Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la Loi sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, ainsi que sur l'amendement que l'autre endroit nous a soumis.
Il y a bien des choses à dire concernant ce projet de loi que nous étudions de nouveau. Premièrement, l'amendement du Sénat soulève l'importance de la dualité linguistique.
Mon nom de fille est Godin. C'est la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer au sujet de l'éducation préscolaire. Mon père, Claude Godin, nous regarde peut-être aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour dire que j'aurais aimé hériter de ses compétences en langue française. Cela aurait été merveilleux. J'aurais aimé avoir cet héritage, car cela m'aurait évité bien des cours et m'aurait inculqué un plus grand sentiment d'appartenance à ma culture, à mon pays et la dualité linguistique. Cependant, c'est ma carrière parlementaire, mes échanges avec mes collègues représentant des régions francophones du pays ainsi qu'avec des citoyens francophones, qui m'ont fait réaliser à quel point il est important que les enfants dans notre pays aient l'occasion d'accéder à une éducation préscolaire dans la langue de leur choix. Voilà pourquoi le débat d'aujourd'hui sur cet amendement est si important.
Je pense aux propos de mon collègue de Portneuf—Jacques-Cartier. Il a passé beaucoup de temps à la Chambre à débattre et à faire valoir plusieurs arguments avec lesquels je suis d'accord. Il a trouvé malheureux que le gouvernement libéral soit contre cet amendement, que celui-ci ait dû être renvoyé au Sénat et qu'il soit maintenant revenu ici et que nous devions débattre de son importance. Le gouvernement libéral a vraiment raté une belle occasion. Il aurait pu régler la question lorsque la première mouture du projet de loi a été présentée. Mon collègue de Portneuf—Jacques-Cartier a indiqué à la Chambre que cela en disait long sur l'engagement du gouvernement envers la dualité linguistique. Je suis bien placée pour savoir à quel point il est important que les Canadiens puissent miser sur la dualité linguistique en milieu scolaire dès la petite enfance. Je suis donc d'accord avec mon collègue.
D'autres problèmes sont apparus relativement au projet de loi depuis la dernière fois où la Chambre l'a débattu. Je voudrais faire entendre la voix de mes concitoyens de Calgary Nose Hill. J'attire l'attention de la Chambre sur les problèmes de mise en œuvre du projet de loi qui ont été soulevés lors des débats précédents et que le gouvernement n'a pas réglés, mais qui apparaissent maintenant au grand jour, de manière bien concrète, et ont une incidence sur les parents. Lorsque le projet de loi a été débattu pour la dernière fois, bon nombre de mes collègues ont dit qu'ils craignaient qu'il ait un effet pervers et qu'il réduise le nombre de places en garderie au Canada, et nous commençons à voir ces craintes se réaliser.
À la fin du mois de janvier, plusieurs articles ont été publiés au sujet des garderies de l'Alberta ayant participé à des fermetures tournantes pour manifester contre le programme des garderies de 10 $ par jour. Ce n'est pas que ces garderies s'opposent à l'idée que les services de garde d'enfants devraient être abordables. Elles s'opposent plutôt à la mise en œuvre du projet de loi sans que le gouvernement ait prévu ou pris en considération les coûts que les garderies devraient absorber, ce qui rendrait inabordable la prestation de services à leurs clients, les parents. L'Association of Alberta Childcare Entrepreneurs a déclaré que les fermetures tournantes avaient pour but d'attirer l'attention sur les problèmes que pose la décision de fournir aux parents des services de garde d'enfants à bas prix sans veiller à ce que le coût de la prestation de ces services soit toujours couvert.
Dans un article, on peut lire ce qui suit:
« Le programme est sous‑financé depuis le début, selon Krystal Churcher, présidente de l'Association des entrepreneurs en garderies de l'Alberta. Il n'y a pas suffisamment de financement pour assurer le maintien du niveau de qualité. »
Comme je l'ai déjà dit, les conservateurs appuient l'accès à des services de garde abordables. Là n'est pas la question. Le gouvernement libéral a donné une structure trop bureaucratique au programme et n'a pas valorisé suffisamment le travail des fournisseurs de services de garde d'enfants sous toutes ses formes.
Lors de ma dernière intervention sur le projet de loi, j’ai parlé du fait que la structure du projet de loi et du mécanisme de financement n'offrirait pas d'accès aux parents qui ont des petits boulots et n'occupent peut-être pas un emploi traditionnel de neuf à cinq. La structure ne permettrait pas aux gens qui se trouvent dans de telles situations d'avoir un accès adéquat à des services de garde.
Les habitants des collectivités rurales sont logés à la même enseigne. Franchement, le projet de loi ne valorise pas non plus suffisamment le travail de garde d'enfants fourni par les parents, les grands-parents, les membres de la famille élargie ou les voisins qui s'organisent entre eux pour garder les enfants et les petits-enfants des uns et des autres, à tour de rôle, en raison du manque de places abordables en garderie. Or, le gouvernement libéral actuel n'accorde aucune valeur à ce type de service de garde dans le projet de loi à l'étude.
Si l’on veut maintenir l’unité du pluralisme du Canada, un pays très diversifié sur les plans régional, ethnique et économique, les principes en matière de garde d’enfants doivent valoriser la prestation de tels services toutes ses formes. Or, le projet de loi ne satisfait pas à cette condition. Malgré tout le temps que les libéraux ont eu pour améliorer ce qui est proposé, ils ne l’ont pas fait. À mon avis, cela témoigne du manque de créativité et du manque d’innovation d’un gouvernement usé qui ne suscite plus l’adhésion.
Pour les jeunes Canadiens de ma circonscription, le travail est une réalité très différente de ce qu'elle était pour leurs parents ou leurs grands-parents. Avec la formule actuelle que les libéraux ont intégrée dans le projet de loi C‑35, quelqu'un qui cherche une place et qui travaille par quarts ou dans l’économie des petits boulots n’aura pas accès aux services de garde dans la même mesure que les personnes qui fournissent des services professionnels, comme des banquiers ou des avocats, qui ont un horaire traditionnel, de 9 heures à 17 heures. Ces professionnels sont aussi privilégiés parce qu’ils ont en général un niveau de scolarité différent et que, pour trouver une place en garderie, ils ont parfois accès à des réseaux auxquels d’autres n’ont pas accès. On est loin d'un accès universel et d'une valorisation de la garde d'enfants en tant que fonction.
Étant donné que le gouvernement n’a pas réussi à corriger ces lacunes avec le projet de loi dans sa forme actuelle, je crains que, quand nous commencerons à mesurer les résultats des dépenses sur une période de 2, 5 ou 10 ans, nous constations qu'un écart important sépare les banquiers et les avocats, qui disposent des réseaux nécessaires pour obtenir une place en garderie et qui travaillent de 9 heures à 17 heures, et les gens qui occupent plusieurs petits boulots et qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.
Cela dit, je veux aussi soulever un point. J'ai lu le débat sur l'amendement qui a eu lieu cette semaine et j'ai remarqué que, selon la ministre, le projet de loi assurerait la transparence des résultats pour les Canadiens. Or, il ne ferait rien de tel. Je tiens à souligner ce que le gouvernement doit faire. Je tiens à ce que ces chiffres figurent au compte rendu parce que je sais qu'un futur parlementaire voudra les connaître. Je parie que le directeur parlementaire du budget voudra les connaître. La vérificatrice générale voudra peut-être les connaître, car nous devons être capables d'en avoir pour notre argent.
Le gouvernement a beaucoup parlé des dépenses liées au projet de loi C‑35, mais il ne parle pas du coût d'avoir renoncé à l'utilisation qui pourrait être faite des fonds dans une structure différente pour assurer une meilleure universalité des services fournis aux parents canadiens.
Donc, sur le plan de la transparence, je dois dire, en tant que parlementaire, qu'il y a des données que je ne peux pas trouver. Par exemple, quel est le total d'enfants actuellement inscrits à une place à 10 $ par jour, ventilé par province ou territoire? Il est impossible pour les parlementaires de connaître le nombre d'enfants qui ont accès à ces places et de le comparer aux besoins d'une région. Si nous voulons être en mesure, en tant que parlementaires, de mesurer l’efficacité de ces dépenses importantes, nous devrions avoir accès à ces données.
L’autre chose qui me préoccupe, c’est qu’il n’y a pas de données sur le revenu moyen des parents qui ont les places à 10 $ par jour. Le gouvernement n'a pas prévu le critère du revenu dans le projet de loi, et je crains que ces places ne soient accordées de façon disproportionnée aux Canadiens à revenu élevé plutôt qu'aux Canadiens à faible revenu ou aux Canadiens qui travaillent par quarts ou qui ont des petits boulots. Le fait que le gouvernement ne mesure pas cette variable et n'en parle pas me dit qu'il va y avoir un problème.
Il nous manque également un autre élément de données: combien y a-t-il de places à 10 $ par jour qui seraient disponibles à des heures souples, hors du créneau de 9 heures à 17 heures? Si le gouvernement tient à dire que ce projet de loi fournira un accès universel à des services de garde, alors, comme je l'ai dit plus tôt, il devrait tenir compte de tous les types d'emplois et d'horaires de travail qu'il y a au Canada. On commence à constater un changement important dans le modèle économique du pays.
Je continue d'avoir l'impression que beaucoup de fonctionnaires qui conseillent le gouvernement se disent « structurons cela autour d'horaires de travail de 9 heures à 17 heures » parce que c'est ce qu'ils connaissent. À l'extérieur de la fonction publique, toutefois, la réalité, c'est qu'il y a de moins en moins d'emplois où on travaille de 9 heures à 17 heures, et même les gens qui occupent un tel emploi doivent maintenant se trouver un deuxième, voire un troisième emploi à cause de la crise de l'inflation. On sait que bien des gens qui ont un emploi classique de 9 heures à 17 heures leur permettant de gagner 40 000 $ ou 50 000 $ par année travaillent comme chauffeur pour Uber ou Uber Eats en soirée. Beaucoup de gens qui ont des emplois secondaires pourraient avoir un revenu plus élevé ou une productivité économique accrue. Malheureusement, selon cette formule, ils n'ont pas accès à des services de garde.
L’autre élément clé que le gouvernement ne mesure pas correctement est lié à ce dont je viens de vous parler au sujet de l’Alberta. Combien de travailleurs en garderie supplémentaires faudra-t-il pour atteindre le nombre de places en garderie promises par le gouvernement? À ce que je sache, le gouvernement n’a pas fourni la moindre analyse démontrant qu’il a établi un plan efficace pour former et maintenir en poste les travailleurs en garderie afin d’offrir les services qu’il a promis. Il dépense beaucoup d’argent pour créer la structure administrative de ce programme, mais s’il ne veille pas à ce que nous ayons toute la main-d’œuvre nécessaire pour fournir les services, tout cela n'aura servi à rien.
Je tiens également à souligner que si le gouvernement ne fait pas ce travail d’analyse débouchant sur des prévisions, le problème s’aggravera au fil du vieillissement des baby-boomers. Beaucoup de personnes de ma génération se sentent coincées entre la garde des parents, la garde des enfants et, dans certains cas, la garde des petits-enfants. Par conséquent, au fur et à mesure que la demande de soins pour les aînés augmentera, la main-d'œuvre sera convoitée en même temps pour fournir ces soins et pour travailler dans les services de garde. Le gouvernement doit faire les bons calculs pour que le Parlement puisse juger si, oui ou non, ce programme est une dépense adéquate ou appropriée, parce qu’il coûtera cher.
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par les travailleurs en garderie de l'Alberta, le gouvernement n'a pas été transparent quant au salaire moyen d'un travailleur en garderie qui offre des services de garde à 10 $ par jour. Encore une fois, pourquoi ces données sont-elles nécessaires? Premièrement, il faut déterminer si le gouvernement prévoit des salaires équitables dans le contexte des services de garde à 10 $ par jour. Deuxièmement, en ce qui a trait à la disponibilité de la main-d'œuvre à long terme, il nous faut au moins des données sur le plancher salarial afin de pouvoir évaluer adéquatement les coûts, les dépassements de coûts potentiels ou les coûts associés à l'élargissement de ce programme. Les gouvernements provinciaux auront aussi besoin de ces données.
Enfin, le salaire moyen à verser au personnel des garderies doit être beaucoup plus élevé que ce que le gouvernement a prévu si l'on veut pourvoir les postes nécessaires. Le gouvernement n'aura pas non plus évalué adéquatement le coût de l'ensemble du programme, ce qui impose également un fardeau aux gouvernements provinciaux.
Les autres données que le gouvernement n’a pas fournies dans son analyse au Parlement, et qu'il ne mesure pas du tout, selon moi, correspondent au nombre de places à 10 $ par jour qui sont en région urbaine par rapport aux régions rurales. Je pense que le gouvernement, au moyen de nombreuses politiques différentes, a davantage creusé un fossé entre le Canada urbain et le Canada rural, alors qu’il devrait tenter d'unir ces régions afin d'assurer la cohésion nationale, la santé économique et la cohésion sociale. Il est inacceptable de créer une disparité entre la disponibilité des services de garde en milieu urbain et en milieu rural. Le gouvernement devrait fournir des données pour indiquer au public si une telle disparité existe ou non et, si c'est le cas, sur la façon dont il prévoit corriger le programme afin que l'écart ne se creuse pas au fil des ans.
Il y a également le fait que le gouvernement n'a pas été franc. Le gouvernement ne semble pas soucieux d'obtenir ces renseignements. Il n'a présenté aucun de ces renseignements lors de l'étude en comité. Le ton et la teneur des propos tenus par le gouvernement dans le cadre du débat sont les suivants: « Au Canada, c'est la seule façon pour l'État de jouer un rôle dans la garde des enfants. » Cela comporte des lacunes fondamentales, mais on ne peut mesurer l’ampleur de celles-ci qu’à partir de ces données. Je pense que c'est la raison pour laquelle le gouvernement les cache aux Canadiens.
Je tiens à dire que je m'insurge contre les commentaires de la ministre sur ce projet de loi qui, selon elle, assurerait une transparence. Elle a tenu des propos très orwelliens. Le public n'a pas accès à ces données, mais les garderies, les syndicats, les fournisseurs de services de garde et les parents en ont besoin pour planifier la suite des choses.
Je conclus en disant ce qui suit. Au cours des huit dernières années, le coût de la vie a connu une flambée record au Canada, et le gouvernement libéral a mis de l'huile sur le feu avec ses dépenses qui gonflent le déficit à l'extrême. Il y a souvent eu du gaspillage éhonté: 250 millions de dollars ont été versés à une entreprise de deux employés, qui n'ont fait aucune tâche de TI et qui travaillent dans le confort du sous-sol d'une petite maison. Combien d'autres scandales comme celui de l'organisme UNIS a-t-on vus? Il y a eu tellement de gaspillage sous le gouvernement libéral qu'il faut maintenant évaluer toutes ses dépenses à l'aide de données rigoureuses sur les retombées que ce programme est censé entraîner.
D'après ce qu'on voit en Alberta, je m'inquiète du manque de transparence concernant les données et de l’absence du principe de l’universalité. Le gouvernement ne peut pas aggraver la crise inflationniste en proposant des dépenses qui n'ont pas de retombées directes et positives sur toute la population canadienne. Voilà pourquoi les données sont si importantes.
Le gouvernement a le devoir de s'attaquer à la crise inflationniste à laquelle les parents sont confrontés. On pourrait parler à l'infini de la garde des enfants, mais ce n'est que l'un des nombreux enjeux qui ont fait leur apparition dans la vie des Canadiens depuis huit ans. Pensons par exemple aux coûts exorbitants des hypothèques, aux coûts exorbitants des logements ou à l'impossibilité de remplir un sac d'épicerie pour moins de 100 $. Voilà autant d'éléments qui font qu'élever des enfants coûte trop cher. Quand on regarde les taux de fécondité un peu partout, on constate qu'il faut encourager les Canadiens à avoir des enfants. Cela suppose de régler une vaste gamme d'enjeux dont celui de l'abordabilité en général, qui devrait occuper une place plus importante dans ces conversations.
Comme je l'ai dit, je suis sidérée que le gouvernement n'ait pas de meilleures données sur les résultats. Je suis sidérée qu'il ne réponde pas aux préoccupations des exploitants de garderies de ma province. J'espère vraiment que le gouvernement améliorera sa façon de traiter ce dossier, afin que les futurs gouvernements n'aient pas à corriger des erreurs qui auront coûté cher aux Canadiens.