Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je me lève à la Chambre aujourd'hui pour parler de cette motion, que je trouve intéressante et que nous accueillons favorablement parce qu'elle soulève une question fondamentale.
Le Bloc demande que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre étudie la question du poids politique du Québec. Nous sommes très ouverts à cette possibilité, car il serait question de démocratie et d'égalité, de reconnaissance de la nation québécoise, de protection du Québec à la Chambre et du poids que nous pouvons avoir comme représentants de nos concitoyens et concitoyennes.
C'est un sujet que je trouve vraiment pertinent et dont l'étude n'empêche pas la tenue de travaux parlementaires sur d'autres dossiers et d'autres questions.
Je suis très fier aussi du travail que le NPD a fait comme premier pas vers la protection du poids politique et de la place du Québec à la Chambre. En effet, dans l'entente que nous avons négociée avec le gouvernement minoritaire, nous avons fait inscrire la garantie, comprise dans le projet de loi C‑14, que seraient protégés les 78 sièges du Québec, lequel risquait d'en perdre un comme on se rappelle.
Je suis très fier de cette réalisation du NPD. Nous pouvons clairement dire aux Québécois et aux Québécoises que nous avons tenu notre promesse de les représenter ici avec ce premier pas dans la bonne direction. Ils sont maintenant protégés alors qu'ils risquaient un recul. Nous avons été là. Nous avons tenu notre promesse de défendre les Québécois et les Québécoises.
Je trouve cette question importante parce que, quand on parle du poids politique du Québec ou d'une province, on parle de quelque chose qui touche l'ensemble des citoyens et des citoyennes, presque toute la population, pas juste de petits groupes ou un secteur.
Je trouve d'ailleurs intéressant qu'on parle de cela aujourd'hui, alors que les citoyens de l'Ontario s'expriment en ce moment et toute la journée dans le cadre de l'élection des membres de leur législature provinciale. J'encourage tout le monde à aller voter et on ne se surprendra pas de savoir que j'encourage les Ontariens et les Ontariennes à donner leur appui au NPD provincial. Je souhaite une très belle journée à sa cheffe, Mme Andrea Horwath, et j'espère qu'elle va finir la journée avec un caucus très fort. On va suivre le déroulement de la journée avec beaucoup d'intérêt.
En parlant du poids politique des provinces, je vais entrer dans les détails plus techniques de notre régime assez particulier au sein de la fédération canadienne.
Il y a aussi toute la question des immigrants et des immigrantes. Il existe des outils politiques, administratifs et législatifs qui peuvent aider, mais l'outil de base est le poids démographique. Je pense qu'on encourage une immigration ouverte et inclusive, qui permet au Québec d'accueillir plus d'immigrants et d'immigrantes et d'avoir les moyens et les ressources pour bien les intégrer et les franciser au besoin.
Tout cela fait partie des moyens permettant justement de maintenir une représentation équitable du Québec, laquelle est à peu près à 23 % en ce moment, ce que permet aussi la garantie du 78e siège.
Au NPD, nous sommes vraiment favorables à la création de chemins vers la citoyenneté et non pas de freins à la citoyenneté dans le cas des travailleurs temporaires et des résidents permanents qui viennent travailler au Québec et au Canada. Je pense qu'on doit se doter de dispositifs pour accueillir favorablement les nouveaux citoyens et pour accélérer les processus, qui sont extrêmement longs en ce moment. On sait qu'il existe de nombreux problèmes au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et je le souligne. Je pense que cela fait partie de la réflexion et du débat qu'on doit avoir sur la citoyenneté en général.
La démocratie, à la base, est un principe révolutionnaire selon lequel c'est le peuple qui décide, pas un roi soi-disant mandaté par une quelconque divinité et qui règne avec sa famille pendant des siècles en partageant le pouvoir entre les aristocrates. Un vaste mouvement révolutionnaire est survenu en France, évidemment, mais aussi en Angleterre et aux États‑Unis, avec pour objectif de dire que tous les citoyens et les citoyennes sont égaux devant la loi, que c'est à eux que revient la possibilité de nommer leurs dirigeants et dirigeantes et que c'est ainsi qu'ils seront représentés.
Évidemment, au début, c'était très imparfait. Dans le premier système démocratique, il y avait le suffrage censitaire selon lequel le droit de vote était réservé aux citoyens les plus riches. Les gens qui étaient trop pauvres pour être propriétaires ou pour payer de l'impôt n'avaient pas le droit de vote. C'était un système à deux vitesses où on proclamait l'égalité, mais ce n'était pas un droit acquis.
Dans notre système actuel, un nombre à peu près semblable de citoyens et de citoyennes sont représentés dans chaque circonscription pour qu'il y ait une certaine équité et égalité que l'on reconnaît dans le droit de vote qui s'exprime à la Chambre ou dans un Parlement, afin que les gens ne soient pas sous-représentés ou surreprésentés de manière excessive. Ce souci d'équité et d'égalité des citoyens et des citoyennes existe. Cela fait partie des critères de base reconnus par Élections Canada pour le redécoupage électoral, qui est fait par les commissions provinciales. Est-ce le seul critère? La réponse est non.
On vit dans un système d'exceptions où d'autres critères s'appliquent à la représentation à la Chambre des communes. Trois critères existent présentement.
La clause sénatoriale garantit qu'aucune province ne peut pas avoir moins de députés qu'elle a de sénateurs. Cette clause crée des distorsions importantes quant à la représentation par rapport au poids démographique et au nombre de citoyens, mais elle a été reconnue et acceptée. Cela profite, par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard de manière très flagrante, très claire, et c'est correct. Cela a été négocié et tout le monde s'entend là-dessus. Le système fonctionne ainsi.
Il y a la « clause territoriale », ou la règle de représentation, pour le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Il serait difficile d'appliquer une règle stricte pour le nombre de personnes qui habitent dans ces circonscriptions, parce que cela voudrait dire que d'immenses territoires qui ont des identités et un sens de communauté propres ne pourraient pas être représentés ou seraient noyés dans une circonscription tellement vaste et immense que cela ne voudrait rien dire. Cette règle de représentation est importante; on la respecte et il faut continuer à le faire.
Je pense notamment à ma collègue du Nunavut qui doit représenter des communautés qui ont une identité, une culture, une langue et des intérêts communs. Tous les jours, elle se bat ici, à la Chambre, pour mettre de l'avant et défendre les intérêts de ces communautés tellement importantes qui ont des besoins très spécifiques dans des contextes particuliers.
Il y a la clause des droits acquis qui ne s'appliquait pas au Québec jusqu'à maintenant. C'est ce que nous avons réussi à négocier au NPD, pour garantir qu'aucune province ne perde de députés, malgré le redécoupage électoral, les flux migratoires, et les différences entre le poids de la population dans leur province.
Si on additionne tout cela, la clause sénatoriale, la règle de représentation et la clause des droits acquis pour quatre provinces, si ma mémoire est bonne, on vit déjà dans un régime d'exceptions, où le poids démographique n'est pas le seul critère, mais est encadré, bonifié ou modifié par certaines dispositions.
Cela nous amène à la question soulevée par la motion, celle d'étudier la possibilité d'avoir une clause pour le Québec. Si, en tant que parlementaires, nous avons reconnu l'existence de la nation québécoise, il nous revient de réfléchir aux conséquences politiques, démocratiques et administratives que cela aura.
Plusieurs ententes asymétriques ont déjà été négociées entre Ottawa et Québec par le passé et c'est normal. En adoptant la Déclaration de Sherbrooke et certaines résolutions lors de ses congrès, le NPD a reconnu la nation québécoise. Il y a également l'idée d'un fédéralisme asymétrique où le Québec pourrait avoir des pouvoirs particuliers ou des ententes particulières sur certains enjeux qui doivent être négociés.
En tant que néo-démocrates progressistes, nous portons cette vision de reconnaître la nation québécoise et d'avoir un fédéralisme asymétrique. Je pense que nous devons avoir des discussions sur ce que cela veut dire concrètement, dans les faits, afin de réfléchir aux conséquences que cela peut avoir. Si certaines clauses ont été négociées et créées pour certaines provinces et certains territoires par le passé, je pense que nous devons être courageux et cohérents et aller de l'avant avec ce regard et cette particularité.
Cette idée de protéger le poids politique du Québec à la Chambre n'est pas nouvelle ni révolutionnaire.
Cela a déjà été négocié par un gouvernement fédéral conservateur et un gouvernement libéral à Québec, entre Brian Mulroney et Robert Bourassa. Cette disposition était inscrite dans l'accord de Charlottetown. Ce n'est pas nouveau. Cela a déjà été accepté par le passé et cela a déjà été même normalisé. Il y a eu des discussions sur ce sujet, et sur bien d'autres également, puisque l'accord de Charlottetown parlait de beaucoup d'autres choses. Le NPD avait soutenu l'accord de Charlottetown. On a déjà eu une réflexion, une discussion à cet égard, et les néo-démocrates acceptaient cela.
Je pense aussi que cela est conforme à la conception historique des deux peuples fondateurs. Rappelons-nous la commission Laurendeau‑Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme. Rappelons aussi cette entente historique qui disait au départ qu'on allait être ensemble, mais qu'il y avait deux peuples fondateurs, l'un, d'origine britannique, et l'autre d'origine française. Je pense qu'on doit garder cette perspective en tête dans la gestion de nos affaires et dans la représentation que nous avons à la Chambre. On doit conserver cette vision dans la Loi sur les langues officielles, qui reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles du pays. On fonctionne en vertu de cette règle à la Chambre des communes. Celle-ci n'est pas toujours très bien respectée par l'administration libérale, par certaines entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles, mais c'est un autre aspect.
Cela dit, je ne me sens pas à l'aise quand je dis qu'on doit respecter la notion de deux peuples fondateurs. Bien sûr, c'est important, mais, en même temps, c'est historiquement insultant pour les Premières Nations, qui étaient là bien avant que les colons français ou britanniques arrivent ici. Cette notion de deux peuples fondateurs, on doit la garder en tête — en tant que Québécois, je la défendrai toujours —, mais on doit avoir à l'esprit que ces deux nations fondatrices sont arrivées après d'autres nations qui occupaient le territoire depuis des millénaires. On les a mises de côté, on les a oubliées, on ne les a pas respectées. Dans certains cas, on a même tenté de faire un génocide culturel, on a voulu les éliminer. On a fait des choses horribles, comme les pensionnats autochtones, et cela fait partie de notre histoire.
On doit donc tenir une discussion sur la place et le poids des Premières Nations dans notre démocratie et à la Chambre. Personnellement, je suis tout à fait disposé à étudier certains scénarios, comme celui de la Nouvelle-Zélande, où des sièges de députés sont réservés aux aborigènes de la Nouvelle‑Zélande. C'est une autre manière de voir les choses et de construire un système politique et une démocratie rassembleurs, qui pourraient corriger l'erreur historique de considérer qu'il n'y a eu que deux nations fondatrices.
Pour trouver un équilibre qui n'est pas nécessairement facile à faire, on doit avoir cette ouverture d'esprit, dans un esprit de réconciliation avec les Premières Nations et les peuples autochtones. C'est un enjeu que je trouve important et dont le caucus du NPD se fait porteur. On devrait donc tenir également une discussion sur la place et le poids politique des Premières Nations à la Chambre.
Je reviens à la question d'égalité, parce que, tant qu'à parler de démocratie, de système politique et de représentation, je me permettrai de dire que, malheureusement, la notion même d'égalité des votes des citoyens et des citoyennes, en ce moment, n'est pas respectée. Ce n'est pas à cause des dispositions de notre système électoral dont je viens de parler. Elle n'est pas respectée parce que notre système politique, notre système de vote, est inéquitable.
On vit avec un système archaïque de mode scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui permet des distorsions démocratiques incroyables entre la décision des citoyens et des citoyennes et la représentation à cette Chambre.
Parlons-en. Si on veut avoir le meilleur système possible, il faut pouvoir discuter du mode de scrutin proportionnel, qui respecterait la volonté populaire et le choix des citoyens et des citoyennes. On vit dans un système absurde où parfois un gouvernement peut être élu avec moins de 40 % des votes. On a souvent vu cela. Un parti politique obtient 37 ou 38 % des votes et obtient 55 à 60 % des députés à la Chambre, donc 100 % du pouvoir. C'est absurde. Une majorité de citoyens ont voté contre un parti politique, parfois à 60 ou 62 %, et on donne les clés du pouvoir à ce parti politique de manière absolue pendant quatre ans.
C'était une promesse des libéraux, en 2015. L'élection de 2015 devait être la dernière avec un mode de scrutin inéquitable et archaïque.
J'ai siégé au Comité spécial sur la réforme électorale. Pendant un an, nous avons sillonné le pays pour écouter les gens, pour écouter des intervenants de groupes concernés par la question, des élus locaux, des professeurs d'université et des experts. Nous avons fait des sondages en ligne et écouté les gens. Dans une écrasante majorité, tout le monde a pu constater que le système actuel est brisé, qu'il ne correspond pas au respect de l'égalité des citoyens et des citoyennes et que la Chambre n'est pas représentative du choix fait par les gens. Ce sont 90 % des témoins venus nous rencontrer au Comité qui nous ont dit cela, et c'est ce que nous ont révélé 90 % des mémoires reçus. Ensuite, le gouvernement libéral s'est rendu compte que cela allait dans la mauvaise direction, que ce n'était pas nécessairement là où il voulait aller. Il a donc fait un sondage en ligne, un sondage incroyablement biaisé, et 75 % des gens ont tout de même répondu qu'ils souhaitaient avoir un mode de scrutin proportionnel.
Au Comité spécial sur la réforme électorale, il y a eu une entente entre le Parti conservateur, le Bloc québécois, le NDP et le Parti vert. Nous nous entendions pour tenir un référendum, pour suggérer aux Canadiens et aux Québécois d'adopter un mode de scrutin proportionnel. La majorité des membres du Comité avaient trouvé un consensus pour être capables d'aller de l'avant et de proposer un vrai changement aux gens. La réponse incroyable de la part des libéraux a été qu'il n'y avait pas de consensus. Ils ont pris ce travail et l'ont mis à la poubelle. C'en était terminé. Ils ont ensuite pris congé. Les libéraux ont agi ainsi parce que ce n'était pas là où ils voulaient aller. C'était absolument faux de dire qu'il n'y avait pas de consensus. Il y avait un énorme consensus au sein des témoins, des gens interrogés et des partis politiques représentés au Comité. Les libéraux étaient les seuls isolés. Toutefois, comme ils étaient au pouvoir, ils ont fait ce qu'ils voulaient. Ils ont brisé leur promesse, et nous sommes passés à côté d'une occasion historique.
Je pense que nous devons ramener cette question à l'avant-scène. Cela est important pour l'amélioration de notre système démocratique. Je disais tantôt qu'un parti politique peut être élu avec un pouvoir absolu grâce à moins de 40 % des votes. On a déjà vu pire: un parti politique avait obtenu davantage de voix, mais il était devenu un parti de l'opposition, tandis que le parti arrivé en deuxième position dans le vote populaire avait obtenu le pouvoir. Il ne s'agit donc pas seulement d'une distorsion, mais d'une tartufferie. C'est aller à l'encontre de la volonté populaire. Si nous sommes de vrais démocrates et que nous croyons que nous devons représenter à la Chambre le choix des citoyens et des citoyennes, il faut également avoir cette vraie conservation sur un mode de scrutin beaucoup plus adapté, qui est d'ailleurs celui de la grande majorité des démocraties du monde.
Le Canada est l'un des rares pays, avec le Royaume‑Uni et les États‑Unis, à avoir encore ce système. La plupart des pays du monde ont des modes de scrutin proportionnel, avec différents systèmes. Nous pourrions parler longtemps des différents modèles qui existent, mais je veux surtout dire que le mode de scrutin proportionnel est beaucoup plus respectueux de la volonté populaire.
Je suis très content de participer au débat d'aujourd'hui. Je pense que la question de notre système électoral, de la reconnaissance de la nation québécoise, du poids politique des différents territoires, des différentes communautés ou des différentes nations à la Chambre est importante et fondamentale. En tant que démocrate, j'aime toujours parler de démocratie, du pouvoir des citoyens et des citoyennes, ainsi que de la possibilité d'améliorer notre système.
Je suis prêt à répondre aux questions, mais je tiens à dire que je trouve intéressante la recommandation qui a été faite dans cette motion, et je pense que c'est tout à fait adapté de demander à un comité parlementaire d'étudier la question du poids politique du Québec. Cela fait partie des discussions normales que nous devons avoir à la Chambre.