Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 12 juin 2023 par le député de Kamloops—Thompson—Cariboo concernant une allégation d’intimidation de la part du ministre de la Justice et procureur général du Canada.
Le député de Kamloops—Thompson—Cariboo a expliqué que, durant la période des questions du jeudi 8 juin 2023, le ministre lui avait envoyé un courriel renfermant ce que le député a interprété comme une menace de ternir sa réputation professionnelle et son statut dans le milieu juridique. Le courriel évoquait le fait que le député avait réagi à une question posée par le député de Leeds—Grenville—Thousand Islands and Rideau Lakes, dans laquelle était mentionné un ancien juge de la Cour suprême. Le courriel contenait également la phrase suivante, et je cite: « Je vais en informer le milieu. » (fin de la citation). Selon le député, il s’agit d’une forme d’intimidation qui le gêne dans l’exercice de ses fonctions à titre de parlementaire.
Pour sa part, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a affirmé que le député avait mal interprété les propos du ministre. Selon le secrétaire parlementaire, les motifs imputés au ministre par le député ne reposent sur aucun fait et ne sont que pure supposition. Il a précisé que le ministre avait réfuté les allégations, lesquelles sont non fondées au dire du secrétaire parlementaire.
La présidence prend au sérieux toute allégation de menace ou d’intimidation à l’endroit d’un député. Voici ce qu’indique l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, troisième édition, à la page 111, au sujet des cas où des députés font l’objet d’obstruction, d’ingérence ou d’intimidation par des moyens non physiques:
Dans ses décisions sur ce type de situation, la présidence examine l’effet de l’incident ou de l’événement sur la capacité des députés de remplir leurs responsabilités parlementaires. Si, de l’avis de la présidence, l’exercice des fonctions parlementaires d’un député n’a pas été entravé, il ne peut y avoir de prime abord matière à question de privilège.
La présidence a examiné les arguments présentés et les précédents pertinents. Le député de Kamloops—Thompson—Cariboo a cité la décision rendue par le Président Bosley le 1er mai 1986 à propos d’une affaire semblable. Dans cette décision, le Président avait conclu que la question de privilège n’était pas fondée de prime abord. Comme l’a souligné le Président Bosley, à la page 12847 des Débats.
Si un député pouvait dire que quelque chose l’a empêché de remplir ses fonctions, qu’il a été menacé, intimidé ou indûment influencé, la présidence prendrait l’affaire en considération. Dans le cas présent, je ne peux voir en quoi la députée a été gênée dans l’accomplissement de ses fonctions parlementaires.
Comme le député le sait, pour conclure qu’il y a, à première vue, matière à suggestion de privilège, la présidence doit être convaincue que l’exercice des fonctions parlementaires d’un député a été entravé, découragé ou empêché d’une façon quelconque. En l’espèce, la présidence n’est pas persuadée que le courriel envoyé a gêné le député de la sorte.
Par conséquent, je ne puis conclure qu’il y a, à première vue, atteinte au privilège.
Cela dit, sans vouloir émettre d’hypothèses sur l’intention qui sous-tendait son courriel, la présidence invite le ministre à réfléchir à ses actes. J’encourage également les députés à se montrer courtois dans leurs interactions, car il revient à tous de donner un ton approprié à nos délibérations.
Je remercie les députés de leur attention.