Monsieur le Président, sauf erreur, vous êtes parmi ceux qui se sont levés deux fois, mais restons-en là pour le moment.
Je veux revenir sur la gravité du cas dont nous discutons et sur le très important projet de loi d'initiative parlementaire que je présente à cette auguste assemblée ce soir.
Comme j'étais en train de le dire, deux semaines avant que Kevin ne tue Michelle en l'étranglant, il l'avait attendue à l'intérieur de sa maison de Regina, dans le noir, jusqu'à son arrivée, plus tard ce soir-là. Il l'avait ensuite violée et agressée, puis il avait menacé de la tuer si elle communiquait avec la police. En dépit de cette menace, Michelle a pris la décision courageuse de communiquer avec la police, afin que des accusations soient portées contre cet individu, suite à ces crimes terribles.
Malheureusement, après avoir passé une nuit en prison, Kevin a été libéré, après s'être engagé à ne pas communiquer avec Michelle, à ne pas troubler l'ordre public et à avoir une bonne conduite. Cet engagement a été conclu en vertu d'une entente entre l'avocat de la Couronne et l'avocat de la défense qui représentait Kevin. Le juge qui a pris la décision de faire libérer Kevin n'avait pas entendu les faits liés à cette affaire. Je pense que, si tous les renseignements pertinents avaient été présentés au juge ce jour-là, Kevin n'aurait pas été libéré sous caution, et cette affaire aurait connu un dénouement très différent.
Étant donné que Kevin avait été remis en liberté, Michelle a tenté de prendre des mesures afin de se protéger contre lui. Elle a coupé les haies à l'extérieur de sa maison, et elle a fait installer un éclairage et des serrures supplémentaires. Mais ce n'était pas suffisant.
Un article du Leader-Post de Regina, qui se fonde sur les transcriptions du procès, décrit en détail ce qui s'est passé le 4 novembre 2003. L'article dit:
Michelle a quitté le bureau peu après 16 h 30, le 4 novembre 2003, et elle a fait le trajet de 20 minutes en auto pour se rendre à la maison de Kevin, après que celui-ci eut refusé la demande de Michelle — transmise par son fils aîné — de ramener les plus jeunes enfants à sa maison.
L'article poursuit en disant:
« Vous vous êtes servi des enfants pour l'attirer, n'est-ce-pas? » a dit l'avocat Al Johnston à Kevin, lorsqu'il le contre-interrogeait au cours du procès. « Non », a répliqué l'accusé.
Les deux plus jeunes fils du couple, qui étaient alors âgés de cinq et trois ans, étaient dans une chambre, lorsque Michelle est arrivée. Après avoir passé quelques minutes à interroger Michelle sur son ami de coeur, Kevin l'a prise par le cou et l'a serrée durant au moins deux minutes, jusqu'à ce qu'elle soit morte.
Il a ensuite emmené leurs enfants chez un voisin, puis il est revenu près du corps de Michelle et lui a lavé le visage avant d'appeler la police. Il était maintenant 17 h 18. Cela faisait moins d'une heure que Michelle avait quitté [le confort de] son bureau.
Kevin Lenius a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré, et il s'est vu imposer une peine d'emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 12 ans.
Ce sont là les circonstances tragiques qui m'ont poussé à présenter ce projet de loi d'initiative parlementaire, que j'appellerai la loi de Michelle. L'adoption de ce projet de loi donnerait à nos procureurs, qui travaillent très fort, un autre outil pour les aider à faire leur très difficile travail.
Le projet de loi vise les prévenus accusés de sévices graves à la personne, aux termes du Code criminel. Je propose que, dans de tels cas, avant qu'un juge ne se prononce sur la remise en liberté de l'individu, le procureur de la Couronne présente au juge les éléments de preuve pertinents dont dispose la poursuite concernant la mise en liberté de l’inculpé. Ce serait dans le nouveau paragraphe 515(10.1) qui serait ajouté au Code criminel.
J'espère que les députés adopteront le projet de loi. Celui-ci ajouterait une mesure de contrôle supplémentaire dans notre système de justice pénale pour aider les victimes et les victimes potentielles de crimes de violence graves.
La loi de Michelle ne s'appliquerait que dans un très petit nombre de cas. Pour qu'elle s'applique, l'inculpé devrait être accusé de sévices graves à la personne tel que définis à l'article 752 du Code criminel. Afin de calmer les craintes que le projet de loi mette trop de pression sur notre système de justice pénale, j'ai bien pris soin de ne pas proposer que la disposition s'applique dans tous les cas où l'inculpé demande une mise en liberté sous caution.
Selon cet article du Code criminel, un sévice grave à la personne doit être une infraction d'une certaine gravité punissable par mise en accusation. Il s'agit, par exemple, de tentatives de meurtre, d'homicides involontaires, de négligence criminelle, du déchargement d'une arme à feu, de voies de fait graves, d'agressions armées ou causant des sévices corporels, d'agressions sexuelles, d'agressions sexuelles armées ou d'agressions sexuelles graves.
Le caractère odieux de tels crimes mérite que les victimes soit bien protégées. Je tiens à insister sur le fait que j'appuie fermement nos procureurs de la Couronne et que je reconnais le travail important et souvent méconnu qu'ils font chaque jour pour assurer notre sécurité. La loi de Michelle n'est en aucun cas une critique de leur travail. Je tente plutôt de leur donner un autre outil pour les aider à faire leur travail difficile étant donné leur horaire chargé et les innombrables affaires criminelles qui leur sont confiées.
Beaucoup de députés sont peut-être au courant d'un autre cas survenu récemment et qui, selon moi, aurait pu être évité si le type de disposition législative que je propose avait été en place.
En septembre 2007, à Oak Bay, en Colombie-Britannique, juste à côté de Victoria, Peter Lee a assassiné sa femme, son fils de six ans et les parents de sa femme avant de se suicider. Ce crime horrible a beaucoup retenu l'attention des médias nationaux en raison de sa brutalité troublante et de son contraste avec la beauté d'Oak Bay, où il s'est produit.
Il y a une similitude frappante entre ce cas et celui de Michelle. Environ un mois avant que Peter Lee tue toute sa famille, il avait été accusé de voies de fait graves causant des lésions corporelles contre sa femme ainsi que de deux chefs de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. Selon les policiers, Lee avait tenté de blesser sa femme et fait en sorte que son véhicule percute un poteau, causant une fracture du bras à sa femme.
Selon les reportages des médias, les policiers de Victoria avaient prévenu l’avocat de la Couronne que Lee ne devait pas être mis en liberté sous caution. Ils craignaient qu’il ne soit un risque pour sa famille. Malheureusement, l’avocat de la Couronne a consenti à la libération de Lee. Cette décision a été signée par un juge de paix. Lee devait respecter certaines conditions. Il lui était interdit de communiquer avec sa femme, de se rendre au domicile familial, d'aller à leur restaurant ou de posséder une arme. Encore une fois, ce n’était pas suffisant pour éviter une horrible tragédie.
Toujours d’après les reportages des médias, le procureur général de la Colombie-Britannique, Wally Oppal, a déclaré que les avocats de la Couronne ne possédaient peut-être pas tous les faits quand ils ont convenu de libérer Lee.
Peu après les meurtres et le suicide, le gouvernement provincial a annoncé la tenue d’une enquête du coroner sur cette affaire. L’enquête du coroner aura lieu à Victoria plus tard ce mois-ci. Les conclusions de cette enquête aboutiront à des recommandations visant à prévenir la répétition d’une telle situation.
Depuis que j’ai présenté ce projet de loi d’initiative parlementaire, j’en ai discuté avec un avocat de la Couronne très respecté. À son avis, une solution plus efficace au problème qui s’est posé dans ces deux cas résiderait dans l’inversion du fardeau de la preuve dans le cas d’un individu accusé de sévices graves à la personne. Il reviendrait alors à l’accusé de convaincre le juge qu’il devrait être libéré jusqu’au jour de sa prochaine comparution.
À l’heure actuelle, en cas d’infraction constituant des sévices graves à la personne, et même en cas de meurtre, bon nombre des contrevenants sont libérés en attendant leur procès, même quand il y a une audience sur la libération sous caution. Le problème pourrait donc avoir sa source dans ce système de mise en liberté provisoire par voie judiciaire.
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la réforme du cautionnement dans les années 1970, dans presque tous les cas de sévices graves à la personne, le fardeau de la preuve aux audiences sur la libération sous caution revient à la Couronne. Le résultat est que des criminels violents sont libérés, mettant en danger nos citoyens. Je crois comprendre d’ailleurs que, dans bien des cas, les avocats de la Couronne ne demande pas d’audience sur la libération sous caution, concluant à l’avance que l’accusé sera libéré.
Il est clair que cette situation doit être corrigée. Les besoins et les droits des victimes ne sont pas protégés en vertu de notre système actuel. En tant que parlementaires, nous devons modifier cette loi pour protéger les victimes possibles de crimes violents et odieux.
La loi de Michelle amorce le processus. Je demande à tous mes collègues parlementaires d'appuyer ce projet de loi, pour qu'il soit renvoyé au Comité de la justice où des députés de tous les partis pourront étudier la possibilité de l'amender pour y ajouter une clause qui inverse la charge de la preuve dans les cas d’« infraction constituant des sévices graves à la personne ». Ce type d'amendement donnerait à ce projet de loi l'efficacité nécessaire pour que nous puissions véritablement améliorer notre système de justice pénale.
L'amendement particulier que je présenterais au Comité de la justice consisterait à modifier le Code criminel en ajoutant la courte disposition suivante à l'article sur l'inversion de la charge de la preuve, sous-alinéa 515(6)a)(v). J'ajouterais « (vi) avec sévices graves à la personne, selon la définition de l'article 752 ». La définition de « sévices graves à la personne » qui est donnée dans cet article est la même que celle précédemment incluse dans mon projet de loi d'initiative parlementaire.
À la Chambre, nous devons prendre des mesures fermes pour rendre nos collectivités plus sûres. Dans notre pays, parmi les affaires d'homicides résolues, la moitié des femmes tuées l'ont été par une personne dont elles étaient proches.
En outre, dans un article du Leader-Post de Regina de décembre 2006, la psychologue de Saskatoon, Deb Farden, a déclaré:
Des études montrent que c'est au moment où une femme met fin à une relation qu'elle peut être le plus en danger — le moment où les intervenants de tous les systèmes doivent exercer la plus grande vigilance.
Nous devons aider les femmes qui font ces choix difficiles pour quitter une relation de violence ou une relation dysfonctionnelle. Je pense que la loi de Michelle peut fournir une aide réelle à ces personnes vulnérables.
Je demande respectueusement à chaque député d'appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour qu'il soit renvoyé au comité, là où il pourra être amendé et peaufiné. Je propose la loi de Michelle pour éviter aux victimes de crime violent de souffrir aux mains de délinquants qui sont libérés sous caution sans que le juge ne voie les éléments de preuve pertinents dont dispose la poursuite.
Je remercie tous les députés de prendre en considération la mesure que je propose.