Madame la Présidente, après le marathon de votes qui a duré 30 heures dans cette enceinte, vendredi, et après une pause de seulement 14 heures, environ, j'ai participé à un événement organisé par les organismes Canadian Women for Women in Afghanistan et University Women Helping Afghan Women afin de souligner la Journée internationale des droits de la personne. L'événement était associé aux 16 jours d'activisme contre la violence faite aux femmes. Lors de cet événement, quatre Afghanes accomplies, nouvellement arrivées à Ottawa, ont parlé de leur expérience sous les deux régimes talibans.
Il y a quelques semaines, j'ai été l'hôte d'une réunion à Ottawa où plus de 60 leaders de la communauté canado-afghane ont participé pour parler de leurs enjeux, au Canada et en Afghanistan. Par ailleurs, je communique régulièrement avec Shahr Hazara, de l'organisme One Afghan Woman Foundation, Tahir Shaaran, du Canadian Hazara Advocacy Group, des leaders communautaires comme Amin Karimi, entre autres, qui braquent les projecteurs sur les défis que doit relever la communauté hazara en Afghanistan. J'ai aussi participé à une collecte de fonds organisée par Madina Mashkoori et son équipe de l'Afghan Student Association, pour aider les victimes du séisme en Afghanistan.
Les actions des talibans infligent d'énormes souffrances au peuple afghan, compromettent les droits fondamentaux de la personne et perpétuent un règne de terreur. Je vais d'abord parler du système abject de discrimination fondée sur le sexe des talibans. Sous ce régime, les femmes sont soumises à une oppression inimaginable, en plus d'être privées des droits les plus fondamentaux que chaque être humain mérite. Elles n'ont pas accès à l'éducation, à un emploi et au droit de faire des choix concernant leur propre vie.
L'interprétation draconienne que les talibans font de la charia relègue systématiquement les femmes au rang de citoyennes de deuxième classe, ce qui étouffe leur potentiel et les condamne à une vie de servitude. Cette discrimination flagrante fondée sur le sexe est une grave violation des droits de la personne et un affront aux principes d'égalité et de dignité.
De plus, la violence systémique des talibans envers les communautés minoritaires est répréhensible. Les minorités ethniques et religieuses en Afghanistan font l'objet de persécutions ciblées, de discrimination et d'attaques brutales aux mains des talibans. Leurs droits fondamentaux sont bafoués et leur existence même est menacée par le programme d'oppression et de marginalisation des talibans. Ce mépris flagrant des droits des minorités est complètement inacceptable et doit être condamné avec véhémence.
Je parlerai de la communauté hazara dans un instant. Les représailles exercées contre les anciens membres des Forces de défense et de sécurité nationales afghanes illustrent une fois de plus le mépris des talibans pour les droits de la personne et la primauté du droit. Des Afghans qui se sont battus pour défendre leur pays et sa population font maintenant l'objet de représailles et de violence uniquement pour avoir été au service de leur pays. Trahir ceux qui ont défendu leur pays est un acte méprisable qui doit être dénoncé.
Ce qui est tout aussi préoccupant, ce sont les atteintes des talibans à la liberté de la presse. Les journalistes et les membres des médias sont pris pour cible et réduits au silence afin d'empêcher la vérité de sortir et l'information d'être diffusée. La liberté de la presse est la clé de voûte de la démocratie et les tentatives des talibans visant à museler celle-ci sont une atteinte directe aux principes de transparence, de reddition de comptes et du droit à l'information.
Face à ces atteintes flagrantes aux droits de la personne et à la primauté du droit, je suis fermement convaincu que les talibans doivent continuer d'être reconnus comme une organisation terroriste. Leurs antécédents de violence et de répression envers des civils innocents sont impardonnables et doivent être dénoncés. Légitimer ou banaliser leur emprise reviendrait à trahir notre engagement à faire respecter les droits universels de la personne et enverrait le mauvais message aux régimes oppressifs du monde entier.
Il est impératif que la communauté internationale soit solidaire contre le régime oppressif des talibans. Nous devons utiliser tous les moyens diplomatiques, économiques et humanitaires à notre disposition pour soutenir le peuple afghan, en particulier les femmes, les minorités et ceux qui ont risqué leur vie pour la paix et la stabilité. Nous devons continuer d'exercer des pressions sur les talibans pour qu'ils respectent les droits de la personne et la primauté du droit et qu'ils engagent un dialogue constructif afin que l'Afghanistan devienne un pays pacifique et inclusif.
La persécution de la communauté hazara en Afghanistan constitue un chapitre tragique et persistant de l'histoire tumultueuse de ce pays. Les Hazaras, une minorité ethnique, sont victimes de discrimination, de violence et de persécution sans relâche depuis des décennies. Leurs traits distincts et leurs croyances musulmanes chiites en ont fait une cible pour des groupes extrémistes comme les talibans. Malheureusement, la communauté hazara a subi le gros des attaques ciblées, y compris des bombardements, des enlèvements et des massacres. Ces atrocités ont coûté la vie à d'innombrables innocents et elles ont causé des souffrances et des craintes incommensurables au sein de la population hazara. Malgré leur résilience et leur contribution à la société afghane, les Hazaras continuent d'être marginalisés et victimes de discrimination systémique. Leur sort exige une attention urgente de la part de la communauté internationale afin de protéger leurs droits, d'assurer leur protection et de tenir responsables de leurs actes les auteurs de violence contre les Hazaras. Le maintien de la dignité et de la sécurité de la communauté hazara n'est pas seulement un enjeu afghan, mais un appel universel à la justice et aux droits de la personne pour toutes les minorités vulnérables.
Les membres de la communauté hazara du Canada ont souligné la persécution constante et les attaques violentes qui sont le fait des talibans, de l'État islamique au Khorassan et de groupes locaux en Afghanistan. Entre 2016 et le milieu de 2021, il y a eu 12 attaques majeures qui ont fait 1 868 victimes. Depuis la prise de contrôle par les talibans, il y a eu 19 attaques majeures qui ont fait 1 225 victimes. Des sites religieux, des services de transport en commun, des établissements d'enseignement et des clubs sportifs appartenant à la communauté hazara ont été ciblés. Des attentats aveugles ont instauré un climat de peur et d'insécurité, et ils n'ont mené à aucune enquête ni à aucune reddition de comptes. Plus de 100 personnes, dont des femmes et des filles, ont été victimes d'assassinats ciblés. Les tribunaux des talibans ont ordonné aux Hazaras de renoncer à leurs terres et à leurs propriétés. Par conséquent, cette communauté est déplacée, appauvrie et dépossédée de ses terres ancestrales.
Les Hazaras sont expulsés en bloc ou exclus de toutes sortes d'entreprises et de structures de marché. Ils ont été systématiquement démis de leurs fonctions gouvernementales à l'échelle provinciale. Des juges, des procureurs et des fonctionnaires hazaras ont été évincés de postes clés. La représentation hazara parmi les dirigeants locaux a chuté, passant de 68 % à presque 0 %.
Depuis que le régime taliban est au pouvoir en Afghanistan, la situation des femmes et des filles a considérablement empiré; elles subissent une profonde oppression, et leurs droits fondamentaux sont limités. Les progrès qui avaient été réalisés au fil des ans au chapitre de l'éducation, des débouchés professionnels et de la participation à la société ont été brutalement éliminés. L'éducation des filles, ce symbole d'espoir et de progrès, a été réduite à la portion congrue. Il est désormais interdit à la plupart des filles d'aller à l'école après un certain âge, ce qui les empêche d'acquérir des connaissances et de réaliser leur plein potentiel. L'accès des femmes à l'emploi et à la vie publique est terriblement restreint: elles peuvent difficilement travailler, se déplacer et jouer un rôle dans la société.
Leur voix, qui se faisait autrefois de plus en plus entendre, a été étouffée par l'imposition de contraintes extrêmes à la liberté d'expression et à la participation. La façon dont la charia est interprétée par les talibans impose un régime rétrograde et patriarcal qui confine les femmes et les filles à des rôles traditionnels, les privant ainsi de leur autonomie et de tout pouvoir.
Il est impératif de faire la lumière sur ces violations des droits de la personne et de militer pour le rétablissement des libertés fondamentales et des possibilités pour les femmes et les filles afghanes. Le monde entier doit se préoccuper de leur sort et mener des efforts concertés pour qu'elles retrouvent leurs droits et leur dignité.
La communauté internationale doit se mobiliser pour protéger les droits des femmes et des filles en Afghanistan. Cela suppose d'accorder la priorité à l'aide humanitaire pour assurer l'accès à l'éducation, aux soins de santé et aux services de protection. Des pressions diplomatiques devraient être exercées pour obliger les talibans à respecter les droits des femmes et exiger leur inclusion dans les processus décisionnels. Les efforts de collaboration avec les organisations et les militants locaux sont essentiels pour soutenir et amplifier les voix qui militent en faveur de l'égalité des sexes. De plus, il est essentiel d'offrir l'asile et des possibilités de réinstallation aux femmes et aux filles vulnérables afin d'assurer leur sécurité et de leur donner la chance de vivre à l'abri de l'oppression.
Pour délégitimer le régime taliban en Afghanistan, il faut pratiquer l'isolement diplomatique, refuser de reconnaître ce régime et imposer des sanctions ciblées. En révélant au monde entier les violations des droits de la personne qui sont commises par ce régime et en appuyant les mouvements populaires, on pourra renforcer l'opposition. En fournissant une aide directement aux populations afghanes, de manière à ce qu'elles échappent au contrôle des talibans, on fait preuve de solidarité tout en discréditant le régime en place.
Permettre aux voix afghanes de se faire entendre sur les tribunes internationales et entretenir une alliance avec les régions avoisinantes pour condamner collectivement les actes des talibans sont des démarches cruciales. En mettant l'accent sur la disparité entre les promesses et la réalité oppressive, la communauté internationale peut éroder la légitimité de leur régime.
Nous sommes à un moment décisif de l'histoire. Nous sommes témoins d'une transformation du paysage géopolitique, une transition vers un monde multipolaire où l'hémisphère sud émerge en tant que puissance majeure, ce qui change la dynamique du pouvoir mondial. Cette évolution a des implications profondes pour les relations internationales, l'Afghanistan servant d'exemple pertinent au sein de ce paradigme en évolution.
Les structures de pouvoir traditionnelles qui définissaient naguère l'ordre mondial effectuent un virage fondamental. La dominance des puissances occidentales, en particulier pour ce qui est de façonner le discours économique, politique et relatif à la sécurité, est remise en question. Des pays de partout dans l'hémisphère sud deviennent des acteurs influents qui contribuant à l'avènement d'un monde multipolaire plus équilibré.
L'essor de l'hémisphère sud est attribuable à plusieurs facteurs. La croissance économique et les progrès technologiques de pays tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil ajoutent considérablement à leur influence croissante sur la scène internationale. De plus, les efforts collectifs des pays de l'hémisphère sud en vue de renforcer la coopération régionale et d'affirmer leurs intérêts sur les tribunes internationales leur donnent davantage de poids lorsque vient le temps de définir les priorités mondiales.
Dans un contexte géopolitique en transformation, l'Afghanistan occupe une position névralgique. Sa situation stratégique au carrefour de l'Asie centrale, du Moyen‑Orient et de l'Asie du Sud polarise l'attention du monde entier. L'importance historique de l'Afghanistan en tant que champ de bataille pour des intérêts divergents, conjuguée à ses ressources naturelles, en a fait un échiquier géopolitique pour les puissances mondiales.
Les événements récents en Afghanistan, en particulier le retrait des troupes occidentales et la prise de pouvoir des talibans qui s'en est suivie, ont ajouté une nouvelle dimension à ce paysage géopolitique en mutation. La situation en Afghanistan est un microcosme de l'évolution de la dynamique des pouvoirs qui illustre les complexités et les défis que suppose un monde multipolaire.
Le retour des talibans et leur prise du pouvoir ont suscité des préoccupations partout dans le monde, non seulement au sujet des droits et du bien-être des Afghans, mais aussi de la stabilité dans cette région. La manière dont la communauté internationale communiquera avec les talibans et dont elle abordera l'avenir de l'Afghanistan aura une profonde incidence sur la trajectoire de ce monde multipolaire. De plus, la place de l'Afghanistan dans l'ordre géopolitique en évolution ramène à l'avant-plan le rôle des acteurs régionaux. Des pays de la région, dont le Pakistan, l'Iran, la Chine et la Russie, ont des intérêts dans la stabilité et la sécurité de l'Afghanistan. Leur engagement et leur coopération dans l'édification de l'avenir de l'Afghanistan vont influer sur la dynamique géopolitique dans la région et au-delà.
La détermination des pays du Sud à façonner le discours mondial exige une approche plus inclusive et diversifiée à l'égard des relations internationales. Elle suppose la reconnaissance des voix et des intérêts des divers pays, préférant la coopération à l'unilatéralisme et favorisant une compréhension et un respect mutuels entre des nations aux parcours culturels, politiques et économiques différents.
En conclusion, la situation géopolitique en évolution qui mène à un monde multipolaire est une réalité qui nécessite un examen approfondi et un engagement stratégique. La position de l'Afghanistan dans cette transformation mondiale met en lumière les complexités et les enjeux inhérents à cette transformation. Alors que nous évoluons dans cette nouvelle ère, il est impératif que la communauté internationale embrasse la diversité, qu'elle favorise un dialogue inclusif et qu'elle collabore afin de relever les défis mondiaux tout en respectant la souveraineté et les aspirations de tous les pays.