Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de revenir à ce comité à titre d'« artiste invité » de ce très prestigieux Comité permanent des finances, comme chacun le sait.
Je salue votre travail, monsieur le président, même si je vous ai défié, il y a quelques instants à peine, lors du vote. Je sais que vous ne vous sentez pas visé personnellement. Nous estimons que, dans cet amendement soumis par mon collègue de Sherbrooke, il y a le positif et le négatif, comme on le dit en photographie. Ce n'est pas parce qu'on extrait des éléments que ceux qui restent ne font pas partie du débat. De notre point de vue, cela fait partie du débat, et nous avons contesté votre décision. La majorité parlementaire à ce comité s'est prononcée, évidemment. Nous respectons les lois et nous allons nous gouverner en conséquence.
Dans les commentaires qu'il a formulés avant de présenter son amendement, le collègue de Sherbrooke a indiqué qu'il s'agissait d'une motion omnibus qui concernait un projet de loi omnibus.
Vous vous souviendrez fort bien, comme tous les Canadiens d'ailleurs, qu'il y a bientôt quatre ans, l'actuel parti ministériel avait déposé un programme qui se voulait la bible des actions à poser s'il devenait un gouvernement majoritaire. La population a élu démocratiquement et de façon majoritaire le parti ministériel actuel. Les Canadiens sont donc en droit de s'attendre à ce qu'il applique le contenu de son programme électoral.
Parlons justement de ces projets de loi dits omnibus, qui, à l'époque, avaient soulevé moult débats. Le parti ministériel actuel avait été très sévère à l'endroit du gouvernement précédent au sujet de l'utilisation qu'il disait abusive de ce processus législatif.
À la page 32 de ce programme électoral, il est écrit: « Nous n'userons pas de subterfuges législatifs pour nous soustraire à l'examen du Parlement. » Le document rappelle que l'ancien premier ministre « a eu recours à la prorogation pour échapper à certaines situations périlleuses, chose que nous ne ferons pas ». Comme argument, il est indiqué que l'ancien premier ministre « s'est également servi des projets de loi omnibus pour empêcher les parlementaires d'étudier ses propositions et d'en débattre convenablement. Nous mettrons un terme à cette pratique antidémocratique en modifiant le Règlement de la Chambre des communes. »
Ceux qui ont suivi l'actualité des deux derniers mois auront remarqué que cette promesse, à la page 32 de la plateforme de l'actuel parti ministériel, n'a pas été suivie à la lettre, c'est le moins qu'on puisse dire. En fait, il a fait exactement le contraire.
Le document dit aussi, plus loin, que l'actuel parti ministériel ne déposera pas de projets de loi de ce genre.
C'est ce qui est au cœur de l'amendement présenté par le collègue de Sherbrooke. Un projet de loi omnibus qui vise le budget, c'est une chose, mais, lorsqu'on y insère des éléments distinctifs, c'en est une autre. La moindre des choses à laquelle nous nous attendons, lorsque le travail parlementaire s'accomplit ici, dans un comité parlementaire, c'est de donner du temps au temps, comme le dit l'expression. Nous devons nous assurer que tout le monde a le droit de parole et que nous pouvons faire un examen approfondi, pour éviter des dérives qui deviendront peut-être condamnables plus tard.
Je rappelle à mes amis d'en face que ce qui se passe depuis deux mois et demi aurait pu être évité si, l'année dernière, on avait appliqué le principe fondamental de débat démocratique pertinent en comité parlementaire.
On ne prend jamais trop son temps pour étudier convenablement des projets de loi aussi importants.
Revenons au cas qui nous occupe. On constate que ce budget est, d'une certaine façon, un budget bilan, puisque c'est le quatrième budget présenté par l'actuel ministre des Finances. En conséquence, il est temps de faire le bilan de cette administration. Chacun des éléments présentés ici — le temps imparti pour étudier telle partie du projet de loi avec telle personne, ceci ou cela — n'est pas inintéressant en soi, mais encore faut-il donner la chance au coureur d'étudier ces éléments.
Nous estimons qu'après trois ans et demi de gestion, après le dépôt d'un quatrième budget, après tout ce qui a pu être dit au cours des quatre dernières années et, surtout, après les actions qui ont été faites, le moment du bilan est venu, et quelle meilleure occasion de le faire que dans le cadre d'un travail parlementaire qui se veut intelligent et partagé.
Les députés ministériels ne doivent pas voir cet examen par un comité parlementaire comme une intrusion et une épreuve douloureuse pour eux. Au contraire, c'est une occasion d'exposer leurs points de vue. C'est une occasion de présenter ce qu'ils estiment être leurs bons coups. C'est une occasion en or de répondre directement aux observations obliques et parfois négatives que l'opposition officielle et les groupes de l'opposition peuvent faire. C'est ce que l'on appelle la démocratie. C'est ce que l'on appelle un débat intelligent. C'est ce que l'on appelle un échange d'idées. Comme le dit si bien l'expression, des idées opposées jaillit la lumière. Alors, c'est une occasion en or que tout parlementaire doit avoir et doit saisir.
Évidemment, nous ne sommes pas contre le fait que le ministre des Finances vienne témoigner en comité. Ce ministre, qui est responsable du budget de plus de 330 milliards de dollars d'un pays du G7, qui dirige ce ministère depuis plus de trois ans et demi, qui vient de déposer et de signer son quatrième budget, doit avoir toute la latitude nécessaire pour exposer clairement ses idées, son point de vue et son bilan, et pour répondre aux questions pertinentes et légitimes de tous les parlementaires, de quelque parti politique que ce soit.
Je n'en fais pas un cas de personnalité, mais il s'agit d'une personne dûment élue par la population canadienne, choisie par le chef du gouvernement canadien pour assumer la très haute et prestigieuse fonction de ministre des Finances et pour gérer, comme je le disais, le budget de plus de 330 milliards de dollars d'un pays du G7. À notre point de vue, la moindre des choses serait que nous ayons un peu plus que 90 minutes pour en parler.
Il ne faut pas voir cela comme une attaque à boulets rouges contre le ministre des Finances et son administration, mais plutôt comme une chance pour lui d'expliquer aux Canadiens sa vision de l'avenir, d'exposer ses réalisations, de parler ne serait-ce que des déficits et de rappeler certains engagements passés qui n'ont pas été tenus. Cela permettrait la tenue d'un débat. Cependant, on limite le débat à une maigrichonne période de 90 minutes, alors que cette personne est au cœur du débat et qu'elle doit avoir toutes les chances possibles et impossibles d'expliquer son point de vue. Saisissons cette occasion exceptionnelle de faire le débat convenablement en comité parlementaire.
Concernant la motion du collègue de Sherbrooke, nous comprenons très bien que lui aussi ait des réserves particulièrement sévères sur la façon de faire et sur le temps imparti. Il y a un aspect où nos points de vue divergent peut-être: selon nous, lorsque le ministre des Finances viendra témoigner, il faudra qu'il ait le temps nécessaire pour s'expliquer, vanter ce qui lui semble être bon et répondre au travail des députés de l'opposition.
Je tiens à rappeler aux collègues ministériels que le témoignage d'un ministre n'est pas une épreuve pour lui. Au contraire, c'est une occasion en or qu'il doit saisir pour mettre en lumière ses réalisations. Je rappelle également aux collègues ministériels qu'ils ont le droit de parole, eux aussi, et même plus que les députés de l'opposition, ce qui est tout à fait légitime en démocratie, puisqu'ils ont obtenu le suffrage majoritaire de la population. Ce n'est pas ce que nous souhaitions, mais c'est ce que nous constatons. Nous ne pouvons pas être des démocrates à géométrie variable, c'est-à-dire adhérer à l'opinion des gens quand cela fait notre affaire et ne pas adhérer aux règles parlementaires et démocratiques quand nous ne sommes pas du côté gagnant. Nous sommes des démocrates et nous respectons cela.
Nous constatons aussi que les parlementaires ministériels peuvent poser des questions au ministre, qui est de la même famille politique. Comme on le dit au hockey, ce sont des passes sur la palette, et c'est bien, dans la mesure où ce qui est dit repose sur des faits et sur la vérité. Cela ne pose pas de problème, mais cela exige que celui qui gère les finances de l'État canadien, celui qui est à la tête d'un budget de 330 milliards de dollars, celui qui dépose son quatrième budget, celui qui gère les finances publiques d'un pays du G7 depuis trois ans et demi, ait tout le temps et la latitude nécessaires pour exposer son point de vue, tout en répondant aux questions pertinentes et mesurées des députés tant ministériels que de l'opposition officielle et des groupes de l'opposition.
Je vous remercie, monsieur le président.