Monsieur le Président, je remercie tous mes collègues à la Chambre. Après avoir pris connaissance de cet important énoncé économique de l'automne et comme plusieurs de mes collègues de l'opposition, en particulier le député d'Elmwood—Transcona, je suis déçue. L'occasion que nous avons de faire des choses importantes et urgentes est en ce moment ignorée, oubliée. Pourquoi? Je ne comprends pas. Comme les autres députés l'ont déjà dit, nous en avons pourtant la capacité. Une bonne position fiscale nous permet de le faire, mais c'est ignoré.
Nous sommes déçus que cet énoncé économique de l'automne ne prévoie pas plus de mesures en réaction aux crises urgentes qui affligent les Canadiens dans les domaines des soins de santé, du logement, de l'abordabilité et, surtout, de la crise climatique, qui nous coûte cher à bien des égards. L'énoncé économique de l'automne mentionne que l'une des raisons pour lesquelles le prix des aliments augmente est le fait que de multiples phénomènes météorologiques extrêmes ont entraîné la perte de récoltes. Évidemment, l'invasion de l'Ukraine par Poutine a également fait monter le prix de l'énergie.
Cela dit, l'une des principales raisons de la hausse du prix des aliments est que les phénomènes météorologiques extrêmes entraînent une baisse de la production agricole dans les greniers du monde. En effet, les endroits qui produisaient beaucoup de nourriture en produisent maintenant moins. Il y aurait eu moyen de mettre à profit cette période d'austérité pour améliorer notre bilan en matière de lutte contre les changements climatiques.
C'est peut-être ma dernière chance d'aborder en profondeur la situation climatique avant de ne plus pouvoir prendre la parole en cet endroit. Ce n'est pas en raison d'un problème de santé, mais plutôt parce que nous ne pouvons participer par vidéoconférence depuis l'étranger. Je ne pourrai donc pas participer à distance depuis la COP 28, qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. En général, elle dépasse le calendrier prévu, alors elle durera peut-être jusqu'au 13 décembre.
Le gouvernement du Canada devrait vraiment profiter de ce moment pour faire un examen de conscience. D'habitude, nous limitons nos comparaisons aux autres pays du G7, parce que le Canada a le pire bilan du G7 au chapitre de la lutte contre les changements climatiques. Toutefois, les Nations unies viennent de publier, à la veille de la COP 28, un rapport dans lequel elles évaluent le bilan et le rendement de tous les pays du monde en matière de climat, ainsi que l'écart entre les beaux discours et les mesures concrètes. Or, de tous les pays du monde, et pas seulement du G7, le Canada affiche le pire bilan. C'est horrible. Selon le « Rapport 2023 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions » des Nations unies, il existe un écart de 27 % entre les promesses et la réalité au Canada. C'est le plus grand écart. Viennent ensuite les États-Unis, avec un écart de 19 %, puis la Corée du Sud, avec un écart de 18 %, et le Royaume‑Uni, avec un écart de 11 %. Quant aux pays du monde en développement, que l'ONU appelle le G20, ils ont tous un écart de 4 %.
À quoi correspondent ces écarts? Les engagements que nous avons pris à Paris en 2015, qui sont juridiquement contraignants, ne visaient pas une cible particulière de réduction de x % d'ici l'année x, parce que le gouvernement libéral nouvellement élu en 2015 a maintenu la cible fixée par le gouvernement Harper en mai 2015. La cible était peu ambitieuse, mais elle n'a pas été remplacée avant 2022. Par conséquent, cette cible peu ambitieuse a été maintenue pendant sept ans. Or, les libéraux ne sont même pas près d'atteindre cette cible trop timide établie par le gouvernement conservateur précédent.
On entend souvent à la Chambre que le Canada n’a jamais atteint un seul de ses objectifs en matière de lutte aux changements climatiques, mais je serai encore plus précise: nous n’avons jamais même été dans la bonne direction. Quand on dit que le Canada a raté la cible, cela donne l'impression que c'est comme si on jouait aux fléchettes et qu'on manquait le centre de la cible de peu. Or, si on jouait aux fléchettes, le barman ferait mieux de se cacher derrière son comptoir, parce que nous n'avons jamais même visé dans la bonne direction. Quand le Canada promet de réduire ses émissions, elles augmentent.
Ce qu'on vise avec l'Accord de Paris, c'est de préserver la civilisation mondiale. Nous en avons eu l'occasion dans les années 1980 et 1990, comme en a parlé mon collègue le député d'Elmwood—Transcona. Son père, l'honorable Bill Blaikie, siégeait à la Chambre et était le porte-parole du NPD en matière d'environnement lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, dans les années 1980. Il parlait du réchauffement climatique et de ce que nous devions faire pour éviter de perdre nos glaciers et empêcher le réchauffement de l'ensemble de la planète. Nous avons eu l'occasion d'éviter tout cela, mais maintenant, il n'est plus possible de dire que nous pourrions éviter la crise climatique.
Notre dépendance aux combustibles fossiles et notre cupidité profitent aux grandes pétrolières, qui affirment être au courant des enjeux scientifiques, mais qui refusent d'en parler parce que tout ce qui leur importe, c'est de générer des profits pour les actionnaires. Or, les lois ne sont pas adéquates. Au Canada, la loi exige que les sociétés pensent à d'autres choses et que les administrateurs tiennent compte de tous les intervenants. Soit dit en passant, les générations futures devraient être prises en compte, mais nous avons perdu, au cours des dernières décennies, les occasions que nous avions autrefois d'éviter les changements climatiques et le réchauffement de la planète en raison de la cupidité, de la dépendance aux combustibles fossiles et de la détermination à développer ceux-ci et à continuer de verser des tonnes d'argent aux plus riches de ce monde. La classe des milliardaires a une priorité que nous ne comprenons pas quand on la compare à celle que sont nos enfants et nos petits-enfants.
Nous avions l'occasion de prêter attention à ce rapport des Nations unies à la veille de la COP 28 et d'en refléter l'urgence dans cet énoncé économique. Nous avons également laissé passer cette occasion. Je suis toujours partagée entre la colère et le chagrin. Comment puis-je encore en parler à mes enfants? Combien de nos enfants ne veulent pas avoir d'enfants à cause de ce qu'ils voient dans ce monde? La ministre des Finances avait la possibilité de réduire les coûts.
On doit utiliser les ciseaux verts. Il faut réduire les coûts et économiser des milliards de dollars qui sont actuellement partagés seulement entre les entreprises d'énergies fossiles.
Cet énoncé économique de l'automne dit qu'on doit faire une gestion budgétaire responsable. En même temps, on continue de donner des fonds, des subventions de milliards de dollars aux énergies fossiles. Pourquoi ne pas arrêter le projet de l'oléoduc de Trans Mountain de 31 milliards de dollars utilisés contre les droits des peuples autochtones, contre l'avenir de nos enfants et de nos propres petits-enfants?
Nous pourrions réduire les coûts et disposer de plus d'argent pour les choses dont le gouvernement dit se préoccuper: le logement abordable, la réduction des coûts pour les Canadiens et la réduction des coûts des incendies de forêt d'un bout à l'autre du pays. J'ai noté une référence dans l'énoncé économique d'automne, à la page 7, au sujet de l'évolution de l'activité économique mondiale et de la contraction de l'économie canadienne. On peut y lire que « cette baisse [est] en partie attribuable à des facteurs temporaires, comme une saison record de feux de forêt ». Je ne pense pas que ce soit si temporaire que cela.
Nous n'avons pas atteint une nouvelle normalité. Certains tentent d'utiliser ce genre de formules. Nous vivons les signes avant-coureurs d'une situation qui ne fera qu'empirer. Comme j'avais commencé à le dire, l'engagement que tous les pays de la planète ont pris dans le cadre de l'Accord de Paris était d'éviter de dépasser une augmentation de la température moyenne mondiale de 2 degrés Celsius et d'essayer de s'en tenir à 1,5 degré Celsius. Or, le dernier rapport des Nations unies indique que nous sommes en voie de dépasser les 3 degrés Celsius.
Ce ne sont pas des engagements politiques. Il s'agit d'engagements moraux fondés sur des données scientifiques qui montrent que si nous n'agissons pas maintenant, nos enfants n'auront plus accès à un monde propice à la vie. De nombreux collègues à la Chambre parlent de leur crainte à propos de ce que feraient les conservateurs après les prochaines élections. Les gens m'en ont beaucoup parlé. C'est tellement extrême que les gens sont prêts à ignorer le fait que ceux qui condamnent nos enfants à vivre dans un monde invivable sont assis de ce côté-ci de la Chambre, dans le caucus libéral. Nous ne pouvons pas passer outre le fait que c'est arrivé sous leur gouverne, avec des gens qui prétendent être des chefs de file en matière de lutte contre les changements climatiques. Les libéraux devraient remercier les conservateurs pour la seule chose qui les fait bien paraître, c'est-à-dire toutes les fois où les conservateurs se sont prononcés contre la tarification du carbone.
On pourrait présenter un meilleur argument. Nous pourrions prendre d'autres mesures que la tarification du carbone pour réduire les émissions. Comme je l'ai dit, nous pourrions commencer à annuler le versement de milliards de dollars aux entreprises du secteur des combustibles fossiles. Nous pourrions mettre en place ce que le député de Kitchener‑Centre a proposé dans la motion no 92: un impôt sur les profits excessifs des grandes pétrolières et les profits qu'elles tirent de la guerre. Nous pourrions le faire, mais nous ne pouvons pas continuer à fermer les yeux.
Je sais que de nombreux députés conservateurs s'inquiètent de la crise climatique et de l'avenir de leurs enfants. C'est un sujet sur lequel ils aimeraient pouvoir prendre la parole, mais cela ne cadrerait pas avec l'image actuelle de leur parti. Je sais aussi que de nombreux députés néo‑démocrates souhaiteraient faire annuler le projet d'oléoduc Trans Mountain, mais que cela leur attirerait les foudres de Rachel Notley. Voilà la situation insensée dans laquelle nous sommes.
Je tiens à dire que certains éléments de l'énoncé économique de l'automne sont positifs et qu'on les attendait depuis longtemps. Je suis heureuse qu'on finisse enfin par s'attaquer à Airbnb et aux locations à court terme, qui limitent l'offre de logements abordables sur le marché. Je suis heureuse de constater que le gouvernement va enfin exempter de la TPS et la TVH les services de santé mentale dispensés par des psychothérapeutes et des conseillers en santé mentale. Il est étonnant de constater qu'il s'agit de la seule mesure de santé publique qui figure dans cet énoncé économique de l'automne.
Encore une fois, sur toutes les tribunes et pendant de nombreuses campagnes électorales, le Parti vert a constamment exigé que l'on mette en place un régime national d'assurance-médicaments au lieu de simplement combler les lacunes pour les gens qui n'ont pas accès à des médicaments. Notre pays est le seul à offrir un régime universel de soins de santé qui ne couvre pas automatiquement les médicaments. Comme nous l'indiquent le rapport Hoskins ainsi que le rapport publié par plusieurs grandes universités, intitulé « Pharmacare 2020 », si nous prenions cette mesure, on économiserait des milliards de dollars par année dans le système de santé. On ne mentionne pas cela non plus.
Dans ce que nous voyons ici, on dit plein de bonnes choses sur l'importance des logements abordables et des coopératives, et on dit que les coopératives de logement font partie des solutions. Cependant, nous voyons des villages de tentes apparaître partout au pays. Les verts croient qu'il faut faire le genre d'efforts concertés qu'on déploie lorsqu'une catastrophe majeure se produit et que les gens doivent vivre dans des conditions difficiles. Que faisons-nous dans ces circonstances? Qu'avons-nous fait dans ce pays? Pouvons-nous nous en souvenir? L'explosion d'Halifax s'est produite il y a longtemps. Je sais que le député se rappellera les histoires de l'époque. Évidemment, il n'était pas là à l'époque, mais, dans les mois qui ont suivi cette explosion, le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse ont construit des maisons pour des milliers de personnes parce qu'il s'agissait d'une urgence.
Or, la situation actuelle est une urgence, et j'espère que nous allons faire mieux. La ministre des Finances a terminé son discours en disant qu'il est toujours possible de faire mieux. C'est possible, mais peu probable, à moins de remuer ciel et terre pour résoudre les crises auxquelles nous devons faire face.