Monsieur le Président, les Canadiens de partout au pays s'en remettent à un système de transport ferroviaire sécuritaire et bien réglementé pour assurer le transport de la nourriture de la ferme à l'assiette, fournir des ressources aux employeurs et aux consommateurs, et voyager, que ce soit pour rendre visite à des êtres chers ou se rendre au travail. Les Canadiens ont le droit de se sentir en sécurité quand ils prennent le train. Lorsque des marchandises potentiellement dangereuses sont expédiées d'un bout à l'autre du pays en passant par leurs collectivités, ils devraient avoir le sentiment que leurs familles et leurs maisons ne sont pas à risque. C'est au gouvernement qu'il revient d'assurer la sécurité des Canadiens qui voyagent en train ou qui vivent près des chemins de fer, ainsi que celle des cheminots.
Il y a près de deux ans, les Canadiens ont été stupéfaits et attristés d'apprendre qu'un déraillement à Lac-Mégantic avait causé la mort de 47 personnes et démoli une partie de la ville. Il s'agit de l'accident ferroviaire le plus meurtrier depuis la Confédération, en 1867. Dans les semaines qui ont suivi la tragédie, le gouvernement conservateur a promis de prendre des mesures énergiques pour assurer la sécurité et l'intégrité de notre système de chemins de fer, mais près de deux ans plus tard, nous n'avons pas plus de garanties que nous en avions, et le gouvernement est resté singulièrement inactif dans ce dossier.
L'approche fragmentaire du gouvernement à l'égard de la sécurité ferroviaire n'a rien fait pour prévenir les trois déraillements survenus en Ontario en février et en mars seulement. En mars 2015, l'un de ces trains, qui transportait des marchandises dangereuses, a passé le week-end à brûler. Lorsqu'on lui a posé des questions au sujet des accidents, la ministre s'est dit préoccupée et a déclaré: « Il y doit y avoir des raisons derrière tout cela. Il ne peut pas s'agir d'un simple hasard ».
J'ignore si les Canadiens peuvent être rassurés d'entendre ce type de réponse de la part de la ministre, qui est responsable de garantir la sécurité ferroviaire. Peut-être qu'elle pourra trouver la réponse auprès de la division de la sécurité ferroviaire de son ministère, qui manque d'effectifs, de financement et de formation. Il revient à la ministre des Transports d'ordonner aux compagnies de chemin de fer d'élaborer des règles précises pour assurer la sécurité des Canadiens. Il est aussi du ressort du gouvernement de prendre des règlements qui s'appliquent à ces compagnies et d'ensuite les soumettre à des vérifications et les surveiller pour voir s'ils sont suivis à la lettre. C'est une question qui se règle d'elle-même en faisant preuve d'un véritable leadership.
Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement interviennent dès que la sécurité est en cause. Il s'agit d'une des responsabilités fondamentales de tout bon gouvernement. Pourtant, même si tout le monde sait que Transports Canada a énormément de retard à rattraper et que la sécurité devrait être sa priorité numéro un, son budget a été amputé de plus de 200 millions de dollars dans le Budget principal des dépenses. Cette baisse de 11 % survient peu de temps après la parution d'un autre rapport accablant du vérificateur général, dans lequel on apprend notamment que le gouvernement a mené à peine 26 % des vérifications qui devaient avoir lieu et qu'aucune des vérifications effectuées n'avait visé VIA Rail, même si la société transporte 4 millions de passagers chaque année. Peut-on concevoir que seulement le quart des vérifications prévues ont véritablement eu lieu? Les trois quarts du travail sont restés en plan, même si c'est la sécurité des Canadiens qui est en jeu.
On apprenait aussi dans ce rapport que le gouvernement n'a pas assez d'inspecteurs et de vérificateurs pour exécuter les fonctions de sécurité les plus essentielles. Le ministère des Transports souffre d'un grave problème de capacités. Ses effectifs actuels ne lui ont permis de réaliser qu'une faible portion des vérifications prévues. Seulement le quart de celles qui auraient dû être menées pour, aux dires de Transports Canada, assurer la sécurité du réseau ferroviaire canadien ont finalement été effectuées. Si on n'augmente pas son personnel, combien d'années faudra-t-il au ministère pour qu'il contrôle l'ensemble des mécanismes de sécurité? Quand mon collègue, le député d'Ottawa-Sud, a interrogé la ministre à ce sujet lors d'une séance du comité qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci, elle a déclaré que le ministère avait embauché un inspecteur de plus. Comment peut-on appeler cela de la saine gestion ou du leadership? Comment peut-on prétendre assurer la sécurité des Canadiens en agissant ainsi?
Selon le rapport initial du Bureau de la sécurité des transports, les trois plus récents déraillements seraient attribuables à un problème touchant les rails, mais le gouvernement refuse d'investir l'argent nécessaire pour embaucher des inspecteurs et des professionnels de la sécurité. Il a été incapable de faire état de la moindre amélioration du côté de la surveillance des réseaux aérien et maritime, et à voir grimper le taux d'accidents ferroviaires, rien ne nous permet de croire qu'il en sera autrement cette fois-ci.
Il y de quoi inquiéter les habitants de Toronto et des environs. De nombreux trains transportant des matières dangereuses utilisent les voies ferrées du CN et du Canadien Pacifique qui traversent nos localités. Même si le gouvernement a accepté de retirer progressivement les wagons qui ont causé la tragédie de Lac-Mégantic et obligé les compagnies de chemin de fer à divulguer davantage de données sur la fréquence à laquelle les trains transportant des matières dangereuses traversent une ville ou un village et la quantité de produits dangereux qu'ils transportent, il reste encore beaucoup de choses à faire.
Par exemple, je suis d'accord avec mon collègue de Trinity—Spadina, qui était un ardent défenseur de l'amélioration de la sécurité ferroviaire à l'hôtel de ville de Toronto et qui continue de l'être ici, lorsqu'il dit que les compagnies de chemin de fer devraient aviser à l'avance les municipalités et les premiers intervenants que des marchandises dangereuses transitent par leur localité, au lieu de les aviser après coup, et parfois des mois plus tard.
À titre de conseillère municipale de Mississauga, j'ai fait la même demande il y a près de six ans, à la suite du déraillement de Goreway Drive. De plus, l'élimination progressive d'un type de wagons était importante à la suite de la tragédie de Lac-Mégantic, mais les déraillements qui se sont produits en Ontario cette année montrent qu'il faudrait faire davantage. Voici d'ailleurs un passage du rapport du Bureau de la sécurité des transports:
Si les wagons plus anciens, y compris les wagons répondant à la norme CPC-1232, ne sont pas retirés du service plus tôt, l'organisme de réglementation et l'industrie doivent prendre des mesures additionnelles pour réduire les risques de déraillement ou les conséquences d'un déraillement mettant en cause des liquides inflammables.
Transports Canada doit mettre en place des normes plus rigoureuses relativement aux wagons-citernes dès maintenant, et non en 2025, lorsque les dispositions annoncées concernant ces wagons seraient adoptées.
Le projet de loi comprend certains éléments réclamés par les Canadiens. Toutefois, le gouvernement a tellement tardé à agir qu'il ne semble toujours pas accorder suffisamment d'importance à la sécurité ferroviaire. De sérieux problèmes perdurent à Transports Canada. Sans inspecteurs chargés de vérifier la sécurité des trains et des chemins de fer, nous nous retrouverons toujours au même point, à nous demander comment un autre déraillement a bien pu se produire.
Par ailleurs, le projet de loi permet, à juste titre, aux inspecteurs et au ministre d'ordonner à une compagnie de chemin de fer de corriger immédiatement les problèmes de sécurité. Les mesures législatives sont importantes, mais l'argent est nécessaire. Comment le ministre saura-t-il qu'il y a des problèmes de sécurité si on ne prévoit pas augmenter suffisamment les effectifs chargés d'inspecter les systèmes de gestion de la sécurité? Les paroles percutantes sont rassurantes, mais elles n'aident en rien les Canadiens — ce sont des propos énergiques qui ne traduisent aucune action concrète. Les trois quarts des vérifications n'ont pas lieu. Quand la situation changera-t-elle?
Comme je l'ai dit un peu plus tôt, depuis son arrivée au pouvoir, l'actuel gouvernement conservateur dépense de plus en plus d'argent chaque année en publicité, davantage qu'il en investit dans la sécurité ferroviaire. Il dépense 42 millions de dollars en publicités sur le plan de fractionnement du revenu, qui est inutile pour la plupart des Canadiens, alors qu'il alloue seulement 38 millions de dollars à la sécurité ferroviaire — deux ans après la tragédie de Lac-Mégantic et malgré les déraillements qui lui ont succédé —, tout en favorisant une hausse de 1 500 % du transport du pétrole par train au cours des trois dernières années.
Si ce projet de loi est adopté, j'espère sincèrement que le gouvernement envisagera de revoir ses priorités en matière de ressources. Il est clair qu'il devra réformer le système de sécurité ferroviaire, mais il ne doit pas se contenter d'apporter des modifications à la pièce à la réglementation. Il doit mettre de l'argent sur la table et financer adéquatement le ministère et les gens qui s'emploient tous les jours à protéger les Canadiens d'un bout à l'autre du pays contre les déversements, les déraillements et toute autre catastrophe pouvant avoir des effets dévastateurs.