Monsieur le Président, je vous informe que je partagerai mon temps de parole avec la députée de Lambton—Kent—Middlesex.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C‑62. Il s'agit d'un projet de loi qui propose de prolonger de trois ans, soit jusqu'au 17 mars 2027, l'exclusion temporaire de la maladie mentale comme condition d'admissibilité à l'aide médicale à mourir.
Je parlerai aujourd'hui de l'importance d'un délai avant de lever cette exclusion, ce qui donnera plus de temps aux provinces, aux territoires et à leurs partenaires en matière de soins de santé afin de mieux se préparer pour cette étape critique de l'évolution de l'aide médicale à mourir, que nous appelons AMM au Canada.
Actuellement, le cadre juridique de l'aide médicale à mourir est établi dans le Code criminel fédéral, mais ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables de la prestation des soins de santé, dont la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour soutenir une mise en œuvre sûre pour l'aide médicale à mourir avant même que la loi initiale autorisant l'aide médicale à mourir ne soit décrétée dans le Code criminel en 2016. Ces relations importantes sont fondées sur l'objectif mutuel de garantir des soins de santé de qualité à la population du Canada.
Le Groupe d'experts sur l'AMM et la maladie mentale ainsi que le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir ont tous deux souligné l'importance d'avoir des normes de pratique claires et une mise en œuvre uniforme des lignes directrices à l'échelle du pays; de former des médecins et des infirmières praticiennes; de l'examen des cas, de la vigilance à l'appui des pratiques exemplaires et de la confiance dans l'application appropriée de la loi.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux et leurs intervenants, comme les organisations de professionnels de la santé, les organismes de réglementation et les praticiens, planifient activement l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la seule condition médicale est une maladie mentale.
Comme cela a été reconnu dans tous les domaines, des progrès considérables ont été réalisés à cet égard. Cependant, les provinces et les territoires sont confrontés à des défis différents au sein de leurs compétences, en plus de se trouver à divers stades de la mise en œuvre de ces éléments clés et, par conséquent, dans leur préparation à la levée de l'exclusion.
Par exemple, un groupe de travail indépendant composé d'experts cliniques, réglementaires et juridiques a mis en place un modèle de norme de pratique que les organismes de réglementation des médecins et des infirmières peuvent adopter ou adapter dans le cadre l'élaboration ou de la révision continue des normes de l'aide médicale à mourir. Mis à part le modèle de norme, le groupe de travail a également publié un document d'accompagnement intitulé « Conseils à la profession ».
Les normes de pratique sont élaborées et adoptées par des organismes chargés de veiller à la réglementation et à ce que des groupes précis de professionnels de la santé opèrent dans le respect des normes les plus élevées en matière de pratique clinique et d'éthique médicale. Alors que certains organismes de réglementation provinciaux et territoriaux ont réussi à inclure des normes de pratiques sur l'aide médicale à mourir dans leurs documents d'orientation à l'intention des cliniciens, d'autres sont toujours en train d'examiner et de mettre à jour leurs normes existantes.
Pour soutenir la mise en œuvre sécuritaire du cadre de l'aide médicale à mourir, Santé Canada a soutenu l'élaboration d'un programme d'études bilingue sur l'aide médicale à mourir accrédité à l'échelle nationale afin de soutenir une approche pancanadienne normalisée des soins. L'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, connue sous le nom d'ACEPA, a créé un programme de formation qui a été reconnu et accrédité par les organismes professionnels appropriés.
Le programme d'études sur l'aide médicale à mourir utilise une série de formation pour conseiller et soutenir les cliniciens dans l'évaluation des personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, y compris celles qui souffrent de maladies mentales, de maladies chroniques complexes ou qui sont touchées par une quelconque vulnérabilité.
Ainsi, pour aider à l'application pratique du cadre législatif de l'aide médicale à mourir, le programme d'études contribuera à une approche sûre et cohérente des soins dans l'ensemble du Canada. Cela garantira l'accès à une formation sur l'aide médicale à mourir de haute qualité pour les professionnels de la santé.
Jusqu'à présent, plus de 1 100 cliniciens se sont inscrits à la formation, ce qui est impressionnant étant donné que le programme n'a été lancé qu'en août 2023. Toutefois, il ne s'agit que d'une partie de la main-d'œuvre. Le fait d'avoir plus de temps permettra à davantage de médecins et d'infirmières praticiennes de s'inscrire et de participer à la formation pour assimiler les apprentissages et les mettre en pratique sur le plan professionnel.
Parlons un peu de l'examen et de l'étude de cas de l'aide médicale à mourir. Au Canada, nous disposons d'un processus d'autorégulation au sein des professions médicales et infirmières. Les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux susmentionnés ont pour mission de protéger le public relativement à tous soins de santé, et l'aide médicale à mourir ne fait pas exception à la règle.
Outre la présence d'organismes de réglementation des professionnels de la santé, plusieurs provinces ont mis en place des mécanismes formels de contrôle spécifiques à l'aide médicale à mourir. Par exemple, en Ontario, le coroner en chef examine chaque disposition de l'aide médicale à mourir, comme le fait la Commission sur les soins de fin de vie au Québec. Ces deux organismes ont des politiques strictes concernant le moment et le type de renseignements qui doivent être communiqués par les cliniciens et la Commission du Québec, qui publient des rapports annuels.
Bien que les provinces dotées de processus officiels de surveillance de l'aide médicale à mourir représentent plus de 90 % de toutes les dispositions relatives à l'aide médicale à mourir au Canada, d'autres provinces n'ont pas de processus officiel d'assurance de la qualité et de surveillance de l'aide médicale à mourir pour compléter les processus de surveillance existants fondés sur les plaintes mis en place par les organismes de réglementation professionnels. Des travaux sont prévus pour explorer les modèles d'examen des cas de surveillance et les pratiques exemplaires par l'entremise d'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial, en vue de soutenir la cohérence entre les administrations.
L'ensemble des provinces et des territoires ont été unis dans leur demande de reporter la levée de l'exclusion afin d'avoir plus de temps pour préparer leurs cliniciens et leurs systèmes de santé qui gèrent aussi les demandes en lien avec la maladie mentale, dont la condition mérite aussi la mise en place des mesures de soutien nécessaires. Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent s'assurer non seulement que les praticiens sont formés pour fournir l'aide médicale à mourir en toute sécurité, mais aussi que les soutiens nécessaires sont accessibles aux cliniciens et à leurs patients tout au long du processus d'évaluation.
Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir et le groupe d'experts ont tous deux souligné l'importance de l'engagement interdisciplinaire et de la connaissance des ressources et des traitements disponibles. Les spécialistes et les praticiens ont également exprimé la nécessité de mettre en place des mécanismes de soutien pour les fournisseurs qui effectuent des évaluations et les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, peu importe leur admissibilité.
Bien que certaines administrations aient des services de coordination solides pour gérer les demandes et fournir des services auxiliaires, d'autres administrations adoptent une approche décentralisée, ce qui peut entraîner une diminution de la coordination entre les services et les disciplines. La disponibilité des services de soutien nécessaires pour les praticiens et les patients varie également selon la région. Par exemple, nous avons entendu parler des difficultés d'accès aux services de santé en général dans les zones rurales et isolées du pays. Ce délai supplémentaire permettra de mieux soutenir les patients et les cliniciens impliqués dans l'aide médicale à mourir.
Ce gouvernement s'est engagé à soutenir et à protéger les Canadiennes et les Canadiens atteints d'une maladie mentale qui peuvent être vulnérables tout en respectant l'autonomie et les choix personnels.
Nous pensons que la prolongation de trois ans proposée dans le projet de loi C‑62 donnera le temps nécessaire pour travailler sur ces éléments importants en vue d'une application sûre et sécuritaire.