Monsieur le Président, aux dernières élections, la population a indiqué clairement qu'elle voulait qu'un gouvernement minoritaire soit au pouvoir, comme cela avait été le cas entre 2019 et 2021. On voulait mettre ce gouvernement sous surveillance; c'est le message qu'on lui envoyait. C'était la volonté de l'électorat canadien et québécois. Malheureusement, on n'a pas vécu cela ici. On a fait un pied de nez à la volonté des Québécois et des Canadiens et on a décidé de laisser de côté le fait qu'on était minoritaire et de former une majorité avec un autre parti. C'est là qu'a eu lieu le mariage entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique.
Ce mariage coûte très cher, tant sur le plan financier que sur le plan démocratique. Quand les gens se marient, la plupart du temps, le marié et la mariée paient la noce. Parfois, ce sont les parents qui paient. Cela dépend de la culture de chacun. Or on s'attend à ce que les mariés paient la noce. Toutefois, ici ce n'est pas ce qui se passe: ce sont les Canadiens et les Québécois qui paient la noce, qui paient les dépenses abondantes. C'est ce qu'on vit actuellement. On rajoute de l'argent dans le bilan de nos deux tourtereaux. À un moment donné, il faut se justifier, et les libéraux disent qu'ils doivent avoir le NPD avec eux, que c'est important. Tantôt, le leader du gouvernement disait qu'il y avait de l'obstruction, que c'était le chaos. Il ne faut pas être fait fort pour dire que nous vivons ici un chaos.
Je suis leader de l'opposition à la Chambre depuis un peu plus de quatre ans. Je peux dire que j'ai vu toutes sortes de choses, mais je n'ai pas vraiment vu de chaos. Je m'inquiète pour le leader du gouvernement. Il n'est pas fait fort. Je ne sais pas s'il a vu The Walking Dead, mais, si oui, il a sûrement fait une crise cardiaque quand il a vu cela.
En plus, il dit que c'est le chaos parce que les conservateurs et les bloquistes posent trop de questions. Bien sûr, les néo-démocrates ne font pas cela. Les conservateurs et les bloquistes prennent trop de temps à la Chambre pour débattre de questions.
Si nous passions 50 jours à débattre d'un projet de loi, je serais peut-être d'accord. Or, les représentants du gouvernement sont parfois venus me voir pour me dire qu'il fallait un bâillon puisqu'ils étaient épuisés et que nous débattions d'un projet de loi depuis trop longtemps. Je leur répondais que cela faisait cinq heures que nous débattions de ce projet de loi. Ils me disaient qu'ils n'en pouvaient plus. Voyons donc.
Les projets de loi dont nous débattions n'étaient pas de petits projets de loi. Il s'agissait de gros projets de loi, des mises à jour économiques entre autres, et on fermait les livres très rapidement. On faisait cela parce que les libéraux venaient me voir et savaient bien qu'il n'y avait aucune chance que je me range de leur côté. Toutefois, ils savaient que les néo-démocrates allaient manger au même râtelier. Ils savaient que le NPD serait là. Ainsi, il arrive souvent que, au bout de trois, quatre ou cinq heures de débat, on ferme les livres. Est-ce que c'est bon pour la démocratie? Est-ce que c'est bon pour les députés qui sont ici? Notre seule arme pour défendre notre monde, nos citoyens, c'est le temps. C'est le temps que nous prenons à expliquer notre position, à proposer des changements, des solutions, des amendements, à réfléchir tous ensemble à de meilleures avenues pour améliorer le sort de notre communauté. Voilà ce qu'on brime constamment ici, au Parlement.
Depuis 2021 seulement, 14 motions de clôture ont été appuyées par le NPD, de même que 8 super bâillons. De plus, il y a eu 23 motions d'attribution de temps appuyées par le NPD. Jamais, dans l'histoire du Canada, un député de l'opposition ne s'est autant bâillonné que cela. C'est comme si on n'avait rien d'intéressant à dire et qu'on a décidé de se bâillonner. Voilà ce à quoi cela ressemble.
On parle aujourd'hui de la motion M‑35, qui vise à prolonger les heures de séance. Habituellement, on fonctionne par consensus. Quand on change les règles parlementaires, on fonctionne par consensus. Il faut que les quatre partis disent que cela a du bon sens pour telle raison. Cependant, ce n'est pas ce qu'on fait ici. On change constamment les règlements, les règles parlementaires, avec une majorité.
Tantôt, le leader du gouvernement s'en est même vanté. Il a dit que les libéraux l'avaient fait trois fois en deux ans et il s'en est vanté. Je veux revenir sur quelque chose qui est épouvantable. Les deux partis ont fait quelque chose d'effrayant quand ils ont décidé des règles du Parlement hybride. C'était du jamais vu. Ils ont changé les règles parlementaires de cette façon en sachant qu'il y avait des partis qui n'étaient pas d'accord. Ce n'est pas parce que nous étions des freaks. Nous, les bloquistes, n'avons pas dit que cela n'avait pas de bon sens. Non, nous n'avons même pas été consultés.
Ils sont arrivés et ont dit qu'à partir de maintenant, le Parlement hybride, c'est ça.
Le leader à la Chambre de l'opposition officielle a mentionné tantôt avec justesse que si on change les règles de cette façon, cela veut dire que n'importe quel gouvernement majoritaire va pouvoir changer les règles de ce Parlement.
Je ne sais pas si mes collègues ont lu les sondages. Moi, je les ai lus. Il y a de petites chances que le Parti conservateur soit élu; il y a de petites chances qu'il soit majoritaire. Admettons qu'il devienne majoritaire. Ça veut dire que les conservateurs vont pouvoir dire qu'à partir de maintenant, les règles sont les suivantes, et ainsi de suite. Les députés du NPD vont alors se lever et dire que ça n'a pas de bon sens. Or, c'est ce qu'ils ont fait en 2022. Les libéraux vont aussi se lever et dire que ça n'a pas de bon sens. Or, ils l'ont fait avec le NPD. Le seul parti qui pourrait se lever à la Chambre et être crédible en disant aux conservateurs que ce qu'ils font n'a pas de bon sens, c'est notre parti, le Bloc québécois.
On a donc un problème de fonctionnement parce qu'on s'est créé une fausse majorité. C'est ce qui est encore une fois devant nous, c'est-à-dire des changements dans la façon de procéder qui enlèvent du temps de parole aux partis de l'opposition et qui va « bulldozer » les discussions, parce qu'on va réduire les façons dont l'opposition pourra prendre la parole et défendre sa position. Ça, c'est inadmissible.
On veut changer les règles, mais je pense qu'on a ici l'exemple parfait d'un gouvernement qui n'est pas capable de respecter le Parlement. On dirait qu'il n'aime pas discuter de ses projets de loi. C'est sûr que ceux-ci ne sont pas tout le temps bons, mais la discussion fait qu'on peut les améliorer.
Le but du Bloc québécois, c'est toujours ça. Notre objectif est d'être une opposition constructive et de dire que nous pensons toujours au Québec et uniquement au Québec. Souvent, le Canada pense pas mal la même affaire que ce que pense le Québec, ça fait donc plaisir à tout le monde. À l'inverse, il arrive que nous soyons en désaccord sur un projet de loi pour telle ou telle raison et nous travaillons à le modifier, en toute bonne foi. Or, les outils dont nous disposons pour convaincre le gouvernement, c'est le temps et le parlementarisme. Si on abîme l'outil que nous avons entre les mains, on vient diminuer le pouvoir de la démocratie en ce Parlement. C'est un peu bizarre que le Parlement aille abîmer le pouvoir démocratique en son lieu.
Au sujet du NPD, je vais le dire, j'ai toujours un malaise. Quand les néo-démocrates se lèvent à la Chambre après la période des questions orales, ils font les gros yeux. Ils parlent d'ArriveCAN et disent que c'est épouvantable. Ils sont là et déchirent le linge qu'ils ont sur le corps. Ce n'est pas beau à voir. Après, ils disent que c'est un gouvernement axé sur la production pétrolière et que c'est le pire gouvernement de l'histoire dans la production pétrolière canadienne. Eux se disent environnementalistes et ainsi de suite. Quand il y a les scandales libéraux et quand le premier ministre se fait prendre la main dans le sac, là, ils se lèvent et sont déchaînés. Cependant, quand les lumières s'éteignent, ce qu'on voit, c'est que le Parti libéral se fait toujours appuyer par le NPD. Moi, si j'étais membre du NPD, honnêtement, je me sentirais vraiment mal dans cette position.
Le Bloc québécois va donc voter contre la motion. Nous allons tout simplement faire ce qu'il faut pour défendre les intérêts des Québécois, avec une entrave quand même relative à notre droit de parole.