Madame la Présidente, aujourd'hui, la motion déposée par le Bloc québécois nous interpelle tout particulièrement. C'est justement la lecture que l'on fait de la possibilité ou de la capacité de renouveler le fédéralisme. Nous avons un grand défi: démontrer que seule la souveraineté pourrait rendre le Québec économiquement viable et épanoui sur le plan culturel.
Pourquoi croyons-nous aujourd'hui que le fédéralisme ne s'est pas renouvelé, 20 ans après l'Accord du lac Meech? C'est dans les gestes politiques posés par les partis qui ont gouverné à tour de rôle, le Parti libéral et le Parti conservateur. Les premières choses qu'ils rejettent, ce sont les consensus de l'Assemblée nationale. Ces consensus ne sont pas seulement faits par les souverainistes. Des fédéralistes sont aussi partie prenante des consensus de l'Assemblée nationale sur plusieurs questions politiques.
D'abord, parlons du poids politique du Québec. Il y a un projet de loi visant à augmenter de 30 le nombre de circonscriptions du Parlement. Cela veut donc dire que le poids politique du Québec y perdrait. La Constitution nous permet d'avoir toujours 75 députés. Cependant, 75 députés sur 308 est très différent de 75 députés sur 338, en termes de poids politique. Où sont les députés du Québec qui ont été élus à la Chambre? Ils travaillent avec les députés de ce Parlement qui rayonnent par leur volonté de faire du Nation Building, la construction d'un Canada centralisateur, et de ne pas reconnaître la société distincte du Québec. La Chambre l'a reconnue, mais c'est symbolique. Reconnaître vraiment la nation québécoise, cela se fait par de petits gestes politiques au quotidien.
Il n'y a pas de retrait avec pleine compensation et on se voit dans l'incapacité de nommer trois juges à la Cour suprême. On veut avoir des juges bilingues, pour qu'ils soient capables d'entendre, à la fois en anglais et en français, les causes de ceux qui viennent chercher l'appui ou le verdict des juges. Par contre, ils utilisent de faux prétextes. On n'a qu'à entendre ce que les Québécois conservateurs nous disent. Ils défendent la position de leur parti en prétextant qu'ils ne veulent pas qu'un juge francophone se voie refuser la possibilité de siéger à la Cour suprême. On voit bien que cet argument ne tient pas. D'ailleurs, 71 p. 100 des Québécois ont dit non à la réduction du poids politique du Québec. D'autres se sont prononcés sur la possibilité d'avoir des juges bilingues à la Cour suprême. Il n'y a donc pas de veto pour un amendement constitutionnel pour le Québec.
On ignore également les revendications générales profondes du Québec. Des Québécois et des Québécoises se trouvent marginalisés, et on ne veut pas non plus limiter le pouvoir de dépenser, bien que les conservateurs avaient promis, en campagne électorale, de limiter le pouvoir de dépenser du fédéral. Or, quand on voit les programmes venant du fédéral, force est de constater que, si on a changé de gouvernement, on n'a pas changé sa façon de gérer par rapport à sa lecture du Québec. Le Bloc québécois et les souverainistes doivent démontrer que seule la souveraineté peut assurer le plein épanouissement de la nation québécoise. Bien souvent, cela demande de la pédagogie car les dossiers sont parfois complexes.
Tout à l'heure, il a été question des valeurs mobilières et de leur gestion qui serait transférée à Toronto. Notre porte-parole en matière de finances est bien placé pour démontrer que c'est une aberration et que cela viderait le Québec de son pouvoir économique. D'ailleurs, une coalition se forme au Québec, démontrant que ce système va justement nuire au Québec. Ce n'est pas un souverainiste qui l'a dit, c'est M. Bachand, le ministre des Finances du gouvernement du Québec. Il a dit qu'il mobiliserait les gens d'affaires contre le projet de loi fédéral sur une commission unique des valeurs mobilières, dont le dépôt législatif est imminent à Ottawa. Selon lui, le projet fédéral contrevient aux compétences des provinces et compromet l'avenir même du secteur financier à Montréal, au profit de la grande centralisation à Toronto.
Tout à l'heure, je parlais de nation building. C'est justement ce que cela veut dire: c'est la construction d'une nation centralisée. On n'a rien contre, mais il nous faut démontrer que cela dessert le Québec sur plusieurs aspects socio-économiques. D'ailleurs, par rapport à la commission des valeurs mobilières centralisée en Ontario, M. Bachand disait que c'est un système centralisé qui va dans l'intérêt de Toronto. Tous les acteurs économiques doivent se mettent derrière cette position pour dénoncer l'abus du fédéral dans sa volonté de tout centraliser ce qui se fait dans les autres provinces, comme le disait tout à l'heure le leader en Chambre du Bloc Québécois. Donc, les valeurs mobilières s'en viennent à Toronto.
Le Bloc a fait un sondage. Vingt ans après la création du Bloc, c'est ce à quoi nous amène le dépôt de cette motion d'aujourd'hui. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Tout à l'heure, on a mentionné qu'il y avait deux visions. Toutefois, ces deux visions mènent à deux solitudes. Deux solitudes, dont celle du Québec qui est toujours en train de revendiquer. Que l'on parle des conservateurs ou des libéraux, leurs approches ne sont pas différentes. L'un d'eux est peut-être un peu plus hypocrite que l'autre puisqu'il a annoncé qu'il reconnaîtrait la nation québécoise, mais il ne pose aucun geste qui démontrerait qu'il la reconnaît bel et bien. D'ailleurs, on le voit dans son projet de loi sur les valeurs mobilières, lorsqu'il s'agit du poids du Québec à la Chambre, de la loi 101 dans les institutions de juridiction fédérale et du fait de permettre à leurs employés de revendiquer la loi 101. On nous a même répondu non à cela, tout comme au fait d'harmoniser la TPS avec celle du Québec. C'est clair qu'il n'y a aucune volonté de poser des gestes politiques concrets qui auraient satisfait en partie le Québec. Cela démontre que ce fédéralisme n'est pas renouvelable.
Je suis vraiment déçue. De plus, je trouve déplorable que des députés du Québec soient élus — que ce soit sous la bannière du Parti libéral ou du Parti conservateur — et se lèvent en cette Chambre pour voter contre tous ces consensus du Québec et voter contre le développement économique et l'épanouissement du Québec au sein de cette fédération.
Lorsqu'on nous a annoncé la reconnaissance du Québec en tant que nation, nous avons bien voulu y croire. On s'est dit qu'on allait assister à de nombreux gestes concrets qui feraient en sorte que le Québec serait compris dans cette fédération. En fait, ce n'est pas une fédération, c'est une centralisation du fédéralisme. Cela va à l'encontre de ce qu'est une pensée quand on aborde la question de la fédération canadienne, parce que le Québec n'a pas son mot à dire quant à plusieurs projets que le fédéral veut voir mis de l'avant, par exemple les valeurs mobilières.
Le lieutenant du Québec, qui est dans ma région, s'est levé à la Chambre pour défendre cela au nom de son gouvernement. Ce matin, le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, une circonscription qui est près de chez moi, a défendu ce projet de commission des valeurs mobilières. De plus, il se lève à la Chambre pour voter contre l'application de la loi 101 dans les institutions fédérales et se lève lorsque l'on parle de diminuer le poids du Québec à la Chambre. Il a l'impression que le Québec est bien servi par cette soi-disant fédération canadienne.
Par contre, on ne se lève pas debout lorsque vient le temps de voter pour appuyer les industries québécoises de la foresterie. On se lève debout pour voter des budgets 10 milliards de dollars pour l'Ontario et des peccadilles pour le Québec. On nous a annoncé un octroi de 100 millions de dollars destinés à un programme. Ce n'est pas ça aider une industrie en perte de vitesse.
Depuis cinq ans, on veut démontrer à ce gouvernement et au gouvernement antérieur qu'il faut faire quelque chose pour sauver les industries. Elles auraient pu se diversifier et regarder les moyens qu'elles auraient pu prendre pour s'en sortir. Des liquidités et des garanties de prêts auraient été nécessaires pour traverser la crise économique dans laquelle elles ont été plongées. Une fois que les industries ont fermé leurs portes, c'est très difficile de continuer à les faire fonctionner par la suite.
Ce matin, beaucoup de chiffres ont été mentionnés. Au Québec, 73 p. 100 des gens ont dit vouloir que le Québec soit reconnu en tant que nation, avec tous les pouvoirs que cela suppose et un statut particulier. Pour reconnaître le Québec en tant que nation, il faut poser des gestes concrets.
La seule lecture qu'on peut faire, c'est que le fédéralisme n'est pas renouvelable et que ce sont deux solitudes. On va démontrer que dans les faits, rien n'est fait pour que le Québec soit plus rentable.