Monsieur le Président, à toute la famille de notre ancien premier ministre, à Mila, Ben, Mark, Nicolas et Caroline, j'offre mes plus sincères condoléances.
Lors d'un événement très improbable dans la vie d'une non-conservatrice passionnée, j'ai eu l'immense honneur de faire partie de l'équipe du ministre de l'Environnement et, au fil des ans, de devenir une amie de Brian Mulroney.
Je ne l'ai jamais dit aux miens, mais après ma démission, j'ai me suis mise à faire souvent le même rêve. D'autres conservateurs, mais jamais Brian Mulroney, m'ont reproché assez vertement d'être partie parce que mon ministre avait commis un léger faux pas consistant à transgresser la loi. Dans le rêve dont je parle, je cours vers Brian Mulroney pour lui dire: « J'espère que tu sais que je t'aime. » C'était bizarre, parce que je ne savais pas que je ressentais cela au moment où je faisais ce rêve, mais il revenait sans cesse.
Puis nous sommes devenus amis. Nous sommes devenus amis lorsque je me suis sentie obligée, en tant que directrice générale du Sierra Club, d'écrire des articles disant « regardez cet héritage, bonjour. » J'ai fait partie du jury qui a choisi le premier ministre le plus écologiste que nous avons eu, et notre choix n'a pas été difficile. C'était en 2005 et à cette époque, il n'y avait vraiment pas beaucoup de premiers ministres qui pouvaient se vanter d'un bilan ressemblant à celui de Brian Mulroney.
En réfléchissant à mes observations d'aujourd'hui, je me suis rendu compte qu'il m'était impossible de parler de chacune des réalisations du gouvernement Mulroney et de Brian Mulroney à titre personnel, lui qui a appelé directement Bill Vander Zalm pour relancer les négociations afin de mettre un terme aux coupes dans Gwaii Haanas. C'était un travail très difficile, et il en avait fait une affaire personnelle. Je ne sais pas d'où lui venait cet intérêt, mais je sais qu'il était profond, réel et personnel, et ce, dans tous les dossiers. J'ai donc décidé que la seule façon de passer en revue ses réalisations était de les énumérer.
Je ne peux pas trop m'étendre sur ses réalisations, car elles sont trop nombreuses, mais commençons par la catégorie des réalisations supérieures aux promesses faites. Il y a les efforts multinationaux pour lutter contre les pluies acides, qui visaient vraiment à résoudre le problème et à en faire la principale question bilatérale à chaque rencontre avec le président des États‑Unis d'Amérique.
Puis il y a eu la couche d'ozone. Nous n'avons pas simplement mis en œuvre certaines idées. Brian Mulroney a littéralement sauvé la vie sur la planète lorsque le Canada a pris position, organisé le Protocole de Montréal et sauvé la couche d'ozone afin qu'elle ne soit plus attaquée et qu'elle se régénère. Je n'ai jamais été aussi fière que lorsque je l'ai vu à l'occasion du 30e anniversaire du Protocole de Montréal. Il a même mentionné mon nom dans son discours. Nous étions tous les deux au congrès où il a été négocié, en septembre 1987. Le Protocole de Montréal est une réalisation incroyable pour notre pays, et c'est Brian Mulroney qui en a été l'instigateur.
La première conférence internationale sur la crise climatique a eu lieu pendant la dernière semaine de juin 1988. Le regretté premier ministre Brian Mulroney l'a inaugurée et a prononcé un discours qui a enflammé l'assistance et poussé les scientifiques du monde entier à lui faire une ovation. Stephen Schneider, un climatologue de renom, avait déclaré: « Mon Dieu, c'est notre Woodstock. »
Le premier ministre Mulroney et Gro Harlem Brundtland de la Norvège ont ouvert cette conférence, qui était la première, mais le travail s'est poursuivi. Il a fallu reconnaître et soutenir la Commission mondiale sur l'environnement et le développement et son rapport historique, intitulé « Notre avenir à tous », afin d'amener les Nations unies à créer le Sommet de la Terre en juin 1992 et de faire le gros du travail pour mener à bien le traité pour la protection de la diversité biologique.
L'une des grandes réalisations dont j'allais parler est celle qui a eu lieu lorsque Brian Mulroney s'est opposé non seulement à ses ennemis, ce qui est facile, mais aussi à ses amis. Lorsqu'il a sauvé la convention sur la biodiversité — et il l'a bel et bien sauvée personnellement lorsque George Bush a tenté d'y mettre un terme —, il a tenu tête à ses amis.
Lorsqu'il est intervenu pour exclure l'Afrique du Sud du Commonwealth, il a dû s'opposer à son amie Maggie Thatcher, qu'il aimait beaucoup, parce qu'il était inacceptable de faire fi de l'apartheid et de laisser l'Afrique du Sud faire partie de la famille du Commonwealth. Il a tenu tête à ses amis.
Il a tenu tête à Ronald Reagan au sujet des pluies acides et il a réussi à conclure une entente entre le Canada et les États‑Unis qui a mis fin au fléau de la pollution par les pluies acides au Canada. Il a fait interdire la présence de plomb dans l'essence. Il a fait interdire l'alachlore, un herbicide cancérigène. Il a fait adopter des lois environnementales qui existent encore aujourd'hui, et d'autres qui ont malheureusement été abolies. Il a fait adopter la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Il a fait adopter la seule politique sur l'eau que le Canada ait jamais eue. Il a aussi mis sur pied des institutions, dont quelques-unes seulement existent encore à ce jour. On lui doit la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
Il a créé l'Institut international du développement durable. Il a créé le poste d'ambassadeur à l'environnement. Il a effectué les travaux préliminaires qui ont mené à la création du Conseil de l'Arctique. On lui doit les accords relatifs à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, des accords multilatéraux conclus entre de nombreux gouvernements aux échelons provincial et fédéral. Il a créé, puis multiplié les parcs nationaux. Le parc national Quttinirpaaq, que l'on appelait Ellesmere à l'époque, a alors été créé sur l'île Ellesmere.
Il y a eu Gwaii Haanas. Plus tôt à la Chambre, on a parlé de la nouvelle concernant la nation haïda et de la reconnaissance de sa souveraineté. Brian Mulroney avait pris l'avion jusqu'à l'île de Vancouver pour signer l'accord avec le premier ministre de la Colombie‑Britannique de l'époque, M. Vander Zalm. Jamais je n'oublierai lorsque Pat Carney, un autre bon ami à moi que nous avons perdu cette année, a dit à tous les hommes qui y étaient rassemblés qu'une grande partie de leurs réalisations en politique sombreraient dans l'oubli, mais que cet accord perdurerait et qu'on s'en souviendrait toujours.
Brian Mulroney s'est personnellement porté à la rescousse du parc national Gwaii Haanas, l'équivalent canadien des Galapagos. Oui, tous les aînés haïdas ont bloqué les chemins forestiers et se sont fait arrêter. On ne peut minimiser leur courage, qui ne serait qu'une note de bas de page dans les manuels d'histoire si Brian Mulroney n'avait pas eu la volonté de conclure un accord et de ramener Bill Vander Zalm à la table des négociations. Il y a également eu le parc national des Prairies, la réserve de parc national Pacific Rim et le parc national des Îles‑de‑la‑Baie‑Georgienne, ainsi que les travaux préliminaires en vue de créer le parc urbain national de la Rouge.
Le programme d'éradication de la pauvreté a mené au meilleur bilan de l'histoire du Canada en matière de financement du développement international. C'est sous le gouvernement de Brian Mulroney que nous nous sommes le plus rapprochés de l'objectif de Pearson, alors que l'Agence canadienne de développement international existait encore. Les engagements financiers que nous avons pris sous son gouvernement ont été les plus généreux de toute l'histoire du Canada en ce qui a trait au développement international. Il a notamment pris des mesures pour lutter contre la famine en Éthiopie.
Le problème avec un tel parcours, c'est que non seulement on ne saurait l'embellir, mais on ne peut même pas énumérer toutes ses réalisations sans manquer de temps. Comment a-t-il pu accomplir tout cela? C'est grâce à ses compétences et à ses talents. Comme il est irlandais, je ne peux que le soupçonner d'avoir déjà embrassé la pierre de Blarney. Je ne vois pas d'autres façons d'expliquer un tel charisme, car il pouvait charmer n'importe qui.
Il savait faire rire les gens. J'adorais ses blagues. Je pense que les meilleures sont celles où l'on reconnaît la blague simplement à partir de la façon dont elle se termine: « Savez-vous qui je suis? Je suis celui qui donne le beurre. » C'étaient de bonnes blagues. Il avait un grand sens du comique.
Une chose qui caractérisait le grand sens de l'humour de Brian Mulroney, c'est qu'il ne faisait jamais rire aux dépens de qui que ce soit. Ses blagues n'étaient jamais cruelles. S'il faisait rire aux dépens de quelqu'un, c'était en maniant l'autodérision à ses propres dépens. À un moment donné, en 2005, il a manqué le premier dîner de gala à l'occasion de la remise du prix du premier ministre le plus écologiste, qui lui était décerné. Plus tard, il a raconté qu'il était à l'hôpital et qu'un homme âgé, qui avait l'air assez mal en point, l'a regardé et lui a demandé: « Étiez-vous Brian Mulroney? » Il savait faire rire, même dans les moments les plus sombres.
Je ne dirai jamais assez à quel point je suis reconnaissante et honorée. Il n'y a pas moyen d'expliquer la générosité et la gentillesse de son cœur. Quand le personnel de mon bureau m'a dit, alors que je traversais des moments difficiles, que l'ancien premier ministre Brian Mulroney voulait me parler au téléphone, je n'y ai pas cru. Je pensais qu'ils plaisantaient. J'aimerais dire à tout le monde ce qu'il m'a dit parce que c'était extrêmement drôle, mais je ne peux vraiment pas me permettre de le répéter.
Cher Brian Mulroney, cette enceinte se trouve bien loin des portes du paradis. D'aucuns diraient même qu'elle rappelle plutôt l'enfer, mais je sais où quelqu'un qui a bien mérité son dernier repos aura trouvé un accueil chaleureux, des bras ouverts et des chœurs angéliques. Que Dieu le bénisse, ainsi que sa famille, ses enfants, ses petits-enfants et tous les gens qui l'aimaient. Il a eu une vie bien remplie et il a aimé son pays. Continuons de nous inspirer de cet exemple d'un Canadien bienveillant, généreux, brillant et au grand cœur.