Madame la Présidente, il n'est pas facile de prendre la parole après le discours incroyable que nous venons d'entendre de la part du député de Cariboo—Prince George, mais je vais essayer.
Je suis évidemment ici ce soir pour parler du projet de loi C‑62 et de la catastrophe que le Parlement a lui-même causée en adoptant l'élargissement radical de l'aide médicale à mourir légale pour inclure les personnes dont le seul problème de santé invoqué est une maladie mentale.
Je rappelle aux députés et aux gens de ma circonscription que j'ai appuyé et que j'appuie toujours les principes du projet de loi de 2016, qui était une réponse nécessaire à une décision de 2015 de la Cour suprême, qui invalidait l'interdiction touchant l'aide médicale à mourir. Ce projet de loi n'était pas parfait, mais il constituait une réponse raisonnable à la décision de la Cour suprême, et il était certainement préférable au chaos total qui aurait régné s'il n'y avait pas eu de loi du tout.
Je crois que les gens qui vivent des souffrances intolérables en raison d'une maladie incurable sans espoir de guérison ou d'amélioration de leur condition et qui se dirigent inexorablement vers une mort certaine devraient pouvoir accéder à l'aide médicale à mourir dans la mesure où ils n'y sont pas forcés, où ils se font proposer des soins palliatifs appropriés, où ils ne se font pas offrir l'aide médicale à mourir à la place de traitements et, surtout, où le patient est un adulte mentalement capable.
L'un des critères énoncés dans la loi originale de 2016 était la mort raisonnablement prévisible du demandeur. Cette disposition posait problème dès le départ. Elle a été contestée devant les tribunaux, puis invalidée par la Cour supérieure du Québec. L'affaire Truchon a amené les libéraux à prendre une décision. Depuis lors, le gouvernement n'a pris que de mauvaises décisions.
La première chose que les libéraux auraient pu faire, mais qu'ils n'ont pas faite, c'est de défendre la loi actuelle en faisant appel de la décision Truchon devant la Cour suprême. S'ils croyaient que leur loi de 2016 était conforme à la Charte, comme ils l'ont prétendu lors du débat de 2016, ils auraient dû intervenir pour la défendre. Leur première erreur a été de ne pas le faire.
La deuxième erreur, c'est que le ministre de la Justice de l'époque était si pressé d'élargir la portée de la loi que les libéraux ont profité de l'affaire Truchon pour élargir l'accès à l'aide médicale à mourir en présentant le projet de loi C‑7 à l'automne 2020. C'est la deuxième erreur qu'ils ont faite.
Comme je l'ai déjà dit, je suis favorable à l'aide médicale à mourir pour les adultes compétents qui sont gravement et irrémédiablement malades et qui souffrent cruellement de douleurs et d'angoisse intolérables aux derniers stades d'une maladie en phase terminale. J'ai toujours dit que j'appuierai l'accès légal à l'aide médicale à mourir si les conditions importantes suivantes étaient respectées: l'accès à des soins palliatifs de qualité à titre d'option; des mesures de sauvegarde solides pour les personnes vulnérables, en particulier les mineurs, les personnes handicapées et les personnes atteintes de maladie mentale; la liberté de conscience des praticiens qui s'opposent à l'aide médicale à mourir; et la décision d'étendre l'admissibilité à l'aide médicale à mourir doit être mûrement réfléchie et soigneusement étudiée, sans être précipitée.
Pour ces raisons, j'ai voté en faveur du renvoi du projet de loi C‑7 au comité, mais j'ai voté contre le projet de loi à l'étape de la troisième lecture parce qu'il ne remplissait pas au moins deux, voire trois, des quatre conditions requises pour que je l'appuie. J'ai conclu que l'accès aux soins palliatifs n'était pas suffisant au Canada. J'ai également été alarmée par les lacunes présentes dans ce qui devrait être les mesures de protection des Canadiens vulnérables, comme ma propre famille l'a vécu. J'étais d'avis, même avant l'amendement du Sénat, que le projet de loi C‑7 était boiteux et ne méritait pas d'être appuyé.
Puis, la Chambre a pris une terrible décision en adoptant l'amendement présenté par le Sénat. Tous mes collègues conservateurs s'y sont opposés à juste titre, car ils savaient alors que les professionnels de la santé sont incapables de déterminer le caractère irrémédiable de la maladie mentale d'une personne alors qu'il s'agit littéralement d'une question de vie ou de mort. Les conservateurs se sont opposés à cet amendement, mais il a néanmoins été adopté et cette prolongation, qui n'était pas nécessaire pour se conformer à la moindre décision d'un tribunal, est entrée en vigueur l'an dernier. Le gouvernement devait présenter une mesure législative d'urgence l'an dernier afin de laisser au système médical plus de temps pour se préparer à cet énorme changement. Voilà une autre erreur qu'il a commise.
Les libéraux auraient pu profiter de l’occasion pour régler cette question une fois pour toutes en supprimant simplement cette partie de ce qui était alors le projet de loi C‑7. Cependant, ils ne l’ont pas fait et nous voici, une autre année plus tard, et le pays n’est pas plus prêt pour cet élargissement qu’il ne l’était à la même époque l’an dernier. Nous voici encore une fois pris de panique à la dernière minute pour remettre cette question à plus tard, après les prochaines élections; voilà pour la deuxième erreur.
Les libéraux auraient pu déposer un projet de loi pour retirer cette partie du projet de loi adopté en 2021, mais ils ont choisi de ne pas le faire, se réfugiant derrière le fait que le prochain gouvernement devra s’en occuper. Cependant, la bonne nouvelle, c’est qu’un gouvernement conservateur — qui sera sûrement formé après les prochaines élections — n’élargira pas de façon irresponsable l’admissibilité à l’aide médicale à mourir aux Canadiens vulnérables dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.
L’aide médicale à mourir a été prévue pour les personnes qui ne peuvent pas guérir, qui n’ont aucune raison de se rétablir parce qu’elles sont dans un état irréversible et terminal. L’aide médicale à mourir s’adresse aux personnes capables de prendre une décision rationnelle, et non à celles qui seraient portées à y recourir en raison de pensées suicidaires.
Le fait qu'il soit impossible de créer un régime qui pourrait établir quelle aide médicale à mourir est appropriée pour les personnes qui sont atteintes d'une maladie mentale, mais qui sont autrement en bonne santé et non pas en phase terminale, m’a semblé logique, mais je ne suis évidemment pas un professionnel de la santé. Cependant, je peux également souligner le message clair envoyé par le comité mixte qui a étudié la question. Sa recommandation au Parlement était très simple: ne le faites pas. C'est la plus courte liste de recommandations que j'ai jamais lue dans un rapport parlementaire. On disait simplement: ne le faites pas. C'était une recommandation fondée sur des mois et des mois de témoignages d'experts.
Je recommande au gouvernement d'écouter le comité et de rayer cette disposition du projet de loi qui a été adopté. Il y a exactement un an, les libéraux auraient pu le faire, mais ils ont attendu jusqu'à cette année, et rien n'a changé. Nous nous retrouvons dans une situation où 80 % des membres de l’Association des Psychiatres de l'Ontario ne croient pas que le Canada est en mesure d'instaurer l’aide médicale à mourir en toute sécurité pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. On ne fait que repousser tout cela de quelques années.
J'aimerais citer à la Chambre une résidante de ma circonscription que j'ai rencontrée en novembre. Dans une lettre qu'elle m'a adressée et que j'ai reçue avant de la rencontrer, elle disait ceci: « Il y a vingt-trois ans, à l'âge de dix-neuf ans […] j'ai pris la décision désespérée d'essayer d'échapper à ce qui me semblait être un monde sinistre […] Alors que je suivais un cours en pharmacologie, j'ai calculé la quantité de poison nécessaire pour arrêter le cœur d'un homme adulte, je l'ai multipliée par trois et j'ai décidé de l'ingérer […] Je ressentais de la compassion pour la souffrance des autres ainsi que le poids des nouvelles incessantes et terribles […] même si j’avais auparavant la capacité de faire face à cela, l’ingestion d’un seul comprimé qui m’avait été imposé par un médecin bien intentionné m’a involontairement fait sombrer dans le désespoir. »
Ce qu'elle m'a dit plus tard, c'est que, en raison de l'effet secondaire du médicament qu'on lui avait prescrit, elle était immédiatement devenue suicidaire et que les professionnels qui l'ont soignée ont décrit sa survie comme miraculeuse.
Elle est maintenant une épouse et une mère et mène une vie productive et enrichissante. Elle est convaincue que si elle avait eu accès à l'aide médicale à mourir plus tôt dans sa vie, elle l'aurait demandée et elle l'aurait peut-être obtenue. Elle m'a dit que les souffrances qu'elle a endurées auraient bien pu avoir été considérées comme irrémédiables et que, par conséquent, elle aurait été admissible.
Le gouvernement n'a donc pas réussi à défendre sa loi originale. Il n'a pas axé la nouvelle loi sur les contraintes étroites de la décision Truchon. Il s'est servi de la décision Truchon au Québec pour justifier un élargissement irresponsable de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Lorsqu'il est devenu évident que le gouvernement avait commis une erreur, ses députés ont tergiversé au lieu d'agir de façon décisive, et ils tergiversent maintenant en repoussant la décision de deux ans. Ce n'est pas du leadership. Il s'agit d'un enthousiasme bizarre à l'égard de l'élargissement le plus radical possible de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, qui est maintenant devenu incontrôlable.
Je suis donc en faveur de l'adoption rapide du projet de loi. Étant donné le débat approfondi qui a déjà eu lieu, j'étais prêt à laisser le projet de loi être adopté à l'unanimité, mais voilà où nous en sommes. J'ai eu l'occasion de faire part de certaines de mes réflexions, et je serai heureux de répondre aux questions.