Madame la Présidente, je vais inviter mon collègue à écouter avant de faire des rappels au Règlement. Cela pourrait même lui être utile pour la période des questions orales tout à l'heure.
J'en arrive donc à la question pour un retour à l'accord. J'ai précisé chaque fois que j'étais contre. Rappelons que la totalité des amendements des conservateurs ont été jugés irrecevables. J'étais contre la totalité d'entre eux. Il y avait des choses absolument irresponsables et dangereuses là-dedans, par exemple, le fait d'inclure la vente d'armes dans un accord commercial. On veut que cet accord soit un accord de reconstruction et de paix, pas un accord qui sous-tend dans son texte lui-même que la guerre va être éternelle. C'est quelque chose qui n'avait aucun sens. Par contre, chaque fois que les propositions d'amendements étaient jugées irrecevables, j'ai voté avec les conservateurs pour que les amendements puissent être débattus et entendus.
Il y a un problème majeur de transparence dans la définition des accords commerciaux. Il y a quelque chose qui n'a aucun sens. Je vais me permettre d'en parler.
Il faut reconnaître qu'Ottawa n'est pas transparent à l'endroit de ses propres élus alors que ce sont pourtant eux qui sont portés par le peuple pour amener des positions à la Chambre. Quel que soit l'enjeu, quelle que soit la couleur du gouvernement, les gouvernements n'aiment pas que les opposants scrutent de trop près leurs agissements. Dans le domaine des accords commerciaux, le secret issu de cette culture monarchique du Canada est de mise. Le Canada témoigne de cette tradition monarchique parce qu'il garde dans l'ombre les accords qu'il signe de peur qu'ils périssent comme des vampires lorsqu'ils sont au soleil.
En ma qualité de député, je peux dire que je l'ai vécu à plusieurs reprises, notamment lorsqu’en novembre et décembre 2020, le Comité permanent du commerce international devait étudier l'accord provisoire de libre-échange entre le Canada et le Royaume‑Uni sans en avoir le texte. Nous avons assisté à un véritable théâtre de l'absurde. Nous recevions des témoins, des experts qui nous disaient ce qu'ils aimaient ou ce qu'ils aimaient moins et qui nous invitaient à voter pour ou contre certains éléments. Or, personne parmi ces gens n'avait vu l'accord, pas même les élus qui devaient l'étudier. Quel en est le sens?
Pourtant, lors de la création du ministère canadien des Affaires étrangères en 1909, il était prévu que le ministre fasse rapport annuellement au Parlement des activités du ministère. Cela comportait donc logiquement un état des lieux qui concernait les discussions et les engagements du Canada à l'international. En 1995, en plein essor de la mondialisation, la loi sur le ministère a été modifiée pour lui donner davantage les mains libres en lui octroyant la compétence sur le commerce international au détriment de l'institution parlementaire. L'obligation du rapport annuel a été supprimée à ce moment-là.
Pourtant, en 1926, la Chambre des communes a adopté une résolution stipulant que
les ministres canadiens de Sa Majesté, avant de conseiller la ratification d'un traité ou d'une convention affectant le Canada, ou de signifier l'acceptation d'un traité d'une convention ou d'une entente entraînant des sanctions militaires ou économiques, s'assureront de l'approbation du Parlement.
Dans les faits, l'application de cette pratique s'est faite plutôt à géométrie variable pendant 40 ans jusqu'à son abandon intégral en 1966. Un Parlement digne de ce nom devrait se doter de procédures visant à augmenter le niveau de contrôle démocratique à exercer sur les accords.
La formation politique à laquelle j'appartiens, le Bloc québécois, a déposé sept projets de loi sur la procédure de conclusion des accords entre 1999 et 2004, obligeant le ou la ministre responsable de la ratification d'un accord de les déposer devant le Parlement, avec un mémoire explicatif, dans un délai suffisant et imposant l'approbation des parlementaires avant toute ratification. Les tentatives du Bloc québécois ont mené à ce que ce dépôt obligatoire d'un mémoire explicatif dans un délai raisonnable avant la ratification par les élus devienne une politique. Il y a une politique actuellement, mais aucun gouvernement n'a osé en faire une loi contraignante par définition. Ce n'est pas la même chose.
Il demeure donc toujours permis à tout gouvernement de procéder de façon arbitraire. Nous sommes bien loin d'un régime britannique où le Parlement est censé détenir un droit de veto partiel sur les ratifications. On peut par ailleurs remarquer que ce procédé, souhaitable en soi, mais ridiculement insuffisant, consistant à demander après coup aux députés ce qu'ils en pensent, peut même servir d'outil de contrôle du Parlement. Plutôt que de véritablement impliquer les députés dans la conception des accords internationaux, cette politique sert plutôt d'instrument pour sonder les partis de l'opposition sur leur position.
Dans le monde, certains Parlements consultent même les élus en amont de toute négociation afin d'obtenir des mandats sur les secteurs à promouvoir ou à défendre. Par exemple, aux États‑Unis, il y a une loi qui protège en tout temps le secteur du sucre. C'est écrit. L'Union européenne, de son côté, tient des votes auprès des députés avant les négociations. Elle demande quels mandats on souhaite confier aux négociateurs.
Le principe est logique. Les parlementaires sont des élus de la population chargés de représenter les intérêts et les valeurs de leurs concitoyens. Or, par sa culture de l'opacité avant, pendant et après les négociations commerciales, le Canada est bien loin du compte au chapitre de l'implication des députés.
Nous pouvions avoir espoir d'un certain progrès lors d'une entente entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique — une de plus, dira-t-on — conclue en 2020. Nous aurions pu penser que cela allait améliorer la transparence dans ces processus. Je m'en souviens, nous étions en train d'étudier l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM, au Comité permanent du commerce international. Avant son adoption, le NPD avait conclu une entente avec le PLC en acceptant d'accélérer l'adoption de l'ACEUM en échange d'un engagement du gouvernement à amoindrir l'opacité quant à la conclusion d'accords commerciaux. Il y aurait moins de transparence maintenant, parce que le temps d'étude de l'ACEUM allait s'en trouver réduit, mais, en échange, il y aurait plus de transparence dans le futur.
Qu'est-il advenu? L'accord suivant, avec le Royaume‑Uni, a été soumis à l'étude plusieurs semaines sans que nous ayons le texte. C'est dire comment cette entente a été un succès. Présentement, il y a des échanges avec l'Indonésie. Il y en avait avec l'Inde jusqu'à il n'y a pas si longtemps. Il y en a avec la région indo-pacifique dans son ensemble. Il y en a avec l'Association des nations de l'Asie du Sud‑Est. Il y en a avec le Royaume‑Uni pour une entente provisoire. Il va éventuellement y en avoir avec le Mercosur. Sur toutes ces questions, nous ne savons absolument rien. Les rencontres du Comité permanent du commerce international, même quand nous recevons les négociateurs canadiens, ne nous apprennent pas grand-chose.
Cette entente passée entre le NPD et le PLC a eu des résultats pour le moins faméliques, ce qui ne semble pas avoir découragé le NPD de continuer à nouer des alliances avec le PLC. Grand bien lui fasse, mais pour ce qui est de la transparence, je lui souhaite meilleure chance la prochaine fois.
Je veux aussi parler de la transparence vis-à-vis des provinces. Il n'y a rien dans le fédéralisme canadien — qui porte d'ailleurs très mal son nom parce que ce n'est plus tant que cela du fédéralisme. Nous nous en allons vers un état unitaire centralisé — qui oblige à une consultation des provinces.
Il y a eu une seule exception. C'était pour une entente avec l'Europe où, pendant la période de négociation, le Québec pouvait avoir un négociateur. Toutefois, ce négociateur n'était pas à la table des négociations. Le négociateur en chef du Québec, l'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson, avait déjà déclaré d'ailleurs que le rôle se limitait à donner un billet doux à la délégation, et que le travail de négociation se faisait dans les corridors. À l'inverse, pour la même entente, la Wallonie — parce que le système belge fonctionne comme cela — a failli bloquer l'accord dans son entièreté parce qu'elle n'était pas d'accord une partie de l'accord. Peut-être que le Canada devrait s'en inspirer pour son fonctionnement aussi. Ce serait un vrai respect des provinces.
C'est une proposition de réforme, mais ma solution préférée n'est pas celle-là. Je préférerai que le Québec soit à la table des négociations en tant que pays indépendant.
J'ajoute que, si Ottawa va représenter la totalité du Canada lors des négociations internationales et qu'on n'arrive même pas à tirer son épingle du jeu là-dedans, le Québec, lui, est de plus en plus une quantité négligeable dans ce même Parlement. Donc comment pouvons-nous arriver, au bout du compte, à tirer la couverture le moindrement de notre bord si d'année en année, au fil des réformes électorales, nous perdons de plus en plus de place?
Nous allons de plus en plus être une minorité insignifiante dans ce Parlement. Quand je dis « nous », c'est la nation québécoise. Avec la réforme de la carte électorale qui va être prochainement en vigueur, le Québec va occuper 70 sièges sur 341, contre 338 sièges à l'heure actuelle. Les votes au Parlement étant souvent serrés, le poids politique du Québec s'en trouverait encore réduit, tendant vers 22 % du nombre total de députés. La tendance va être claire. À mesure que l'importance démographique du Québec va baisser, son pouvoir d'influence à la Chambre des communes va tendre de façon croissante vers l'insignifiance.
Au-delà des mathématiques, les conséquences d'une réduction continuelle de l'importance du Québec au sein de l'institution dessinant les lois du pays vont être bien réelles, parce que le Québec va avoir de moins en moins voix au chapitre. Ses intérêts et ses valeurs vont être de plus en plus dilués au profit des intérêts et des valeurs du rest of Canada. Ne s'agit-il pas justement des conséquences réelles de notre présence au sein de ce régime dont la logique est de nous minoriser perpétuellement?
Avant l'avènement de la mal-nommée Confédération, les Canadiens français étaient plus nombreux que les Canadiens anglais, et nous avions droit à une représentation égale. Il y avait deux peuples inégaux en nombre et un nombre égal de sièges. À partir du moment où nous sommes devenus moins nombreux, on est passé par magie à la représentation proportionnelle. C'est commode quand le conquérant décide du système en place.
Je conclus mon discours en réitérant que nous sommes favorables à cet accord, mais que nous aurions préféré une façon de faire ô combien différente où les provinces et où les élus auraient pu avoir voix au chapitre dans ces négociations.