Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Lac-Saint-Louis.
Je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-62, surtout après avoir écouté une partie du débat ce matin à la Chambre pendant lequel j'ai relevé certains propos.
Par exemple, le député d’Abbotsford, tout au long de son intervention d’aujourd’hui, n’a cessé de parler des personnes souffrant de « maladie mentale », je crois. Un peu plus tard dans la journée, le député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes, lui, n’a cessé de désigner ces personnes en les appelant des « toxicomanes ».
En tant que représentants élus à la Chambre, nous sommes des chefs file. Nos paroles ont du poids et nous ne devrions pas aggraver la stigmatisation des personnes qui souffrent de troubles mentaux. J’invite mes collègues d’en face à faire attention au vocabulaire qu’ils emploient et à ne pas marginaliser davantage des personnes qui sont déjà en souffrance.
Je reviens au projet de loi C-62. Comme l’ont souligné les ministres de la Santé et de la Justice, le gouvernement estime qu’une prolongation de trois ans est nécessaire pour donner aux cliniciens, ainsi qu’aux provinces et aux territoires, le temps de se préparer à ce changement.
Je pense aussi qu’il faut prolonger de trois ans la période d’inadmissibilité à l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué. Même si des progrès importants ont été réalisés, il faut plus de temps pour garantir une évaluation fiable et une prestation sûre de l'aide médicale à mourir dans ces situations. Des psychiatres de ma circonscription d'Hamilton Mountain, m’ont dit la même chose. Ils ont besoin de plus de temps pour préparer le système de santé.
Mon intervention d’aujourd’hui portera sur les progrès réalisés dans la préparation du système de santé et sur ce qu’il reste à faire.
En 2021, comme l’exigeait l’ancien projet de loi C-7, un groupe d’experts a examiné la question de l’autorisation de l'aide médicale à mourir lorsque le seul problème médical invoqué est une maladie mentale. Ces experts ont conclu que le cadre juridique actuel des critères d’admissibilité et des mesures de sauvegarde était suffisant, à condition que les évaluateurs de l'aide médicale à mourir appliquent correctement le cadre existant, en suivant les directives, grâce à l’élaboration de normes de pratique pour l'aide médicale à mourir et à une formation spécialisée.
Notre gouvernement a saisi l’importance des conclusions de ce groupe d’experts. À cette fin, nous avons travaillé en collaboration avec les provinces et les territoires, et d’autres partenaires du secteur de la santé pour mettre en œuvre des normes uniformes dans l’ensemble du pays et apporter le soutien nécessaire à une main-d’œuvre hautement qualifiée pour mener ces évaluations complexes.
Par exemple, nous avons appuyé l’élaboration d’une norme de pratique modèle pour l’aide médicale à mourir par des personnes ayant une expertise clinique, réglementaire et juridique. Un modèle de norme de pratique pour l’aide médicale à mourir a été publié en mars 2023 et a été adopté, ou est en voie de l’être, par la plupart des organismes de réglementation du pays comme base d’évaluation pour la prise de décisions cliniques. La norme fournit également des directives aux cliniciens qui évaluent les demandes d’aide médicale à mourir plus complexes.
Nous avons également appuyé l’élaboration du premier programme national d’aide médicale à mourir bilingue pleinement accrédité, qui a été lancé en août 2023. Le programme comprend sept modules de formation portant sur divers sujets liés à l’évaluation et à la prestation de l’aide médicale à mourir, y compris la façon de procéder à une évaluation de demande d’aide médicale à mourir, la façon d’évaluer la capacité et la vulnérabilité, comment gérer les situations chroniques complexes et comment évaluer les demandes concernant une maladie mentale. Plus de 1 100 cliniciens se sont inscrits au programme depuis août de l’an dernier.
Ces progrès sont le fruit du leadership et de la collaboration entre les partenaires du système de santé, y compris les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les associations de professionnels de la santé, les organismes de réglementation, les cliniciens et des organisations comme l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir. Cette collaboration et ces progrès continueront d’améliorer les approches en matière de sécurité et de qualité dans l’évaluation des demandes et la prestation de l’aide médicale à mourir.
Pour ce qui est de l’avenir, j’aimerais parler brièvement du Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir, qui énonce les exigences redditionnelles relatives aux demandes d’aide médicale à mourir. Ce règlement est entré en vigueur en novembre 2018, mais il a récemment été révisé afin de faciliter la collecte de données améliorées et la production de rapports sur l’aide médicale à mourir. Plus particulièrement, il permet maintenant la collecte de données fondées sur la race, l’identité autochtone et la présence autodéclarée d’un handicap, lorsqu’une personne consent à fournir ces renseignements.
Le règlement révisé est entré en vigueur le 1er janvier 2023, et les renseignements sur les activités liées à l’aide médicale à mourir en 2023 seront publiés dans le rapport annuel sur l’aide médicale à mourir de Santé Canada cette année, en 2024. Ces renseignements nous permettront de mieux comprendre qui demande et reçoit l’aide médicale à mourir, y compris ceux de la deuxième voie, dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Malgré tout ce travail, nous avons entendu dire que les provinces et les territoires sont à divers stades de préparation pour la levée de l’exclusion de l’admissibilité et qu’ils ont besoin de plus de temps pour préparer leur système de soins de santé.
Je sais que les souffrances causées par une maladie mentale peuvent être tout aussi graves que celles causées par une maladie physique, mais je crois fermement que ce report est nécessaire pour veiller à ce que l’aide médicale à mourir puisse être évaluée et fournie en toute sûreté aux personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Ce report ne remet pas en question la capacité des personnes ayant une maladie mentale de prendre des décisions en matière de soins de santé. Il s’agit de donner au système de soins de santé plus de temps pour adopter ou mettre en œuvre certaines de ces ressources clés afin que les praticiens qui administrent l’aide médicale à mourir soient bien équipés pour évaluer ces demandes complexes et que les provinces et les territoires disposent des mécanismes nécessaires pour leur offrir du soutien.
Par exemple, le groupe d'experts que j'ai mentionné plus tôt et le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir ont tous deux fait valoir qu’il est important de procéder à un examen des cas et d’assurer une surveillance de l’administration de l’aide médicale à mourir, à la fois pour informer les praticiens, favoriser la reddition de comptes et susciter la confiance de la population à l'égard de la loi. Alors que dans la majorité des cas, plus précisément 90 % des cas, l'aide médicale à mourir est administrée dans des provinces dotées de processus de surveillance officiels, d'autres provinces n'ont pas mis en place de tels processus et dépendent de ceux déjà établis par les organismes de réglementation professionnelle.
Il est prévu de confier une étude des meilleures pratiques à un groupe de travail fédéral-provincial-territorial afin de favoriser la mise en place de mécanismes plus cohérents et plus solides dans l'ensemble du pays.
Le groupe d'experts et le comité mixte spécial ont également estimé que la participation des partenaires autochtones est une priorité. Le gouvernement du Canada a donc lancé une consultation de deux ans sur l’aide médicale à mourir auprès des Premières nations, des Inuits et des Métis, y compris des Autochtones vivant en milieu urbain, des Autochtones vivant hors réserve avec ou sans statut, des Autochtones vivant avec un handicap et des Autochtones bispirituels, LGBTQIA+ et de diverses identités de genre.
La prolongation proposée dans le projet de loi C-62 donnerait le temps nécessaire pour mener ces discussions avec les partenaires autochtones. Il s'agit d'un processus essentiel qui permettra de recueillir l’information appropriée pour élaborer les documents de mise en œuvre, d’information et de formation destinés aux praticiens, et qui tient compte des particularités culturelles de ces populations dans l’application de l’aide médicale à mourir.
Santé Canada présentera sa première mise à jour officielle au Parlement sur ce travail en mars 2024, soit le mois prochain.
En conclusion, le gouvernement du Canada reste déterminé à faire en sorte que les lois soient adaptées aux besoins des Canadiens, protègent les personnes vulnérables et soutiennent l'autonomie et la liberté de choix. Nous avons réalisé des progrès importants dans l'étude de l'administration de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale, ainsi que dans l’élaboration et la diffusion de ressources clés, mais nous ne sommes pas encore prêts. Nous devons agir avec prudence et ne pas procéder à ce changement à la hâte sans avoir mis en place les ressources nécessaires.
Cette décision n'est pas facile à prendre, mais je tiens à assurer la Chambre que nous continuerons à travailler en collaboration avec nos partenaires pour améliorer la santé mentale des Canadiens.
Je remercie tous les députés de m'avoir donné l'occasion de participer aujourd'hui au débat sur cet important projet de loi.