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Ind. (QC)
Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me permettre de présenter des amendements et de m'expliquer au sujet de ceux-ci.
Je n'en ai pas présenté beaucoup, car j'ai préféré me concentrer sur des éléments qui pourraient, quant à moi, permettre à ce projet de loi de passer le test de la constitutionnalité.
Je pense qu'il est fondamental qu'on fournisse une définition de la prostitution dans le projet de loi parce que, si nous ne le faisons pas, nous allons laisser le système de justice utiliser la définition usuelle de ce qu'est la prostitution, à savoir de rendre des services sexuels moyennant rétribution. Or, ce projet de loi vise aussi le fait d'acheter des services de prostitution, des services sexuels.
Il me semble donc fondamental de bien montrer à la Cour suprême et au système de justice que l'intention du législateur est vraiment cette criminalisation de l'achat de services sexuels. Par une définition aussi claire, nous envoyons le signal au système de justice de tenir compte de cette définition et non pas de la définition usuelle et habituelle qu'on retrouve dans les dictionnaires.
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Ind. (QC)
J'ai tenu vraiment à fournir la définition de « prostitution ». Je n'ai pas précisé la notion de « services sexuels », parce que j'ai préféré laisser ça un peu à la jurisprudence. Il y a déjà passablement de jurisprudence écrite à cet égard. Il y a eu plusieurs procès qui ont été faits en matière de prostitution.
Quant à ma propre définition, elle est très large. J'y mettrais presque tout, qu'il y ait une relation sexuelle complète ou non, que ce soit dans les bars de danseuses nues ou autre chose. Ma définition pourrait être très large. Or, dans ce cas précis, j'ai préféré ne pas m'attarder à cette question afin de laisser au système de justice toute la latitude possible et de laisser place à ce qu'il y ait de la jurisprudence. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu le faire de cette façon.
Par contre, j'ai tenu quand même à fournir une définition de la prostitution d'un point de vue plus global. J'ai voulu dire directement au système de justice que, même si le dictionnaire définit la prostitution comme l'offre de services sexuels moyennant une rétribution, le législateur souhaite que le système de justice tienne compte d'un autre acteur, c'est-à-dire le client, soit celui qui achète le service. Ce dernier fait partie du système et il contribue à sa continuité et à sa persistance. Voilà pourquoi j'ai tenu à l'inclure.
Si on ne le fait pas, les juges, les procureurs et les avocats auront toute la latitude de choisir la définition usuelle de la prostitution, ce qui est d'ailleurs fait présentement. La particularité de ce projet de loi, c'est qu'il amène un nouveau joueur dans cette game, mais de manière directe. Il ne faut pas oublier que le client était déjà un peu visé par l'ancienne loi. Par contre, ici, c'est très clair: il y a des sentences qui y sont associées.
Donc, je pense qu'il est important d'avoir cette définition pour que l'intention soit encore plus claire à l'égard du système de justice.
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Ind. (QC)
Merci, monsieur le président.
Le but de cet amendement est très simple. Lorsqu'on regarde le projet de loi dans sa forme actuelle, on constate qu'on fait certaines exceptions lorsque la personne prostituée donne des services sexuels pour son propre compte. On lui permet, par exemple, de recourir aux services d'un chauffeur ou d'un garde du corps. Ces personnes ne seraient pas poursuivies parce que, indirectement, elles vivraient des fruits de la prostitution.
Jusque là, c'est bien et je souscris à ce point.
Toutefois, là où il y a un problème, c'est qu'on fait la même chose dans le cas de la prostitution juvénile. Or, la prostitution des adolescents ou des enfants n'est en aucun cas autre chose que de l'exploitation sexuelle. En tout temps, on ne peut pas accorder d'exception à des individus qui pourraient agir comme gardes du corps, chauffeurs ou n'importe quoi d'autre dans un cadre de prostitution juvénile.
Il s'agit en effet, sans exception, de cas d'exploitation, et le but de l'État est de protéger des enfants ou des adolescents qui se retrouvent dans une situation d'exploitation sexuelle. On ne peut même pas concevoir ou accepter que des enfants se prostituent d'eux-mêmes, parce que la responsabilité de l'État est de protéger les jeunes et les enfants. On ne doit donc accorder aucune exemption à des acteurs qui seraient liés à ce type de prostitution, parce que leur devoir est de dénoncer ce genre de prostitution. Ce n'est pas d'en vivre.
Il y a donc un problème de cohérence entre le fait de protéger les enfants de la prostitution et de l'exploitation et le fait d'accorder des exceptions à des acteurs qui vivraient des fruits de la prostitution d'enfants.
Je vous remercie.
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Ind. (QC)
Merci, monsieur le président.
Je vous avoue que je suis très surprise. En fait, quand j'ai entendu le discours du ministre de la Justice, il était très clair. L'intention du gouvernement à long terme était d'abolir la prostitution. C'était aussi d'interdire l'achat de services sexuels, le proxénétisme etc. Tout ce que font mes amendements, c'est de préciser l'intention réelle que le gouvernement veut avoir dans son projet de loi.
Étant donné que les membres rejettent mes amendements, je suis convaincue maintenant que ce projet de loi sera invalidé par la Cour suprême. J'en suis fortement convaincue et je vais vous dire pourquoi.
Dans sa décision au sujet de l'arrêt Bedford, la Cour suprême est partie du principe que la prostitution est légale au Canada. À partir de ce moment-là, on n'a pas le droit, en tant que législateurs, d'interdire des pratiques et de criminaliser des pratiques d'une activité légale parce que cela met en danger les personnes qui la pratiquent.
Par contre, la Cour suprême ne nous a jamais interdit, en tant que législateurs, de changer le cadre de cette activité. Que veut dire « changer le cadre »? Cela veut dire d'établir clairement que la prostitution est illégale au Canada, qu'on en interdit les pratiques, c'est-à-dire qu'on interdit la prostitution et qu'on la dénonce. À partir de ce grand principe, on peut se permettre de criminaliser l'achat de services sexuels, le proxénétisme et toutes les pratiques entourant la prostitution.
Je suis maintenant convaincue que ce projet de loi sera contesté, c'est bien évident, et qu'il ne tiendra pas le test de la Cour suprême parce que vous avez repris le même principe. Vous n'avez pas interdit la prostitution, mais vous avez criminalisé les pratiques. Alors, on retourne au point zéro et c'est très dommage parce qu'il y avait quand même un pas fort intéressant qui était celui de la criminalisation de l'achat de services sexuels. Je suis certaine qu'on va se retrouver dans quelques années à avoir cette même discussion ici, en cette Chambre des communes.
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Ind. (QC)
Je voudrais d'abord remercier tous mes collègues d'accepter que je sois ici aujourd'hui pour discuter des amendements présentés. J'aurais pu en parler plus avant, mais malheureusement, je ne les ai reçus que ce matin.
Je comprends très bien la position de mon collègue M. Goguen. Par contre, l'ajout qui est fait ici ne concerne pas l'extraterritorialité. Il concerne un point qui a été à plusieurs reprises porté à mon attention, à savoir qu'à l'heure actuelle, que ce soit les procureurs ou les policiers, les gens décident un peu comme ils le veulent s'il s'agit ou non de traite de personnes.
Lorsqu'il s'agit de personnes venant de l'étranger qui arrivent au Canada, la traite est vraiment considérée comme étant internationale, mais lorsqu'il s'agit de traite interne, soit d'une ville à une autre ou d'une province à une autre, il y a une certaine subjectivité. Dans certains cas, c'est considéré comme de la traite, et dans d'autres, c'est vu comme du proxénétisme, s'il y a de l'exploitation sexuelle. Ça ne concerne donc pas l'extraterritorialité, dont traite déjà le Code criminel. C'est d'ailleurs par l'entremise de Mme Smith qu'elle y a été introduite. L'objectif est simplement de préciser que dans les cas où des individus sont déplacés d'une ville à l'autre ou d'une province à l'autre, c'est de la traite; ce n'est pas forcément uniquement du proxénétisme.
Les témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont dit que cette subtilité faisait que dans certains cas, le Code criminel pouvait être interprété différemment, selon les individus qui étaient en cause. Cela permet donc d'apporter une précision, tout simplement.
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Ind. (QC)
Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier mon collègue de cet amendement. Je trouve que cela a amené un peu plus de mordant. Par contre, sur le plan du français, je voudrais, si possible, ajouter le mot « et » après « exploitée », pour qu'on lise « qui n'est pas exploitée et vit ». Cela se lit mieux que « qui n'est pas exploitée vit avec une personne », formulation qui me semble un peu bizarre.
Au-delà de cela, j'aimerais poser à Mme Levman une question à propos du fait d'ajouter ce qui suit: « [...] la preuve qu'elle exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de cette personne en vue de l'exploiter ou de faciliter son exploitation. » Cela ne va-t-il pas compliquer la tâche aux policiers qui devront faire la preuve, bien qu'il y ait un renversement? L'article initial stipule qu'à partir du moment où un individu vit avec une personne exploitée et qu'il n'est pas lui-même exploité, il est réputé exploiter celle-ci, à moins qu'il ne prouve le contraire. C'est tellement large que c'est beaucoup plus facile pour les policiers, avec d'autres méthodes d'enquête, d'en faire la démonstration hors de tout doute.
Cependant, l'ajout des mots « contrôle », « direction » et « influence » ne met-il pas un peu plus de bâtons dans les roues aux policiers qui devront faire la preuve? Dans ce cas, ne vont-ils pas devoir d'abord prouver qu'il y a un contrôle, une influence, une direction avant d'appliquer le renversement de la preuve?
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Ind. (QC)
Merci beaucoup, c'est un bon point.
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Ind. (QC)
D'après ce que je comprends, le point a) de l'amendement vise à enlever, à l'article 3, la version réécrite du paragraphe 279.04(1) du Code criminel.
Mme Levman pourra peut-être nous confirmer cela, mais dans la version anglaise actuelle, le paragraphe 279.04(1) dit « to provide, or offer to provide ». Or dans la version française, cette nuance n'existe pas. C'est écrit « à fournir son travail », et non pas « à fournir son travail, ou à offrir de fournir son travail ». Il y a une incohérence entre l'anglais et le français.
Cette disposition a pour but de corriger cette incohérence. Est-ce que je me trompe?
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Ind. (QC)
Je voudrais faire remarquer à mon collègue que le fait d'indiquer dans l'amendement G-3 « par substitution, à la ligne 7, page 2 » a pour effet de réintroduire l'ancien paragraphe en français, qui n'est pas le même qu'en anglais. On retourne alors à la case départ.
À l'heure actuelle, le paragraphe 279.04(1) du Code criminel ne comprend pas la nuance qui existe en anglais. En faisant cette substitution, on risque de se retrouver à la case départ. C'est le premier point que je voulais faire valoir concernant l'amendement.
Je vous laisse répondre à cela, monsieur Goguen.
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Ind. (QC)
Vous parlez donc de la correction qui consiste à ajouter les mots « ou à offrir de fournir ». Est-ce bien ce que vous dites? Vous dites accepter cette correction, mais je ne la vois pas, je m'excuse.
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Ind. (QC)
En effet, je suis visuelle. Allez-y.
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Ind. (QC)
Je comprends. C'est bon.
Par contre, j'aimerais soulever un autre point concernant l'amendement.
Une voix: Le gouvernement est là pour aider.
Des voix: Oh, oh!
Mme Maria Mourani: L'autre élément de l'amendement vise à supprimer le paragraphe (1.1), lequel avait été ajouté pour parler précisément d'exploitation sexuelle. Si cela avait été ajouté, c'est qu'à l'heure actuelle, dans le Code criminel, le travail est défini comme suit: « Pour l’application des articles 279.01 à 279.03, une personne en exploite une autre si elle l’amène à fournir son travail ou ses services [...] » Toutefois, la prostitution et l'exploitation sexuelle ne sont pas des services. Il faut faire attention.
Tous les groupes de femmes que j'ai pu consulter demandent que le Code criminel arrête de considérer la prostitution comme un service ou comme un travail. Ce n'est pas un service ni un travail. On parle d'exploitation sexuelle.
En fait, on ne change rien au paragraphe 279.04(1). On ne fait qu'ajouter le paragraphe (1.1), qui définit le plus clairement possible toutes les façons par lesquelles les proxénètes peuvent attraper leurs victimes et les exploiter. On ajoute ce paragraphe au sujet de l'exploitation sexuelle pour essayer de couvrir tous les événements, qu'il s'agisse de fournir ou d'offrir de fournir des services sexuels par la menace, l'usage de la fraude, la tromperie, la manipulation, l'obtention du consentement, etc. On a essayé de tout couvrir, car on m'avait même raconté que, dans certains cas, des proxénètes pouvaient se défendre en disant qu'ils n'avaient jamais remis l'argent aux victimes. On a donc ajouté la notion de promesse, même s'il n'y avait pas d'acceptation de paiement. C'est tellement détaillé que cela couvre le plus possible tous les cas qu'on m'a relatés.
J'invite donc mes collègues du gouvernement à repenser cet amendement. Je pense qu'il est fondamental de faire la différence entre l'exploitation sexuelle, le service et tous les détails qui viennent avec cela.
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Ind. (QC)
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux saluer tous mes collègues et les remercier de me permettre de prendre la parole au sujet de cet important projet de loi.
Mon allocution comporte deux grandes parties. La première a pour but de vous informer de ce qui a mené à la naissance de ce projet de loi. Il s'agit en somme de vous dire comment il a germé. Dans la deuxième partie, je vais parler davantage de ses différents articles.
Tout d'abord, la création de ce projet de loi s'est faite en trois grandes étapes et cela, en une année et demie. Il a donc fallu beaucoup de temps pour le faire. Mon objectif de départ était de prendre le pouls des gens sur le terrain. La première étape visait donc à rencontrer les spécialistes sur le terrain qui étaient en contact direct avec des victimes de traite des personnes, de proxénétisme ou en contact avec des trafiquants ou des proxénètes. Il s'agissait donc de groupes qui travaillent auprès des victimes et des policiers.
Le but était de comprendre, par cette collecte de données, les besoins législatifs. Bien évidemment, on sait qu'il y a d'autres besoins, qu'il s'agisse de campagnes de sensibilisation, de ressources pour les enquêtes policières ou de ressources pour les victimes. D'ailleurs, il y a très peu de refuges. En fait, ce besoin est criant au Québec. Cependant, bien sûr, l'aspect législatif m'intéressait. Il est ressorti des points fort intéressants que je vais vous présenter plus tard.
La deuxième étape, après cette collecte de données, était de pouvoir traduire ces besoins en un projet de loi. J'ai travaillé avec nos rédacteurs législatifs ici, à la Chambre, et on a pu présenter une ébauche de projet de loi.
Finalement, je suis retournée revoir tous ces partenaires qui ont été consultés pour leur présenter la première mouture du projet de loi pour voir s'il y avait encore des choses à bonifier, modifier et ainsi de suite. Par la suite, le projet de loi a été présenté à d'autres groupes qui n'ont pas forcément participé à sa création et à son élaboration. Toutefois, on voulait quand même avoir leur opinion pour déterminer s'il y avait des problèmes d'ordre juridique, par exemple. J'ai donc rencontré des membres du Barreau du Québec. Je ne me souviens plus combien il y avait de criminalistes, mais ils étaient plusieurs lors de cette réunion. Si je me souviens bien, je les ai consultés en 2010. Je leur ai présenté le projet de loi qui a été fort bien accueilli.
Finalement, le projet de loi C-612 a été déposé le 15 décembre 2010. Il a été lu en deuxième lecture le 24 mars 2011, mais à cause des élections, il est malheureusement mort au Feuilleton.
Après les élections, je l'ai présenté de nouveau après lui avoir apporté des ajustements. Il a été renvoyé aux rédacteurs législatifs parce que, bien sûr, ma collègue Mme Joy Smith, avait déposé son propre projet de loi à ce sujet. Celui-ci contenait certaines dispositions qui étaient aussi dans mon projet de loi. Par exemple, l'extraterritorialité a été enlevée du projet de loi C-452 alors que cela était contenu dans le projet de loi initial.
Il a donc été retourné aux rédacteurs législatifs et une nouvelle mouture de ce projet de loi a été produite avec quelques détails modifiés. En fait, approximativement, je vous dirais que 95 % du projet de loi C-612 existe toujours. Le projet de loi a été déposé le 16 octobre 2012 et adopté en deuxième lecture au mois de mars dernier. Je pense qu'il est important de mentionner les groupes qui ont travaillé à ce projet de loi parce que c'est leur projet de loi. Je ne suis que le porteur du ballon. Le Conseil du statut de la femme a demandé à comparaître devant le comité et a également présenté une opinion à ce sujet.
J'ai consulté des experts policiers du SPVM. Ils ont travaillé sur ce projet de loi en ce qui a trait à la moralité et au module d'exploitation sexuelle des enfants. J'ai également consulté le Comité d'action contre la traite humaine interne et internationale, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale qu'on connaît davantage sous le nom de l'AFEAS, le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, le Regroupement québécois des CALACS, Concertation-Femme, la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle qui va aussi, je pense, comparaître devant vous, l'Association québécoise Plaidoyer-victimes, le Collectif de l'Outaouais contre l'exploitation sexuelle, qui est d'ailleurs présent parmi nous aujourd'hui, le diocèse de l'Outaouais de la condition des femmes, la Maison de Marthe et, bien sûr, le YMCA du Québec.
Ces groupes ont demandé à être entendus dans le cadre des travaux du comité. Je tiens vraiment à les remercier pour le travail qu'ils ont accompli pendant plus d'un an et demi. Ils continuent de travailler à la promotion de ce projet de loi. Je dis un grand merci à toutes ces groupes.
Je ne sais pas combien de temps il me reste, monsieur le président. J'ai beaucoup de choses à dire.
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Ind. (QC)
D'accord.
L'un des éléments intéressants qui est ressorti lors de mes consultations est que les procureurs, et parfois même les policiers, avaient souvent tendance à croire que la traite des personnes était internationale. Quand des femmes traversaient la frontière pour venir au Canada, on traitait cela comme de la traite, mais lorsque des filles de Montréal se retrouvaient à Québec ou même à Niagara, on considérait cela davantage comme du proxénétisme. Pour la traite, cela dépendait du procureur et du policier.
Pour que tout le monde soit au diapason, j'ai apporté au paragraphe 279.01(1) les précisions suivantes: que ce soit dans un contexte national ou international, à partir du moment où il y a du recrutement, du transport et ainsi de suite, on entre dans le domaine de la traite. À ce sujet, des policiers vont témoigner plus tard. On sait que la traite est très importante à l'intérieur du Canada. À mon avis, elle est beaucoup plus importante que la traite internationale.
Des filles du Québec se retrouvent malheureusement à Niagara, dans des bars de danseuses ou des bordels. Des filles de Montréal se retrouvent à Québec, et vice-versa. Des filles de Chicoutimi se retrouvent à Montréal et des filles de la Colombie-Britannique se retrouvent à Toronto ou ailleurs. La traite des personnes a lieu à l'intérieur du pays et elle nous concerne tous, quelles que soient les provinces. Il n'y a pas de frontières.
Un autre point fort important qui a été beaucoup soulevé lors des discussions que j'ai tenues avec ces personnes est, bien sûr, la définition de l'exploitation. Il est question d'exploitation à l'article 279.04 du Code criminel. Il y a des dispositions sur le trafic d'organes et le travail forcé, mais la traite à des fins d'exploitation sexuelle n'est pas clairement définie. J'ai donc introduit une disposition spécifique sur l'exploitation sexuelle. Il s'agit du paragraphe (1.1), qui suit le paragraphe (1), où il est question d'offrir ou de fournir son travail, etc.
Cette définition a été travaillée très attentivement pour répondre à toutes les situations qui pourraient survenir. En outre, elle est pratiquement calquée sur le protocole de Palerme, qui vise la traite des personnes et la criminalité transnationale, et que le Canada a ratifié le 13 mai 2002. Je pense qu'avec cet ajout, on clarifie la situation et toutes les dimensions du terme « exploitation ».
La confiscation des fruits de la criminalité est un autre point très important qui a été soulevé. Des gens du milieu policier et des procureurs m'en ont beaucoup parlé. La traite est un crime très payant parce qu'il est extrêmement difficile à prouver dans le cadre du code actuel. En plus, cela implique très peu de risques. Le trafic de la drogue implique qu'il faut acheter celle-ci. Il y a alors un risque de se faire prendre. Or pour ce type de trafic, les gars n'ont qu'à recruter des filles. Pour ce faire, ils peuvent avoir recours à la manipulation ou à la séduction. En effet, ce qu'on appelle le « dressage » ne se fait pas tout de suite. Cela peut être lent ou rapide, selon les trafiquants. Ensuite, ces filles sont violées. Elles subissent un viol collectif. Elles se font torturer et leur famille est menacée. Par la suite, elles prennent leurs rendez-vous toutes seules. Il n'est même pas nécessaire de les obliger à le faire tant elles vivent dans la terreur.
Or, une fille peut rapporter beaucoup d'argent, dépendant de sa beauté et de son âge. Plus elle est jeune, plus elle rapporte. J'ai rencontré, malheureusement, des filles qui avaient commencé à faire cela à l'âge de 12 ans. Une fille peut rapporter environ 280 000 $ par année. Vingt filles rapportent 6 552 000 $ par année et quarante filles 13 100 000 $ par année. Ce sont des données du Service canadien de renseignements criminels.
Ici, je ne vous parle pas seulement de la petite prostitution de rue. Je vous parle d'un ensemble de choses, notamment des bars de danseuses. D'ailleurs, la SQ estime que 80 % des bars de danseuses qui relèvent de sa juridiction appartiennent au crime organisé, sous des prête-nom. On parle aussi des salons de massage, qui poussent comme des champignons un peu partout. Je ne sais pas si c'est le cas partout au Canada, mais je peux vous dire que ce l'est à Montréal. Dans mon comté, ils poussent déjà comme des champignons.
Il y a aussi les agences d'escortes et les bordels qu'on ne peut même pas dénombrer.
Paradoxalement, la confiscation des fruits de la criminalité se fait par l'intermédiaire des infractions liées aux drogues et de toute infraction liée aux organisations criminelles. Si on le fait pour des drogues, il est plus que temps qu'on le fasse pour l'être humain, parce que c'est encore pire. L'esclavage est pire que le trafic de drogues. En fait, tout cela est décrit. On reconnaîtra que le fait de vendre de la drogue est aussi mauvais, mais de vendre des humains et de les traiter comme des marchandises est immonde. Il est plus que temps que ce crime ne soit plus payant pour les proxénètes parce que, actuellement, c'est payant. Si on ramasse leurs grosses baraques et leurs grosses bagnoles, ils vont y penser.
Vous m'avez indiqué qu'il me restait deux minutes, je pourrai donc en dire plus lors des questions plus tard.
L'autre point est la présomption. La présomption est un aspect fondamental. Ce projet de loi contient deux points très importants: la présomption ou ce qu'on appelle le « renversement de la preuve » et « les peines consécutives ». C'est fondamental pour les victimes. En fait, c'était l'un des points les plus importants pour les groupes de victimes et les policiers. On en parlait beaucoup.
Actuellement, le Code criminel est rédigé de telle façon que tout le fardeau de la preuve repose sur les victimes. En effet, on sait que sans leur témoignage, il est extrêmement difficile de poursuivre quelqu'un devant la cour. Quand il ne s'agit pas de mineurs mais d'adultes, c'est encore pire. Il faut savoir que les victimes de traite ne vont pas témoigner très naturellement. Ces femmes ont vécu l'enfer. Elles vivent un stress post-traumatique important. Le fait de revoir leurs agresseurs, de reparler de tout cela et de raconter leurs histoires d'horreur les inhibe car, très souvent, elles ont peur que ces agresseurs ressortent de prison. Elles se demandent ce qu'ils vont leur faire. Envoyer une personne, quelle qu'elle soit, témoigner alors qu'elle était victime de ces réseaux est extrêmement difficile.
En terminant, je dirai un mot sur le renversement du fardeau de la preuve. Je pourrai parler plus tard, si mes collègues le souhaitent, des peines consécutives. Plusieurs groupes de victimes m'ont demandé que l'on arrête de faire porter ce fardeau aux victimes comme c'est le cas actuellement pour le proxénétisme. En fait, la présomption, dans le cas du proxénétisme, existe dans le Code criminel à l'heure où on se parle. Faisons-le, non seulement pour aider les policiers et leur donner des outils, mais aussi pour soulager les victimes et pour leur rendre justice.
Je vous remercie, monsieur le président. Si vous le souhaitez, je parlerai plus tard des peines consécutives.
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Ind. (QC)
La réponse est oui, parce que c'est une des premières questions qu'on s'est posées. On voulait savoir si c'était constitutionnel.
En ce qui a trait aux rédacteurs législatifs, je n'ai obtenu aucun avis de cette sorte. Vous savez que si on rédige un projet de loi qui peut accrocher sur le plan constitutionnel, on va nous le dire.
De plus, les criminalistes du Barreau du Québec ont aussi regardé cela. Ils ont dit que cela existait déjà pour le proxénétisme. Toutefois, il y a des causes en instance, il ne faut pas se le cacher. On peut contester n'importe quoi, soit dit en passant. On peut contester n'importe quoi qui se trouve dans le Code criminel. On le voit d'ailleurs avec l'affaire Bedford qui est devant la Cour suprême. Cela touche différentes dispositions.
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