Madame la Présidente, je suis heureux d’avoir l’occasion d’appuyer cet important projet de loi qui est parrainé par mon collègue, le député de Calgary Forest Lawn.
Le projet de loi S‑245 est une étape clé pour assurer l’inclusion des Canadiens en tant que citoyens qui sont tombés entre les mailles du filet en raison d’une lacune dans la législation. Ce groupe, que l’on appelle communément les Canadiens dépossédés de leur citoyenneté, est en fait un groupe dont j'ai presque fait partie, et je pense donc que je suis l'un des seuls à pouvoir parler de cette question de première main.
Je voudrais remercier mes collègues pour leur travail dans ce dossier. Cette question a été défendue par de nombreuses personnes au fil des ans, non seulement par des politiciens, mais aussi par des défenseurs des personnes et des familles touchées. La plupart des Canadiens ignorent complètement qu’il s’agit même d’un problème, à part ceux qui ont été directement touchés par cette problématique. Quand je parle de ce sujet à mes amis, ils me regardent étrangement, comme s’ils n’avaient aucune idée de ce dont je parle.
Je suis très reconnaissant des efforts qui ont été déployés dans le domaine politique pour combler cet écart et pour que tout soit fait pour que plus aucun Canadien ne passe entre les mailles du filet et ne perde sa citoyenneté à l’avenir.
L’identité canadienne est une identité qui comporte de nombreuses implications et connotations, et presque toutes sont extrêmement positives. Le Canada est connu dans le monde entier pour beaucoup de choses, et l’une des choses les plus courantes est la gentillesse de nos citoyens et notre volonté de venir en aide à ceux qui en ont besoin. Cela me rend fier d’être Canadien, et je crois fermement que ma citoyenneté canadienne est devenue un élément très formateur de qui je suis en tant que personne et de la façon dont je perçois ma communauté et ceux qui m'entourent.
Les citoyens canadiens ont des droits et des responsabilités qui remontent à plus de 800 ans, à la signature de la Magna Carta en 1215, en Angleterre, et ce sont les suivants: la liberté de conscience et de religion; la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse et des autres moyens de communication; la liberté d'assemblée pacifique; et la liberté d’association. Ces droits auxquels tout citoyen canadien a droit sont des facteurs clés lorsqu’on examine ce qui englobe exactement l'identité canadienne.
En tant que citoyen, je sais que je suis protégé par l’État de droit dans ce merveilleux pays, et cela me donne un sentiment de sécurité et de paix d’esprit dans ma vie quotidienne. Pour beaucoup de Canadiens laissés derrière en raison de lacunes comme celles que le projet de loi S‑245 propose de régler, cette sécurité n'est peut-être pas acquise, et beaucoup l'ignoreraient jusqu'au moment de renouveler leur passeport ou toute autre pièce d'identité fédérale.
Imaginons une personne qui toute sa vie était persuadée d'être citoyenne canadienne, puis qui découvre après de nombreuses années qu'elle ne l'est pas ou que sa citoyenneté lui a été retirée sans qu'elle en soit responsable. Je sais que je serais catastrophé d'apprendre que le seul pays dont je croyais être citoyen ne me reconnaît pas comme tel, et ce même si j'y ai fait toute ma carrière, payé des impôts et participé à des activités qui forment le tissu même de l'identité canadienne. C'est précisément ce qui est arrivé à ces Canadiens dépossédés de leur citoyenneté qui, à cause d'une lacune dans la loi, n'ont pas été inclus dans les modifications apportées pour tenter de corriger cette anomalie.
En 1977, selon la nouvelle Loi sur la citoyenneté, les enfants nés à l'étranger le 14 février 1977 ou après obtenaient la citoyenneté canadienne si l'un des deux parents était citoyen canadien, peu importe son état matrimonial. Toutefois, si un parent canadien était lui aussi né à l'étranger, son enfant avait jusqu'à l'âge de 28 ans pour demander de conserver sa citoyenneté canadienne. Sinon, il perdait sa citoyenneté.
L'article 8 de la Loi sur la citoyenneté prévoit ce qui suit:
La personne qui, née à l’étranger après le 14 février 1977, possède la citoyenneté en raison de la qualité de citoyen reconnue, à sa naissance, à son père ou sa mère au titre de l’alinéa 3(1)b) ou e), la perd à l’âge de vingt-huit ans sauf si:
a) d’une part, elle demande à conserver sa citoyenneté;
b) d’autre part, elle se fait immatriculer comme citoyen et soit réside au Canada depuis un an à la date de la demande, soit démontre qu’elle a conservé avec le Canada des liens manifestes.
Après avoir été adoptée, cette loi semble être tombée dans l'oubli. Le gouvernement n'a effectué aucun suivi. Par ailleurs, aucune procédure ou directive n'a été fournie sur ce qu'une personne doit faire pour réaffirmer sa citoyenneté canadienne. Il n'existe aucun formulaire. En fait, les personnes dans cette situation n'ont jamais été informées de l'exigence à satisfaire pour conserver leur citoyenneté canadienne. C'est un oubli majeur qui a eu pour conséquence que de nombreux Canadiens ont été privés de leur citoyenneté à leur insu.
J'ai failli être l'un de ces Canadiens. Je serai éternellement reconnaissant envers mon père d'avoir découvert cet oubli et d'avoir communiqué avec moi pour que je ne perde pas mon statut de citoyen canadien.
Encore une fois, je ne peux pas imaginer la consternation que j’aurais ressentie si ce n'est qu'après avoir essayé d’obtenir ou de renouveler mon passeport que j'avais réalisé que je n’étais plus considéré comme un citoyen du seul pays que j'ai jamais connu. J’ai eu de la chance de naître avant les dates fixées par cette disposition législative supplémentaire, mais cela n'a pas été le cas, et de loin, pour toutes les personnes qui se sont retrouvées dans la même situation. Il faut régler le problème dès que possible.
Si je voulais parler de ce projet de loi, c’est notamment parce que je me rappelle ce que j’ai vécu en 1977, lorsque j'ai pris conscience du problème. Pourtant, mon expérience n'a rien de comparable avec les luttes qu'ont dû livrer la majorité des Canadiens apatrides.
Lorsque j’ai entendu parler de cette disposition législative pour la première fois, en 1977, j’étais un jeune étudiant à l’Université de Waterloo. On m'a dit que je pourrais perdre ma citoyenneté si je ne remplissais pas toutes sortes de formalités administratives et que je ne fournissais pas certains documents afin de corriger la situation. J'étais un jeune homme qui ne comprenait rien à la politique, aux lois ou aux démarches de ce type, alors tout cela m'a vraiment viré à l'envers, d’autant plus que j’étais plus préoccupé par l’obtention de mon diplôme. C'est ainsi que j’ai commencé à me demander ce qui se passait et pourquoi. C’était très dérangeant.
Je suis né en Angleterre de deux parents canadiens qui avaient été affectés à l’étranger. Mon père était au service de notre pays comme militaire, alors ma mère était bien sûr allée avec lui au Royaume‑Uni. Cela ne semble probablement pas être un gros problème. Les gens qui entendent une telle chose disent que quelqu’un né de deux parents canadiens devrait d'office avoir leur citoyenneté.
Le problème, c'est que mon père était né en Inde de deux parents canadiens. Par conséquent, lorsque la loi a été changée en 1977, j'ai paniqué parce que je pouvais être considéré comme un Canadien de deuxième génération, selon la façon dont on l'interprétait. J'étais terrifié à l'idée de ce que j’avais à faire et des démarches que je devais entreprendre pour démêler la situation. J’ai dû affronter un appareil bureaucratique que je ne comprenais pas et que je n'avais ni le temps ni l'envie d'apprendre à connaître. Je n’avais aucune idée d’où aller ni d'à qui parler, et il n’y avait pas d’information facilement accessible pour m'aider à m'en sortir et à déterminer dans quelle mesure j'étais concerné.
Je ne me suis jamais fait dire par un fonctionnaire que je n'avais pas à faire cela. Selon ma façon de voir les choses, à partir de 1977, le gouvernement du Canada avait déterminé que je devais, avant l'âge de 28 ans, établir si j'allais réaffirmer ma citoyenneté canadienne. Si j'avais oublié de faire cela, j'aurais pu me retrouver sans citoyenneté. Malheureusement, bon nombre de Canadiens se sont retrouvés dans la même situation. Par ailleurs, j'étais à l'université, loin de mes parents, et je devais être conscient que j'étais né avant les dates proposées, ce qui n'était pas le cas à ce moment-là. Des Canadiens ont été privés de leur citoyenneté sans même le savoir, probablement parce qu'ils n'ont entendu parler de ces dispositions législatives que bien après leur adoption, au moment de présenter une demande de passeport.
Je sais que je ne peux pas utiliser d'accessoires à la Chambre, mais j'ai sur moi une carte de citoyenneté que je garde dans mon portefeuille depuis 40 ans et que j'aimerais lire. Sur la carte, il y a ma photo, et on peut voir que j'avais bel et bien des cheveux. Il y a aussi un numéro, et on indique mon âge, ma taille, mon sexe et la couleur de mes yeux. Au verso, il est écrit « Certificat de citoyenneté canadienne », il y a mon nom et il est écrit ceci:
Ce certificat atteste que [...] est citoyen canadien aux termes de la Loi sur la citoyenneté et, à ce titre, jouit de tous les droits et privilèges et est assujetti(e) à tous les devoirs et responsabilités d'un citoyen canadien.
Si j'en parle, c'est parce que j'ai déjà eu besoin de cette carte, et mes frères n'ont pas les leurs. Ils n'ont jamais été obligés de l'avoir. Il y a beaucoup de Canadiens privés de leur citoyenneté qui n'ont pas leur carte parce qu'ils n'ont jamais eu même l'occasion de l'obtenir.
C'est une situation très malheureuse et c'est la raison pour laquelle le projet de loi est tellement nécessaire. Nous devons reconnaître ces Canadiens et leur rendre la citoyenneté qu'ils méritent et à laquelle ils ont droit. La période couverte par le projet de loi est d'environ 50 mois. Les personnes touchées doivent comprendre qu'ils peuvent compter sur le fait qu'ils sont des citoyens canadiens respectés, malgré cette lacune dans la législation.