Merci beaucoup.
Je vous signale que j'ai préparé un mémoire plus long, comme le ferait un vrai professionnel, mais je serai bien plus brève à l'oral pour respecter le délai de cinq minutes.
Je présume qu'il est assez bien connu que Lester B. Pearson a un jour décrit la politique étrangère comme « la politique intérieure avec un chapeau ». Pierre Elliot Trudeau l'a décrite comme « l'extension à l'étranger des politiques nationales ». Pourtant, il est rare de voir nos décideurs traiter la politique étrangère de cette façon.
Les affaires étrangères sont souvent reléguées au second plan. On y voit un luxe plutôt qu'un instrument de pouvoir étatique pour faire avancer nos intérêts domestiques et internationaux à l'étranger. La diplomatie est perçue comme une récompense pour l'amitié plutôt que comme un outil pour protéger nos intérêts et surmonter les différends lorsqu'il faut avoir des conversations difficiles.
Cette attitude est compréhensible. Nous vivons dans une région du monde qui est très sécuritaire comparativement à d'autres, où se trouvent bon nombre de nos amis et alliés. Nous avons la chance de ne pas avoir à nous soucier de notre sécurité.
Je ne pense pas que j'aie besoin de souligner que les circonstances changent vite. Les manchettes quotidiennes sur la guerre, l'ingérence étrangère, l'espionnage, les cyberattaques et la souffrance des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dans le contexte d'un ordre international menacé suffisent à nous le rappeler.
Tout cela pour dire que nous avons longtemps été à l'abri de beaucoup des pires difficultés au monde, mais ce n'est plus le cas. Nous n'avons plus la liberté de faire fi du monde qui nous entoure. Pour résoudre ces problèmes, nous avons besoin d'un ministère des affaires étrangères qui peut naviguer dans ces eaux troubles.
À cette fin, je souhaite porter plusieurs points à l'attention du Comité.
D'abord, le point que je considère comme le plus important, les ressources humaines d'Affaires mondiales Canada sont, de toute évidence, en assez piètre état. Le processus de recrutement est archaïque, chaotique et mal adapté au XXIe siècle. Pour ne donner qu'un exemple, il semble qu'un pourcentage important du personnel soit composé de jeunes titulaires de maîtrises et de jeunes étudiants qui travaillent sous contrat pour 90 jours. Ces employés temporaires font toujours face à la perspective imminente de perdre leur emploi et cherchent constamment leur prochain emploi.
Pour le dire franchement, il est très curieux pour moi, lorsque je participe à des réunions avec Affaires mondiales, d'y rencontrer des gens inscrits au même moment dans mes propres cours. C'est arrivé à de multiples reprises.
Ce n'est pas ainsi qu'on bâtit ses effectifs. C'est pourquoi j'appuie fermement les recommandations 9 à 13 sur l'embauche et la formation du personnel d'Affaires mondiales Canada présentées dans le rapport du Sénat de décembre 2023 intitulé « Plus qu'une vocation », que vous n'êtes pas sans connaître.
Ensuite, honnêtement, il est franchement bizarre que le Canada, un pays du G7, n'ait pas de politique étrangère. Lorsqu'on pose des questions, la réponse est souvent décevante elle aussi. On nous dit qu'il est trop difficile, trop exigeant de créer une politique étrangère, que les circonstances changent trop vite et que ce n'est pas une priorité de signaler nos intentions à nos alliés, parce qu'ils peuvent simplement prendre le téléphone et nous appeler pour nous poser la question.
Notre politique pour l'Indo‑Pacifique est arrivée bien tard, notre politique de défense tarde encore à refaire surface et notre stratégie promise pour l'Afrique n'est plus qu'un cadre depuis l'an dernier.
C'est clair que nous peinons à rédiger des documents de politique étrangère. Je me demande si c'est simplement parce que nous en avons perdu l'habitude. D'autres pays vont publier des documents de manière assez périodique. Je pense qu'il y a bien des avantages à se doter d'une politique étrangère, qui nous force à faire des choix et à établir nos priorités. Oui, il est difficile d'établir nos priorités et cela demande de tenir des discussions difficiles, ou les positions peuvent changer à la lumière de nouveaux événements, mais la réponse à ces circonstances exige d'actualiser notre politique, et non d'éviter l'exercice en entier.
Je pense aussi que la politique étrangère constitue un outil de communication important. On en sous-estime toujours l'importance, surtout au ministère des Affaires étrangères. Les gens de ce ministère ne voient pas cette politique comme un outil de communication.
Je suis allée au Japon il y a une semaine et demie. Pour me préparer, j'ai lu son livre bleu sur la diplomatie, qui fait 400 pages. Avons‑nous besoin d'un livre de 400 pages sur les affaires étrangères? Absolument pas, mais je pense qu'un document stratégique clair, qui ferait état de nos intérêts non seulement à nos alliés, mais aussi aux Canadiens, serait sans conteste dans notre intérêt. Les autres points que je veux soulever aujourd'hui vont en témoigner et renforcer ce point.
De plus, je veux parler de la capacité d'Affaires mondiales à donner des conseils opportuns et utiles aux décideurs au cœur du gouvernement. Mon collègue Thomas Juneau parlera du renseignement à Affaires mondiales, et je pense que cela entre en ligne de compte.
Il est ardu de coordonner toutes ces choses, mais on entend à l'occasion des histoires de difficultés à donner des conseils. Le problème ne concerne pas qu'Affaires mondiales, mais il faut mieux former le personnel de ce ministère pour qu'il donne des conseils opportuns qui peuvent réellement aider à influencer une situation en évolution.
Par ailleurs, nous sommes en dérive. Le rapport du Sénat « Plus qu'une vocation » dont j'ai parlé laisse entendre qu'Affaires mondiales devrait être considéré comme « un organisme central [ qui ] a la responsabilité de coordonner l’approche du Canada relative aux dossiers de politique étrangère pour l’ensemble du gouvernement fédéral. » C'est la recommandation 28.
Je suis tout à fait en désaccord avec cette recommandation. Je pense que c'est une mauvaise idée. Je crains qu'au lieu de fournir une orientation qui découle d'une politique étrangère, Affaires mondiales ne soit à la dérive. C'est vrai que tout enjeu au gouvernement comporte une dimension internationale et que le ministère est aux commandes en matière d'affaires mondiales, mais c'est impossible pour Affaires mondiales d'être responsable de toutes ces questions.
Je vais manquer de temps pour présenter mes autres points. Vous pourrez me poser des questions là‑dessus plus tard, mais vous les verrez dans mon mémoire. Je pense que nous devons être conscients qu'Affaires mondiales doit s'en tenir à son mandat.
Une dernière chose: la capacité du Canada de tenir parole. Nos alliés s'interrogent. Ils voient notre politique pour l'Indo‑Pacifique et ils sont contents, mais avons‑nous les reins assez solides pour rester dans la région et rester engagés dans les relations que nous sommes en train de bâtir là‑bas?
Enfin, nous devons renforcer notre présence à l'étranger. Cet enjeu compte pour nos alliés, qui se soucient de nous. C'est bien plus facile de penser au Canada si l'on peut se rencontrer dans un lieu à proximité plutôt que trois pays plus loin. C'est bien plus simple.
Je pense que le ministère des Affaires mondiales a un problème de communication. Les Canadiens ont besoin de plus de transparence et d'une meilleure communication, surtout si le gouvernement s'apprête à réinvestir dans le ministère. Nous devons expliquer aux Canadiens pourquoi c'est dans leur intérêt de le faire.
Je vous remercie beaucoup de l'invitation à témoigner. Je suis prête à répondre à vos questions.
Thank you very much.
I will advise the committee that I have provided, in true professorial fashion, longer comments, but in the interest of five minutes, I will be much more brief.
I suspect it's fairly well known that Lester B. Pearson once described foreign policy as “domestic policy with its hat on”, and Pierre Elliot Trudeau described it as “extension abroad of national policies”, yet it is seldom that we see our policy-makers treat foreign policy in this way.
Foreign affairs are often treated as an afterthought—a luxury rather than an instrument of state power that can further both our domestic and international interests abroad. Diplomacy is seen as a reward for friendship rather than as a tool that will ensure our interests and also reach across divides when difficult conversations need to take place.
It's understandable why this is the state of affairs. We live in a very safe neighbourhood compared to a lot of our friends and allies. We've had the blessing of not having to worry about our security.
I don't think I need to emphasize the point that these circumstances are rapidly changing. Daily headlines about war, foreign interference, espionage, cyber-attacks and the suffering of refugees and internally displaced persons in the context of an international order under stress are reminder enough.
The point is that we were once insulated from many of the world's most difficult challenges, but this is no longer the case. We no longer have the freedom to ignore the world outside our window. To address these problems, we need a foreign affairs department that can navigate these uncertain waters.
To this end, I wish to raise several points for the committee's consideration.
First, and I think most importantly, human resources issues at Global Affairs Canada, by all accounts, are in somewhat dire straits. The recruitment process is archaic, chaotic and not suited to the 21st century. To give just one example, it seems that a significant percentage of the workforce is made up of young master's students or young graduates on 90-day contracts. These temporary employees are constantly faced with the prospect of imminent unemployment and are constantly looking for the next opportunity.
To be frank, it is very odd when I attend a meeting at Global Affairs and I am confronted with students who are currently in my own class. This has happened multiple times.
This is not how you build a workforce, and therefore I'm strongly endorsing recommendations 9 through 13 on hiring and training of Global Affairs Canada's staff in the December 2023 Senate report, “More Than a Vocation”, which I suspect you're already familiar with.
Second, Canada's lack of a foreign policy is, frankly, bizarre, especially for a G7 country. When you ask about it, the result is often disappointing as well. We're told that creating a foreign policy is too hard, too challenging, that circumstances change too fast and that it's not a priority to signal to our allies what our intentions are because they can just pick up a phone and talk to us.
We have had a much-delayed Indo-Pacific policy, a defence policy that is yet to re-emerge and the downgrading of a promised Africa strategy to a framework last year.
It's clear that we are struggling to write foreign policy documents. I wonder if this is partially because we're simply out of practice in doing so. Other countries release documents on a fairly regular basis. I think there are a lot of advantages to having a foreign policy. It forces choices and it forces priorities. Yes, prioritization is difficult and it requires difficult discussions, or positions can change in light of new events, but the answer is updating that policy, not eschewing the exercise altogether.
I think it's also an important communications tool. This is always downgraded, especially by people who worked at the Department of Foreign Affairs. They don't see this as a communication tool.
I just travelled to Japan a week and a half ago. In preparation, I looked at their Diplomatic Bluebook. It's 400 pages. Do we need a 400-page book on foreign affairs? Absolutely not, but I think a clear strategic document that conveys our interests to not only our allies but also to Canadians is definitely within our interest. The other points I'd like raise today will kind of reflect and reinforce this point.
The third issue is Global Affairs' ability to give timely and useful advice to policy-makers at the centre of government. My colleague Thomas Juneau is going to speak about intelligence in Global Affairs, and I think this plays a part.
It's hard to coordinate these things, but anecdotally you hear tales of challenges in providing this advice. It's not only a Global Affairs problem, but better training needs to be given to Global Affairs staff to provide that timely advice that can really help influence a situation when it comes to timely decision-making in an evolving situation.
A fourth issue is mission creep. The Senate report I mentioned earlier, “More Than a Vocation”, suggests that GAC should be considered “a central agency with responsibility for coordinating Canada's approach to international policy files across the federal government.” It's recommendation 28.
I really disagree with this recommendation. I think this is a bad idea, and I'm concerned that in lieu of direction that would be provided by a foreign policy, GAC has a mission creep problem. It's true that every issue in government does have an international dimension and that GAC is the lead on foreign affairs, but it's impossible for GAC to have a lead in all of these areas.
I'm going to run out of time for my other points, so maybe you can ask me later, but you'll see them in my submission. I think we have to be aware that GAC needs to stick to its mandate.
One final thing would be Canada's ability to sustain its engagement. These are questions being asked by our allies. They see our Indo-Pacific policy and they're happy, but do we have what it takes to stay in that region and keep committing to those relationships that we're presently building?
Finally I will say that we need to improve our presence abroad. This matters to our allies. They care about us, and it's much easier to think about Canada if you can meet down the street and not three countries over. It's much easier that way.
Finally, I think that GAC has a communications problem. We need better transparency and better communications with Canadians, particularly if we're going to reinvest in this capacity. We have to explain to Canadians why it's in their interest to do so.
Thank you very much for this opportunity. I look forward to your questions.