Monsieur le Président, je suis heureuse d’avoir l’occasion d’appuyer le projet de loi S-7, Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares. J’aimerais en profiter pour répondre à certains des arguments qui ont été avancés pour fustiger ce projet de loi.
Des députés de l’opposition ont dit que le projet de loi était inutile parce que le droit pénal couvre déjà la question des mariages précoces et des mariages forcés, et que les dispositions en vigueur sont suffisantes pour lutter contre ces formes de violence. Ils prétendent également que les amendements proposés auront des conséquences imprévues sur les victimes, parce qu’ils criminalisent le mariage précoce et le mariage forcé.
Bon nombre de députés ont dénoncé ces formes de violence sexospécifique, en disant que ce sont de graves atteintes aux droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles. Nous avons entendu des témoignages sur les préjudices considérables que subissent les femmes et les jeunes filles qui sont obligées de se marier contre leur gré. Le gouvernement ne peut pas rester sans rien faire quand il sait que des femmes et des jeunes filles sont victimes de mariages forcés au Canada ou sont envoyées à l’étranger, prétendument pour assister au mariage de quelqu’un d’autre, et qu'elles découvrent que c’est à leur propre mariage qu’elles sont obligées de consentir.
Ce sont des pratiques tout à fait inacceptables, qui sont un outrage aux valeurs de notre pays, c’est-à-dire à la liberté de choix, au droit d’être protégé contre toute forme de violence, et au principe de l’égalité des sexes. Notre gouvernement se porte à la défense des personnes qui sont victimes de ces actes de violence inacceptables, en s’assurant que ces personnes ainsi que les policiers disposent des outils nécessaires pour empêcher ces mariages.
Il est vrai que notre droit pénal contient déjà des dispositions sur le mariage précoce et le mariage forcé, mais ces dispositions comportent des lacunes importantes. Le projet de loi vise précisément à combler ces lacunes, afin de muscler davantage notre dispositif juridique. De plus, le projet de loi prévoit toute une série de mesures visant précisément à prévenir ces actes de violence.
Je vais maintenant dire quelques mots sur les lacunes que comportent les dispositions actuellement en vigueur.
Premièrement, il n’y a actuellement pas infraction si le mariage précoce n’a pas été précédé d’un usage de la force ou de menaces de recourir à la force. D’aucuns prétendent que les dispositions actuelles qui portent sur l’âge du consentement à des rapports sexuels sont suffisantes dans le cas des mariages précoces. C’est tout simplement inexact.
La disposition actuelle du Code criminel qui vise l'âge minimal de consentement à une activité sexuelle, l'article 150.1, le fixe à 16 ans tout en prévoyant des exceptions pour les personnes d'âge rapproché et en exemptant expressément les couples mariés. Autrement dit, la disposition de protection actuelle ne protège aucunement la personne de moins de 16 ans qui est mariée à quelqu'un de beaucoup plus âgé.
Si l'exemption à l'égard du mariage existe, c'est parce qu'il n'y a pas d'âge minimum, à l'échelle nationale, sous lequel un mariage est automatiquement considéré comme illégal. Hors du Québec, où l'âge minimal fédéral de 16 ans s'applique à tous les mariages, aucune loi fédérale ne fixe actuellement d'âge minimal pour se marier au Canada.
Comme beaucoup de mes collègues l'ont signalé, l'antique common law fédérale doit donc seule pourvoir à cette lacune, ce qu'elle fait de façon ambiguë en semblant fixer l'âge à 14 ans pour les garçons et à 12 ans pour les filles. En ce moment, il est donc possible à un enfant de moins de 16 ans de se marier au Canada, sauf au Québec. Il est aussi possible, en fonction du droit privé international, de faire quitter le Canada à un Canadien de moins de 16 ans afin de le marier dans un pays où le mariage précoce est admis, auquel cas la légalité du mariage sera actuellement reconnue au Canada, sauf au Québec, lorsque l'enfant y reviendra, car aucune loi fédérale ne tient un enfant pour inapte à consentir à l'union. Le projet de loi colmaterait cette brèche.
En fixant à 16 ans partout au pays l'âge sous lequel personne ne peut légalement consentir à se marier, le projet de loi à la fois interdirait la célébration de tout mariage précoce au Canada et invaliderait le mariage précoce d'un enfant canadien à l'étranger en rendant celui-ci légalement inapte à le contracter.
Mme Kathryn Marshall, une avocate et activiste qui milite pour l'égalité des sexes, a témoigné devant le comité et a dit ce qui suit:
Nous ne pouvons nous reposer simplement sur la common law, car elle est, de par sa nature, très sujette à interprétation. Il est donc très important que cet âge soit codifié.
Selon elle, inscrire dans la loi l'âge minimal de consentement au mariage à l'échelle nationale est une mesure importante qui permettra de veiller à ce qu'aucune jeune femme ou jeune fille ne soit forcée de se marier.
Les lois actuelles comportent des lacunes importantes en ce qui concerne le mariage précoce; c'est pourquoi il faut prendre des mesures correctives et modifier ces lois. À l'heure actuelle, le fait de tenir une cérémonie de mariage précoce ou forcé ne constitue pas un acte criminel, et la disposition à cet égard ne fait même pas mention des notions de mariage précoce ou forcé. En vertu des dispositions présentement en vigueur, les autorités doivent être en mesure de prouver qu'une infraction sexuelle ou un acte de violence sera vraisemblablement commis à l'étranger.
Ainsi, nous devons inscrire dans le Code criminel des infractions relatives aux préjudices causés par la célébration de mariages précoces ou forcés, et ces infractions doivent être différentes de celles qui traitent des préjudices causés par la violence physique ou sexuelle. Le projet de loi modifierait le Code criminel de façon à établir clairement que toute personne ayant participé activement à une cérémonie de mariage en sachant que l'une des personnes qui se marient le fait contre son gré ou n'a pas atteint l'âge de 16 ans est passible de poursuites au criminel.
Ces deux nouvelles infractions représenteraient la pierre angulaire des modifications apportées à la disposition concernant le passage d'enfants à l'étranger; ainsi, les autorités auraient les outils nécessaires pour empêcher quelqu'un d'emmener un enfant à l'étranger en vue d'un mariage précoce ou forcé.
Ces deux nouvelles infractions serviraient également de base à la création d'un nouvel engagement de ne pas troubler l'ordre public qui viserait à empêcher un mariage précoce ou forcé et qui pourrait être imposé sans qu'il soit nécessaire de porter des accusations au criminel.
Cela vient combler la deuxième lacune dans les lois actuelles, celle qui a trait aux mariages forcés et que j'appellerais la lacune de prévention.
Le gouvernement est conscient que de nombreuses victimes des mariages forcés ne veulent pas que les membres de leur famille fassent l'objet de poursuites criminelles. C'est ce que nous observons dans toutes les formes de violence familiale, qu'il s'agisse de violence de la part du partenaire intime, de mauvais traitements infligés aux enfants ou de maltraitance des aînés. Les victimes ont besoin de plus d'outils pour faire en sorte que ce genre de violence ne se produise pas en premier lieu. C'est exactement ce que ferait le projet de loi.
Ces deux nouvelles infractions fondamentales liées aux mariages précoces ou forcés ont été spécialement conçues pour que les victimes puissent recourir à un engagement de ne pas troubler l'ordre public dans le but de prévenir de tels mariages et pour que les autorités puissent empêcher une personne de faire sortir un enfant du pays en vue de commettre ces crimes. Il s'agit d'outils nécessaires pour combler les lacunes dans la loi actuelle.
Le projet de loi ferait comprendre clairement aux contrevenants que nous ne tolérons pas la violence, comme les meurtres qu'on dit motivés par l'honneur, les mariages précoces ou forcés ou tout autre type de violence fondée sur le sexe. Nous prenons des mesures pour renforcer nos lois afin qu'aucune jeune fille ou jeune femme vivant au Canada ne devienne victime d'un mariage précoce ou forcé.
Au lieu de voter en faveur de cet important projet de loi et d'agir concrètement en vue de protéger les jeunes filles et les jeunes femmes, l'opposition continue de jouer à des jeux politiques. Il est temps qu'elle mette un terme à ces jeux et que tous les députés défendent les intérêts des femmes et des enfants.
J'exhorte tous les députés à se joindre à moi pour appuyer cet important projet de loi à l'étape de la troisième lecture.