[Le député s’exprime en cri ainsi qu’il suit:]
[Les propos du député sont interprétés ainsi:]
Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir le privilège de pouvoir m'exprimer en cri à la Chambre. Je suis très fier de pouvoir utiliser ma langue maternelle à la Chambre et je remercie tous ceux qui ont fait que ce soit possible.
Avant de parler du projet de loi C-91, je voudrais remercier mes parents. Je remercie ma mère de m'avoir appris à parler le cri. Je remercie également les gens de Waswanipi, qui m'ont permis de me rendre jusqu'ici et de parler ma langue. Je leur en suis très reconnaissant.
Je veux également remercier tous les membres de la Nation crie, ainsi que tous les peuples autochtones du Canada. Eux aussi ont contribué à ma présence ici de façon à ce que je puisse parler de ce que nous avons vécu dans le passé et de ce qui nous attend dans le futur. Je tiens également à remercier tous ceux qui m'ont appuyé pour que j'obtienne le privilège de m'exprimer dans ma langue. Je repense souvent à ceux qui ont été là avant moi et qui nous ont quittés. Je ne les oublierai jamais.
Les députés savent que nous sommes nombreux à parler nos langues autochtones et que cela nous aide. La vie nous apporte son lot d'expériences et de réflexions, et parler sa langue maternelle aide. Lorsque je suis arrivé dans cette enceinte, il y a huit ans, j'ai demandé si je pouvais poser des questions et intervenir au sujet des projets de loi dans ma langue maternelle. J'ai demandé ce privilège, mais on m'a répondu que devais parler uniquement anglais. C'est tout ce qu'on m'a dit.
Cette réponse m'a profondément attristé, mais je n'ai pas renoncé à ma demande. J'ai continué à réclamer le droit de m'exprimer dans ma langue et, aujourd'hui, je peux parler cri à la Chambre et tout le monde peut m'entendre. Je suis vraiment ému de pouvoir m'exprimer dans ma langue devant tout le monde et je tiens à remercier l'ensemble des députés d'avoir contribué à ce que cela soit possible.
En ce qui concerne le projet de loi C-91, si je souscris à certains de ses éléments, je dois néanmoins dire qu'il comporte certaines omissions. Je me pencherai sur ces omissions aujourd'hui. J'appuierai mes collègues pour faire adopter cette mesure, mais si nous souhaitons que tout se passe bien, nous devons faire les choses comme il se doit. Nous devons ajouter à ce projet de loi certains éléments qui ont été omis. Comme ces éléments sont nécessaires pour bien faire les choses, je vais m'employer à les faire ajouter avant que le projet de loi soit adopté. Voilà ce que je vais demander. Je vais apporter ma contribution.
Je me rappelle du jour où le premier ministre s'est adressé à nous il y a environ un an. Il nous a parlé pendant un moment, puis, je me suis levé pour répondre. Quand j'ai eu terminé, je suis allé le voir pour lui parler directement. Je l'ai remercié. Je lui ai même offert mon aide s'il en avait besoin. J'étais prêt à participer pour que nous travaillions tous ensemble pour défendre les droits des Autochtones d'un bout à l'autre du Canada et les gens de nos peuples qui sont encore en difficulté.
Je me souviens lorsqu'il s'est adressé aux chefs réunis à Gatineau et qu'il leur a parlé du projet de loi. C'était il y a presque trois ans. Je me souviens lorsqu'il a soulevé cette question. Tout le monde s'est levé et a remercié le premier ministre. Quand j'ai vu cela, je me suis levé aussi. J'ai été ravi lorsqu'il a fait cette annonce aux chefs. J'ai été ravi lorsqu'il a déclaré qu'un projet de loi serait rédigé pour aider les Autochtones à parler leurs langues. J'ai été ravi, mais je ne suis pas sûr qu'il a bien compris ce qui se passait lorsque tous les chefs se sont levés pour lui montrer qu'il les avait rendus fiers. Je ne suis pas sûr qu'il a bien compris cela.
[Traduction]
J'ai prononcé ces quelques mots en cri en guise d'introduction à mon discours. Je vais revenir au cri dans ma conclusion, mais je vois que le temps file.
Au Canada, la vaste majorité des langues autochtones sont menacées. Il est crucial de s'attaquer à ce problème. Il faut agir immédiatement, car la situation est urgente. Les langues autochtones sont importantes. Si le projet de loi n'est pas conforme à son objet, cela n'aidera pas du tout nos frères et nos soeurs autochtones.
C'est important pour l'avenir des langues autochtones. Comme je l'ai dit en cri, j'étais présent lorsque, il y a près de trois ans, le premier ministre a promis qu'un projet de loi serait présenté à ce sujet. J'ai toutefois l'impression qu'il presque trop tard.
J'assiste à des réunions de l'Assemblée des Premières Nations depuis 30 ans et je ne me souviens pas d'avoir vu une ovation debout aussi enthousiaste que celle accordée au premier ministre à ce moment-là. Je n'avais jamais vu cela. Comme je me trouvais au fond de la salle, je me suis levé aussi. En mon for intérieur, j'espérais que le premier ministre comprenait bien ce qui se passait. J'espérais qu'il avait saisi le message.
Nous savons que des communautés comme les Inuits s'attendaient à ce que le projet de loi reflète leurs besoins, leurs recommandations et ce qu'ils appellent l'élaboration conjointe. D'après ce que je comprends de la situation actuelle, élaborer conjointement, ce n'est pas rédiger conjointement. Il semble y avoir une différence importante.
Des linguistes ont fait des recommandations au gouvernement. Je connais personnellement certains d'entre eux.
La création du poste de commissaire aux langues autochtones n'est pas une aussi bonne mesure qu'on pourrait le croire. En principe, la création d'un poste de commissaire national répond à l'appel à l'action no 15 de la Commission de vérité et réconciliation, mais il faut aussi répondre à l'appel à l'action no 14.
L'appel à l'action no 14 dit ceci:
Nous demandons au gouvernement fédéral d’adopter une loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants:
i. les langues autochtones représentent une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société [...]
ii. les droits linguistiques autochtones sont renforcés par les traités;
iii. le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir des fonds suffisants pour la revitalisation et la préservation des langues autochtones;
iv. ce sont les peuples et les communautés autochtones qui sont les mieux à même de gérer la préservation, la revitalisation et le renforcement des langues et des cultures autochtones;
v. le financement accordé pour les besoins des initiatives liées aux langues autochtones doit refléter la diversité de ces langues.
J'ajouterais qu'il est urgent d'agir, étant donné la situation actuelle.
Comme l'a souligné fièrement le ministre, l'Assemblée des Premières Nations a salué le projet de loi en précisant qu'elle avait collaboré à son élaboration et qu'elle souhaitait que tous les parlementaires l'appuient. Je pense effectivement que nous l'appuierons à l'unanimité à l'étape de la deuxième lecture.
L'organisme inuit ITK a affirmé qu'il devrait y avoir un projet de loi propre aux Inuits. Selon lui, la création d'un poste de commissaire aux langues autochtones ne serait à peine plus « qu'un élément de remplacement pour le programme Initiative des langues autochtones ».
De nombreux dirigeants autochtones de partout au pays m'ont parlé de ce projet de loi au fil des ans. Nous en discutons depuis un bon moment.
Le projet de loi ne donne pas de définition des langues autochtones. À la Chambre et au Canada, il existe deux langues officielles. On les qualifie d'« officielles ». Les langues autochtones devraient-elles être considérées comme des langues officielles au Canada? C'est une des options possibles. J'admets que ce choix présente des avantages et des inconvénients. Les langues autochtones devraient-elles avoir un statut spécial en raison de leur valeur historique? C'est une autre option.
Je tiens aussi à souligner un autre point: le projet de loi reconnaît que les droits relatifs aux langues autochtones découlent de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, mais il passe sous silence les articles 11 à 16 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous savons que le concept des droits autochtones est vague et général. Nous disposons toutefois de cette déclaration, un document détaillé.
L'article 13 précise ce qui suit:
1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales [...]
2. Les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit [...]
C'est un concept clair. L'article 6 du projet de loi reconnaît l'existence de ce droit, mais il y a certainement lieu de se demander si le projet de loi protège ce droit. C'est une question valable.
Je vois que mon collègue de Rouge River acquiesce.
Je sais que mon temps de parole est limité, mais je tiens à mentionner quelques éléments que j'aurais aimé voir dans le projet de loi. Premièrement, le préambule comporte une flagrante omission. Le préambule lance un message clair et fort. Toutefois, le neuvième paragraphe dit:
Attendu [...] que, au cours de l’histoire, certaines politiques ou pratiques gouvernementales discriminatoires — dont celles visant l’assimilation ou la réinstallation forcée des Autochtones ou portant sur les pensionnats autochtones — ont été néfastes pour les langues autochtones et ont contribué de manière importante à l’érosion de celles-ci;
La flagrante omission, c'est qu'on oublie de mentionner les survivants de la rafle des années 1960. Je compte beaucoup de tels survivants parmi mes amis, et aucun d'entre eux ne parle sa langue autochtone. Je connais de nombreux survivants des pensionnats autochtones qui, comme moi — qui ai fréquenté un pensionnat pendant 10 ans —, parlent toujours leur langue. Toutefois, les survivants de la rafle des années 1960 sont encore moins nombreux à avoir cette chance.
Deuxièmement, mon collègue a parlé de l'alinéa 5g), qui dit:
La présente loi a pour objet [...] de contribuer à l’atteinte des objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en ce qui touche les langues autochtones.
« Contribuer à l'atteinte des objectifs » ne veut pas dire mettre en oeuvre la Déclaration. C'est une distinction très subtile.
Troisièmement, l'article 6 doit inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Le projet de loi comporte de nombreuses autres lacunes, mais le temps me manque.
[Le député s’exprime en cri ainsi qu’il suit:]
[Les propos du député sont interprétés ainsi:]
Monsieur le Président, je vous remercie une fois de plus de m'avoir permis de m'exprimer dans ma langue autochtone. Je suis disposé à répondre aux questions de mes collègues.
[Traduction]