Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑311, qui a été présenté par la députée conservatrice de Yorkton—Melville.
Je suis fière de me joindre à mes collègues du NPD et du Bloc québécois, ainsi qu'aux femmes de l'ensemble de notre grand pays, afin de m'opposer à ce projet de loi conservateur, le projet de loi C‑311. Il s'agit d'une tentative à peine voilée de rouvrir le débat sur l'avortement au Canada. Je tiens à dire clairement que le gouvernement condamne fermement toutes les formes de violence envers les femmes, y compris les femmes enceintes, tout en appuyant sans réserve le droit des femmes au libre choix.
Tout au long du débat sur le projet de loi dont nous sommes saisis, les conservateurs ont soutenu que cela n'avait rien à voir avec l'avortement. Cela me laisse perplexe, car la députée qui parraine ce projet de loi a elle-même établi ce lien. Les députés n'ont donc pas à me croire sur parole. Nous n'avons qu'à nous pencher sur ce que la députée a dit au sujet du projet de loi qu'elle parraine.
En effet, lorsqu'elle a défendu le projet de loi C‑311 dans cette Chambre, la députée de Yorkton—Melville a dit que « le Canada n'a pas de loi sur l'avortement ». Elle a dit qu'il y a là un « vide juridique » et que les « enfants à naître » devraient être considérés comme des victimes. Elle a aussi publié sur son site Web une pétition prétendument pro-vie en lien avec le projet de loi. Nous savons très bien quelles sont les intentions des députés conservateurs d'en face. C'est bel et bien un projet de loi sur l'avortement. Je rappelle également à mes collègues que le projet de loi C‑311 a reçu les éloges d'organisations anti-avortement qui affirment que ce projet de loi « reconnaît l'humanité de l'enfant à naître ».
Nous avons vu ce qui est arrivé au droit à l'avortement juste au sud de la frontière. De ce côté-ci de la Chambre, nous sommes solidaires des Américaines qui sont privées de certains soins de santé génésique, ainsi que des personnes qui luttent pour rétablir le droit à l'avortement. Nous protégerons toujours la liberté des Canadiennes en matière de procréation. Nous ne les laisserons pas tomber.
Je prends la parole à la Chambre ce soir avec un point de vue unique: je siège à la fois au comité de la santé et au comité de la condition féminine. Ces deux rôles me permettent de constater directement les liens entre les soins de santé et les droits des femmes. Ils soulignent que l'accès à des services d'avortement sécuritaires et légaux est un aspect fondamental des soins de santé complets. C'est pourquoi le contenu du projet de loi C‑311 soulève des préoccupations au sujet des répercussions possibles. Il est aussi très semblable à d'autres projets de loi d'initiative parlementaire qui ont été présentés par la même députée et qui ont échoué à introduire la notion d'un « enfant à naître » dans le Code criminel.
L'histoire du droit à l'avortement et les batailles actuelles pour protéger et maintenir ce droit démontrent la nécessité de faire preuve de vigilance. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est un premier pas des conservateurs pour affaiblir les protections juridiques établies. Je suis déçue qu'aucun député conservateur n'ait pris la parole pour s'opposer au projet de loi, mais leur silence en dit long.
On ne parle pas ici seulement d'un changement au Code criminel, mais de valeurs canadiennes fondamentales. Je tiens à rassurer tous les Canadiens qui nous écoutent: le gouvernement n'hésitera jamais à défendre nos convictions. Nous croyons en l'accès à l'avortement. Or, le projet de loi dont nous sommes saisis affaiblirait les protections prévues par la loi pour les femmes enceintes.
Le gouvernement prend très au sérieux la violence faite aux femmes. Nous ne pouvons pas appuyer une mesure législative qui menace les protections juridiques existantes. Il est également important de noter que les juges ont déjà la capacité de considérer la grossesse d'une victime comme une circonstance aggravante. Cela signifie que la grossesse est un facteur que les juges doivent prendre en considération, lors de la détermination de la peine, dans les cas d'agression. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'atteint pas son objectif déclaré.
Les organismes de défense des droits des femmes n'ont manifesté aucun appui à l'égard du projet de loi, mais celui-ci a reçu un appui considérable de la part de groupes et de particuliers qui s'opposent à la liberté de choix. Je vais souligner quelques organisations qui se sont prononcées contre le projet de loi C‑311. La Coalition pour le droit à l'avortement au Canada a condamné cette mesure législative. Abortion is Healthcare, un groupe de la Saskatchewan, la province de la marraine de cette mesure législative, a dénoncé le projet de loi C‑311 parce qu'il « fait lentement progresser le fœtus vers le statut de personne ». Je remercie ces organismes du travail qu'ils font pour protéger les droits génésiques.
Contrairement à ce que propose le projet de loi C‑311, le gouvernement du Canada entend réaffirmer son engagement à protéger l'accès à l'avortement et aux soins de santé essentiels. Le projet de loi C‑311 ne représente pas un effort isolé de la part des conservateurs. Il constitue leur plus récente tentative de miner et de remettre en cause les droits reproductifs durement acquis par les femmes au Canada.
La semaine dernière, j'ai pris la parole à la Chambre pour demander aux députés de rendre le Parlement moins sexiste. Les Canadiens nous regardent et ils veulent que nous ayons des débats sains. Beaucoup de femmes avaient des observations à faire au sujet de nos travaux en général. Sandra a dit qu'elle voudrait une solution axée sur la culture pour remplacer le milieu agressant qu'elle constate aujourd'hui. De ce côté-ci de la Chambre, nous voulons faire progresser les droits des femmes et, en face, ils veulent nous ramener à la case départ.
De ce côté-ci de la Chambre, nous formons le parti qui défend la Charte des droits et libertés. Nous avons la conviction que la Charte protège le droit à l'avortement. Il n'est pas question de débattre de ce droit garanti par la Charte au Canada, pas plus qu'il n'est question de débattre des autres droits qu'elle confère.
Je vais maintenant aborder un autre élément qui est manquant dans le projet de loi. Il s'agit des efforts requis pour lutter contre la violence fondée sur le sexe et d'assurer la sécurité des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
Dans le budget de 2023, le gouvernement du Canada a de nouveau confirmé son engagement à protéger et à maintenir l'accès à l'avortement en prévoyant 36 millions de dollars sur trois ans pour le renouvellement du Fonds pour la santé sexuelle et reproductive. Grâce à ce soutien financier, les communautés marginalisées et vulnérables pourront accéder aux informations et aux services essentiels en matière de soins de santé sexuelle et reproductive.
Le plan d'action national décennal qui vise à mettre fin à la violence fondée sur le sexe est le fruit d'une collaboration déterminante entre le gouvernement et les provinces et territoires. Il prévoit un financement considérable d'un demi-milliard de dollars sur cinq ans pour aider les provinces et les territoires à le mettre en œuvre.
Nous œuvrons à toute vapeur pour l'égalité des genres. Aujourd'hui, nous devons nous opposer de concert au projet de loi. Bien que le projet de loi semble sur papier avoir pour objectif de renforcer les peines infligées aux auteurs de crimes perpétrés contre des femmes enceintes, il risque d'avoir de lourdes conséquences sur le droit à l'avortement. Nous devons défendre les droits génésiques des femmes et protéger le principe selon lequel chaque femme a le droit de prendre des décisions, libre de toute ingérence et de tout jugement, concernant son propre corps.
Nous ne devons pas oublier les luttes et les sacrifices de nos mères, de nos sœurs et d'innombrables personnes courageuses qui se sont battues sans relâche jusqu'à la dépénalisation de l'avortement, en 1988. Alors même que nous progressons, certains cherchent à revenir en arrière et à éroder les acquis.
Je tiens à être très claire: les droits des femmes ne sont pas négociables, et l'avortement fait partie des soins de santé. De ce côté-ci de la Chambre, nous ne permettrons pas aux victoires durement acquises par le passé d'être effacées. Les Canadiennes méritent mieux que cela. Je voterai contre le projet de loi et j'exhorte mes collègues à faire de même.