C’est ce que ferait le projet de loi C-219.
Je vais vous citer un autre exemple plus personnel. J’ai déjà travaillé comme expert-conseil en écologie, et une grande partie de mon travail portait sur les espèces en péril. Pendant huit ans, j’ai été l’un des coprésidents du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC. Au titre de la Loi sur les espèces en péril, le COSEPAC a pour tâche d’évaluer les espèces sauvages au Canada et de conseiller le gouvernement, par l’entremise du ministre de l’Environnement, sur les décisions à prendre. Chaque année, le COSEPAC écrit une lettre au ministre et énumère les évaluations qu’il a faites. Certaines espèces pourraient être inscrites à la liste des espèces en voie de disparition. D’autres peuvent être inscrites comme étant menacées, et d’autres encore peuvent être inscrites comme n’étant pas à risque. Aux termes de la Loi sur les espèces en péril, le gouvernement a neuf mois pour prendre une décision sur l’inscription des espèces après avoir reçu l’avis du COSEPAC. Il peut suivre les conseils reçus ou non, mais sa décision est publique et transparente. Si le Cabinet ne prend aucune décision, l’espèce est classée conformément à l’évaluation du COSEPAC.
Tout cela semble parfaitement logique, mais ce qui s’est passé sous le gouvernement Harper était inattendu. Lorsque le ministre en a parlé au Cabinet, le gouvernement a décidé que le temps commençait à compter. Il a donc élaboré un plan astucieux selon lequel le ministre ne parlerait pas du tout des évaluations du COSEPAC au Cabinet, même si elles figuraient dans le registre public. Par conséquent, le gouvernement n’a inscrit aucune espèce sur la liste pendant quatre ans, même si on lui avait conseillé d’en inscrire plus de 80. Il a fait fi de la transparence qu’exigeait l’accord. J’ai exercé des pressions auprès du gouvernement libéral actuel pour qu’il modifie au moins cette politique, même s’il hésitait à appuyer le projet de loi que j’avais présenté pour qu’il devienne loi. Donc maintenant, une politique publique interdit de reporter indéfiniment l’inscription des espèces à la liste.
Le projet de loi C‑219 pourrait contribuer à régler cette situation, puisqu’il couvre toutes les lois fédérales, notamment la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les pêches et d’autres. Cela s’appliquerait à toutes les lois que j’ai mentionnées, à l’exception de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, qui est exclue parce qu’elle souligne elle aussi le droit à un environnement propre et sain.
Comme la plupart des députés qui ont présenté des projets de loi d’initiative parlementaire, j’ai parlé à chaque parti de mon projet de loi et des résultats qu’il produirait ou ne produirait pas. Comme la question de la constitutionnalité a été soulevée au cours d’une de ces discussions, je vais vous en parler brièvement. Je dirai d’emblée que je suis convaincu que ce projet de loi est constitutionnel. Il a déjà été présenté cinq fois et, à ma connaissance, c’est la première fois que cette préoccupation est soulevée. Comme je l’ai déjà mentionné, ce projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture au cours d’une législature précédente, et il porte explicitement sur des mesures fondées sur des lois fédérales existantes.
Aucun des droits énoncés ici ne s'applique à des questions qui relèvent uniquement de la législation provinciale, de sorte que j'étais convaincu que cette préoccupation n'avait pas de fondement réel. Toutefois, pour m'en assurer, j'ai demandé au service juridique de la Chambre des communes de se prononcer sur la question. Voici la conclusion de son avis:
Après avoir examiné attentivement le projet de loi, nous sommes d'avis que l'environnement n'est pas le sujet principal du projet de loi. En effet, le projet de loi ne réglemente aucun aspect de l'environnement, tel que la qualité de l'eau, la qualité de l'air, les espèces en péril ou les substances toxiques. Le projet de loi porte plutôt sur les libertés civiles, qui peuvent être réglementées par l'un ou l'autre des ordres de gouvernement, selon celui qui a le pouvoir législatif sur les institutions et les activités auxquelles s'appliquent les libertés civiles. Dans le cas du projet de loi C‑219, la plupart des dispositions s'appliquent explicitement et uniquement aux questions fédérales.
Dans l'avis, on explique également pourquoi trois dispositions, bien qu'elles ne s'appliquent pas explicitement aux questions fédérales, seraient considérées comme telles par tout tribunal. En conséquence, aucun amendement au projet de loi C‑219 ne serait nécessaire.
En résumé, l’environnement est une compétence que se partagent les provinces et le gouvernement fédéral. Certains pourraient donc craindre que ce projet de loi empiète sur les compétences provinciales. Cependant, puisqu’il traite des droits de la personne et des droits civils et qu’il ne traite que d’enjeux fédéraux, ce projet de loi est constitutionnel. J’en suis convaincu et je ne pense pas que nous ayons besoin de l’amender de quelque façon que ce soit pour régler cette question.
Je vais conclure par un plaidoyer. Nous sommes très fiers de notre pays. Nous sommes fiers de son ampleur, de sa beauté et de toutes les ressources qu’il nous fournit de manière à nous permettre de vivre sainement dans un environnement propre. Il nous donne des emplois et nous garde en santé. Je pense que tous mes collègues conviendront que nous avons le droit de vivre dans un environnement propre et sain. Si nous avons ce droit, il nous faut une loi pour le maintenir. C’est ce que ferait le projet de loi C‑219, et j’espère que tout le monde ici appuiera ce projet de loi afin d’accorder ce droit à tous les Canadiens.