Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, également appelée Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons. Souvent, je me demande comment le projet de loi éradiquerait les drogues dans nos prisons, mais, cela dit, nous l'appuyons.
J'aimerais maintenant prendre une minute pour reconnaître le travail exceptionnel du porte-parole en la matière, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca. Il a fait une analyse très approfondie et détaillée de ce projet de loi en plus de redoubler d'efforts au comité pour essayer de le renforcer afin qu'il atteigne l'objectif visé. Comme nous le savons, nos collègues d'en face ne sont pas vraiment disposés à écouter les experts ou à tenir compte des conseils sur la façon d'améliorer les projets de loi. Quoi qu'il en soit, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a accompli un travail gargantuesque dans le dossier de la sécurité publique dans le but de s'attaquer aux véritables enjeux pour les Canadiens et de réellement assurer leur sécurité.
Il est intéressant de constater que nous débattons du projet de loi le jour même où le budget sera présenté. Nous savons que le dépôt du budget a été retardé. J'ignore si c'est parce que le ministre ne savait tout simplement pas quoi mettre dans le budget ou parce que les conservateurs étaient occupés à élaborer leurs communications ou leur campagne publicitaire gratuite parce que financée à même l'argent des contribuables, mais le fait est qu'ils ont tardé à présenter le budget. En tout cas, nous avons hâte d'en prendre connaissance aujourd'hui. J'espère vraiment que nous y verrons des investissements considérables dans le programme que le gouvernement actuel prétend faire sien.
Mes collègues d'en face aiment bien se proclamer champions de la sécurité publique, mais il s'agit souvent de beaux discours, car les programmes qu'ils ont annoncés sont assortis d'un financement insuffisant, voire inexistant, et même, dans bien des cas, accompagnés de compressions.
Cette mesure législative, malgré son titre, Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons, constitue, à mon avis, un tout petit pas, mais nous l'appuyons quand même. Je signale aux députés que ce projet de loi n'aurait pas les effets escomptés par mes collègues d'en face, parce qu'il ne s'attaquerait pas aux véritables problèmes auxquels font face nos prisons.
Le projet de loi C-12 inscrirait explicitement dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition la possibilité pour la Commission des libérations conditionnelles, dans toute décision relative à l'admissibilité à la libération conditionnelle, de tenir compte des résultats positifs d'une analyse d'urine du délinquant ou du refus de celui-ci de fournir un échantillon de son urine pour un test de dépistage de drogue.
À ma connaissance, c'est ce qui se fait déjà. Les députés peuvent en avoir l'assurance. Par conséquent, nous inscririons dans la loi une pratique qui a déjà cours. Ce serait une bonne chose. Ainsi, la loi entérinerait explicitement une pratique actuelle, une pratique que nous approuvons, mais qui, en soi, ne réglerait pas les graves problèmes auxquels il faut s'attaquer, c'est-à-dire la toxicomanie, la maladie mentale et les raisons fondamentales qui expliquent que de plus en plus de personnes finissent emprisonnées plutôt que soignées.
Je l'ai déjà dit à quelques reprises, mais je le répète: le projet de loi C-12 porte un titre trompeur. Nous savons que le gouvernement actuel se plaît à trouver à ses projets de loi des titres plutôt outranciers qui ratissent large, sauf qu'une analyse attentive des mesures en question révèle qu'elles n'accomplissent en fait pas grand-chose. C'est la même chose dans ce cas-ci: malgré son titre ronflant, le projet de loi permettra simplement au gouvernement d'inscrire dans la loi une pratique qu'applique déjà la Commission des libérations conditionnelles.
La Commission des libérations conditionnelles conservera son pouvoir discrétionnaire quant à l'usage qu'elle fait de cette information.
Je suis toujours fière de siéger de ce côté-ci de la Chambre, car mes collègues et moi-même avons toujours résolument appuyé les mesures qui rendent les prisons plus sûres. Au contraire, le gouvernement conservateur ne tient pas compte des recommandations du personnel des services correctionnels et de l'enquêteur correctionnel visant à réduire la violence, l'activité des bandes criminelles et la consommation de drogue dans les prisons.
Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Nous savons très bien que le gouvernement actuel est allergique aux données et aux spécialistes. Mais la plupart d'entre nous savent que, pour s'attaquer à la question complexe de la toxicomanie, il faut tenir compte de nos connaissances et du savoir acquis par les spécialistes. Les parties intéressées conviennent avec le NPD que le projet de loi aura peu d'effet sur la consommation de drogue dans les prisons.
Le projet de loi porte sur les libérations conditionnelles et sur les facteurs dont la Commission des libérations conditionnelles tiendrait compte. Il n'a pas grand-chose à voir avec ce qui se passe vraiment dans les prisons. Là encore, le gouvernement conservateur présente une mesure législative pour plaire à la base conservatrice et pour pouvoir dire qu'il agit, mais sans mettre en oeuvre de véritables solutions pour régler le problème de la présence de drogue et de l'activité des bandes criminelles dans les prisons. Je dirais même que le gouvernement rend les prisons plus dangereuses en réduisant le financement des programmes correctionnels, comme les programmes de lutte contre la toxicomanie, et en recourant davantage à la double occupation des cellules, qui ne fait qu'alimenter la violence. La priorité des parlementaires devrait être de protéger la population en préparant les ex-détenus à leur réinsertion sociale, notamment en les libérant de leurs toxicomanies et les rendant moins enclins à récidiver.
J'ai étudié en profondeur le projet de loi, car en tant que mère et grand-mère et en tant qu'ancienne enseignante et conseillère d'une école secondaire et d'un arrondissement scolaire, je sais que la toxicomanie est un problème social très difficile à régler. Il n'y a pas de solution simple.
Dans ma ville, Surrey, dans la magnifique Colombie-Britannique, il y a eu 23 fusillades au cours des 38 derniers jours. Dimanche, ce que nous redoutions tous, qu'il y ait des morts, est arrivé: un jeune de 22 ans a perdu la vie. Les citoyens de Surrey, comme ceux des autres villes du Canada, souhaitent vraiment qu'on fasse quelque chose pour contrer la violence, les gangs et la drogue. Il n'y a pas un parent qui veut voir ses enfants commencer à consommer de la drogue ou être mêlés à des activités criminelles. Lorsque survient ce genre de tragédie dans notre collectivité, nous en sommes ébranlés et nous ressentons le besoin de prendre nos proches dans nos bras. En ce moment, je suis de tout coeur avec la famille — les parents, oncles, tantes, cousins, frères et soeurs —, mais aussi avec toute la collectivité, qui est confrontée en ce moment à une vague de violence armée.
C'est parce que nous voulons de vraies solutions que nous voulons nous attaquer aux vrais problèmes. Nous voulons commencer à nous pencher sur les problèmes sous-jacents.
Il nous faut une stratégie et des mesures concrètes en santé mentale. Il ne suffit pas d'en parler. Un tel programme comporterait plusieurs volets. Bien des gens diront que cela n'a rien à voir avec le sujet, mais nous savons que la plupart des détenus ont été condamnés pour des crimes liés à la drogue et un grand nombre d'entre eux parce qu'ils ont des problèmes de santé mentale. À moins de nous attaquer sérieusement aux problèmes de santé mentale, je doute que cette mesure, par trop modeste, nous aide à avoir une société plus sûre ou des prisons plus sûres.
On dirait que le gouvernement actuel veut voir combien de gens il peut encore jeter en prison, même s'il doit en mettre deux par cellule, et, avec les peines obligatoires, encore plus de gens sont envoyés en prison. Je crois sincèrement qu'il nous faut des politiques qui prévoient des punitions à la mesure des crimes commis, mais nous devons aussi veiller à la réadaptation des détenus.
Avant même de parler des crimes et des gens qui se retrouvent en prison, nous devons jeter un coup d'oeil à nos collectivités et nos systèmes scolaires. Nous devons nous demander quels genres de programmes seraient nécessaires. Le système scolaire public subit des attaques depuis de nombreuses années. En Colombie-Britannique, le travail de prévention contre la toxicomanie qui se faisait auparavant est très difficile à faire aujourd'hui, parce que beaucoup de postes de conseillers en orientation ont disparu, et l'argent qui était habituellement disponible pour la prévention ne l'est plus. Prenons le cas de Surrey et voyons quel système d'aide y est offert aux jeunes. Si je compare le nombre d'étudiants par conseiller aujourd'hui à ce qu'il était lorsque je suis arrivée en Colombie-Britannique, je constate qu'il y avait 250 étudiants par conseiller dans mon arrondissement, Nanaimo. Aujourd'hui, on me dit que le nombre peut atteindre de 800 à 1 000 étudiants par conseiller.
Nos enfants subissent toutes sortes de pressions qui passent par les médias sociaux et Internet et que nous connaissons pour avoir souvent étudié des projets de loi sur cette question aux Communes. Or, pendant que ces pressions se font sentir, les systèmes d'aide offerts aux jeunes font l'objet de réductions considérables. Dans mon arrondissement scolaire, en Colombie-Britannique, d'excellents programmes figurant parmi les plus progressistes avaient une influence salutaire sur les jeunes. L'un d'entre eux s'appelait action Nanaimo. Un autre avait pour thème les étapes vers la maturité et aidait les jeunes à développer leur estime d'eux-mêmes, leurs compétences en communication et leur capacité à gérer l'intimidation. Ces programmes ont disparu.
Les pouvoirs publics et la population doivent oeuvrer ensemble pour fournir aux jeunes l'aide dont ils ont besoin afin de ne pas se retrouver en difficulté soit à cause de troubles mentaux, soit à cause de la drogue. Il faut les aider pour qu'ils ne se retrouvent pas dans des gangs et qu'ils ne se mettent pas à vendre de la drogue. Nous devons veiller à ce que les jeunes soient outillés pour naviguer à travers les nombreux écueils de la société actuelle.
Je dirais que le même principe s'applique aux délinquants qui se trouvent dans nos prisons. Il est très facile de condamner quelqu'un à une peine d'emprisonnement, mais si nous ne lui fournissons pas les moyens de se réadapter, nous ne rendons pas service à la société.
Je vais donner un chiffre qui scandalisera complètement la plupart des gens. Envoyer une personne en prison et la garder en détention coûte maintenant de 80 000 $ à 90 000 $ par année environ. La société est prête à défrayer ce coût. En revanche, elle n'est pas disposée à consacrer même 10 % ou 20 % de cette somme à des programmes d'éducation et de prévention pour que les jeunes ne se retrouvent pas en prison.
Si les peines obligatoires et l'augmentation du nombre de personnes incarcérées éliminaient la drogue et la criminalité, il n'y aurait plus aucun problème lié à la drogue et à la criminalité aux États-Unis. Sous le gouvernement actuel, nous sommes passés maîtres dans l'art de suivre des exemples alors que nous savons qu'ils sont mauvais. Au lieu de nous pencher sur les faits, nous préférons copier aveuglément les États-Unis et continuer à mettre des gens en prison, alors que les États-Unis eux-mêmes envoient des experts chez nous pour se familiariser avec la réadaptation.
En outre, une fois que les gens sont en prison, nous ne leur fournissons pas les ressources dont ils ont besoin pour ne pas récidiver. Je trouve tout à fait scandaleux les beaux discours du gouvernement alors qu'il a échoué dans ce dossier. Non seulement il n'a pas augmenté le financement, mais il a également sabré dans les programmes qui aideraient les gens qui sont incarcérés et aussi ceux qui sont hospitalisés. Récemment, j'ai rendu visite à ma mère de 90 ans à l'hôpital. En dépit du travail extraordinaire accompli par le personnel de l'établissement, je dois dire que les hôpitaux sont eux aussi confrontés à de grandes difficultés.
Si nous voulons vraiment nous attaquer au problème de la drogue dans les pénitenciers, nous devons faire une bonne évaluation initiale de la dépendance du détenu, puis fournir le programme correctionnel qui lui convient. Sans le traitement, l'éducation et l'intégration qu'il lui faut à sa libération, il y a un risque probant que le délinquant renoue avec son mode de vie criminel et qu'il fasse d'autres victimes. C'est ce que l'on appelle le phénomène de la porte tournante.
L'imposition de peines minimales obligatoires fait augmenter la population carcérale alors le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ferment des établissements. Il est très déconcertant de voir l'effet que cette dynamique peut avoir sur les services de santé mentale.
La directive 55 de Service correctionnel Canada, qui établit des procédures pour normaliser la double occupation, me semble un peu bizarre. Quand j'étais jeune, j'allais dans les auberges de jeunesse et la double occupation des chambres était une chose plutôt amusante, mais je ne peux pas me l'imaginer en milieu carcéral.
Permettez-moi de répéter que nous appuyons ceci. C'est un petit pas. Cependant, sans des investissements appropriés en matière de prévention, d'éducation, de traitement et de réadaptation, il n'y a que des mots. Nos collectivités méritent beaucoup mieux que cela. J'espère que dans le budget d'aujourd'hui, le gouvernement annoncera une injection importante de fonds pour la prévention, l'éducation, les problèmes de santé mentale et la réadaptation, ainsi qu'un soutien concret à l'instauration d'une politique de réintégration efficace susceptible de redresser la situation et, au final, d'améliorer la sécurité dans nos collectivités.
Je suis d'avis qu'il n'y a pas de meilleur investissement que celui que l'on fait dans l'éducation de nos enfants. Je prie instamment les gouvernements provinciaux d'en faire une priorité, parce que nos enfants sont notre avenir et qu'ils méritent chaque sou que nous investissons pour eux.