propose:
Que la Chambre:
a) rappelle son vote unanime du 1er novembre 2023 demandant au gouvernement « de revoir ses cibles d’immigration dès 2024, après consultation du Québec, des provinces et des territoires, en fonction de leur capacité d’accueil, notamment en matière de logement, de soins de santé, d’éducation, de francisation et d’infrastructures de transport, le tout dans l’objectif d’une immigration réussie »;
b) demande au premier ministre de convoquer une rencontre avec ses homologues du Québec, des provinces et des territoires afin de les consulter sur leur capacité d’accueil respective;
c) demande au gouvernement de déposer en Chambre, d’ici 100 jours, un plan de révision des cibles fédérales d’immigration dès 2024 en fonction de la capacité d’accueil du Québec, des provinces et des territoires.
— Madame la Présidente, j'ai eu peur de ne jamais pouvoir prendre la parole parce que mon estimé collègue a lu à peu près quatre boîtes de céréales. C'était super intéressant. Comme l'aurait dit La Fontaine, c'est la fable du libéral qui avait peur de laisser parler le bloquiste. Mon collègue s'est donc dit qu'il allait parler le plus longtemps possible, afin d'empiéter sur le temps consacré à la journée de l'opposition.
Comme tous ceux qui lisent les journaux francophones, il a vu, ce matin, un sondage Léger selon lequel les Québécois et les Canadiens sont essentiellement profondément en désaccord avec les politiques en matière d'immigration de ce qu'il reste de ce gouvernement. Cependant, cela me donne une belle occasion de redire à la Chambre ce que j'ai eu l'occasion de dire ailleurs: quiconque vit sur le territoire québécois et veut être Québécois est un Québécois. Quelle que soit l'origine, quel que soit le nombre de générations ou quel que soit le nombre de jours depuis lequel ces gens sont sur le territoire québécois, ils sont québécois autant que n'importe qui à la Chambre.
Le monde va devenir de plus en plus petit, pas nécessairement sur le plan géographique, bien que la surface des continents va marginalement rapetisser avec la montée des océans, mais bien parce que nous sommes de plus en plus nombreux sur la planète et que les ressources vont devenir de moins en moins abondantes; cela contraindra de plus en plus de gens à chercher une vie meilleure ailleurs. Le « ailleurs », c'est surtout l'hémisphère nord, l'Amérique et le Québec. Il faudra, avec générosité, mais responsabilité, gérer cette responsabilité à l'endroit des gens qui choisiront de s'installer au Québec. J'ai envie de dire qu'il faudra le faire dans le respect des règles et de l'État de droit, ce qui est aussi une variable que le gouvernement comprend assez peu.
Par devoir et par tradition, la société québécoise, une société d'accueil extrêmement généreuse, doit nourrir une réflexion à cet égard. Il y a des gens qui viennent sur le continent un peu sur la base de fausses représentations. Ils arrivent au Québec alors que, dans leurs rêves, ils s'en venaient en Amérique. Quand on pense à l'Amérique, on pense davantage aux États‑Unis qu'au Canada ou au Québec. Dans bien des cas, on leur avait dit que le Canada était un pays où l'on parle anglais. Or ils sont arrivés au Québec, où on parle français. Ils se demandent donc dans quelle place de fous ils sont arrivés. On leur a dit que c'est un endroit français dans un pays anglais. Ils sont arrivés à Dorval, où tout est en anglais. On leur a dit qu'ils peuvent choisir de parler la langue de leur choix, parce que n'importe qui va s'adapter. Toutefois, on leur suggère de choisir l'anglais s'ils sont sur l'île de Montréal, parce qu'ils vont se faire comprendre partout. Ils se demandent dans quelle place de malades ils sont arrivés. C'est un peu embêtant. On leur envoie des messages ambigus qui, à la limite, sont des fausses représentations.
Lorsque ces gens s'informent et consultent les médias, c'est un choc pour eux de voir qu'il y a tout un débat entourant la langue: ils entendent parler du Québec et du Canada, du français et de l'anglais. Ils réalisent qu'on s'obstine et qu'on finance l'anglicisation. Le message qu'on leur envoie est tout à fait ambigu, au mieux.
Dans ce débat, ce qu'il y a de systémique, ce sont les accusations contre les Québécois qui veulent pérenniser leur langue tout en offrant un accueil généreux. La première responsabilité d'une société, c'est d'enseigner la langue. Si on s'installe en Italie, on se fait suggérer d'apprendre l'italien. Si on s'installe en Suède, on se fait suggérer d'apprendre le suédois, même si beaucoup de gens parlent anglais là-bas. Au Québec, on est méchant si on dit aux gens que ce ne serait pas une mauvaise idée d'apprendre le français. Parler français, cela peut être utile au travail ou lorsqu'on va chercher une pinte de lait au dépanneur. Ce n'est pas une anomalie. L'anomalie, c'est de culpabiliser les gens qui font cette demande. C'est une stratégie très habile, mais franchement vicieuse.
Cela dit, les questions en lien avec les demandeurs d'asile interpellent tous les Québécois et, je suppose, tous les Canadiens. Quand je dis « tous », je le dis en incluant les Québécois issus d'une immigration plus ou moins récente. Il faut donc que les gens de toutes les origines participent à cette discussion, parce qu'ils font partie du « nous ».
Je me demande parfois si les gens issus de l'immigration récente sont à ce point enthousiastes à l'idée de recevoir des demandeurs d'asile qui ne le sont pas.
À l'heure actuelle, les chiffres étant ce qu'ils sont, des gens d'un peu partout, notamment de certains lieux de prédilection, arrivent au Québec et au Canada, surtout au Québec malgré les batailles de chiffres puériles auxquelles on assiste, sous à peu près n'importe quel prétexte et avec à peu près n'importe quel visa, principalement le visa touristique. Ils se disent alors qu'ils vont demander le statut de réfugié parce qu'ils savent que, dans le pire des cas, même si ce n'est pas vrai du tout, ils en ont pour des années à s'installer bien tranquilles et c'est une aubaine.
Bientôt, au cours d'une petite tournée, nous allons aller parler aux Québécois issus de l'immigration. Je me demande si ces Québécois trouvent ça correct. Je me demande s'ils ne se posent pas les mêmes questions que nous. On sait très bien qu'il y a des gens qui se faufilent à travers la passoire canadienne et qui ont des comportements criminels sur le territoire comme, au premier chef, les passeurs, mais aussi les voleurs d'autos, dont on parle ces temps-ci, les trafiquants d'armes et les trafiquants de drogues. Les gens issus de l'immigration doivent se poser ces questions. Cela ne veut pas dire que c'est généralisé, je pense que c'est une toute petite minorité.
Les gens qui choisissent le Québec et le Canada pour y avoir une vie meilleure sont tout aussi honorables que n'importe qui d'autre qui est sur le territoire, et plus honorables qu'un sacré paquet d'entre eux, dont je ne donnerai pas les noms par ordre alphabétique.
Je me demande si les gens issus de l'immigration de la communauté musulmane sont contents qu'on accueille stupidement ici des extrémistes radicaux qui font la promotion de la violence avec la bénédiction du gouvernement, lequel refuse de sévir à cause du petit paravent hypocrite de la religion. Je me demande si ces gens n'ont pas simplement la même opinion qu'à peu près n'importe qui d'autre. Moi, j'en doute et je pense que notre devoir est celui qui va à l'endroit d'une immigration réussie.
Je veux briser une approche: on parle d'immigration comme s'il s'agissait d'une seule affaire homogène, comme si tous les immigrants étaient tous pareils. Ce n'est pas du tout le cas, et je vais les catégoriser d'une façon qui n'est pas absolue.
Bien sûr, il y a les étudiants étrangers, qui représentent beaucoup de monde. Non seulement c'est une source de financement importante pour les institutions universitaires ou postsecondaires du Québec, mais c'est aussi une source de connaissance et de culture et une manière de les propager. C'est même la vocation première. C'est une catégorie que le Québec accueille et veut continuer d'accueillir généreusement.
Il y a les travailleurs étrangers temporaires. Il y a au Québec des secteurs économiques importants qui en ont absolument besoin. Il y a des abus de gens qui renouvellent automatiquement pendant des années des permis de travail qui se voulaient temporaires. Ils sont tout à fait intégrés, mais ce, rarement dans les régions et rarement en français. C'est donc un système qui mérite d'être amélioré. Or, l'immigration de travailleurs étrangers sur une base temporaire est extrêmement importante. Il y a bien sûr, et j'en ai parlé, l'immigration temporaire issue des demandeurs d'asile.
Outre la guerre de chiffres, on constate que le Québec fait largement plus que sa part. Très vraisemblablement, au-delà de la moitié des immigrants sont sur le territoire québécois. On a observé l'accumulation d'un ensemble de dépenses qui est de l'ordre de 470 millions de dollars. Le fédéral a dit que nous devions payer ça et qu'il allait nous rembourser. Quand est venu le temps de rembourser, on a entendu des propos au mieux grossiers de la part du ministre de l'Immigration, duquel j'attends encore des excuses pour avoir dit que j'avais comparé les immigrants à des thermopompes. C'est vulgaire, c'est sans dessein, c'est menteur et ça mérite des excuses, et je suis sûr que le Président tranchera dans ce sens.
Outre cela, quand est venu le temps de payer la dette, les libéraux ont dit qu'ils ne paieraient pas cette dette, mais qu'ils allaient donner 100 millions de dollars en logements temporaires. Pour les 100 millions de dollars en logements temporaires pour l'avenir, on ne connaît pas du tout le calcul. Le Québec a la moitié des gens, mais n'a pas la moitié de l'argent. Par contre, Toronto est bien correcte, comme d'habitude. Or, ça ne paie pas la dette passée, mais on essaie de faire passer ça auprès de la population.
Bref, le Canada est un mauvais payeur à l'endroit du Québec, mais pourquoi dire quelque chose qu'on sait déjà?
L'immigration temporaire liée aux demandeurs d'asile n'est pas à caractère économique. On n'accueille pas des demandeurs d'asile pour des raisons économiques. On les accueille pour des raisons humanitaires. C'est ce qui rend l'abus du système encore plus odieux. Il y a des gens qui ont vraiment besoin d'aide, et il y en a d'autres qui viennent prendre l'aide dont les premiers ont besoin. Ils essaient de se l'approprier sous de fausses représentations.
C'est une contribution humanitaire qui implique des dépenses payées par l'entièreté des citoyens du territoire, peu importe leur origine ou le temps vécu sur le territoire. Ce sont des dépenses en éducation, en santé, en service de garde et en revenu de base. Ça, c'est simplement le nombre de personnes. Il y a une pression inflationniste. Il y a une augmentation de la demande sans une augmentation conséquente de l'offre avec une pression inflationniste. On ne cible personne. C'est le nombre.
Il y a aussi une pression sur la crise du logement. Encore une fois, ce n'est pas plus la faute de l'un que de l'autre. Mes enfants qui vont à l'université et qui veulent un logement mettent autant de pression sur le parc locatif que quelqu'un qui arrive du Mexique. C'est le nombre total qui a cet effet. On ne peut pas le nier.
On a l'obligation de faire bien ou, au moins, de faire mieux, et on ne le fait pas. Le résultat de cela est un affaiblissement. Au Québec, il y a bien sûr la variable linguistique. C'est un affaiblissement culturel et économique de l'État québécois. Nous ralentissons cela, ici. Si nous n'étions pas là pour défendre le Québec ou pour dénoncer ce qui se fait à Ottawa, je ne veux pas imaginer le tsunami qui nous passerait sur le corps. Dieu merci, nous sommes là.
Dans les derniers jours, la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration du Québec n'a pas nié l'hypothèse d'un référendum, qui avait déjà été mentionné par le gouvernement du Québec, pour demander aux Québécois si on devrait rapatrier l'entièreté des pouvoirs en matière d'immigration.
J'ai trouvé cela amusant parce qu'on s'est fait chanter la faribole du main dans la main tellement de fois. Chaque fois que nous nous levons pour poser une question sur l'immigration, on nous répond travailler main dans la main. On nous a fait le même coup en santé, en parlant du main dans la main. Ils sont à la veille d'avoir des ampoules dans les mains à force de se les taponner.
La vraie vie, c'est que, si le Québec envisage un référendum pour retirer tous les pouvoirs d'immigration d'Ottawa et les ramener à Québec, ce n'est certainement pas parce qu'il est content. C'est un désaveu des politiques en immigration du gouvernement fédéral. C'est un désaveu des échecs en immigration du gouvernement et c'est un désaveu du ministre de l’Immigration de ce gouvernement.
Je pense que c'est une fort bonne idée, surtout si on comprend que c'est normal pour un gouvernement de consulter sa population par voie de référendum. De plus, cela contribue à arrêter de démoniser le mot même de « référendum ».
L'automne dernier, nous avons fait adopter unanimement par cette Chambre une motion qui enjoignait le gouvernement à consulter le Québec et les provinces pour établir les seuils d'immigration. C'est une motion unanime du Parlement, qui est la voix souveraine de l'État canadien, s'il existe une telle chose. Le gouvernement s'en est foutu comme de l'an quarante. Il n'y a rien eu, aucune consultation. Il met de l'avant des positions qui ressemblent beaucoup à un rouleau compresseur qui va passer sur le corps du gouvernement du Québec et de l'État québécois.
Le premier ministre est au-dessus des lois. En fait, le premier ministre est un peu au-dessus de tout le monde. C'est culturel et peut-être un peu génétique. Dans ce Parlement, presque tout le monde est disposé à imposer son idéologie avant le sens de l'État ou la sagesse populaire. Pourtant, aujourd'hui, on y revient. On va de nouveau devoir voter là-dessus.
Avant, c'était une patente de Québécois. Avant, on disait que les Québécois étaient contre l'immigration parce que ce sont des racistes. Or, maintenant, les gens de Toronto disent qu'ils ont des problèmes à gérer le volume migratoire; mettez-les à la place de Montréal deux minutes, ils vont poigner quelque chose.
D’autres grandes villes canadiennes ont des difficultés similaires. Dans ce contexte, ce n’est plus une question de Québécois xénophobes, mais un défi pancanadien qui vaut la peine d’être considéré avec le plus grand sérieux.
Tout le monde est étouffé par les coûts en santé, en éducation et autres et par l’échec des politiques d’immigration de ce gouvernement. Même les Québécois et les Canadiens qui sont issus de l’immigration paient la facture du ministre de l’Immigration qui, parfois, a la gentillesse de nous honorer de sa présence, sauf qu’il ne rembourse pas ses dettes. Je suggère donc qu’il paie ses dettes comme n’importe quel citoyen le moindrement honorable. Qu’il paie ses factures, surtout si c’est lui qui a dit à l’autre de ramasser la facture. Qu’il ne refasse pas la blague niaiseuse et insultante de dire que j’ai comparé les immigrants à des thermopompes. J’espère qu’il aura en sa présence le plaisir de pouvoir s’excuser d’insulter le monde avec autant de grossièreté.
Le premier ministre devrait — c’est ce que la motion suggère — convoquer tout le monde à une rencontre où on pourrait discuter d’immigration. Comme l’entièreté du Parlement les y a enjoints, les premiers ministres et les ministres de l’immigration des provinces pourraient avoir une discussion afin de fixer des seuils qui tiennent compte de la capacité de gestion et d’accueil par les provinces et le Québec.
Hier, le premier ministre nous a dit, avec toute la sagesse qu’on lui connaît, que les pays ont des responsabilités. Si la seule façon pour le Québec d’assumer sa responsabilité, c’est d’être un pays, ma foi, je suis pour. La meilleure manière de bien accueillir les immigrants au sein de la nation québécoise, c’est d’avoir une nation québécoise qui, dans sa tradition et sa culture généreuse et bienveillante, n’aura pas sans cesse à lutter et à s’opposer à des politiques canadiennes qui vont à l’encontre de sa volonté, de ses intérêts, de sa langue et de sa pérennité sur un continent où elle est une contribution essentielle. Oui, il y a donc des choses qui relèvent de pays. Faisons donc du Québec un pays.
Dans l’intervalle, je souhaite et je demande au gouvernement d’avoir le minimum de décence et de sens des responsabilités et de convoquer l’ensemble des premiers ministres et des ministres de l’Immigration pour fixer conjointement des seuils d’immigration qui tiennent compte de la capacité d’accueil et de paiement du Québec et des provinces.