Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole pour ce que je crois être la dernière fois sur le projet de loi C-2. On a discuté souvent, longuement et précisément, on a analysé le projet de loi C-2 sous tous ses angles et toutes ses facettes. Aujourd'hui, nous arrivons au projet final avec les amendements apportés en troisième lecture.
Si on me le permet, avant de discuter directement du projet de loi C-2, je vais parler des origines et voir pourquoi nous en sommes arrivés, aujourd'hui, à discuter en troisième lecture du projet de loi C-2 et quels sont ses antécédents. D'où vient ce projet de loi?
On pourrait parler longuement — et cela a été fait — du scandale des commandites. Il y a quelques années, grâce au travail incommensurable de la vérificatrice générale, des gens ont pris conscience que certaines personnes avaient malheureusement, de façon malveillante, utilisé à leur guise les fonds des contribuables pour tenter d'acheter la conscience du peuple et de la nation québécoise. Il ne s'agit pas de la majorité des membres de la fonction publique, mais de certaines personnes. Aujourd'hui, la justice suit son cours.
À l'époque, le gouvernement libéral a essayé un tant soit peu de corriger ces lacunes dont il était lui-même responsable en ayant établi la culture du « tout m'est dû ». À ce moment-là, trois outils intéressants et importants ont été mis en place. Il y a eu tout d'abord le Code régissant les conflits d'intérêt des députés et le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (financement politique). Il y a aussi eu le projet de loi C-11, Loi sur la protection des fonctionnaires dénonciateurs d’actes répréhensibles.
Le député de Mississauga-Sud l'a très bien souligné un peu plus tôt, le projet de loi C-2 est important. C'est un pas dans la bonne direction. On réaffirme des règles qui sont en place, mais on ne réinvente pas la roue ni le bouton à quatre trous avec le projet de loi C-2.
Ce projet de loi inclut dans son cadre législatif des législations antérieures importantes, comme le projet de loi C-11, Loi sur la protection des fonctionnaires dénonciateurs d’actes répréhensibles. On a mis sur la glace, pendant environ un an, un projet de loi qui avait franchi toutes les étapes législatives et qui aurait pu rapidement protéger les fonctionnaires témoins d'actes répréhensibles. Cela a été fait pour des raisons strictement politiques et c'est triste. En effet, on aurait pu, dès l'arrivée du gouvernement conservateur, promulguer le projet de loi C-11. Cela aurait donné un filet de protection, peut-être imparfait, mais un filet de protection que les fonctionnaires n'avaient pas jusqu'à aujourd'hui. On a décidé de retarder cette application et c'est triste.
Quels étaient les objectifs des conservateurs lorsqu'ils ont mis en place le projet de loi C-2? Un de ces objectifs était de restaurer la confiance du public envers les élus et le Parlement. On ose croire que cet objectif sera atteint.
Cependant lorsque les libéraux ont mis en place le Code régissant les conflits d'intérêt des députés — ce n'était peut-être pas les bonnes personnes —, leur objectif était de rétablir la confiance du public envers les élus et le Parlement. Lorsque les libéraux ont mis en place le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (financement politique), c'était pour rétablir la confiance envers les élus et le Parlement. Lorsque les libéraux ont mis en place le projet de loi C-11, Loi sur la protection des fonctionnaires dénonciateurs d’actes répréhensibles, c'était pour rétablir la confiance envers les élus et le Parlement.
Lorsque d'autres législatures provinciales ont mis en place des mesures similaires, c'était pour rétablir la confiance. Lorsque d'autres pays ont mis en place des législations semblables, c'était aussi pour rétablir la confiance. Lorsqu'on regarde si cet objectif a été atteint là où des lois semblables ont été mises en place, on arrive malheureusement à la triste conclusion que non. Dans les pays où des mesures législatives d'éthique et de transparence comme celles-là existent, il y a toujours un très grand écart entre la volonté des élus et la confiance accordée par la population à la classe politique.
J'ose espérer que ce projet de loi corrigera un peu cette perception. Cependant, on devra faire beaucoup plus pour la corriger. En effet, le gouvernement devra aussi faire beaucoup plus pour corriger cette perception.
Rappelons que, lorsque le scandale des commandites a éclaté, la vérificatrice générale a dit que toutes les règles avaient été bafouées. Cela veut dire que les règles existaient, qu'elles étaient en place, mais que le gouvernement libéral avait décidé de les contourner.
Le gouvernement conservateur propose de nouvelles règles. Les respectera-t-il? Là, se trouve le noeud du problème. On peut instaurer une panoplie de règles, mais si l'on ne possède pas les outils ou la volonté politique de les faire respecter, le message qu'on désire transmettre au public, soit celui de vouloir corriger la situation et de rétablir la confiance, sera encore pire. En effet, au premier accroc du gouvernement conservateur à sa propre loi, la confiance sera davantage minée, et ce sera encore plus difficile de la rétablir.
Plus tôt, j'ai fait référence à un projet de loi privé, déposé par le député de Simcoe-Nord —, si ma mémoire est bonne. Ce projet de loi concerne une demande d'investissement du gouvernement pour un tracé fluvial en Ontario, afin de s'assurer de rétablir le tourisme et tout le reste.
Le député qui a déposé le projet de loi est le propriétaire du principal hôtel situé sur ce tronçon touristique, et il demande au gouvernement d'investir dans son industrie touristique. Il semble qu'il ne soit pas impliqué dans le projet de loi C-2. C'est ce qu'on nous dit. De fait, il semble qu'il respecte le projet de loi, car ce dernier parle de ministre et de secrétaire parlementaire.
On a souvent vu des gens tourner les coins rond. Le gouvernement doit demander à ses élus de respecter la lettre et l'esprit de la loi, qui dit qu'on ne doit pas être en conflit d'intérêts ou en apparence de conflit d'intérêts. Il est important que les ministres et les secrétaires parlementaires respectent cette loi. Toutefois, les députés gouvernementaux doivent aussi la prendre en considération et se comporter de façon à n'être ni en conflit d'intérêts ni en apparence de conflit d'intérêts.
J'ai ouvert grand la porte à mon collègue — qui, je crois, est le nouveau collègue de Simcoe-Nord — en lui disant de vérifier d'abord auprès du président de Conseil du Trésor s'il respecte l'esprit de la loi. S'il a vérifié auprès du conseiller à l'éthique et que son projet de loi ne le place pas en conflit d'intérêts, le Bloc québécois est prêt à réévaluer sa position. On n'accuse pas le député d'être en conflit d'intérêts. Tout simplement, on dit qu'il nous semble troublant de voir qu'un tel projet de loi est déposé au moment même où le gouvernement conservateur dépose un projet de loi sur la transparence et la responsabilité.
Je pense avoir dressé le portrait qui permet de voir comment le gouvernement conservateur en est arrivé à déposer cette première législation de la 39e législature, soit le projet de loi C-2 — pour des raisons électoralistes, entre autres, et des raisons nobles, j'ose l'espérer.
Le projet de loi C-2 a fait l'objet de discussions en comité spécial, soit en comité législatif. J'ai des remerciement à formuler en ce qui a trait au comité législatif. En effet, je désire remercier tous les collègues, tous partis politiques confondus, qui ont contribué à l'amélioration du projet de loi C-2 en comité. À certains moments, il y avait des joutes politiques, soit avec les libéraux, les conservateurs ou le NPD. Tous les députés n'étaient pas nécessairement sur la même longueur d'onde. Les paroles des uns et des autres étaient parfois été acerbes.
Chacun savait très bien que la joute politique se disputait lors des rencontres en comité. Et sur le plan humain, une fois le travail accompli, je suis convaincu que chacun reconnaissait le travail et les qualités de ses collaborateurs. Je tenais beaucoup à souligner ce fait. Enfin, je dois particulièrement souligner la collaboration de ma collègue de Rivière-du-Nord. Elle a été présente pendant les longues heures de travaux des comités
J'aimerais aussi souligner la collaboration de deux personnes en particulier. C'est triste parce que je vais oublier d'autres personnes. Cependant, je veux mentionner Annie Desnoyers et Dominic Labrie. Il s'agit de personnel rigoureux et travaillant du Bloc québécois et ils nous ont « supportés » — c'est le bon mot — tout au long de l'étude du projet de loi C-2.
Je vais parler plus spécifiquement du projet de loi C-2. Force est de constater que le Bloc est favorable au projet de loi. Vous l'avez vu dans nos présentations et nos appuis aux amendements. Il faut rappeler que l'éthique était au centre de la dernière campagne électorale, campagne qui, surtout au Québec, a chassé les libéraux du pouvoir. Nous avons participé à la Commission Gomery qui a produit plusieurs recommandations qui doivent maintenant être implantées et que l'on retrouve en partie dans le projet de loi C-2. On ne les retrouve pas en totalité, il manque notamment celles concernant le Comité permanent des comptes publics.
Une voix: Il a fallu l'améliorer.
M. Benoît Sauvageau: Nous l'avons amélioré, et cela durant les quelque 40 heures par semaine où nous siégions en comité.
Je vais vous parler des gains du Bloc québécois. Le Bloc est heureux de constater que certaines de ses propositions ont été reprises dans le projet de loi C-2. Ce projet de loi était imparfait. On a travaillé à le bonifier et on a fait quelques gains. Tous les partis peuvent se féliciter de cela. Les quelques gains du Bloc sont, entre autres, les nominations au mérite des directeurs du scrutin par Élections Canada. Mon collègue de la région de Québec, notre whip, avait déjà déposé un projet de loi sur les nominations au mérite des directeurs du scrutin, ce que nous avons réussi à obtenir dans ce projet de loi.
Au début, le projet de loi disait que le directeur général des élections pouvait nommer les directeurs du scrutin dans nos circonscriptions électorales. Nous avons amendé cette proposition en disant qu'il pouvait les choisir, les nommer, mais après un concours au mérite. Nous pensons que la pire des situations était celle où le gouverneur en conseil nommait ses petits amis directeurs du scrutin. Dans une démocratie moderne, c'est assez particulier. Mais en offrant la possibilité au directeur des élections — qui le demandait depuis longtemps — de nommer des directeurs du scrutin au mérite, après concours, on va s'assurer d'une plus grande impartialité pendant les élections et c'est un gain notable du Bloc québécois dans le cadre du projet de loi C-2.
L'indépendance du registre des lobbyistes est un autre gain. Nous aurons un registre des lobbyistes avec un commissaire indépendant. Ainsi, on ne pourra pas détourner l'attention en nommant des gens qui sont de connivence avec le gouvernement. Une loi sur le financement des partis politiques est un grain important. Les conservateurs nous ont dit, candidement et gentiment, vouloir s'inspirer de la Loi sur le financement des partis politiques du Québec, une loi qui a été établie par le Parti québécois en 1977, si ma mémoire est fidèle. Trente ans plus tard, le gouvernement fédéral dit vouloir s'en inspirer. C'est une belle victoire pour le Bloc et une belle victoire pour le Québec.
Une voix: Et pour la démocratie.
M. Benoît Sauvageau: Et pour la démocratie, me susurre-t-on à l'oreille. En effet.
Les pouvoirs de la vérificatrice générale ont été renforcés. Tout le monde connaît, depuis le scandale des commandites, la notoriété et le respect dont jouit la vérificatrice générale. Dans le cadre du projet de loi C-2, on a renforcé ses pouvoirs en lui donnant droit de regard sur un plus grand nombre de sociétés d'États et d'organismes, et là où le gouvernement fédéral investit de l'argent.
Le Bloc québécois est heureux de constater que certaines de ses propositions ont été reprises, je l'ai dit. Je pense particulièrement au vote secret. Dans le projet de loi C-2, on voulait nommer tout le monde par vote secret. Il est normal que le Président et les vice-présidents de la Chambre soient élus par vote secret. C'est une tradition parlementaire. Cependant, commencer à nommer tout le monde par vote secret, cela diminuait l'indépendance de chacun des agents indépendants de la Chambre, et la façon de nommer actuellement les agents indépendants...