Madame la Présidente, c'est pour moi un plaisir de commenter le projet de loi C-63 présentement débattu, la Loi modifiant la Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu.
En fait, c'est un projet de loi très technique qui tient à peine sur une page, mais qui a son importance. Toute loi modifiant notre système électoral, qui est la base de notre démocratie, doit être prise au sérieux. C'est le cas même s'il s'agit d'une modification de temporisation qui, par définition, accorde un certain délai avant d'aborder un projet de loi qui constituera une réforme plus en profondeur et plus globale de la Loi électorale elle-même.
Si l'on se souvient de l'historique de ce projet de loi, l'on se souviendra qu'il reprend un autre projet de loi de temporisation de deux ans, lequel faisait suite à une décision de la Cour suprême, soit l'arrêt dans la cause Figueroa. La Cour suprême avait jugé discriminatoire le fait d'imposer un nombre minimum de candidats que devait présenter un parti politique pour être enregistré à ce titre. Auparavant, la loi fixait ce nombre à 50. Or, la Cour suprême avait jugé cette mesure discriminatoire. En attendant une réforme en profondeur qui donnerait lieu à une loi plus intégrée et plus réfléchie, la Chambre a adopté un projet de loi qui a reçu la sanction royale en mai 2004, si je ne m'abuse, juste à temps pour les élections de juin 2004. Ce projet de loi permettait de combler le vide juridique qu'avait créé la décision de la Cour suprême.
Le projet de loi permet à un parti politique de présenter un seul candidat ou une seule candidate afin d'être enregistré. Bien sûr, d'autres conditions s'imposent, par exemple un nombre minimum de membres qui a été fixé à 250, je crois, et aussi un nombre minimal de dirigeants. Cette mesure vise à éviter qu'une personne se lève un bon matin et se proclame parti politique. Il faut un minimum de règles.
Or, il faut convenir que ces règles constituent le minimum minimorum. Bien sûr, il faut réfléchir à une meilleure façon d'encadrer l'enregistrement des partis politiques au Canada. Par contre, ce n'est pas la prétention de ce projet de loi. En fait, celui-ci vise à prévenir qu'une situation se produise. Le projet de loi précédent devait arriver à échéance deux ans après son adoption, c'est-à-dire en mai 2006, période à laquelle on risque de déclencher à nouveau des élections. Il était donc important de reconduire la disposition, étant donné que le gouvernement n'a pas encore complété ses devoirs et que le rapport du directeur général des élections n'a pas encore été déposé — il le sera à l'automne. Ainsi, il manquait des éléments pour procéder à cette réforme en profondeur.
On préfère reconduire in extenso la première loi, qui prescrit encore un délai de deux ans. Il serait quand même très avisé qu'on ne revienne pas à la charge une nouvelle fois. Sinon, cette Chambre pourrait se couvrir de ridicule en présentant le même projet de loi dans deux ans. Il sera donc important de présenter non pas un projet de loi de temporisation, mais un projet de loi plus général.
Le Bloc québécois ne s'opposera pas à cette modification. Notre stratégie n'a jamais été de faire de l'obstruction démocratique. Il est important que les élections se tiennent dans un cadre légal. Il serait donc irresponsable de s'opposer à ce projet de loi qui permet la tenue des prochaines élections dans un climat juridique serein, clair et limpide. Puisque c'est important, nous ne nous opposerons pas à ce projet de loi.
Cependant, nous devons faire des remarques sur l'ensemble de la Loi électorale, qui se trouve liée au projet de loi en question. On dit que l'enregistrement des partis politiques est lié à un minimum de candidats. Doit-on en fixer un ou non? Qu'est-ce qui serait discriminatoire et qu'est-ce qui ne le serait pas? Bien sûr, s'agissant d'enregistrement et de reconnaissance de partis politiques, il est rapidement question du financement des partis politiques. Comme ces choses sont liées, il importe d'en discuter.
Mes commentaires porteront sur l'historique démocratique du parti au pouvoir en ce qui a trait à la Loi électorale.
Nous espérons que ce ne sera pas le cas lors de la réforme trop attendue — ce qui nous oblige à adopter le projet de loi C-63 maintenant —, parce que la Chambre n'est pas prête. De fait, le gouvernement n'était pas prêt. Ce n'est pas nouveau.
Maintenant, il est vraiment important de s'assurer que, lors de l'étude de cette réforme, l'on aura réglé d'ici ce temps deux problèmes. En effet, il y a un problème. Mon collègue de Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, le whip du Bloc québécois, a présenté le projet de loi C-312 qui est actuellement à l'étude en comité.
Ce projet de loi vise à corriger une aberration démocratique dans le processus électoral canadien. Il s'agit de la nomination par le gouvernement — ni plus ni moins par le parti au pouvoir —, de 308 directrices ou directeurs du scrutin qui sont nommés sur des bases purement partisanes. Cela crée des problèmes énormes. Le directeur général des élections a souvent décrié ce fait. Ces directrices ou directeurs du scrutin nommés pour des périodes de 10 ans n'ont souvent d'autres compétences que celles d'avoir été militants ou actifs au sein du Parti libéral ou d'anciens candidats de ce parti. Cela crée des aberrations en matière de compétences et de partisanerie. C'est une chose qui fait honte à un système électoral digne de ce nom.
Il faut quand même appeler un chat un chat. Un système électoral ayant une telle clause est un système électoral vicié. Cela crée des problèmes. Ce n'est pas moi qui le dis. Le rapport du directeur général des élections, à la suite à la dernière élection, est assez clair à cet égard.
Permettez-moi de le citer. En page 1 de son rapport, le directeur dit :
Je relève une dizaine de problèmes d'insubordination, trois problèmes de conflit d'intérêts, environ 14 problèmes d'incompétence, une dizaine de problèmes d'absence de compétence informatique, ce qui constitue un autre domaine. Le document — j'imagine qu'il fait référence à un document qu'il a déposé — comprend les noms des directeurs du scrutin et des circonscriptions.
Je laisserai les autres parler de la perception politique qu'ils ont quand ils sont candidats d'un parti autre que celui qui forme le gouvernement ou qui a nommé les directeurs du scrutin.
Des voix: Oh, oh!
M. Christian Simard: J'apprécierais que certains parlent moins fort en cette Chambre pour me permettre de me concentrer.
Sur le plan de la partisanerie, ce que l'on a rencontré est assez grave. Dans son excellent discours sur le projet de loi C-312, le whip du Bloc québécois avait aussi mentionné des cas où l'on engage véritablement des libéraux pour travailler de concert avec le directeur du scrutin, lui-même nommé par des libéraux. Il existe des problèmes systématiques d'incompétence et de partisanerie pures. Ce sont des choses inacceptables. Ledit député en a fait une liste assez impressionnante.
D'ailleurs, l'un des phénomènes que relate le directeur général des élections est le fait qu'il lui est impossible, ou à près impossible, de congédier le directeur incompétent qui peut se moquer de lui et faire de l'insubordination. Il a noté de tels cas. Je constate l'intérêt que la députée de Gatineau a pour le sujet. Je suis persuadé que sa directrice ou son directeur du scrutin a été nommé par son parti: cela doit donc être intéressant pour elle.
Par conséquent, ces problèmes fondamentaux doivent être corrigés. En ce qui concerne le parti de la députée de Gatineau et des autres — il n'y a pas beaucoup d'autres représentants de son parti actuellement en Chambre —, il est important de constater qu'il y a encore des aberrations, dont la résolution des jeunes du Parti libéral d'essayer de discriminer le financement politique pour essayer de nuire à un parti politique reconnu, et d'essayer de faire en sorte qu'un électeur du Québec ne vaille pas la même chose qu'un électeur d'ailleurs.
Je fais référence à cette volonté des jeunes du Parti libéral. Malheureusement cette résolution a été adoptée. À mon avis, il est extrêmement inquiétant, d'un point de vue démocratique, qu'un parti au pouvoir essaie de nuire à ses adversaires en tronquant les principes de justice naturelle.
On pourrait difficilement imaginer la Cour suprême ne pas juger discriminatoire une clause stipulant qu'un parti politique qui aurait un certain nombre d'électeurs serait moins financé qu'un autre parti politique qui aurait le même nombre d'électeurs, parce qu'il serait dans une province ou dans une autre, ou qu'il n'aurait pas présenté des candidats dans toutes les circonscriptions.
Si la Cour suprême a jugé que 50 candidats constitue un minimum discriminatoire, on peut imaginer qu'une telle façon de faire constituerait une énorme discrimination. Cela démontre bien qu'un parti politique est capable de mettre dans une loi le fait qu'on nomme 308 directeurs du scrutin partisans, c'est-à-dire nommés par le gouverneur en conseil, alors que cela se passe autrement, non seulement au Québec, mais aussi dans quatre autres provinces, si je ne m'abuse, où le directeur ou la directrice du scrutin est choisi après la parution d'annonces dans les journaux, après une sélection basée sur la compétence et après une garantie d'indépendance de vue et de scrutin.
On veut bien aider et collaborer avec ce gouvernement en adoptant le projet de loi C-63 afin de permettre un délai de deux ans, mais on espère qu'il y aura des réflexions sur des choses fondamentales. Le projet de loi C-312 est rendu à l'étape de l'étude en comité. Il a été reçu favorablement, et son principe a été adopté en cette Chambre. Maintenant, il faut dépasser l'étape du principe et adopter rapidement une mesure qui corrigerait une abomination démocratique, soit celle de nommer des directeurs du scrutin partisans. Beaucoup de gens ne savent pas que les directeurs du scrutin nommés ont un fil à la patte. Ils sont, pour la plupart, d'anciens candidats, d'anciens militants. Il y a des cas d'incompétence, et le directeur général des élections lui-même ne peut rien changer à cette situation et ne peut pas renvoyer un directeur qui serait incompétent. Il faudrait une décision du gouverneur en conseil: très pratique en période électorale, lorsque ça chauffe et que ça va mal! C'est impossible, en réalité.
Il faut donc corriger cette situation. Il faut résister à la tentation partisane, presque fanatique, d'essayer de considérer qu'un électeur d'un parti vaut moins, au chapitre du financement électoral, qu'un électeur d'un autre parti et penser s'en tirer avec de telles choses. Je pense que moralement, en vertu de l'éthique, on devra mettre de côté cette résolution extrêmement partisane adoptée au dernier congrès de l'aile jeunesse du Parti libéral du Canada.
Toutefois, dans ce cas, nous collaborerons, car il est dans l'intérêt de tous de le faire. Cependant, pour ne pas couvrir cette Chambre de ridicule, nous n'accepterions pas un délai de deux ans supplémentaire après un premier délai deux ans. Nous attendons de pied ferme que ce gouvernement propose une réforme qui ait de l'allure et des principes. Je sais que ce gouvernement a du mal face aux principes, mais nous l'aiderons, nous le « renchausserons » au besoin.